MARTYR DE LA POLOGNE 
(SUITE)

            On entend dire chez nous que les Polonais ont mérité leurs malheurs, par leurs dissensions intestines, leur manque de persévérance, leur incapacité pratique, leur légèreté de caractère, leur goût du faste et du plaisir. - Peut-être; mais où est le peuple sans défauts? - Les nations au secours desquelles la France s'est autrefois précipitée étaient-elles parfaites? Les Américains que Lafayette aida, étaient-ils tous des héros? Les Grecs de 1827 étaient-ils tous des gens de devoir? Et les Belges de 1830 n'étaient-ils pas des gens de négoce avec toutes les qualités, mais aussi tous les défauts du commerçant? Et chez nous, l'idolâtrie du bas-de-laine est-elle donc si noble? La chasse aux emplois est-elle héroïque? L'égoïsme familial n'est-il pas encore plus nuisible à la Chose publique que l'égoïsme individuel? N'avons-nous pas eu, comme les Polonais, nos guerres civiles fratricides? N'avons-nous pas des bavards officiels qui font du bruit au lieu de besogne? N'avons-nous pas nos écervelés des deux sexes, qui continuent la course aux plaisirs? 
 

Cherchons plutôt comment aider ce peuple; des critiques malveillantes ne pourraient que rendre à l'avance nos tentatives stériles. Les catastrophes matérielles dont les Polonais subirent et subissent encore le choc écrasant, apparaissent si nombreuses et si formidables que, pour y résister, leurs âmes ont dû s'envoler, d'un élan éperdu vers les cimes de l'Immatériel où planent l'Espérance invincible et l'invulnérable Résignation. 

Nous qui nous glorifions de notre rôle de Défenseurs de la Liberté, nous qui avons accueilli les rêves de la Fraternité, qui avons proclamé l'Égalité de tous devant le Droit Universel, -- il faut nous souvenir que la Pologne, deux siècles avant notre Révolution, pratiquait la tolérance religieuse, respectait toutes les doctrines et savait sacrifier ses enfants pour la sauvegarde de l'Europe. De Cracovie et de Varsovie ont été lancés les appels les plus purs vers le retour aux lois sociales indiquées par le Christ, et les condamnations les plus nettes des méthodes de ruse ou de violence chères aux grands politiciens. 
 

Le développement intellectuel de la Pologne est un des plus riches que l'historien puisse retracer. 

Depuis l'introduction du Christianisme, en 965, les Bénédictins, puis les Franciscains et les Dominicains, propagèrent la langue et la pensée latines. La première histoire universelle fut écrite par Martin le Polonais (1210-1280); Ciolek rénova l'optique des physiciens grecs. L'académie de Prague fut fondée en 1360; celle de Cracovie en 1364, les théologiens qu'elle forma furent consultés par les papes, au Concile de Bâle (1461) en particulier. Grégoire de Sanok commenta Virgile; en 1474, fut fondée à Cracovie la première imprimerie; Albert de Brudzewo enseigna le premier la théorie du mouvement planétaire; Martin d'Olkusz proposa le premier la réforme du calendrier . 

Aux XVIe et XVIIe siècles, la lutte des Jésuites contre les apôtres de la Réforme, puis contre les Piaristes donna une nouvelle impulsion au mouvement intellectuel du pays. L'instruction publique fut l'objet des constantes préoccupations des chefs polonais, malgré les luttes terribles qu'ils eurent à soutenir. L'influence française devint prépondérante, pendant le XVIIIe siècle et se maintint pendant le XIXe; elle contribua à former l'admirable élite intellectuelle moderne que nous ne connaissons pas assez, et qui s'affirma malgré toutes les mesures vexatoires et destructives des administrations prussienne et russe. 

