À peu d'exceptions près, les commentateurs de la Genèse n'ont pas manqué de voir dans le grand et le petit « luminaires », uvre du quatrième « jour », le soleil et la lune. Le désir de trouver un ordre chronologique là où il n'y a qu'un enchaînement logique les a passablement fait errer. Et pourtant cet ordre chronologique est insoutenable. Comment les plantes, créées au troisième jour, auraient-elles pu se développer sans soleil, alors que ses rayons leur sont indispensables ? Si nous quittons le sens matériel et terre à terre, toutes difficultés disparaissent. Nous saisissons alors facilement que Dieu n'a pas créé les plantes, mais seulement leurs essences et que le soleil et la lune qui nous éclaire n'ont rien à voir, du moins directement, avec les « luminaires » dont parle Moïse. Reprenons le texte sacré. Nous y voyons l'uvre de « résurrection » entrer dans une nouvelle phase. Le tourbillon chaotique de la partie de la création infernalisée qui semblait vouée aux ténèbres immuables, va être, par la sollicitude du Créateur, éclairé par des foyers lumineux sensibles (foyers virtuels et non matériellement visibles comme l'est notre soleil physique). Ces foyers virtuels réfléchiront un peu de cette Lumière intelligible qui, avant la grande révolte, éclairait directement les créations spirituelles maintenant déchues. Car si le mot Maor employé par Moïse pour dépeindre les foyers lumineux décrétés par Élohim, signifie « astre », c'est dans un sens bien restreint. L'auteur de la Genèse, toujours synthétique, emploie ce terme dans toute sa simplicité étymologique : Ma-AOR « foyer ou réflecteur de la Lumière du Verbe ». Et pour qu'on ne s'y trompe pas, pour que nous entendions, par ce mot les foyers virtuels des soleils physiques, il a soin de supprimer la voyelle mère O et de la remplacer « virtuellement » par le point-voyelle correspondant. Il en fait autant pour la terminaison du pluriel : OTh, afin que nous sachions que cette pluralité de luminaires n'est qu'implicite, Dieu créant universellement. Élohim déclare donc qu'il y aura des luminaires dans l'orbe éthéré des cieux, pour servir de moyen de séparation entre la lumière et les ténèbres. Ces luminaires, dit le texte, feront briller la lumière spirituelle sur la terre. Par « terre », Il faut entendre ici toutes les planètes prises collectivement, toutes les terres. Il est permis de supposer que ce n'est pas simplement la chaleur ou la lumière physique d'un soleil visible, qui est susceptible de réveiller, sur les planètes, la lumière spirituelle. Mais, comme le soleil physique n'est que le reflet, amoindri d'un soleil spirituel, lequel n'est qu'une faible émanation du Grand Soleil central, pivot de tous les univers visibles et invisibles, nous pouvons nous rendre compte que le « mythe solaire », si cher aux modernes et si mal entendu par eux, recèle une haute vérité : chaque soleil est non seulement un symbole expressif du Verbe-Lumière pour les terres qui en dépendent, mais il constitue le « petit luminaire », réfléchissant le « grand luminaire », centre virtuel, foyer réel de la Lumière du Verbe pour la sphère qu'il est chargé d'illuminer. Aussi, si selon du Verbe la parole du Psalmiste les Cieux racontent la Gloire de Dieu, la marche apparente des soleils et celle des Envoyés du Père sont reliées par des lois très précises, et ce n'est pas au hasard que les Litanies nomment le Christ Soleil de justice. Par ce qui précède, on voit déjà que les théories qui font du soleil (ou des soleils) une masse incandescente, réchauffant les terres par rayonnement calorique direct, une source thermique incapable de renouveler ses éléments et marchant inflexiblement vers la contraction de sa masse et le refroidissement final, on voit que ces théories sont en contradiction avec la pensée de Moïse, ainsi que celles qui font des « terres » d'anciens anneaux solaires, des fragments identiques en substance et en origine aux étoiles et ne s'en distinguant que par le volume et la température. Soleils et planètes ont des origines totalement différentes, et sont composés d'éléments également différents. Moïse nous dit, en effet, non pas que l'Éternel avait fait « deux luminaires », mais deux catégories de luminaires (ce qui n'implique aucune idée de nombre défini), dépendant l'une de l'autre : le Grand Luminaire pour régner sur le « jour » (1) et le petit luminaire (dépendant du Grand) pour régner sur la « nuit ». Mais, quelle est cette nuit ? C'est notre misérable « jour » qui, sans les soleils