LA RADIESTHÉSIE N'EST PAS UN JEU


 

     Lors d'une récente causerie (1), le radiesthésiste bien connu G. Lesourd mettait sagement en garde ses auditeurs contre les dangers que constituent des recherches poursuivies au petit bonheur par d'impétueux néophytes :

     Si la Radiesthésie consiste à considérer le pendule, « cette petite chose qui se balance au bout de nos doigts, ce yo-yo moderne », comme susceptible de répondre à toutes les questions qu'on peut lui poser ; s'il doit être « l'épateur qui épate épatamment » tout le monde, comme s'expriment certains médecins ironiques, oui, la Radiesthésie est un danger. Si le pendule est destiné à remplacer les tables tournantes dans les soirées mondaines ou le petit toutou chez les snobinettes des cinq à sept, oui, la Radiesthésie est un danger.

     Si elle est représentée par ce monsieur qui, dans la rue, a toujours son pendule à la main et essaie de connaître les secrets - pauvre piqué - des personnes qui passent, oh ! De façon discrète, sans doute ; si elle est représentée par cette dame qui papote pour épater ou épate pour papoter, « oui, ma chère, grâce à mon pendule, j'ai pu... comme je suis sensible... croyez-vous ? », oui, la Radiesthésie est un danger et un grave danger et ceux qui veulent la vulgariser peuvent être considérés comme des êtres néfastes ou criminels.

     Si la Radiesthésie est représentée par cette dame qui, dans un dîner, avec son pendule - ou plutôt avec sa breloque, car elle la battait certainement - trouvait des trésors à distance dans le jardin d'un convive, les maladies de la bonne d'une autre personne dont on lui indique l'existence possible, la présence sur le quai de la gare de Toulouse (à 800 kilomètres) d'un monsieur dont on lui donne le nom (et qui était assis à côté d'elle... ) oui, la Radiesthésie est un danger.

     Si la Radiesthésie est l'apanage de ce pharmacien néophyte croyant pouvoir, en quelques mois, obtenir ce que son confrère réussissait après des années de travail et qui fournissait dix réponses différentes sur dix témoins d'une seule personne (un médecin), la Radiesthésie peut être un danger.

     On ne saurait mieux dire. Comme pour toute nouveauté d'ordre occulte ou semi-occulte, le snobisme s'est mis de la partie, furieusement talonné, d'ailleurs, par une publicité commerciale savamment organisée.

     Que de pendules, que de pendules !

     Il y en a de toutes tailles et pour toutes les bourses ; détecteurs d'ondes cosmiques, pendules « zodiacaux », extra-sensibles, ultra-sensibles et même... ultra-lucides. Le cristal, l'ivoire, le caoutchouc, l'argent, l'or même sont mis à contribution.

     Et de toutes formes donc ! Des ovoïdes, des sphériques, des coniques, sans compter les... piriformes, quelque peu symboliques.

     Et le pendule devient un jeu, un passe-temps, un joujou pour grands enfants. Sans méthode, sans études, sans motif précis, on « pendulise » à tour de bras.

     Il n'y a pas, malheureusement, que les écervelés, les curieux et les vaniteux pour exploiter les possibilités mal définies d'une science dont ils ignorent les principes.

     Comme toujours, en pareil cas, une foule de demi déséquilibrés ou de simples exaltés, se jettent sur cette manière inédite d'aggraver leur déséquilibre psychique et d'accentuer leur exaltation mentale.

     Les services rendus par le pendule ou la baguette, entre des mains expérimentées et sages, sont trop réels pour qu'on se permette de jeter l'anathème sur une science en formation, science qui pourra mener assez loin ses pionniers. Cependant, il est bon de rappeler aux esprits légers que le pendule n'est ni un oui-ja, ni une corbeille à bec, et que la baguette ne doit pas devenir un substitut de la « verge foudroyante » du sorcier.

     La radiesthésie simple, sur le terrain, est un art en voie de devenir une science. Son intérêt expérimental est largement dépassé par son intérêt scientifique et, surtout, philosophique.

     En tout cas, elle constitue rarement un danger, sauf par la passion inconsidérée qu'elle développe chez certains et qu'elle ne peut longtemps satisfaire.

     Alors, apparaît la téléradiesthésie. Terrain dangereusement mouvant, dépassant le plan de l'expérimentation physique.

     Cette forme est la plus tentatrice, la plus dangereuse pour les esprits instables.

     Elle nécessite, en effet, un développement psychique particulier, analogue à celui que procurent certains entraînements occultes, et ne peut qu'être d'un désastreux effet sur des sensibilités exacerbées et naturellement enclines au déséquilibre.

     Seuls, un grand bon sens et une grande stabilité psychique et morale, permettent d'aborder, sans crainte de réactions imprévisibles et nocives, cette partie de la radiesthésie.

     Car, enfin, la recherche sur plan, orienté ou non, d'un gisement situé à des lieues de l'opérateur, n'est pas autre chose qu'une opération magique, basée sur la loi d'analogie et « véhiculée » grâce à une certaine tension psychique (astrale, diraient les occultistes).

     Et que dire du pendule appliqué à la solution de toute chose connaissable... ou inconnaissable ?

     Non seulement nous tombons ici en plein spiritisme, mais - chose plus grave - l'expérimentateur, l'apprenti sorcier pourrions-nous dire, ignore le plus souvent que sa pseudo-radiesthésie fait de lui un médium inconscient et d'autant plus désarmé.

     Dans le Voile d'Isis, si nous avons bonne mémoire, un rédacteur assimilait dernièrement ce stade pararadiesthésique à un « pacte » tacite.

     Il y a du vrai et l'on ne cheminerait pas longtemps dans cette voie descendante sans offrir d'indubitables phénomènes d'obsession et de possession.

     Si par malheur la moralité de l'imprudent n'est pas exceptionnellement solide ; si un déséquilibre psychique préexistant laisse en lui la porte ouverte à des entités inférieures, tout est alors à craindre, y compris la folie pure et simple.

     Cette conclusion fera certainement sourire ceux qui n'ont pour palladium que leur présomption. Puisse ce sourire ne jamais se transformer en un rictus démentiel !

     Dans toute recherche de cet ordre, où le domaine psychique, le domaine physiologique et le domaine physique laissent difficilement discerner leurs limites respectives, il y a danger.

     Et, ici, le danger se double d'un autre plus subtil, celui d'une hantise partielle où totale.

     Selon la qualité de l'âme du chercheur, selon son désir intérieur et sa fermeté morale, le danger sera nul, faible ou grave :

     « Écoute-moi, écrivait Marsile Ficin à un de ses disciples, je peux t'apprendre gratuitement et avec concision ce qu'est l'éloquence, la musique et la géométrie.

     « Persuade-toi de ce qui est honnête et tu seras parfait orateur ; tempère les mouvements de ton âme et tu sauras la musique ; mesure tes forces et tu seras un vrai géomètre. »

     Il nous semble que la leçon s'applique pertinemment aux recherches radiesthésiques... et à quelques autres.

ESSA.



(1) Revue Coude-à-Coude, Avril 1936.