Psyché n°405

Etat de rêve

Lorsque l'être humain est parvenu à un certain stade d'évolution psychique, il prend conscience, de ce fait, d'un certain nombre de milieux d'existence qu'il ignorait ou pressentait vaguement auparavant. Cette connaissance (expérimentale et non pas livresque), est d'abord intermittente et. imprécise, puis plus constante et plus nette.

Selon le chemin parcouru, le panorama se modifie et s'étend ; mais les voyageurs, suivant des voies différentes, contemplent des paysages dissemblables.

Parmi les moyens offerts à tous les hommes de bonne volonté pour élargir le champ de leur conscience, le rêve est un des plus simples et des plus normaux.

Sous le nom générique de rêve, on englobe, il faut bien le dire, des phénomènes souvent complexes et très différents les uns des autres.

Pour les anciens, le rêve était, envisagé dans son acception la plus haute, une universalisation de la conscience individuelle, une extension des facultés de l'âme, une effusion du moi dans le soi. On peut le voir dans le latin : omnia - s-omnia (se-omnia), dans l'hébreu NuM, etc… - Une seconde définition faisait du rêve un état d'exaltation des facultés psychiques (avec, pour contrepartie une dépression des facultés physíques), un changement de mode d'existence, une conjonction du moi inférieur et du moi transcendant, Voir également le latin soporem comparé à super, le gnec hypnos, (contraction probable d'hyper-noos) l'hébreu SHeN, etc...

Nous voici loin, avec ces définitions, du rêve " digestif ", et du " refoulement " freudien. Ces derniers termes ont d'ailleurs une valeur qu'il serait puéril de nier. Ils expliquent quelques rêves, mais non tous les rêves. lls sont vrais dans tels cas particuliers, mais erronés en tant que systémes à applications générales.

Laissant de côté ces rêvcs, qui relèvent du médecin ou du psychiâtre, nous esquisserons l'étude des rêves psychiques ou spirituels, auxquels convient plutôt le titre de songes (voir le latin somnia).

Selon son stade évolutif et ses aspirations intérieures, l'être humain digne de ce nom, se situe psychiquement dans certains lieux, fort réels, mais inaccessibles aux organes des sens. L'homme est complexe, et ses différents véhicules subtils pérégrinent sans cesse, de jour comme de nuit, dans les sphéres où leur densité spirituelle leu.r permet d'agir. De jour, ou plutôt pendant la veille, le phare de la conscience concentre ses rayons sur le monde sensi.ble ; la lumière intérieure est obnubilée par l'extérieure ; le sommeil inverse ce processus. C'est analogiquement ce qui se passe quand la chambre (le moi) d'un homme est plus éclairée que le paysage qui l'entoure et vice-versa : Tous deux coexistent, mais il faudrait une singulière lucidité psychique pour avoir la conscience simultanée du monde physique et de l'hyperphysique. Ainsi, l'alternance des veilles et des sommeils nous découvre des aspects successifs de la vie aux modes innombrables et simultanés.

Le songe étant une prise de contact de la conscience avec une ou plusieurs de nos activités occultes, ne crée point cette activité, mais la reflète, plus ou moins fidélement, dans l'une quelconque de ses phases. Le cerveau mêle à cette perception, le plus souvent, des réminiscences de ses activités propres et évoque des images complémentaires, tirées de son propre fonds, pour relier et expliquer, le plus rationnellement possible, les tableaux, parfois sans lien, qu'il devrait enregistrer impartialement. Ce besoin de raisonner du cerveau et le fait qu'il fonctionne, par essence, dans le formel et le nombrable, se meublant d'images sensorielles, explique ce phénomène vérifiable que, plus un songe se réfère à des activités éloignées de la vie physique, plus il est difficile au cerveau de l'enregistrer et de ne pas le déformer. On peut donc dire que les songes se référant à nos activités les plus spiritu.elles affectent rarement le cerveau et laissent le plus souvent, au réveil, cette impression, fort commune, d'être certain d'avoir rêvé, sans se rappeler du rêve. - D'autre part, les songes, sont ou des perceptions directes, (prémonitoires ou non), ou des tableaux symboliques, présentés par nos guides spirituels à à notre conscience pour l'éclairer. Il faut un certain temps de pratique pour les discerner. Comme exemple de rêve nettement symbolique, voici celui que fit un de nos amis, lors d'une crise morale assez aigüe : " Il escaladait une montagne neigeuse. Epuisé, il parvint enfin à se hisser au sommet et tomba sans forces au pied d'un arbre mort. A l'infini le panorama se déroulait, magnifique mais désolé : plaines et coteaux neigeux, marécages gelés où se jouait une lumière à la fois chatoyante et falote, rappelant ces halos faiblement irisés qui nimbent parfois la lune ". Méditant sur ce rêve, il en comprit le sens, assez clair d'ailleurs : Ce paysage et sa fausse lumière représentait le mental avec ses mirages et ses illusions, cette escalade exprimait ses efforts à la conquête du savoir, et l'arbre mort était bien l'image de cet arbre de science, antithèse de l'arbre de vie, et auquel l'universel Adam dût de connaître le monde des apparences sensorielles.

Les formes du rêve sont multiples depuis la simple distraction, intermédiaire entre la veille et le sommeil, jusqu'au ravissement prophétique. Or, le songe est une source d'enseignements pour celui qui cherche la Vérité qui est la Vie. Au contraire, celui qui vit le royaume du mensonge et y a édifié sa demeure spirituelle, ne peut qu'être abusé par ses rêves.

C'est pourquoi, celui qui veut avancer sur la voie spirituelle dans le seul but de servir celui qui est la Vie et la Vérité, doit comprendre que ce n'est pas sans raison que le tiers de son existence diffère des deux autres tiers, Celui-là peut tirer profit du rêve.

Qu'il note ses songes dès le réveil, ceux-ci deviendront vìte plus clairs et plus explicites. Peu à peu, en les comparant, il constituera son " code " personnel, car chacun a le sien, qui diffère de celui du voisin.

Surtout, qu'il évite l'écueil du rêve provoqué. Est- il plus sage que ses guides ? Le settl entraînement nécessaire, c'est ici comme en tout : Aimer son prochain comme soi-même, et rechercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice, le reste, viendra par surcroît, car le Verbe seul, parce qu’il est la Vérité manifestée, tient toujours, et au-delà, toutes ses promesses.