physiques, ne serait qu'obscurité immuable « Il fit, ALEIM, l'ipséité des couples de grands foyers lumineux ; le foyer lumineux principal pour présider symboliquement au jour, le foyer lumineux secondaire pour présider symboliquement à la nuit, et l'ipséité des étoiles. » Sous les paroles volontairement obscures de Moïse, nous pouvons distinguer d'abord le général du particulier : ALEIM crée le principe double des luminaires (nous en reparlerons plus loin), ensuite apparaissent les étoiles selon les besoins des mondes en perdition. Toutes ces étoiles ou soleils ont un prototype, le Grand Soleil Central, dont elles tirent leur énergie et leur lumière. Le nom même des étoiles KoKaB (pour la forme redondante Kob-Kob) indique très justement leur rôle et leur hiérarchie. Il est formé du radical AB, d'où découlent les idées génériques de paternité, de fécondation, de volonté directrice, modifié par l'article assimilatif Ka. Le signe O, image de la Lumière du Verbe, complète cet hiéroglyphe dont le redoublement intensifie encore le sens. En d'autres termes on peut dire que le Grand Soleil virtuel, centre des créations divines, reflète (ainsi qu'un prisme les couleurs), toutes les forces divines et les propage infiniment en multiples phénomènes. Il est le prototype des « Grands Luminaires ». Les soleils visibles le réfléchissent ainsi qu'un miroir, concentrant et propageant quelques-unes de ces forces, suivant le rôle qu'ils sont appelés à jouer dans la création. Les soleils « obscurs » ou virtuels, centres de forces d'origine divine, peuvent évertuer plusieurs univers différents ; ils servent donc d'intermédiaires entre le Soleil Central (Trône de la Trinité Créatrice) et les soleils plus ou moins éloignés du Grand Centre. Quant aux planètes, quelles qu'elles soient, elles sont l'uvre de Lucifer (2), car la Matière est un résidu, inerte par lui-même. Le Verbe l'a pénétrée et vivifiée, l'Esprit a soufflé sur elle, elle a donc pu produire et produira des formes, afin d'être évoluée, transmuée plutôt, par ceux-là mêmes qui l'ont faite ce qu'elle est. Pour les y aider, le « petit luminaire » (qui est notre soleil - ou tout autre de même ordre -) fut créé. Et fut le jour. Mais le globe opaque de matière, en tournant devant son soleil, ne peut exposer qu'une partie de lui-même, l'autre est dans l'obscurité. Cependant ces pauvres globes opaques, en proportion de leur éloignement, reflètent, eux aussi, la lumière solaire et répandent clarté et force : pâles clartés, forces souvent nocives, provenant de leur sombre origine. Et fut la nuit. Le « petit luminaire » de Moïse n'est donc pas la lune, car, en fait, il y a autant de lunes que de planètes ; toutes ne réfléchissent-elles pas la lumière de leur soleil respectif ? Ce petit luminaire c'est le soleil, ou plutôt c'est chaque soleil, car Moïse parle toujours au collectif. Chacun de ces soleils visibles tire donc son énergie d'un soleil virtuel(3). À leur tour ces soleils virtuels dépendent du soleil central dont nous avons parlé plus haut. C'est grâce à ces centres irradiants, si différents des planètes, que nous parviennent encore quelques rayons de la Lumière spirituelle, réfléchie par eux (et non pas seulement de la lumière et de la chaleur physiques). C'est - enfin - cette lumière spirituelle qui excite, éveille, ranime nos facultés spirituelles engourdies, ainsi que Moïse le dit clairement. Ces influences stellaires sont très différentes des influences planétaires qu'étudie l'astrologie et dont l'astronomie même commence à s'apercevoir. Les planètes nous renvoient la lumière qu'elles ont reçue, mais viciée dans leur propre ambiance inférieure, colorée, pour ainsi dire, par leur virtualité propre, bonne ou mauvaise plutôt mauvaise. La création des Luminaires, telle que la relate Moïse, renferme encore bien d'autres arcanes, physiques et métaphysiques. Il nous suffit, pour l'instant, de l'avoir replacée, avec sa perspective générale, dans le cadre de l'uvre de Résurrection, sans nous embarrasser d'inutiles détails. EssA.
(1) La Lumière débrouillant le Chaos, Psyché, Mars 1933. (2) Quelques considérations sur les Forces Infernales, Psyché, Mai 1933. (3) Ce fait a été remis en lumière par plusieurs chercheurs modernes : la course elliptique des planètes autour d'un double foyer dont l'un est occupé par le soleil physique le démontre analogiquement, de même que la physique expérimentale démontre, au moyen de miroirs paraboliques, l'existence d'un foyer virtuel de calorique, distinct du foyer apparent. |