CONSEILS DE SÉDIR POUR LES «AMITIÉS SPIRITUELLES» Ce m'est une joie profonde de vous retrouver ici pour la deuxième fois et je sais par vos lettres, par vos entretiens, que vos sentiments vibrent en plein accord. Les labeurs que vous avez consacrés à notre oeuvre commune donnent déjà des promesses heureuses; avec un courage accru vous continuerez ces tentatives, j'en suis certain, et je veux aujourd'hui, répondant à votre désir général, vous indiquer quelques mesures en vue d'économiser vos forces et de mieux coordonner vos initiatives personnelles. Ainsi, Mesdames et Messieurs, vous êtes unis tous, que vous vous connaissiez ou non, dans l'amour de ce Père au service duquel vous vous essayez, et, à la mesure de votre dévouement, cet amour, qui est le Fils, vous envoie ses bénédictions; s'il s'en trouve parmi vous dont le courage hésite devant des perspectives extraordinaires, les plus anciens d'entre nous s'offrent à les aider; enfin, chaque groupe, par la voix de son gérant, présente au Comité central ses besoins, ses
des spirites, ni des occultistes, mais seulement des serviteurs du Christ; Il a dit de laisser les morts et les génies à leurs affaires; vous savez bien que les morts vivent et que l'Invisible est peuplé de multitudes étranges; ne les dérangez pas. Mais voulant servir le Christ et ne voulant que cela, ayant mis de côté vos faiblesses sentimentales et vos curiosités intellectuelles, il est logique que, si des serviteurs visibles du Christ vous aident, des serviteurs invisibles mais parfaits, c'est-à-dire des anges, vous aident encore bien plus. Souvenez-vous-en: il y a un invisible naturel et un invisible surnaturel. Le premier, construit par les fluides physico-chimiques, éthériques, astraux, est peuplé de tous les esprits élémentaires, de tous les fantômes des défunts, de tous les génies, de tous les dieux imaginables; c'est l'âme de ce monde. Le second, c'est le Royaume du Ciel que Jésus emmène partout avec lui et que lui seul habite avec ses anges innocents, avec ses serviteurs parfaits. C'est ce Royaume-là dont vous recevez
Il est inutile de déclarer en public le détail de vos oeuvres pendant la session qui se termine aujourd'hui; notre mutuelle confiance, de vous à moi, nous suffit, et notre main droite, ainsi, ne saura pas ce qu'a donné notre main gauche. Mais ce que je désire vous voir entreprendre, ce que j'attends encore de la fidélité de votre collaboration: cela, je peux et je dois vous le dire. Il ne s'agit que de simple bon sens et de sincérité. De sincérité, parce que ni vous ni moi ne travaillons pour nous-mêmes; de simplicité, parce que le bon sens est le sens même du Vrai; j'espère ainsi convaincre ceux qui ne me comprennent pas encore complètement, afin qu'à leur tour, ils éclairent ceux qui nous connaissent mal et nous amènent ceux qui ne nous connaissent pas. Notre mouvement est fils de l'amitié; il existe par l'amitié; il se perpétuera par l'amitié. Lors de notre première session, j'ai rendu un hommage trop rapide à la ferveur et à la constance de mes vieux compagnons de travail de qui le dévouement n'a jamais faibli, dont quelques-uns dépensent depuis plus de vingt années toutes leurs forces au service de cette Amitié Spirituelle, et qui n'en attendent rien que la joie du bon ouvrier achevant avec une sereine constance sa longue tâche obscure. Je sais bien que ce n'est pas l'homme, en eux, mais le Christ, par qui cet héroïque labeur est mené à bout; le Christ, avant de descendre en eux, avant de les renouveler, de les dresser, impavides et forts, comme les chevaliers errants de la plus noble des causes, avant de s'établir en eux, le Christ, dis-je, a attendu la libre offrande de leur libre bonne volonté. Pour cet hommage pour cet holocauste où ils furent à la fois prêtres et victimes, mes Amis de la première heure m'apparaissent admirables et jamais je ne leur dédierai une gratitude trop fervente. Ils ont peiné avec joie, s'encourageant, se relayant, s'exhortant; pas à pas, borne après borne, nous avons fait l'étape; une autre s'ouvre maintenant qu'il nous faudra fournir. L'effort sera-t-il moindre, pire, égal? Nous l'ignorons, mais, avec l'aide du Ciel, nous devons nous déclarer prêts. Sans doute, tout ce que nous disons a été dit et bien dit; tout ce que nous faisons a été fait et bien