Même les spécialistes, en France, ignorent des philosophes comme Sniadecki, Goluchowski, Cieszkowski, Hoené-Wronski, Struve, Straszewski, Mahrburg, Twardowski, W. Lutoslawski; les recherches de philologues comme Brückner, Karlowicz, Baudouin de Courtenay restent inutilisées; quelques rares chercheurs de laboratoires sont seuls au courant des découvertes de M. Nencki, Kostanecki, Hoyer, Wrôblewski, Olszewski, Smoluchowski, Zaremba, Godlewski; combien ignorent que Kopernik était polonais, et que Mme Curie est née Sklodowska? Peu d'historiens ont feuilleté Korzon, Smolka, T. Wojciechowski, Piekosinski, 

Pawinski, Ulanowski, Askenazy, Jablonowski, Balcer; parmi les littérateurs français, lesquels ont lu d'autres traductions que celles des romans de Sienkiewicz? Les oeuvres charmantes ou pathétiques de Mmes Orzeszko et Konopnicka, de Prus, Zeromski, Przybyszewski, Reymont, Sieroszewski, de tant d'autres, - les poésies de Wyspianski, Rydel, Kasprowicz, Tetmajer, Staff, quel homme de lettres les a traduites, ou en a parcouru les trop rares traductions? Qui a lu Cieszkowski, Klaczko, Zdziechowski, philosophes et critiques de premier ordre? 

En musique, du XIVe au XVIe siècles, l'abbé Witowski, l'évêque de Poznan, Jean de Kampa Lodzia, Nicolas Gomolka s'inspirèrent du plain-chant; mais l'âme populaire s'exprimera de la façon la plus brillante sous le règne de Sigismond III (1587-1631); le génie de la nation crée les rythmes neufs de la polonaise, de la mazurka, de la cracovienne, avec des chantres inspirés comme le prince Michel Oginski (1765-1833) le célèbre Fr. Chopin, et le trop peu connu Stanislas Moniuszko (1819-1872). 
 

Dans les arts plastiques, le goût italien des rois de Pologne a dû paralyser l'essor autochtone, qui ne se donne libre carrière que dans la décoration des objets familiers. Au XVe siècle, il y eut l'admirable Wit Stwosz dont les chefs-d'oeuvre embellissent les églises de Cracovie. Plus tard les écoles italienne et française prennent la prépondérance grâce à la protection 4ées rois de Pologne. Mais tous ces efforts aboutissent au XIXe siècle et de nos jours à la manifestation de talents si nombreux, qu'il m'est impossible de les citer tous. Je nommerai seulement parmi les plus originaux: Grottger, Matejko, Chelmonski, Falat, Witkiewiez, Malczewski, Mme Boznanska. 

* * *


Tous ces efforts inlassables, cette flamme immortelle, ces espérances cent fois ressuscitées se concentrent enfin et s'expriment dans la forme la plus pathétique par le grand mouvement du Messianisme polonais au XIXe Siècle. 

Le génial mathématicien Hoené-Wronski fonde un organon du Savoir Intégral dont l'envergure dépasse de loin son époque. Puis apparaissent presque simultanément Adam Mickiewicz, André Towianski, Jules Slowacki, Sigismond Krasinski. 

Towianski, le moins prisé par les critiques, apparaît comme le chef spirituel do cette cohorte de prophètes. A la hauteur des concepts il joint, privilège rare, la force volitive nécessaire pour les réaliser dans la vie quotidienne; il est le saint du Messianisme; Mickiewicz en est le philosophe lyrique; Slowacki et Krasinski en sont les poètes. Les lettrés connaissent les admirables cours de Mickiewicz au Collège de France (1840-1844) que la colonie polonaise de Paris vient de rééditer, son Livre des Pèlerins Polonais et Conrad Wallenrod, et Pan Tadeusz; autant de chefs-d'oeuvre jaillis des sanglots de douleur d'un peuple martyrisé. Le Roi Esprit, Lilla Veneda, Balladyna, de Slowacki sont des poèmes uniques dans la littérature universelle. La Comédie non divine, Iridion, drames allégoriques où se continue, mais agrandie et spiritualisée la conception shakespearienne, sont les acheminements de Krasinski vers la pure lumière divine dont resplendit son plus beau poème: l'Aube. Là il s'égale à Dante et à Michel-Ange. 

Mais si ces magnifiques créations de la poésie peuvent entretenir dans un peuple opprimé l'espérance et l'énergie de vivre, elles n'exercent cette influence dynamisante que si elles trouvent dans l'âme nationale le même principe spirituel dont elles ne sont que la forme de Beauté. 

