Quant à Hérode, se voyant joué par les Mages, il se mit fort en colère, et envoya tuer tous les enfants te Bethléem et des environs âgés de deux ans et au?dessous, suivant l'époque dont il s'était informé auprès des Mages. C'est alors que fut accompli ce qu' avait été dit par le prophète Jérémie en ces mots : Une voix a été entendue dans Rama, des pleurs et de longs sanglots : c'est Rachel pleurant ses enfants, et elle ne veut pas être consolée parce qu'ils ne sont plus ».
(MATTHIEU, ch. 2, v. 16 à 18 )
Pour empêcher Hérode de mener à bien ses projets criminels, un songe est envoyé aux Mages, un ange apparaît à Joseph, et la Sainte Famille s'enfuit en Egypte. Ces premières souffrances du Christ enfant étaient déjà l'effet de Son sacrifice. Il aurait pu, en effet, choisir le bonheur, la richesse, offrir aux humains le type suprême de la gloire politique et intellectuelle; au contraire, Son dessein fut de passer par les routes les plus pénibles de la pauvreté, de la douleur, de l'humiliation, de l'ingratitude, du doute; en un mot, d'assumer toutes les épreuves imaginables, pour nous faire voir comment nous devrons, le cas échéant, les subir et les surmonter.
Quant au massacre des Innocents, la légende l'a exagéré. Bethléem, avec son territoire, ne comptait que deux à trois mille habitants, et les enfants de moins de deux ans ne devaient être guère plus de vingt (1). Matthieu, continuant à citer les prophètes, puisqu'il s'adressait surtout aux Juifs, leur rappelle Jérémie à cette occasion. Le Père cherche toujours à éviter que le sang de Ses enfants ne soit répandu; mais, quand les choses arrivent à cette extrémité, c'est toujours la perversité opiniâtre des créatures qui en est responsable.
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(1) Les rites éthiopien et grec prétendent qu'il y eut 144.000 innocents (Abbé Fillion).
D'autre part, tout est relatif; et si vous avez jamais réfléchi que la vie minérale, quoique déjà miraculeuse, est au-dessous de la vie mentale, la vie du Christ, type parfait de l'homme, roi de la création, était beaucoup plus précieuse que celle même de milliers d'enfants ordinaires. Enfin, ces victimes ne furent telles que par la perte de l'existence physique; au spirituel, elles reçurent un grand avancement. Ce sont les âmes de ces petits enfants qui, plus tard, aussitôt après la mort de Jésus, revinrent dans des corps de disciples. On n'a pas à rechercher si elles furent réellement innocentes, ou si leur immolation était réellement méritée.
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Après le départ des Mages, un ange du Seigneur apparut à Joseph en songe, et lui dit; « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et fuis en Egypte ou tu resteras jusqu'à ce que je te reparle; car Hérode va rechercher l'enfant afin de le faire périr ». Cette nuit même, Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère et partit pour l'Egypte. C'était afin que fût accompli ce que le Seigneur avait dit par le prophète en ces mots : « J'ai rappelé mon fils d'Egypte ». Quand Hérode fut mort, un ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Egypte et lui dit : « Lève-toi, prends l'enfant et sa mère et retourne dans le pays d'Israël; car ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts ». Joseph, se levant donc, prit l'enfant et sa mère, et rentra dans le pays d'Israël.
(MATTHIEU ch. 2, v. 13 à 15, 19 à 21).
Quant au séjour de Jésus en Egypte, bien que certains prétendent qu'Il y reçut initiations et pouvoirs occultes; bien que Thomas Lake Harris, le voyant californien, dise que l'Enfant divin y développa, dans la quatrième dimension, Ses facultés selon les méthodes des anciens Frères de la Vie, aucun calcul ne peut prouver qu'Il quitta ce pays après plus de cinq ans de séjour (Mgr Bougaud). La dominicaine visionnaire Marie d'Agreda dit même qu'Il avait sept ans à Son départ d'Egypte. Il est donc impossible qu'Il ait jamais été initié par les prêtres de ce pays.
