PARABOLES TERMINALES
" Il n'est point pour l'homme de fruits réels que ceux qui croissent de son propre fonds ", dit Lodoïk, comte de Divonne. Le Ciel nous donne la graine; pour qu'elle grandisse, il faut du temps et des efforts, parce que, dans la Nature, tout est soumis à la loi du temps, parce que rien n'y est indépendant. Une faculté psychique a besoin d'une base, d'un sol pour y prendre racine. Si, par exemple, la bonté croît en nous, son exercice implique de la prudence, du tact, de l'ingéniosité, des qualités mentales, de la force musculaire, de l'empire sur soi-même, sans quoi nous manquerions de l'énergie nécessaire pour les actes de charité, et la vertu s'étiolerait en nous.
Accomplissant notre tâche quotidienne, nous n'avons qu'à attendre avec confiance les résultats de la culture mystique. Les premiers pourront paraître bien insignifiants au regard de la raison; le Ciel aura soin de Son oeuvre.
De même qu'un peu de levain fait lever trois mesures de farine, de même la Lumière agit aussi bien sur notre esprit que sur notre vitalité, que sur notre corps; mais son opéra-tion est tellement subtile que nous ne la sentons presque jamais. Elle pénètre ainsi tous les plans du monde, bien qu'elle soit cachée. C'est ce que les théologiens ont compris partielle-ment lorsqu'ils expliquent que la femme de l'Évangile, c'est l'Église qui cache dans les trois grandes familles humaines le levain de sa doctrine (dom Guéranger).
Ces enseignements, qui paraissent, à ceux qui peuvent les entendre, si simples, les anciens Sages ne les connaissaient pas. Ils n'avaient bas la notion de la présence divine. active et
réelle; ils la concevaient comme un fleuve de force fluidique, comme un souffle descendu des hauts sommets du monde dont les habitants splendides envoyaient aux enfants de la Terre, de temps à autre, un influx vivifiant. Mais le chemin qui mène à l'Absolu n'était pas encore tracé, à leur époque; et ils ne pouvaient apercevoir, dans le drame cosmique, que le jeu balancé des interéchanges naturels.
Le cultivateur trouve, sans le chercher, au cours de son labeur quotidien, le trésor céleste. Le marchand, lui, cherche, et ce n'est qu'une perle qu'il trouve, quoiqu'elle soit de grand prix. Le Royaume est plus à la portée des simples. Et, en effet, dès que Jésus a fait sentir en nous Sa présence, toute autre chose nous devient indifférente; on abandonne tout : amitiés, amours, richesses, sciences, célébrités, et toute la place que ces hôtes de passage occupaient dans les appartements de notre esprit devient libre; toutes les forces qu'ils employaient vont au service du Maître; toutes inquiétudes s'évanouissent; tous désirs s'unifient; toutes ignorances s'illuminent à la flamme victorieuse de l'Amour.
La parabole de la pêche est analogue à celle de l'ivraie.
Cette série de similitudes retrace tous les modes de la sollicitude divine : la distribution de la Lumière sa culture, sa croissance, la lutte de la douceur contre le mal, la propagation toute-puissante de l'Esprit, Son mystère, la béatitude qu'Il dispense, et enfin le classement des disciples. Ceux qui ont porté leurs chaînes et, en outre, aidé les autres à porter les leurs, sont admis à la liberté totale.
Quand les enfants ont été sages, le père, le soir, vide les coffrets où il range les objets précieux qu'il a collectionnés; il les leur montre petit à petit, et les instruit en les amusant; la curiosité des petits éveille leur goût, avive leur intelligence, leur indique parfois leur vocation. De même le Christ est venu nous faire admirer quelques-unes des splendeurs de Son Royaume, pour que le désir nous naisse de les voir toutes un jour, et de nous en servir, selon ce qu'Il nous a promis au nom de Son Père.
Mais il y a bien d'autres merveilles que celles décrites dans l'Évangile. Le temps viendra sûrement où nous pourrons
toutes les contempler dans la maison de Dieu. Pour en arriver là, il ne faut pas chercher directement la récompense; la compréhension que nous pouvons acquérir par nous-mêmes des mystères ne peut jamais être que partielle. Elle nous char-gerait d'un trop lourd fardeau; la tête grossirait tandis que le corps resterait chétif. Il nous faut faire notre devoir; quand nous l'aurons parachevé, le Père nous donnera l'héritage. Car notre moi tout entier, dans sa partie consciente aussi bien que dans son inconscient, ne se compose que de forces venues de la Nature; elles ne peuvent donc se nourrir que d'aliments naturels, c'est-à-dire relatifs; les sciences et les pouvoirs qui en résulteront seront, par suite, forcément incomplets, mélan-gés d'erreur. L'Esprit pur seul comporte le vrai absolu, parce qu'il ne porte aucune chaîne, ni du temps, ni de l'espace.
Attendez donc le baptême de l'Esprit et vous saurez tout et tout vous sera soumis.