CHAPITRE VI
LE COEUR FIDELE
Pendant qu'ils étaient en chemin, un scribe lui dit : " Je te suivrai partout où tu iras ". Jésus lui répondit : " Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas un lieu où reposer sa tête ". A un autre il dit : " Suis-moi ". Celui-ci répondit : " Permets-moi d'aller d'abord ensevelir mon Père ". Mais Jésus lui dit : " Laisse les morts ensevelir leurs morts; pour toi, va annoncer le règne de Dieu ". Un autre encore lui dit : " Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d'abord de prendre congé de ma famille ". A celui-là Jésus répondit : " Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière, n'est pas propre au Royaume de Dieu ".
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Le Seigneur, après cela, désigna encore soixante et dix autres disciples, et il leur donna mission de le précéder, deux par deux, dans toute ville, dans tout endroit où lui-même devait aller. Il leur disait : " Allez ! N'emportez ni bourse, ni sac, ni chaussures, et en chemin ne saluez personne. Demeurez là où l'on vous recevra, mangeant et buvant ce qui s'y trouvera, car l'ouvrier est digne de son salaire. Ne passez pas d'une maison dans une autre maison. Dans toute ville où vous entrerez, et où l'on vous recevra, mangez ce qui vous sera offert. Guérissez les malades qui sont dans la ville, et dites-leur : " Le règne de Dieu s'est approché de vous ". Dans toute ville où vous entrerez et où l'on ne vous recevra pas, sortez sur les places publiques et dites : " La poussière même de votre ville, qui s'est attachée à nos pieds, nous la secouons pour vous la rendre; sachez cependant ceci : Le Règne de Dieu approche ! " Je vous déclare qu'en ce jour-là, il y aura moins de rigueur pour Sodome que pour cette ville-là. Qui vous écoute, m'écoute; qui vous méprise, me méprise; or, qui me méprise, méprise celui qui m'a envoyé ".
Les soixante et dix revinrent pleins de joie; ils disaient : " Seigneur, les démons même se soumettent à nous, en ton nom ". Il leur répondit : " Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair ! Oui, je vous ai donné la puissance de fouler aux pieds des serpents et des scorpions et toutes les forces de l'Ennemi, et aucun mal ne vous arrivera. Toutefois, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis; réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux ! "
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En ce moment même, il dit dans un transport de joie venu de l'Esprit saint : " Je te bénis, ô Père, ô Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux petits enfants. Oui, Père, je te bénis de ce que tel a été ton bon plaisir ". Se tournant alors vers ses disciples : " Toutes choses m'ont été confiées par mon Père, et personne ne sait qui est le Fils, excepté le Père, et qui est le Père, excepté le Fils et celui à qui il plaît au Fils de le révéler ".
Puis il leur dit en particulier : " Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Je vous déclare, en effet, que nombre de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l'ont pas entendu. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de coeur et vous trouverez du repos pour vos âmes; car mon joug est doux et mon fardeau léger ".
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Voulant le mettre à l'épreuve, un docteur de la loi se leva et lui dit : " Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle ? " Jésus lui demanda : " Qu'est-il écrit dans la Loi ? Qu'est-ce que tu y lis ? " Le légiste lui répondit : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force, de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même ". -- " Tu as bien répondu, dit Jésus; fais cela et tu vivras ". Mais le légiste, voulant se justifier lui-même, dit à Jésus : " Qui est donc mon prochain ? " Jésus reprit alors : " Un homme descendit de Jérusalem à Jéricho; il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent et partirent, le laissant couvert de blessures et à moitié mort. Or, un prêtre descendait, par hasard, par la même route; il vit l'homme, et il passa outre. Un lévite fit de même; arrive à l'endroit, il vit, et passa outre. Mais un certain Samaritain, qui était en voyage, arriva près de l'homme et fut, en le voyant, touché de compassion; il s'approcha de lui, il banda ses plaies, âpres avoir versé de l'huile et du vin, puis il le plaça sur sa propre monture, l'amena dans une hôtellerie, et lui donna des soins. Le lendemain, il tira deux deniers, les remit à l'hôtelier, et lui dit : " Tu prendras soin de cet homme; et ce que tu dépenseras de plus, moi-même, à mon retour, je te le rembourserai ". Lequel de ces trois te parait avoir été le prochain de celui qui était tombé entre les mains des brigands ? " Le légiste répondit : " C'est celui qui a été compatissant envers lui ". Jésus lui dit alors : " Va et agis de même, toi aussi ".