Ce principe, celui du Messianisme, n'est autre que la force éternelle du Christ. Il ne faut pas moins que le secours de cette force éternelle pour rendre possible l'impossible survivance d'un peuple sans cesse assassiné depuis un siècle et demi. Les Habsbourg ont été les plus habiles des assassins; 

(Censuré)



Quant aux Hohenzollern, Bismarck expose, dès 1861, leur programme en ces termes: « Battez les Polonais, qu'on les réduise à être dégoûtés de la vie. J'ai de la compassion pour eux, mais si nous devons exister nous-mêmes, il faut les exterminer » . On trouvera dans de nombreux documents le détail de ses exterminations. 

Or, rien n'a encore pu étouffer la Pologne. Elle comptait avant la guerre vingt-six millions d'individus, qui proclament sur toute la surface du monde civilisé leur foi patriotique. Trahie obstinément par l'Europe qu'elle a tant de fois sauvée des hordes asiatiques et des hordes tudesques, et à qui elle a donné la première les modèles des libertés civiques, la Pologne enchaînée, meurtrie, en haillons, nous montre ses blessures sans cesse rouvertes. Mais que nos remords sont lents! Si les diplomates n'avaient pas été que des opportunistes à courtes vues, des replâtreurs de lézardes, des esprits craintifs, l'intégrité de la Pologne aurait endigué le déluge do sang qui nous submerge aujourd'hui. Puissent les plénipotentiaires du Congrès prochain de la Paix éviter cette erreur et cette lâcheté! Mais en regardant ce qui se passe à l'heure actuelle, ose-t-on formuler un pareil souhait? 

* * *


Que pouvons-nous faire pour la Pologne, nous que les compromissions politiques écoeurent, et qui savons, par de tristes expériences, le scepticisme incurable de ceux qui mènent l'opinion? Que peuvent pour eux-mêmes les Polonais enchaînés? Eux et nous, nous ne pouvons matériellement rien, que parer, au jour le jour, à une infime fraction des misères immédiates. 

Mais la puissance spirituelle éclate toujours en proportion de l'impuissance matérielle. Les êtres forts d'une force terrestre quelconque ne peuvent atteindre les cieux; ils ne peuvent même pas les concevoir: voyez les Allemands. La possession des produits de la terre, la domination tyrannique sur les hommes, l'accumulation des résultats du travail, l'hypertension cérébrale, et surtout la foi en toutes ces choses: voilà ce que Jésus appelait Mammon; et voilà pourquoi il disait qu'un câble passerait plus facilement par le trou d'une aiguille qu'un riche par la porte du Royaume éternel. Le peuple polonais illustre cet aphorisme. L'esprit Messianique est l'esprit même de l'Évangile. L'un et l'autre sont des libérateurs et conduisent à la même liberté, la seule vraie, la seule vivante, la seule qui ne fomente pas, pour continuer d'être, ces luttes fratricides où le sang des peuples a déjà tant coulé. La liberté, c'est le caractère propre de l'Esprit. L'Esprit, c'est toujours et partout l'antithèse de la matière. L'Allemagne, en accumulant des réserves matérielles de tous ordres, a tué l'Esprit. La Pologne, malgré ses erreurs, donnant sans cesse le meilleur de son corps, a exalté sa vie spirituelle et se prépare un avenir de splendeur. 

Son désintéressement peut nous servir de leçon. Trop de Français oublieux de leur génie national ont admiré l'Allemagne dans ce qu'elle a de plus étroitement matériel. Nous avons besoin de Français qui soient autre chose que des positivistes ou de purs intellectuels; nous avons besoin de Français qui ne soient pas des routiniers. Nous avons besoin de Français authentiques. Nos adolescents, aujourd'hui, doivent se créer hommes; nous-mêmes, les vieux, nous devons nous recréer. Nous avons tous un effort très profond à fournir; nous avons à enflammer nos enthousiasmes, à durcir nos volontés; il faut devenir des idéalistes réalisateurs, des ouvriers de l'Esprit. 

Or, parmi la pléiade des coeurs enthousiastes qui, au milieu du siècle dernier, avivèrent les flammes vacillantes des Flambeaux éternels, je n'en découvre pas de plus purs que les Messianistes polonais. Et, parmi eux, les moins célèbres me paraissent les plus grands: je désigne ici Hoene-Wronski et Towianski. 

