Cette réponse du Christ à sa mère a donné lieu à des commentaires sans fin. Des âmes sensibles lont trouvée choquante et hautaine (1) ; de pieux traducteurs se sont ingéniés à atténuer lapparente âpreté de cette atmosphère. La version synodale fait dire à Jésus : «Femme, quattends-tu de moi?», ce qui, nous le verrons, rend bien, sinon la phrase, du moins lesprit dans lequel elle fut prononcée. Labbé Alta, dans « lEvangile de lEsprit », explique les paroles du Maître comme signifiant à peu près : « Quest-ce que cela peut bien nous faire, à lun comme à lautre », ce qui part dune excellente intention, mais est peut-être légèrement fantaisiste. Les paroles du Christ se passent généralement fort bien de ces sortes de justifications. Elles sont claires et précises, et il y a une certaine naïveté à croire quil est indispensable de les adoucir. Cest pousser un peu loin la crainte du scandale... Le ton général du dialogue dément dailleurs la dureté apparente de la phrase incriminée. Ne soyons pas plus « choqués » que la mère du Christ qui, sûre d être exaucée, sadresse paisiblement aux serviteurs : « Faites tout ce quil vous dira ! ». En réalité, à travers le texte grec et sa traduction, on sent fort bien que la réponse du Christ est mal rendue. Car ce nest ni en grec, ni en latin, mais bien en hébreu de lépoque quil dut sexprimer. Il sagit donc dune tournure de phrase particulière à cette langue, dun « hébraïsme », transcrit tel quel, et qui noffrait alors de difficulté pour personne. Et cet hébraïsme, nous le retrouvons, exactement semblable dans la bouche de la veuve de Sarepta, sadressant au prophète Elie (I, Rois,XVII,18). Ici lexpression « quy a-t-il entre toi et moi » séclaire. Le respect et la crainte du prophète, de « lhomme de Dieu », sont assez évidents chez cette veuve. La phrase mise dans la bouche du Christ par lévangéliste na donc rien de dur ni de hautain. Le mot « femme », pas davantage. Jésus sexprimait, répétons-le, dans la langue des Juifs de son temps et de son milieu. Et telle expression qui nous surprend ne tient souvent quà ce seul fait. Celle qui forme le sujet de cette petite mise au point en est un saisissant exemple. On voit que les conclusions péjoratives que certains en ont malicieusement tirées sévanouissent d'un coup. (1) Il est vrai que, non contents de traduire à contresens, certains y ont ajouté de leur cru pour aboutir à ce gallicisme péjoratif : « Femme, quy a-t-il de commun entre toi et moi ? ». |