LES ILLUSIONS DE LA SCIENCE




     Il n'y a pas très longtemps, un préhistorien, d'ailleurs éminent, saluait l'aurore des temps que nous allons vivre, que caractérisera, paraît-il, la suppression radicale de l'idée de Dieu, vu son Inutilité(1) pour expliquer les phénomènes du monde. Ce sera le triomphe de l'Athéisme(1) scientifique. - Sic transit gloria Religionis...

     La SCIENCE la remplacera.

     Tout cela parce qu'il trouvait des traces de cultes préhistoriques, réglés selon des considérations évidemment astronomiques !
 

     On s'étonne que de vrais savants puissent caresser des idées à ce point frivoles et chimériques.
 

     N'envisageons que les dogmes chrétiens. Ils ont derrière eux deux mille ans d'existence. C'est peut-être peu. Cependant quels dogmes scientifiques, quels systèmes cosmologiques peuvent se flatter de résister un tout petit siècle ou deux à la critique ?
 

     Le rêve de baser la religion sur la science provient d'une profonde méconnaissance de ce qu'est la religion ; mais celui de faire de la science une religion (et même La Religion) dénote une ignorance vertigineuse de ce qu'est réellement la science - ou plutôt ce que nous appelons ainsi, bien à tort.
 

     L'ère du matérialisme historique et celle du matérialisme scientifique sont closes. Le fait que lesdits matérialismes influent plus que jamais sur les mouvements sociaux des masses et sur les mentalités sans défense des jeunes victimes d'une instruction à dessein retardataire, ne change rien à l'affaire.
 

     Les vieilles idoles atomiques et autres ont fait leur temps. Les découvertes scientifiques de ces dernières années ne font qu'aggraver l'anarchie endémique dans ce domaine singulièrement instable. L'énigme essentielle reste énigme, autant et plus encore qu'hier.
 

     On se moquait déjà un peu, au début de ce siècle, des théories savantes perpétuellement ruinées par des héritières impatientes. Ceci se résumait dans la formule lapidaire : « la science change tous les trente ans ».
 

     Maintenant, nous sommes dans une ère de plein progrès « scientifique » ; aussi peut-on écrire, sans trop verser dans le paradoxe : « la science change tous les lustres » !
 

     Si les prévisions de l'érudit cité plus haut se réalisaient par impossible, nous aurions une « religion » à la petite semaine, et les futurs, conciles de cet étrange sacerdoce devraient se réunir tous les dix ans pour jeter l'anathème sur les points décrétés de vénération par le concile précédent. Et, comme Messieurs les savants ont l'épiderme particulièrement sensible et le point d'honneur plutôt névralgique, la Science-Religion future réserverait sans doute à nos descendants plus de schismes et d'excommunications en un siècle que le Christianisme en dix...
 

     Moins heureux que Clovis, les fiers Sicambres de demain seront invités tous les cinq ans à brûler ce qu'on leur avait appris à adorer et à adorer ce qu'on leur avait conseillé de brûler... jusqu'au jour prévisible où la science aura écœuré jusqu'à ses pontifes.

     Alors, on se tournera vers les vieux dogmes « figés », comme vers la seule certitude au sein de cette fantasmagorie de thèses, de théories et d'ukases contradictoires, qui auront eu au moins ce mérite de démontrer par l'absurde que la matière ne pourra jamais expliquer la matière.

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     Il suffit de prendre le vent dès aujourd'hui, pour se rendre compte que, si l'effort des savants est respectable, admirable même, leurs essais successifs d'explication sont contradictoires et tâtonnants.
 
 

Quelques exemples, pris au hasard.
     On croyait jusqu'ici que le Gulf Stream était un courant marin. Certitude d'hier, mensonge d'aujourd'hui. Il paraît que nous sommes en présence d'une masse d'eau lenticulaire, se dilatant et se contractant rythmiquement, mais ne s'écoulant pas, au sens propre du mot.
 

     On avait cru que le plancher des vaches offrait quelque fixité. Patatras ! Wegener nous apporte la fine pointe de la vérité, les continents s'écartant les uns des autres, dansant follement le pas des patineurs sur un magma hypothétique ! C'était trop beau pour durer. Aujourd'hui les plus savants géologues, envoient danser la théorie de Wegener, mais vissent plus solidement que jamais les continents ci-devant tarabustés !
 

     Et il ne s'agit que de choses terrestres et de données approximativement contrôlables ; on peut facilement se représenter la valeur de la science dans des domaines un tantinet plus relevés !
 

     Qui fera le compte exact des « vérités » dites scientifiques qu'un brave homme de médecin, aujourd'hui centenaire, se serait ingurgitées ?

     Dans ce domaine, nous aurons tout vu, tout - sauf une certitude !

     Nous aurons avalé les méchants microbes qui rongent les poumons, puis ceux - non moins méchants et pervers - qui se contentent de les encombrer de leurs déjections corrosives ; nous aurons vu l'acupuncture jeter un insolent défi à la sympathico-thérapie ; nous aurons vu l'électrothérapie, la mécanothérapie, l'héliothérapie, toutes les thérapies imaginables, sans compter les régimes : danger du Sel, du citron, du sucre, de l'alcool, du thé, puis : bienfaits du sel, du citron, du sucre, de l'alcool, etc.... etc... Après avoir évalué péniblement notre ration quotidienne en calories, nous aurons eu le plaisir de la doser en vitamines a, b. c. d. en remerciant seulement les Grecs de ne pas avoir doté nos savants d'un alphabet de cinquante lettres, car toutes y passeraient certainement !
 

     Quant au malheureux patient, après avoir, oserons-nous dire, tâté son terrain, scruté son tempérament, dosé ses hormones et réformé benoîtement sa constitution, son rêve seul reste le même : être guéri - avec ou sans grec. C'est hélas le plus difficile à réaliser !
 

     Et c'est au moment où la science devient un tel chaos, où nous apprenons que tel astronome remet en question les positions respectives de la terre et du soleil, où tous les ans une nouvelle cosmogonie ensevelit les précédentes sous un amas d'hypothèses aussi ingénieuses que gratuites, c'est à ce moment que des savants - justement des savants - n'hésitent pas à travailler de l'astrolabe et à prédire le temps où la science - leur science - remplacera la religion. Incroyable, mais tristement vrai !
 

     Ils s'imaginent - eux, soi disant « positifs » - travailler au futur Temple de l'Humanité et « marcher avec le progrès »...
 

     On ne sait au juste si c'est dans leur laboratoire ou dans quelque Atelier , qu'ils ont puisé ces mirifiques idées, qui nous ramènent aux temps lointains des Paul Bert et des Jules Simon.
 

     Laissons dormir en paix ces antédiluviens, mais ne marchons pas quand leurs continuateurs veulent nous persuader de jeter à bas les croix de nos églises pour les remplacer par l'immense point d'interrogation de leur science, qui ne sera jamais la science. La multitude de leurs doutes et de leurs « peut-être » ne fera jamais, donc ne remplacera jamais, une Foi.
 

GALLOS.


(1) Nous ne sommes pour rien dans les majuscules.