ECKARTSHAUSEN

 

     Eckartshausen, fils du comte, Charles de Haimhausen et de Marianne Eckart, naquit au château de Haimhausen, en Haute-Bavière le 28 juin 1752, et mourut le 12 Mai 1803.

     Il étudia le droit à Munich et à Ingolstadt, se fit remarquer de bonne heure par son sérieux, devint conseiller à Munich en 1776, censeur littéraire en 1780, et abandonna volontairement cette situation en 1793. Membre de l'Académie des Sciences en 1777, réel archiviste secret (1) en 1784, il fut nommé en 1799 premier archiviste secret de la Maison de Bavière. Il publia d'abord des ouvrages de droit et de littérature, puis de nombreux ouvrages mystiques. On peut distinguer deux périodes dans ses activités.

     Dans la première, il cherche à faire progresser la civilisation et la morale par l'accord de la Religion et de la Science. À cette période appartiennent, entre autres : Éthique Pour toutes les conditions (Munich 1784), Discours sur le bonheur de l'humanité.

     La seconde période se signale par des oeuvres religieuses, comme Dieu est l'amour le plus pur, qui parut d'abord en 1790 et eût 9 éditions, puis, fut réédité à Mannheim en 1876.

     Ensuite il fit éditer : Œuvres religieuses sur des sujets clairs et obscurs, qui fut également édité plusieurs fois, en dernier lieu à Stuttgart en 1839. Puis parurent en 1784 Éclaircissements sur la Magie, et Nuits Mystiques, qui fut réédité par l'Alliance des Mystiques Chrétiens, ainsi que 2 de ses autres ouvrages, Hiéroglyphes pour le Coeur de l'Homme et Le Voyage de Kosti.

     Ensuite parurent Étude des Nombres de la Nature (Leipzig 1794), Esquisse d'une Chimie (Regensburg 1800), La Nuée devant le Sanctuaire (1802), et un livre posthume Sentiments et Temple de la Nature (1804).

     Tous ses ouvrages sont pleins du louable désir d'aider ses semblables en cherchant à ranimer dans les hommes le pâle reflet du bonheur, de la lumière, et de la magnificence primordiale, cette flamme mystique que le matérialisme n'a pu éteindre. Il les relie à la lumière divine elle-même, qu'il indique comme la source unique de toute félicité humaine. Sa manière, fort éloignée du sectarisme, est au contraire pleine de tact et de mesure. Il conseille amicalement et fait appel à la logique, au cours de ses analyses, pour persuader la raison. La religion, dit-il, n'a pas à craindre la raison, mais les hommes se sont détournés de cette raison pure qu'ils ont échangée contre la politique.

     La raison est issue du Saint-Esprit, la politique l'est du matérialisme. Eckartshausen ne méconnaît pas, d'ailleurs, les droits du coeur. Il s'ingénie à l'améliorer, à l'éclairer, à l'inciter au sublime. Notre raison qui peut et doit approfondir toute chose et scruter les secrets de la Divinité, est déchue et trop peu développée actuellement pour embrasser à la fois, d'un coup d'oeil lucide, l'extérieur et l'intime des choses. C'est donc au coeur qu'incombe la tâche de la précéder et de l'orienter. Une invincible prédilection pour ce qui est spirituel et divin doit le pousser à extérioriser les merveilleux pouvoirs de la Foi, cette Foi qui peut transporter des montagnes.

     La raison et le coeur oeuvrent alternativement. Il est inconcevable que l'Esprit Saint puisse illuminer totalement un homme dont le coeur est rempli de désirs inférieurs. Il n'éclairera l'homme que dans la mesure où le coeur lui fera place. Un tel coeur devient peu à peu en état de discerner, en tout, le vrai, le juste, le beau et le bon. Car, il faut prendre garde à ce fait que ne descend dans le coeur que l'Esprit que celui-ci a appelé. Les influences spirituelles nous parviennent de deux sources différentes ; nous pouvons être influencés de deux côtés à la fois : Ici est ton bien, dit une voix... ton bonheur est là, riposte l'autre.... Mais un coeur pur reconnaît seul, où est le bonheur apparent, et où réside le bien réel. L'homme doit choisir, et cela, continuellement. Mais le véritable amour pour le sublime et le divin ne trompe pas et l'emporte tôt ou tard. L'amour est le frère de la sagesse.

