XXIII La Lettre tue; l'Esprit vivifie La lettre du Verbe écrit est une gaine et une écale ; sous l'une se cache un glaive et sous l'autre un noyau. Ouvre ton coeur, brise la noix : ainsi, la lettre du Verbe étant morte, le Pneuma sera ta vie et celle de ton coeur. XXIV Où est la vraie Religion? Mère de l'amour fraternel, elle nous inspire de l'aversion pour nous-mêmes. Elle a la foi pour compagne et la piété pour soeur. Éprise de paix, elle ne lutte contre personne ; elle chérit tous les hommes. Elle nous détache du Monde et nous rattache à Dieu. Aux pauvres, aux veuves, aux spoliés et aux prisonniers, elle tend sans répit des mains secourables. Ce que les mains ne peuvent fournir, le coeur et la bouche le donnent. Consolant les misérables et compatissante envers les coupables, elle se fait tout pour tous ; elle supporte volontiers les opprobres et les croix, souffre et meurt avec JÉSUS. Dis-moi où elle se montre telle? Et je te dirai en retour : Le salut est là, avec la vraie religion ! XXV Idolâtrie subtile Celui qui met sa confiance en soi ou dans les choses créées se cherche soi-même, s'honore et s'aime, au-dessus de Dieu ; il se réjouit des dons et des bienfaits divins mais ne les attribue ni ne les rapporte à Dieu donateur. Celui-ci se fait des idoles mentales de son coeur et des choses créées, et leur rend un culte. XXVI Accomplissement final de toutes Choses en JÉSUS (De l'Allemand) Les entrailles de la terre ont englouti Moïse, (1) le Législateur. Un char de feu a enlevé (2) le zélé Elie. Le Messie, ni la terre ne le recouvre, ni le feu ne l'a enlevé, mais une nuée (3) l'a emporté, et une nuée, pareillement, le rendra quand cesseront l'ancienne Loi et le feu, tandis que Moïse et Elie seront couverts d'un vêtement aussi blanc que la neige, comme autrefois sur le Thabor. (4) XXVII Le Lis instruisant les Mortels O homme mortel (1), toi qui passes à l'instar d'une fleur et qui, comme elle, te flétris pour retourner en poussière ; observe-moi, sortant du sol pour monter droit dans les airs . Examine mon stigmate trigone et mes anthères safranées. Considère la forme, la texture et la disposition de mes feuilles : combien grande est la vertu médicinale qui se cache en moi ! Aucun art ne peut imiter mon coloris ; aucun parfum ne peut égaler la fragrance du mien. Auprès de la mienne (2) la gloire de Salomon s'éclipse. Ma blancheur éblouissante est l'ornement de la chaste virginité. Or, je vis et je meurs, mais, de la mort, je renais encore : le printemps me rend la vie, mais l'âpre hiver me tue. Toi, Mortel, scrute cette vivante similitude : Apprends de moi à vivre chastement, et apprends à mourir. Ma vie est courte, la tienne est brève : méprise les choses caduques, et, avec moi, élève ta tête, de la terre, vers les cieux. Contemple-moi et aie pitié de toi nous disparaissons ensemble ! XXVIII La Clémence La Cause qui pourvoit à tout a donné aux brutes griffes, dents, rictus et cornes, afin qu'elles repoussent la force par la force. A l'homme nu et faible elle a donné l'amour de ses parents et de la patrie afin que chaque homme remplisse ses devoirs envers autrui. XXIX La Justice parlant d'elle-même Vigne et vice prolifèrent outre mesure dès que nulle main ne les taille plus. Quel est mon rôle ? je les éprouve l'une et l'autre. Telle la foudre, ceux que je frappe sont le petit nombre, mais ceux que j'effraie sont légion. Plusieurs sont corrigés par mes avertissements, bien davantage, par mes menaces. Par moi, personne ne périt que celui que l'on doit plaindre d'avoir vécu. Quoique par moi beaucoup souffrent et périssent, ô douleur ! XXX Faustine et sa piété filiale Il avait été ordonné que le vieillard, condamné au dernier supplice, périrait d'une mort lente, pieds et poings liés. Longtemps, Faustine nourrit son père à la dérobée, de ses mamelles de fille, devenue mère. L'attention des gardes mise en éveil, la ruse de Faustine commença à être soupçonnée ainsi que son amour intense. XXXI Stoïcisme Sois un Agneau, conduis-toi en Agneau. Rongé jusqu'à la moelle des os, l'Agneau se tait : Toi, serre les lèvres quand tu souffres. XXXII Toi qui dors, lève-toi! Homme immortel ! Quoi, tu t'endors dans une vie oisive, toi qui es né pour la vie éternelle ! D'où vient une si profonde torpeur ? Lève-toi ; ouvre les yeux ; bannis le sommeil qui t'accable : Les violents ravissent le Royaume des Cieux. |