fait, depuis vingt siècles, par les premiers disciples, par les premiers moines de chaque ordre, par plusieurs saints, clercs ou laïques. Mais nos contemporains sont aussi fermés aux choses divines que les rhéteurs d'Athènes ou d'Ephèse, de Rome ou d'Alexandrie: nous avons donc beaucoup d'ouvrage; or, nous avons aussi une grosse facilité: c'est que nous ne sommes pas des professionnels en matière de religion; et ceci n'est pas un paradoxe. Nous ne possédons pas notre affaire comme des docteurs en Sorbonne; nous ne sommes pas habillés de dix-neuf siècles de théologie, de conciles et de liturgies; nous ignorons les formules scolastiques, les tours-de-main psychologiques, les traditions de forme, les manuels commodes où l'on trouve rangés en bel ordre les objections et les arguments de l'apologétique, les évaluations de la casuistique, les énumérations de la symbolique, les décisions, les bulles et les encycliques. Voilà notre faiblesse et notre don-quichottisme, au gré des gens d'Église; pour tous ces prêtres éminents et vénérables, nous ne sommes que des amateurs, de fâcheux et insupportables amateurs, qui piétinent dans les plates-bandes et qui démolissent les règles du jeu. Mais je vois dans le Dictionnaire que, selon l'étymologie, un amateur est celui qui aime; aussitôt notre vice rédhibitoire devient à mon sens notre vertu, je veux dire notre force. Nous aimons ce que nous faisons; nous aimons Jésus, nous aimons son service qui est de servir nos frères, comme nous pouvons, mais tant que nous pouvons. Nous bousculons les règles? Peut-être; nous n'observons pas les coutumes? peut-être. Mais les traditionalistes ne distraient-ils pas une trop forte part de leur intelligence et surtout de leur âme à obéir à ces traditions et à ces méthodes ? Peut-être les observent-ils avec un souci tellement attentif qu'ils n'aperçoivent plus l'essence spirituelle dont elles ne sont destinées qu'à être le manteau ?
l'Amitié c'est le culte du même idéal, l'observance de la même discipline, la réalisation des mêmes activités; et parce que notre idéal se nomme le Christ; notre discipline, l'Évangile; nos activités, la bienfaisance et la prière, nous croyons notre Amitié la plus pure, la plus haute, la plus solide. Les agrandissements fructueux de nos groupes ne seront pas des augmentations numériques, mais surtout des multiplications en intensité de notre flamme collective, des engendrements de vouloirs nouveaux, jaillis de vos ferveurs silencieuses et de vos sacrifices inconnus; que la liste de nos membres, de nos comités, de nos publications, de nos tentatives philanthropiques s'allonge: je le veux bien, mais à condition que le zèle de chacun s'exalte d'abord et se hausse jusqu'à l'ardeur invincible qui est l'atmosphère normale des amis de Dieu. Nos correspondants, nos lecteurs, nos auditeurs, paient la satisfaction intellectuelle ou le soulagement qu'ils reçoivent par le prix d'un livre, d'un abonnement, d'une conférence: mais, en plus, très souvent la joie nous est donnée de les voir revenir; très souvent le besoin personnel, cause de leur première visite, se change en intérêt sympathique. Ils se disent que la certitude de leur pensée, l'apaisement de leur coeur, l'obstacle matériel que l'un de nous, parfois, les a aidés à franchir: bien d'autres seraient, comme ils le furent, désireux d'être aussi aidés; ils reviennent donc nous voir; ils s'aperçoivent que, toutes « spirituelles » qu'elles soient, nos Amitiés ont besoin de locaux, d'imprimés, de bibliothèques, de vestiaires, de secrétariats, d'argent pour les miséreux; ils se font inscrire à la Société, et leur cotisation sert à celles de nos dépenses qui dépassent les moyens personnels des membres déjà enrôlés. Ainsi, après avoir été aidés, ces nouveaux collaborateurs aident à leur tour et de la façon la plus pure, puisque les souffrances que nous soulageons avec leur argent leur restent inconnues et que eux-mêmes restent inconnus à leurs obligés: ainsi, Mesdames et Messieurs, vous réalisez à la perfection la maxime évangélique: « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. » Voilà comment nous nous accroissons: tout naturellement, tout bonnement, tout simplement. Quand nous nous sommes constitués, nous savions bien que notre projet ressemblait fort à une utopie : l'utopie est devenue