Les Évangiles apocryphes abondent en détails sur ce voyage; ils racontent des faits miraculeux. Et, en effet, Jésus, tout enfant qu'Il était alors, exerçait déjà Sa puissance, tout au moins dans la mesure où Son organisme physique pouvait supporter la fulgurante présence de Sa divinité.
Car le Verbe, en S'incarnant, accepta les chaînes de la matière dans tous les départements de Son être. Ses activités sociales, Ses facultés biologiques ne purent s'exercer qu'après une certaine période d'accommodation; le corps qu'Il S'était construit était formé des parties les plus pures de la substance physique. Cette sélection fut nécessaire, parce que les pouvoirs de l'Esprit sont pour la matière un feu dévorant, et une substance organique ordinaire ne pourrait les supporter; elle se volatiliserait à leur contact. Voilà pourquoi le corps du Christ fut parfait à tous points de vue, et aussi pourquoi il fallut tout de même quelques années pour en accoutumer toutes les cellules à devenir les instruments complets des forces théurgiques qui les traversaient sans cesse.
C'est cet entraînement naturel auquel Luc fait allusion en disant par deux fois : « Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce devant Dieu et devant les hommes ».
En effet, de même que les graines émettent en deux sens opposés tige et racine, de même l'homme, ou plutôt son centre vital, son coeur spirituel pousse en deux sens; vers le Ciel et vers la Terre, et l'équilibre de l'individu, sa santé totale ne se réalise que si les racines obscures s'enfoncent dans le travail et dans l'épreuve; alors les fleurs et les fruits spirituels, invisibles actuellement à nos yeux de chair, sont vivaces et nombreux.
Nous aussi, il nous faut croître devant les hommes par le travail, l'énergie, la constance, la charité, et croître devant Dieu par l'humilité, la prière et la confiance.
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Chaque année, à la fête de Pâque, ses parents allaient à Jérusalem. Ils y montèrent pour la fête comme de coutume lorsqu'il eut atteint l'âge de douze ans. Les jours consacrés à la solennité étant passés, ils s'en revinrent. Or, l'enfant Jésus était resté a Jérusalem. Ses parents ne s'en aperçurent point. Supposant qu'il était avec leurs compagnons de route, ils firent une journée de marche, le cherchant parmi ceux de leur parenté, et parmi leurs connaissances. Ne l'ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem, le cherchant toujours. Ce fut au bout de trois jours qu'ils le trouvèrent, dans le Temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Tous ceux qui l'entendaient étaient confondus de son intelligence et de ses réponses. A sa vue, ses parents furent très surpris, et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi as-tu agi de la sorte à notre égard ? Voilà que ton père et moi nous te cherchions dans une grande angoisse ». Il leur répondit : « Pour quoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je m'occupe des affaires de mon Père ? ». Ses parents ne comprirent pas cette parole qu'il leur adressa. Descendant avec eux, il retourna à Nazareth; et il leur était soumis. Sa mère conservait toutes ces choses dans son coeur; et Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.
(Luc ch. 2, v. 41 à 52).
Joseph nous est proposé comme le modèle de l'homme ordinaire, en qui les pouvoirs de l'Esprit ne se sont pas manifestés avec éclat. Il travaille pour nourrir sa famille, il obéit aux lois civiles et religieuses, il suit les indications de l'Invisible qui communique avec lui de la façon la plus commune, par le songe; il parle peu, mais il agit; et il meurt enfin dans l'obscurité, comme il a vécu.
En quittant l'Egypte, la Sainte Famille revint se fixer non en Judée, mais en Galilée, à Nazareth, accomplissant ainsi une autre prophétie. Les Juifs appelaient Nazaréens des enfants consacrés au Seigneur dès leur jeune age. Le verbe natzer en hébreu signifie; fleurir; natzir veut dire; consacré.
