NOEL DES ANXIEUX
Nous n'avons ni l'or, ni l'encens
Comme les Mages,
Ni bonnes oeuvres, ni talents
Pour apanage,
Ni l'âme pieuse et candide
Des bons pasteurs :
Nos bourses et nos mains sont vides
Comme nos coeurs !
A vos pieds, ô divin Enfant,
Douce Marie,
Nous remettons, pour tout présent,
Notre âme impie !...
Toi qui mourus pour nos péchés,
Sauveur des hommes,
Au mal, peux-tu nous arracher
Tels que nous sommes ?
Après tant de dégringolades,
Jour après jour,
Comment reprendre l'escalade
Vers Ton séjour ?
Ah ! comment, comment te rejoindre,
Christ éternel ?
Verrons-nous Ton Etoile poindre
En ce Noël ?
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Nous n'avons ni l'encens, ni l'or
Comme les Mages :
Il nous reste nos seuls remords
Pour apanage !
Comme nos coeurs, nos mains sont vides,
Divin Sauveur :
Que vaut cet espoir qui nous guide
Vers Ta splendeur ?
Espoir, espoir, ô feu du feu,
Plus âpre encor
- Oui, plus âpre et plus douloureux -
Que le remords,
Pourquoi tenailles-tu notre âme
En ce Minuit ?
Rien n'étouffera donc la flamme
Qui nous recuit !
Après tant de dégringolades,
Jour après jour,
Tant de fautes, tant d'incartades,
Tant de détours,
Que pouvons-nous, hélas, attendre
De l'avenir ?
Vins-tu, Seigneur, pour nous surprendre
Et nous punir ?...
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Certes, les anges ont chanté :
" Paix sur la Terre
A ceux de bonne volonté ! "
- Il n'en est guère !...
Et pourtant, nous voici présents
Devant Ta crèche,
Le front bas et les pieds en sang,
La gorge sèche.
Nous n'avons ni l'or, ni la myrrhe,
Non plus l'encens,
Et nous ne savons que maudire
En blasphémant :
Divin Enfant, douce Marie,
Reine des Cieux,
Voici nos coeurs, nos coeurs impies
Et orgueilleux ;
Voici nos coeurs, voici nos mains,
- Nos deux mains vides ;
Voici nos voeux sans lendemain,
- Nos voeux sordides ! -
Et c'est là tout notre bagage
Avec nos pleurs :
Nos pleurs d'effroi, nos pleurs de rage
Et de rancoeur !...
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Cariatide des péchés
Qui nous écrasent,
O Toi, qui t'en vins rechercher
Dans cette vase
Ceux que l'Enfer, en sa puissance
Croyait tenir :
Vois nos regrets, vois nos souffrances,
Nos repentirs !
Le feu d'espoir qui, dans notre âme,
Arde toujours,
N'alimente-t-il point sa flamme
A Ton Amour !
Car si nous n'attendons plus rien
De Ta justice,
Tu n'as pu concevoir en vain
Ton sacrifice !
Toi, dont le coeur fut transpercé
Par nous, perfides !
Pardonne à notre coeur glacé,
A nos mains vides :
En cette nuit clémente aux hommes
De bon vouloir,
Daignerais-tu, tels que nous sommes,
Nous recevoir ?
.. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
Nous n'avons ni l'encens, ni l'or
Comme les Mages ;
Nous n'apportons que nos remords
Pour tout hommage !...
Ah ! montre-nous la route aride
Qui mène à Toi :
Nous la suivrons, si Tu nous guides,
- Jusqu'à la Croix !
Noël perpétuel
(Noël 1944 )
Que t'importe si ce décembre
Est plus sombre que ceux d'antan,
Si le druide au collier d'ambre
N'a point mis dans son rayon blanc
Ce gui qui décore ta chambre !
Si tu n'y vois qu'en effigie
L'Etoile, la Vierge et l'Enfant,
Sous les pâles feux des bougies,
Recevoir nos voeux implorants.
Crois et comprends cette magie
Qui les rend à jamais vivants :
Pour le Christ, que sont deux mille ans ?
Inoubliablement
(Noël 1971)
C'était par un jour sombre et froid de décembre quarante-trois... Escadrille après escadrille Dans un chaos, fumant encore, Enjambant poutres et ferrailles, J'y fus : rien que vide et silence !... |
Un temps, tu me clouas sur place, ô témoin fragile et cruel d'un bonheur disparu sans traces, - minuscule arbre de Noël ! Tremblant sous la bise hivernale, En nos temps de mauvais vouloirs, Face au zèle dévastateur, |
La Dormeuse
(Noël 1973 )
Voici dressé le sapin de Noël. Non loin du seuil, le gui balance un cocon vert où l'Espérance dort, en rêvant du printanier dégel. Elle dort, attendant son heure, |
Voici bien près de deux mille ans que, lorsque carillons vont forcer le silence, s'éveille et sourit l'Espérance, puis se rendort en soupirant... Elle dort, - ou feint de dormir -, |
Noël 1976
Déjà clochers ont tû leur voix.
Espoir au coeur, onglée aux doigts,
En ce Minuit bi-millénaire,
où tu médites, solitaire,
le Silence descend en toi.
A ta crèche d'un soir, scintille
aux mouvants reflets des flambeaux
une Etoile de pacotille,
sur Mages, bergers et troupeaux.
N'y président qu'en effigie
la Vierge, l'Etoile et l'Enfant,
mais toi, comme aux Noëls d'antan,
bénis l'adorable magie
qui veut qu'en cet unique instant
ton coeur les contemple, vivants !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Pour le Ciel, que sont deux mille ans ?
Noël d'élection
Noël 1974
Ceux que guida l'errante Etoile dans les ténèbres de la nuit et ceux par les anges conduits leur âme avait ferveur égale. Si simples étaient les Bergers Sous les plis des riches manteaux |
Seuls témoins du plus haut Mystère que la Terre ait jamais porté, la plus claire simplicité Rejoint le Savoir séculaire. Sur ce seuil des Temps Abrégés, Et plus heureuse, en vérité, |
Songerie
Noël 1972
Dans notre précaire demeure, les pleurs que Justes ont versés en soupirant après Ton heure, ô Seigneur, où sont-ils passés? Mystique palingénésie, Après les ultimes Fléaux, |
Ces pleurs que Justes ont versés dans la fièvre de Ton attente, je les vois transsubtantiés en autant de flammes vivantes. Et, sans souci d'humains suffrages, |
Unique Etoile
Noël 1975
C'était au seuil d'un froid Minuit... Le ciel, capitonné de neige, étendait ses sombres pourpris sur la nature, prise au piège. Une lassitude sans bornes En cette nuit de gel sévère, " Sombre fin d'une sombre année ! "... Or ce fut comme si leur chant |
Et cette immobile fissure s'élargissait, s'élargissait, délimitant une embrasure Où, nettement, j'apercevais, - ô merveille paradoxale ! - En cette amère fin d'année, Et cette clarté solitaire Ah ! que m'étaient ce ciel d'absinthe |