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Magnétisme condamné par l'Église

Catherine Emmerich et le curé d'Ars

 

 

L'Église a positivement condamné le magnétisme par un décret du Saint-Office ainsi formulé : Magnetismus, prout exponitur, non est admittendus. Or, le magnétisme n'est autre que l'hypnotisme ; en prenant ce nouveau nom, s'il a changé de veste, il n'a pas changé de nature. « La question de l'hypnotisme, dit Paul Richer (1), touche de près aux faits rangés dans le cadre du magnétisme animal. Convient-il d'établir entre l'hypnotisme d'une part, et le magnétisme de l'autre, une séparation nettement tranchée ? Nous ne le pensons pas, du moins quant à présent. » Le Père Coconnier n'a pas hésité à les séparer pour les besoins de sa cause, mais il n'a fourni aucune preuve à l'appui.

Il est vrai que, par sa décision du 4 août 1856, le Saint-Office a toléré l'emploi médical du magnétisme ; mais les conditions posées à ce sujet prouvent combien, dans l'esprit de l'Église, le magnétisme est suspect et entaché de diabolisme.

L'Église vient encore de condamner indirectement le magnétisme dans le décret d'introduction de la cause de la vénérable servante de Dieu Marie-Françoise de Sales Chappuis, supérieure du monastère de la Visitation de Troyes, décret du 27 juillet 1897, dans lequel il est dit de la Vénérable : « Elle détourna plusieurs personnes des témérités du gallicanisme, des superstitions du magnétisme et des restes du jansénisme. »

Il faut espérer que l'Église condamnera un jour formellement l'hypnotisme, à raison même des thèses qui se sont élevées en sa faveur jusque dans le camp des catholiques.

Par décision du 30 mars 1898, approuvée par le Pape, le 1er avril, la Sacrée Congrégation de l'Inquisition a formellement condamné le spiritisme, quand bien même le médium ne s'adresserait qu'à des anges et n'obtiendrait que des réponses en conformité avec la Foi.

Est-ce que cette condamnation ne tombe pas sur l'hypnotisme ? Le spiritisme, n'est-ce pas l'hypnotisme pratiquant les évocations ?

 

Il faut aussi écouter les saintes âmes. – Je citerai à ce propos la soeur Catherine Emmerich, grande stigmatisée de notre siècle. Ses dires sur le magnétisme sont tout un enseignement. Son confesseur et son médecin avaient voulu la magnétiser pour calmer ses douleurs. Elle les en détourna. Ce qu’elle dit d’une somnambule célèbre de Francfort est applicable doctrinalement à toutes les somnambules. « La pratique du magnétisme, disait la voyante de Dulmen, confine à la magie ; seulement on n'y invoque pas le diable, mais il vient de lui-même. »

Catherine eut une foule de visions au sujet du magnétisme : « Je voyais toujours là Satan, disait-elle, dirigeant tous les mouvements du magnétiseur et les faisant avec lui. » Et ailleurs : « Je n'ai presque jamais vu personne sous l'influence du magnétisme sans qu'il s'y mêlât au moins une impureté charnelle très subtile... Je vis des gens tomber de la région lumineuse dans la région ténébreuse par suite de ces participations à ces procédés magiques qu'ils appliquaient au traitement des malades, prenant pour prétexte l'intérêt de la science. Je les vis alors magnétiser, et égarés par des succès trompeurs, attirer beaucoup de personnes hors de la région lumineuse. Je vis qu'ils voulaient confondre ces guérisons d'origine infernale et ces reflets du miroir des ténèbres, avec les guérisons opérées par la lumière et avec la clairvoyance des personnes favorisées du ciel. Je vis, à cet étage inférieur, des hommes très distingués travailler à leur insu dans la sphère de l'église infernale (2) ».

Et en disant tout cela, la voyante allemande n'avait-elle pas jugé de son regard prophétique tout notre hypnotisme contemporain, tous les médecins et tous les abbés qui s'en mêlent ?

 

Maintenant je laisse la parole au R. P. Lescœur. – Qu'il soit permis à celui qui écrit ces lignes, de raconter un fait, à lui personnellement connu, qui met en relief et en contraste, d'une manière saisissante, les deux surnaturels « le divin et le diabolique ». C'est à moi-même et par le héros de l'histoire que la chose a été rapportée. « Le Vénérable Curé d'Ars, que j'ai eu le bonheur d'approcher dans ma jeunesse, avait pour voisin et pour ami M. de M…, excellent chrétien ; M. de M. était, en même temps, un curieux de métaphysique et de philosophie, il a toute sa vie travaillé à un grand ouvrage qui ne verra jamais le jour. Souvent il venait à Paris pour ses études ; mais jamais il ne quittait son saint ami sans venir lui demander sa bénédiction. Il en faisait autant au retour. Or, un jour, M. de M... se décida à venir à Paris étudier le magnétisme en suivant les séances, alors célèbres, du baron Du Potet. Il n'avait en aucune façon mis le Curé d'Ars dans la confidence ; au retour il vint, selon son habitude, lui demander sa bénédiction. Il le trouva debout sur le seuil de son église. Mais du plus loin que le saint vieillard l'aperçut, il fit un geste comme pour le repousser, et lui cria d'un ton sévère : « Vade retro satanas, retirez-vous de moi, satan, vous venez d'avoir commerce avec le diable ! »Tout interloqué, M. de M... fut obligé d'avouer ce qu'il venait de faire, et n'obtint son pardon que sur sa promesse de ne pas recommencer ».

Les saints ont les illuminations divines : aussi, ai-je plus de confiance dans les dires de la pieuse Catherine Emmerich et du saint Curé d'Ars, que dans la thèse du Père Coconnier, donnant la chasse au diable pour la donner surtout au Père Franco.

 

Les débats sont terminés. – J'avais dit dans La stigmatisation : L'hypnotisme est diabolique, l'imagination ne peut pas faire de stigmates. – Arrive l'auteur de l'hypnotisme franc qui a soutenu tout le contraire de mes deux thèses. – J'ai répliqué.

Qui a raison du maître en théologie ou du docteur en médecine ? Au-dessus de nous, il y a heureusement des juges : tôt ou tard, ils se prononceront sur ces questions en litige, d'autant plus que toute la mystique divine y est mise en cause par l'hypnotisme et ses fausses stigmatisations.

 

 

(1). Etudes médicales sur la grande hystérie.

(2). Prière de lire complètement dans la Vie de Catherine Emmerick, par le Père Schmoeger, t. 1er, le chap. XXXII, à partir de la page 472.