Et, en effet, au point de vue de l'Invisible, l'enfant consacré doit donner à Dieu sa vie, son intelligence, toutes ses facultés; et ce don lui procure en échange l'efflorescence d'une Lumière spécialisée selon l'individu et selon les besoins du moment.
Ainsi l'Enfant atteignit l'âge de douze ans; et c'est au voyage annuel que Joseph et Marie faisaient à Jérusalem pour la Pâque, qu'ils Le perdirent trois jours, et Le retrouvèrent dans le Temple enseignant les docteurs d'Israël.
Les applications symboliques de cet épisode sont faciles à déduire. Pour nous, notons que le premier acte public du Christ s'adresse aux conducteurs du peuple, aux savants, aux intellectuels, aux leaders de la politique israélite. La sagesse de l'enfant prodige n'est qu'un cas curieux pour leur scepticisme, ou leur érudition; mais cette tentative d'éclairer les classes supérieures devait être faite. Là encore, Jésus Se conformait aux idées reçues sur l'ordre social.
Cependant, Il n'a pas un mot de consolation pour Ses parents. Dans quelques autres circonstances on Le voit ainsi rétablir les distances; car, il ne faut pas l'oublier, si grands que soient les éloges que le catholicisme a prodigués aux parents de Jésus, si au-dessus du niveau ordinaire de l'humanité qu'aient été Joseph et surtout Marie, ils ne sont pas moins très en arrière de l'humanité divine de leur Fils. Nous ne nous rendons pas compte de cette différence, par la même raison qu'à trois lieues de distance on évalue mal les hauteurs de montagnes voisines; plus elles sont lointaines, moins leurs cimes paraissent différentes.
Il faut se souvenir aussi, quelque inconvenante que paraisse cette idée, que les parents de Jésus n'avaient pas une idée précise de l'identité et de la mission de leur Fils. C'étaient deux êtres aussi purs et aussi parfaits que la nature humaine peut comporter de perfection; mais, comme nous l'avons vu précédemment, ils n'avaient pas compris le sens des merveilles où ils vivaient. Ils ne pouvaient pas, par eux?mêmes, arriver à comprendre; il ne fallait pas qu'ils comprennent; et cela, tant à cause des espions des ténèbres invisibles, que pour permettre à Jésus de vivre les états des enfants méconnus.
Regardons ces différents épisodes comme autant de glorifications de l'obéissance. Saint Ambroise de Milan découvre deux motifs à la constante révolte de l'homme : son orgueil et sa lâcheté; son orgueil qui le dresse contre Dieu, sa lâcheté qui le fait s'enfuir devant ses devoirs. La Vierge nous enseigne comment on neutralise ces deux ferments; la plus haute des créatures se soumet comme la dernière ne se soumettrait pas; la plus pure des femmes accepte le glaive du martyre intérieur comme la plus criminelle ne l'accepterait pas. Et, à coté d'elle, son Fils réalise en outre l'obéissance surnaturelle, justifiant à l'avance Sa déclaration réconfortante : « Je suis venu pour accomplir la Loi et non pour la détruire ».
Comme le remarquait l'évêque d'Hippone, le Seigneur n'a pas voulu que Sa religion s'inaugurât par une dispense, même par la plus légitime des dispenses.
Adonaï ordonne à son peuple : Consacrez-moi chaque premier-né, car toutes choses m'appartiennent. Jésus-Homme est la créature parfaite, l'idéal sur lequel, du commencement à la fin de l'univers, les innombrables créatures tiennent les yeux fixés. Et Il est le premier-né du Père. Voilà l'Holocauste parfait, le Sacrifice parfait, le Sacerdote parfait; tous trois éternels, universels, permanents.