     C'est dans ce sens qu'écrivit et travailla, toute sa vie, Eckartshausen. La voie qu'il propose conduit à la plus haute sagesse, au plus pur amour, à la plus sublime beauté, trois dons gratuits du Père, du Seigneur des seigneurs, aux serviteurs de son Fils, le Verbe Jésus, à ses adorateurs « en Esprit et en Vérité ».

     Mais le conseiller d'Eckartshausen n'était pas seulement un métaphysicien aux connaissances purement théoriques ; bien au contraire, il appliqua ses idées et en vérifia la justesse par de nombreuses expériences, dont beaucoup sont restées ignorées, mais dont quelques-unes nous sont connues par sa correspondance.

     L'une de ces expériences était la séparation alchimique du principe de corruption matérielle résidant dans la terre, (principe qu'il désigne souvent sous le nom générique de gluten), ainsi qu'il ressort de lettres écrites par lui à des chercheurs qui s'occupaient des mêmes travaux. Ces derniers remplissaient un pot de fleurs avec de la terre purifiée d'après ses prescriptions, y enfouissaient un unique grain de blé et laissaient le pot à l'air libre.

     Un développement plus rapide et plus intense de la faculté germinative que ce n'est le cas dans de la terre ordinaire faisait résulter de cet unique grain de nombreux épis qui surpassaient en grosseur et en beauté ceux de toutes les variétés de blé connues. Les grains séparés de leur gaine avaient une si naturelle couleur d'or qu'on les aurait crus recouverts d'une fine pellicule de ce métal. Leur goût était plus doux et plus agréable que celui du grain de blé ordinaire, sans cette impression de viscosité adhésive que laisse d'habitude la farine sur la langue.

     À l'analyse, on constatait l'absence de colle de farine (ou gluten) cause fondamentale de la fermentation et de la corruption de ce produit. Un poulet fut nourri de cette farine près de deux mois, à l'exclusion de tout autre aliment, puis on le tua. Lors de l'analyse du sang, le sérum qui est la cause de sa corruption rapide, ne se retrouvait plus. Le sang, au lieu de se coaguler, demeurait vif et fluide.

     De même, toujours d'après ses indications, on fit avec de la graine de lin et Ses sous-produits, de très curieuses expériences. Le chanvre cultivé dans la terre purifiée par sa méthode était d'une inégalable beauté et, de même que la paille du blé poussé dans le même sol, ne pouvait être consumé par le feu vulgaire. Cette « terre vierge » possédait en outre de curieuses propriétés, Ainsi, les vers et les insectes qu'on y déposait s'efforçaient en hâte de s'enfuir, comme s'ils y étaient « dépaysés ». On observa également qu'en en mélangeant deux parties avec une de terre ordinaire et en les arrosant, le tiers impur se trouvait ennobli en peu de temps et que l'élément impur et hétérogène se volatilisait.

     Ces expériences, prouvant la possibilité d'une amélioration chimique de la terre, confirmaient les assertions d'Eckartshausen touchant les causes du stade anormal auquel est arrivée l'humanité terrestre, causes sur lesquelles il s'est étendu théoriquement dans tous ses ouvrages. La conséquence qui en découle, c'est la possibilité d'une amélioration, d'une régénération de l'homme tout entier, depuis ses cellules physiques jusqu'à ses organismes éthérés, actuellement faussés et affaiblis par la chute adamique.

     Ces vérités nous ramènent invinciblement au Sauveur du Monde, qui, maître absolu de la nature physique morale et spirituelle, peut seul en parachever la triple rédemption.

A. SAVORET.



(1) On entendait par « réel archiviste » celui qui exerçait effectivement cette fonction., Pour les autres, c'était un titre honorifique, comme celui de Heimrath (conseiller secret) qui ne donnait aucun droit effectif, en dehors de la satisfaction d'en être Pourvu.