L'oeuvre de Wronski est trop spéciale pour intéresser le public; sa synthèse est une des plus vastes que le génie humain ait jamais conçues; mais il faut une assez longue préparation pour en aborder l'étude. 

Towianski, au contraire, peut être entendu de tout le monde. Il parle une langue simple, quoique sans charme; il exprime sous une forme nouvelle les idées de l'Évangile, toutes connues; mais ce qui donne à ses paroles la vigueur convaincante et le rayonnement, c'est qu'avant d'enseigner aux autres, et tout en continuant à les instruire, il réalise d'abord ses idées dans son intelligence, dans son coeur, et dans les actes de sa vie. La force du prophète polonais, c'est sa volonté pratique; c'est la force qui, du dernier des hommes, peut faire un saint; et sans laquelle le plus intelligent des hommes peut rester un inutile abstracteur de quintessences. 

Towianski possède le triple don de la voyance spirituelle, de l'enthousiasme et du pouvoir pratique d'action qui seul procure aux auditeurs la preuve entraînante do la vérité du discours. Il faut à une race de longs efforts pour produire une individualité aussi complète; elle est une fleur séculaire: elle 
exprime le travail d'innombrables ancêtres et illumine pour des siècles la route des générations futures; avec des circonstances autres, Towianski aurait été pour la Pologne, l'initiateur qu'on s'aperçoit que fut Jeanne d'Arc pour la France. 

Relisez l'histoire monstrueuse d'Ivan IV, de Nicolas Ier, des Hakatistes; -- à côté de ces persécuteurs sinistres, les Césars de Rome ne sont plus que des tyrans médiocres. Or, les premiers chrétiens ont vaincu en se laissant massacrer sans résistance; le Messianisme affirme que les Polonais pourraient vaincre aussi le Césarisme qui les extermine, en ne se défendant plus, mais en consacrant toutes leurs forces expirantes à la sublimation de leur vie intérieure, à la purification de leurs rapports mutuels. C'est la maxime de Jésus: « Cherchez d'abord le Royaume de Dieu, et tout le reste vous sera donné par surcroît ». 

La vertu toute puissante du sacrifice pour l'Idée, voilà la leçon que la Pologne a la charge de démontrer au monde, en la commentant par ses martyres: par l'assassinat de son partage politique, par les ruines de ses villes incendiées, par les dévastations de ses champs, par les blessures et les agonies de ses jeunes hommes, de ses vieillards, de ses femmes, de ses enfants. Ces choeurs effroyables de plaintes et d'appels qu'interrompent les silences sublimes de la résignation l'esprit du Christ les dirige; ils sont l'écho terrestre de la voix surhumaine, qui, du sommet du Calvaire, proclame la toute-puissance Victorieuse de la Douleur librement acceptée. 

Ceci, c'est la sagesse éternelle; les hommes positifs et pratiques n'y voient qu'une folie dangereuse; toutefois, de semblables folies finissent toujours par triompher extérieurement, non sans avoir entretenu intérieurement leurs fidèles dans cette joie béatifique dont quelques serviteurs de Dieu nous ont fait entrevoir les délices. 

On a comparé Towianski et Tolstoï; leurs ressemblances ne sont qu'apparentes. Sous un langage évangélique, avec un immense talent littéraire, Tolstoï est un faux chrétien, d'autant plus pernicieux que sa douceur séduit. Rude et diffus, Towianski rayonne cependant la Lumière véritable; il reproduit la simplicité des premiers apôtres, inhabiles en l'art de bien dire, mais qui triomphèrent des rhéteurs subtils qu'avait produit la culture antique. 

De deux idées adverses, celle dont les partisans savent le mieux mourir, triomphera certainement. Dans ce geste d'agneau, qui offre de lui-même sa gorge au couteau du boucher, il ne faut pas voir la faiblesse méprisable de l'impuissance, mais au contraire une énergie surnaturelle. Mourir pour une idée c'est affirmer qu'elle existe; c'est ajouter sa vie à la vie propre de cette idée; chaque goutte de sang répandu pour elle lui engendre dans l'avenir un disciple enthousiaste. La parole du Christ: « le Royaume de Dieu appartient aux violents », est exacte comme une formule mathématique; mais c'est de la violence intérieure qu'il s'agit ici, de la lutte contre soi-même, de la renonciation en un mot; tous les conducteurs d'hommes proclament cette même formule de la grandeur morale. Et Mickiewicz a écrit: « Chaque homme est créé pour devenir un grand homme ». 