réalité. Nous savons bien que notre existence est un paradoxe : à votre tour, croyez à l'avenir de cette utopie, désirez qu'elle grandisse, faites pour cela quelques gestes, prononcez pour cela quelques paroles; afin que nous puissions atteindre des détresses de plus en plus nombreuses. Notre vie tient toute dans l'effort personnel de chacun de vous. Faites cet effort. Si vous n'avez pas d'argent, donnez un peu de temps; si vous n'avez ni temps ni argent, donnez vos voeux, c'est-à-dire vos prières; la moindre privation, le moindre jeûne moral, que vous seul connaîtrez, le Christ les acceptera et les utilisera en multipliant leur vertu. Nous sommes bien peu à côté des dizaines de milliers de membres des grandes Ligues utilitaristes. Mais serions-nous réduits à deux ou trois, nous existerions quand même. avec la même confiance inentamée, avec la même volonté de servir notre Maître. Pour une cinquantaine d'entre nous, la bonne moitié de l'étape est fournie; après, d'autres marcheurs reprendront notre cher flambeau. Lorsque vous parlez des Amitiés Spirituelles, soyez attentifs à donner de nous une idée juste et claire, à dissiper les malentendus, innocents ou perfides. En général, on se trompe sur notre compte : on nous prend pour des rêveurs ou pour des malins; c'est que les idéalistes échouent d'ordinaire dans leurs entreprises, c'est que l'on a trop usé de la confiance du public. Nous voulons être des gens pratiques, et nous sommes surtout des gens sincères. Sans doute, les Amitiés Spirituelles Sans doute on parle de nous, parfois avec estime, parfois avec dédain. Mais ce n'est pas cela que nous désirons; nous désirons qu'on vienne travailler avec nous et qu'on nous apporte du travail. Ainsi que votre sympathie ne s'endorme pas; qu'elle continue plutôt de s'alarmer. Chaque soir, mes Amis et moi, nous constatons des lacunes, des impossibilités devant lesquelles nous sommes impuissants; et chacun de vous a goûté cette amertume de n'avoir pu étancher quelques larmes faute d'un peu de temps, d'un peu d'argent, faute d'un renseignement, d'une adresse, d'une recommandation. Vous me répondrez: « Vendez vos publications plus cher, élevez vos cotisations. »
Évidemment, si, au bout de votre mois, vous trouvez cent sous de trop dans votre porte-monnaie et personne à qui les donner autour de vous, envoyez-nous-les; cent sous, c'est un carnet de timbres, c'est deux repas dans un restaurant populaire; c'est une bien petite chose, mais cela peut faire gagner tout un jour sur un désespoir ou sur une maladie. Quand, au bout de votre journée, il vous reste un quart d'heure vide, sans un infirme à soigner, sans un camarade à récon forter, isolez-vous - on peut se sentir seul même dans le Métro - isolez-vous, et priez; il y a des milliards de choses à demander au Père. Quand vous rencontrez quelqu'infortune pour laquelle vous croyez ne rien pouvoir (on peut toujours quelque chose, mais vous n'avez pas tous l'habitude de tenter l'impossible), informez-nous-en. Quand vous apercevez un beau livre, un chef-d'oeuvre, un beau geste, dites-nous-le, nous ne pouvons pas tout lire, ni tout voir. Si vous n'osez pas parler à quelque sceptique endurci, à un coeur trop douloureux, faites-lui tenir discrètement nos brochures. Si vous avez un cadeau utile à offrir, donnez nos livres; donnez-les, si vous pouvez, aux biblio thèques municipales, aux cercles d'étudiants et de soldats. Que sais-je encore ? Au surplus, si notre oeuvre vous plaît, vous trouverez bien tout seuls mille moyens d'y collaborer. Ainsi, entendons-nous bien: nous sommes des idéalistes. Notre vie, ce n'est pas le nombre de nos adhérents, le gros tirage de nos éditions, les vastes auditoires à nos conférences; notre vie, c'est notre Idéal : le Christ et la fraternité humaine. Vivre, c'est réaliser le décret divin auquel on doit d'être né. Nos Amitiés vivraient donc plus réellement par le travail obscur d'une douzaine de membres fidèles que par la réussite apparente d'une réclame qui leur attirerait une foule mélangée. Chaque altération de notre idéal serait une maladie; chaque succès dû à une compromission de nos principes serait, en réalité, un empoisonnement. Et, j'ose le dire, chaque échec provenant d'une maintenance inflexible de ces principes, c'est une exaltation de notre vie véritable, de