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Ayant su que les pharisiens avaient ouï dire qu'il faisait plus de disciples et baptisait plus que Jean (quoiqu'il ne baptisât pas lui-même; c'étaient ses disciples qui baptisaient), le Seigneur quitta la Judée et repartit pour la Galilée. Il lui fallait alors traverser la Samarie. Il arriva donc à une ville de ce pays nommée Sychar, près de la terre que Jacob avait donnée à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Fatigué par le voyage, Jésus s'assit sur le puits; il était environ la sixième heure (midi). Survint pour puiser de l'eau une femme de la Samarie. Jésus lui dit : " Donne-moi à boire ". (Ses disciples étaient allés à la ville pour acheter des vivres). La femme samaritaine lui répondit : " Comment me demandes-tu à boire, toi qui es Juif, à moi qui suis Samaritaine ? ". (Les Juifs, en effet, n'ont point de rapports avec les Samaritains). Jésus, alors, lui adressa ces paroles : " Si tu savais le don de Dieu, et quel est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu lui ferais toi-même une telle demande, et il te donnerait de l'eau vive ". La femme lui dit : " Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où as-tu cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre Père Jacob, lequel nous a donné ce puits, et il y a bu lui-même ainsi que ses fils et ses troupeaux ? " Jésus lui répondit : " Quiconque boit de cette eau aura encore soif; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif; au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d'eau jaillissant en vie éternelle ". La femme reprit : " Seigneur, donne-moi de cette eau-là, pour que je n'aie plus soif, et que je ne vienne plus ici pour puiser ". -- " Va appeler ton mari, lui dit Jésus, et reviens ici ". La femme répondit : " Je n'ai pas de mari ". Jésus répartit : " Tu as raison de dire : Je n'ai pas de mari; car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari; en cela, tu as dit vrai ". -- " Seigneur, lui dit la femme, je vois que tu es un prophète. Nos pères ont adoré sur cette montagne-ci; et vous dites, vous, qu'à Jérusalem est le lieu où il faut adorer ". Jésus lui dit : " Femme, crois-moi, il vient une heure où ni sur cette montagne-ci, ni à Jérusalem vous n'adorerez le Père. Vous adorez, vous, ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, parce que le salut vient des Juifs. Mais il vient une heure, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité car ce sont de tels adorateurs que demande le Père; Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité ". La femme répartit : " Je sais qu'il va venir un Messie (ce mot signifie Christ). Quand il viendra, il nous apprendra tout ". Jésus lui dit : " Je le suis, moi qui te parle ".
En ce moment arrivèrent ses disciples; ils furent surpris de ce qu'il parlait à une femme. Aucun d'eux, pourtant, ne lui dit : " Que demandes-tu ? " ou : " Pourquoi t'entretiens-tu avec elle ? " Quant à celle-ci, laissant là sa cruche, elle partit pour la ville et dit aux uns et aux autres : " Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait; ne serait-ce pas le Christ ? " Ils sortirent de la ville et allèrent vers Jésus.
Dans l'intervalle, les disciples insistaient auprès de lui et disaient : " Maître, mange ". Il leur répondit : " J'ai, pour me nourrir, un aliment que vous ne connaissez pas ". Les disciples s'interrogeaient l'un l'autre : " Quelqu'un lui a-t-il apporté à manger ? " Jésus reprit : " Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, c'est d'accomplir son oeuvre. Vous dites, n'est-ce pas, qu'il y a encore quatre mois avant la moisson. Eh bien ! moi je vous dis; levez les yeux et regardez ces campagnes, elles sont blanches pour la moisson. Déjà le moissonneur reçoit son salaire et ramasse du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur se réjouisse en même temps que le moissonneur. Ici se vérifie cette parole; l'un sème et l'autre moissonne. Je vous ai envoyé moissonner là où vous n'aviez point travaillé. D'autres ont travaillé et vous, vous êtes entrés dans leur travail ".
Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en lui, d'après le témoignage porté par cette femme : " Il m'a dit tout ce que j'ai fait ". Aussi ces Samaritains vinrent-ils le prier de s'arrêter chez eux. Jésus y passa deux jours; et un bien plus grand nombre encore crurent en lui, âpres avoir écouté sa parole, et ils disaient à la femme : " Ce n'est plus sur ton récit que nous croyons, car nous l'avons entendu nous-mêmes, et nous savons qu'il est vraiment le Sauveur du monde ".
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Il y avait un homme malade, appelé Lazare, qui était de Béthanie, le village de Marie et de Marthe, sa soeur. Marie était celle qui oignit le Seigneur d'une huile parfumée, et qui lui essuya les pieds avec ses cheveux; et c'était son frère Lazare qui était malade. Les soeurs envoyèrent donc dire à Jésus : " Seigneur, voici, celui que tu aimes est malade ". Jésus, ayant entendu cela, dit : " Cette maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle ". Or, Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare. Et, lorsqu'il eut appris que celui-ci était malade, il resta encore deux jours dans le lieu où il se trouvait.
Après cela, il dit à ses disciples : " Retournons en Judée ". Les disciples lui dirent : " Maître, hier encore les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes au milieu d'eux ! " Jésus répondit : " N'y a-t-il pas douze heures dans le jour ? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne bronche point, parce qu'il voit la lumière de ce monde. Mais si quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche parce qu'il ne voit pas la lumière ". Il parla ainsi, puis il ajouta : " Lazare, notre ami, s'est endormi; mais je vais le réveiller ". Ses disciples lui dirent : " Seigneur, s'il dort, il sera guéri ". Or, Jésus avait dit cela de la mort de Lazare; mais ils crurent qu'il parlait du sommeil ordinaire. Jésus leur dit alors ouvertement : " Lazare est mort. Et je me réjouis pour vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez; mais allons auprès de lui ". Sur quoi Thomas, appelé Didyme, dit aux autres disciples : " Allons-y aussi, pour mourir avec lui ! ".