* * *


Voilà les leçons que, d'une voix douloureuse, nous redit la Pologne. Plus tard peut-être aurai-je la joie de revoir ses terres accueillantes, et d'évoquer avec tous ses enfants, enfin réunis, I'Ange admirable qui les guide vers un but mystérieux. Mais maintenant, c'est de notre effort qu'il s'agit. 

La cause polonaise éveille chez nous trop peu de sympathies actives. Les très nombreux Français qui, malgré leurs négligences, restent profondément attachés à leur religion ne s'émeuvent pas aux malheurs de la très catholique Pologne. On a vu des prélats interdire à leurs prêtres de quêter pour les Polonais. 

Au point de vue politique, il reste évident que ni l'Allemagne, ni l'Autriche, ne restitueront rien, sauf par la force. Du côté de la Russie, il n'y a que des promesses; 

(Censuré )


Je ne critique pas; toute critique est une démolition, et je voudrais, au contraire, inviter à construire. Je ne cherche même pas les motifs de nos chefs civils et ecclésiastiques; je dis seulement qu'en face d'une désolation comme celle de la Pologne, notre double qualité de chrétiens et de Français nous impose un double devoir. 

Il faudrait que nous fassions quelque chose, chacun selon ses capacités: que l'on donne de son argent, de son influence, de son autorité, qu'on parle de la Pologne. 

Que les écrivains fassent connaître les poètes, les artistes, les philosophes, les savants de la Pologne; qu'on nous donne des monographies, des anthologies, des manuels, qu'on les répande dans tout le Peuple. 
 

Mais, parce que la cause de la Pologne est d'abord une cause mystique, je m'adresserai tout particulièrement aux hommes et aux femmes pour qui les choses éternelles sont des réalités, des forces vivantes, des toute-puissances. L'être humain peut accomplir, de mille manières, d'admirables travaux. Mais l'oeuvre propre où il devrait exceller, c'est l'oeuvre de Dieu. Or, chacun peut devenir le collaborateur de Dieu. Ceux là qui ont saisi dans les paroles du Christ la vertu réalisatrice et féconde qu'elles contiennent, savent que les rayonnements du monde moral peuvent transformer le monde physique. Ils savent que les forces morales -- les vertus -- sont créatrices d'Impossible; et que les accumulations matérielles les plus formidables ne résistent pas à la volonté d'un saint; -- parce que la volonté du saint est identique à la volonté de Dieu 

Il s'agirait donc de trouver des saints qui dévoueraient au salut de la Pologne leurs immolations et leurs implorations. Ma candeur paraît grande, je le sais, de formuler un tel souhait au XXe siècle, sous l'effroyable 

déchaînement de la férocité teutonique. Mais le déraisonnable réussit quelquefois quand le Raisonnable reste impuissant. 

Le saint véritable, le soldat du Christ, n'est pas un contemplatif; il sait que la plus haute extase vaut moins devant Dieu qu'une nuit au chevet d'un malade. Le mystique est un homme d'action, d'action totale et perpétuelle; sinon son mysticisme est faux . 

Ceux donc, qui pourraient aider une cause aussi perdue en apparence, que celle de la Pologne, doivent être des mystiques: des hommes sachant le miracle possible, familiers avec le Surnaturel, et qui ne craignent point les plus prosaïques labeurs. De tels hommes existent certainement, car leur existence est nécessaire à l'équilibre spirituel du monde. Et si je leur adresse cet appel, à eux que je ne connais pas, c'est que peut-être ils s'ignorent eux-mêmes; le héros qui connaît son héroïsme n'est déjà plus un héros. Et notre France donne, depuis deux ans, de si nombreux exemples d'abnégations très pures et d'héroïsmes spontanés, qu'on peut être certain de trouver chez elle les champions généreux dont a besoin sa soeur-martyre, la Pologne. 
SÉDIR 

Paris, Août 1916. 


BIBLIOGRAPHIE

 
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SZERLECKA W. -- Quelques Écrits d'André Towianski. Paris. Charles Amat. 11, rue Cassette.