notre vie spirituelle, et un gage de perpétuité. Travaillons pour notre idéal, et non pour le succès de notre Société; et veillons. Un groupement peut subir la tentation, tout comme une personne. Chacun de nous, pris à part, peut être généreux, modeste, soumis à la Providence; et réunis en corps, nous pouvons devenir rapaces, ambitieux, et, croyant servir notre foi, accepter des concours moins purs qui rendraient les Amitiés riches et puissantes, mais infidèles à leur mandat. J'appelle votre attention sur ce point, Mesdames, Messieurs, mes Amis; la vôtre et d'avance celle de mon successeur. Avant d'accepter une aide quelconque, examinez-en le mobile; ne l'acceptez que si elle vient d'abord de la charité christique. Nous n'avons pas besoin de façade; nous avons besoin d'une vie intérieure riche et intense, car c'est elle qui nous amènera les pauvres, les malades, les désemparés et, aussi, les mécènes à la minute où nous en aurons réellement besoin. Notre activité collective doit obéir à la même règle que notre activité individuelle: à la règle de l'opportunisme providentiel. Ainsi, supposons que tout à l'heure, en rentrant, l'un de vous rencontre un malheureux défaillant d'inanition: si vous avez de l'argent, vous l'emmènerez souper, vous lui louerez une chambre; si l'argent vous manque, vous ferez la quête pour ce pauvre homme aux inévitables badauds rassemblés, en leur parlant en camarade, sans les prêcher; et s'il n'y a pas de badauds, eh bien, vous emmènerez le pauvre chez vous et vous coucherez sur un matelas. C'est ainsi que doit agir notre Société, en tant que Société. De même que chaque membre, imitateur du Christ, ne fera appel à la Société qu'après épuisement de ses moyens personnels, nous, Société, donnons à qui nous demande et ce que l'on nous demande, jusqu'à ce que nos ressources, nos relations, nos capacités techniques soient manifestement impuissantes: alors nous demanderons qu'on nous aide à aider; mais nous ne demanderons pas à tel riche, à telle institution philanthro- pique, ni à l'État; nous implorerons Dieu, notre Ami, qui est riche infiniment, qui est tout amour et tout miracle, et Il nous répondra.
leur abonnement par lassitude de votre importunité. Je ne veux pas d'un argent extorqué que le donateur regrette, ou de l'usage duquel il ne se soucie plus, une fois donné. Je ne veux pas des chèques que nous adresserait quelque millionnaire blasé qui n'en continuerait pas moins la monotone série de ses mornes plaisirs. Ces argents-là, comme disait Verlaine, ne renouvelleraient pas la vie de notre oeuvre; ils la corrompraient plutôt. Pour qu'un enfant croisse, il faut que toutes les parties de son corps se développent simultanément. Pour que les Amitiés croissent, il faut que leurs réalisations se multiplient, que leur idéal s'affirme de plus en plus en chacun de nous: alors leurs ressources matérielles, leurs méthodes d'action seront engendrées spontanément par le double appel réciproque de leurs besoins et de leur zèle christique. Actuellement, les Amitiés, c'est une toute petite chose; si elles accomplissent cependant chaque jour le mince travail dont leur enfance est capable, elles appelleront, elles évoqueront, elles s'assimileront toutes les forces nécessaires à leur croissance: nombre, argent, relations, lumières, dynamismes spirituels, directions. Il ne s'agit pas de consolider un groupe; il s'agit de répandre la lumière du Christ, de ressusciter, ou plutôt de revivifier, car il n'est pas mort, l'esprit des primitives communautés chrétiennes émergeant à la surface de l'immense océan païen. Car le monde aujourd'hui est aussi païen, quoique d'une autre façon, qu'il y a vingt siècles. Ainsi, gardant la loi évangélique, vivant en paix les uns avec les autres, secourant, consolant ceux qui viennent à vous, fixez-vous sur le seul Christ, obéissez à Lui seul, ne parlez que de Lui seul; ne faisons rien que par le Christ et pour le Christ, et « tout le reste nous sera donné par surcroît ». La beauté, la perpétuité des Amitiés Spirituelles seront faites de la beauté de votre vie intérieure et de la constance de votre charité. Et c'est mon souhait le plus fervent que vous restiez fidèles à notre Maître commun au seul service duquel j'ai voué notre association.
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