Jésus, à son arrivée, trouva qu'il y avait déjà quatre jours que Lazare était dans le tombeau. Or, Béthanie n'était éloignée de Jérusalem que d'environ quinze stades (trois kilomètres).
Plusieurs des Juifs étaient venus auprès de Marthe et Marie pour les consoler de la mort de leur frère. Quand Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au devant de lui; mais Marie était restée assise à la maison. Marthe dit à Jésus : " Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort; et maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera " Jésus lui dit : " Ton frère ressuscitera ". Marthe lui répondit : " Je sais qu'il ressuscitera, à la résurrection, au dernier jour ". Jésus lui dit : " Je suis la résurrection et la vie; celui qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? " Elle lui répondit : " Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, celui qui devait venir dans le monde ".
Quand elle eut dit ces paroles, elle s'en alla, appela en secret Marie, sa soeur, et lui dit : " Le Maître est là, et il t'appelle ". Dès que Marie eut entendu cette parole, elle se leva promptement et vint à lui. Or, Jésus n'était pas encore entré dans le village, mais il était à l'endroit ou Marthe était venue à sa rencontre. Quand les Juifs qui étaient avec Marie dans la maison et qui la consolaient, la virent se lever et sortir si promptement, ils la suivirent, croyant qu'elle allait au tombeau pour y pleurer. Mais Marie, étant arrivée à l'endroit où était Jésus, dès qu'elle le vit, se jeta à ses pieds, et lui dit : " Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort ". Lorsque Jésus vit qu'elle pleurait, et que les Juifs qui étaient venus avec elle pleuraient aussi, il frémit en son esprit et s'émut; et il dit : " Où l'avez-vous mis ? " Ils lui répondirent : " Seigneur, viens et vois ". Et Jésus pleura. Les Juifs disaient donc : " Voyez comme il l'aimait ! " Et quelques-uns d'entre eux dirent : " Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût pas ? "
Alors Jésus, frémissant de nouveau en lui-même, vint au tombeau. C'était une grotte, à l'entrée de laquelle une pierre avait été placée. Jésus dit : " Otez la pierre ". Marthe, la soeur du mort, répondit : " Seigneur, il sent déjà, car il est là depuis quatre jours ". Jésus reprit : " Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? " Ils ôtèrent donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : " Père, je te rends grâces de ce que tu m'as exaucé. Je savais bien que tu m'exauces toujours, mais je parle ainsi à cause de cette foule qui m'entoure, afin qu'elle croie que c'est toi qui m'as envoyé ". Quand il eut dit cela, il cria d'une voix forte : " Lazare, sors ! " Le mort sortit, ayant les pieds et les mains liés de bandes, et le visage enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : " Déliez-le, et laissez-le aller ".
Plusieurs des Juifs qui étaient venus auprès de Marie, et qui avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui. Mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens, et ils leur rapportèrent ce qu'avait fait Jésus.
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Alors les principaux sacrificateurs et les pharisiens réunirent le sanhédrin et dirent : " Que ferons-nous ? car cet homme opère beaucoup de miracles. Si nous le laissons faire, tout le monde croira en lui; et les Romains viendront détruire et ce lieu et notre nation ". Mais l'un d'entre eux, Caiphe, qui était souverain sacrificateur cette année-là, leur dit : " Vous n'y entendez rien; vous ne considérez pas qu'il vaut mieux pour vous qu'un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point ". Or, il ne dit pas cela de lui-même; mais, étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation; et non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu dispersés. Depuis ce jour là, ils formèrent le projet de le faire mourir.
C'est pourquoi Jésus ne se montrait plus ouvertement parmi les Juifs, mais il s'en alla dans la contrée voisine du désert, à une ville appelée Ephraïm; et il y séjourna avec ses disciples. La Pâque des Juifs était proche, et beaucoup de gens du pays montèrent à Jérusalem, avant la Pâque, pour se purifier. Ils cherchaient donc Jésus, et, se tenant dans le temple, ils se disaient les uns aux autres : " Que vous en semble ? Ne viendra-t-il pas à la fête ? " Or, les principaux sacrificateurs et les pharisiens avaient donné des ordres pour que, si quelqu'un savait ou se trouvait Jésus, il le déclarât, afin qu'on se saisit de lui.
(MATTHIEU ch. 8. v. 18 à 22; Luc ch. 9, v. 57 à 62. - Luc ch. 10, v. 1 à 12; 16 à 20. - Luc ch. 10, v. 21 à 24; MATTHIEU ch. 11. v. 25 à 30; ch. 13, v. 16, 17. - Luc ch. 10 v. 25 à 37. - JEAN ch. 4. v. 1 à 42. - JEAN ch. 11, v. 1 à 46. - JEAN ch. 11, v. 47 à 57; MATTHIEU ch. 26. v. 1 à 5; MARC ch. 14, v. 1,2; Luc ch.22, v. 1,2).