Cet Enfant dans sa crèche, entre les bras du prêtre, dans la maison de Nazareth, est l'exemple de la soumission la plus radicale, la plus déraisonnable; voilà l'illogisme divin de l'Amour. Ne lancerons-nous pas, en reconnaissance, quelques défis à la raison, par des efforts de renoncement ?
L'obéissance est la première classe de l'école du renoncement. Elle est plus fructueuse que tous les ascétismes corporels et que toutes les contemplations. En elle se cache le secret de la liberté d'esprit, à la condition qu'elle soit observée, même lorsqu'elle parait déraisonnable au sens commun. Toutefois, il n'y a pas de motif d'obéir à un ordre évidemment immoral; mais il faut créer en soi l'état de soumission joyeuse et instantanée, puisque personne ne remplit une charge que Dieu ne l'ait permis. D'ailleurs, à quelqu'un qui s'est donné du fond du coeur à Dieu, il ne peut plus rien arriver qui ne soit voulu expressément par ce Père très bon.
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Joseph, ayant appris qu'Archelaüs régnait en Judée à la place d'Hérode son père, il appréhenda d'y aller. Miraculeusement averti en songe, il partit pour la province de Galilée et, y étant arrivé, il habita une ville appelée Nazareth. C'est afin que fût accompli ce qui avait été dit par les prophètes : Il sera appelé Nazaréen.
(MATTHIEU ch. 2, v. 22, 23).
Quand furent accomplies toutes ces prescriptions de la Loi du Seigneur, ils rentrèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L'enfant grandissait et se fortifiait; il était plein de sagesse et la grâce de Dieu était sur lui.
(LUC ch. 2, v. 40).
Le Christ nous enseigne ici que, toutes les fois que le Père nous donne un ordre, il faut l'exécuter, envers et contre tout, malgré les lois de la famille et de la société; or, Luc, un peu plus loin, écrit de Lui : « En toutes choses, Il était soumis à Ses parents ». D'ordinaire, donc, il faut obéir à tout et à tous. Vous le comprenez sûrement, mais permettez-moi de le dire tout de même, les cas où le Père nous donne un ordre sont rarissimes. Il y a peut être au plus un homme par siècle qui reçoive du Père une mission; pour nous autres, notre lot est de servir, d'acquiescer aux demandes, de ne jamais refuser. En d'autres termes, à chacun son devoir; au missionné le devoir exceptionnel de bouleverser tel ou tel coin du monde; à nous le devoir commun et journalier.
Les paroles précitées de Luc renferment pour l'enseignement orthodoxe toute l'histoire de Jésus de 12 à 30 ans. Certains prétendent, se basant sur des travaux superficiels d'archéologie orientale, comme ceux publiés, vers la fin du second Empire, par des F.×. M.×. rationalistes, qu'Il Se fit initier dans l'Inde durant ces dix-huit ans. Je vous ai déjà dit que cette thèse est fausse, ou alors Jésus serait un « fils de Dieu » et non pas le Verbe incarné
L'indication que Jésus « croissait en sagesse et en grâce ne signifie pas qu'Il suivit une école ésotérique. Jésus ne prit la peine de naître sur terre que pour passer par toutes les expériences qui font la condition ordinaire de l'homme. Il devait donc S'instruire, S'éduquer, subir la jeunesse, l'adolescence, toutes les péripéties du développement physiologique, fluidique et mental. Sa nature divine aurait bien pu se construire un organisme parfait du premier coup. Mais alors la vie physique de l'espèce humaine n'aurait jamais pu recevoir la lumière de l'Esprit. C'est cette soumission de Jésus à toutes les lentes cultures de la vie terrestre qui a rendu cette dernière capable de recevoir ultérieurement la Vie éternelle.
Cependant, d'autres savent ce que fit en réalité le Christ pendant cette période; mais, comme ce que l'on pourrait apprendre là-dessus ne ferait guère que contenter la curiosité et susciter des controverses, nous laisserons ces recherches de coté.