SCIENCE ET FOI


     Parmi les « illusions de la science », ou plutôt d'une certaine science matérialiste, une des plus tenaces est de vouloir substituer « les vérités scientifiquement démontrées » aux dogmes religieux et aux systèmes métaphysiques. Il s'ensuit immédiatement un fait qui ne manque pas d'un certain comique, c'est que les fameuses vérités scientifiques prennent tout naturellement l'allure de dogmes intangibles et que la science dite positive réclame de ses adeptes plus d'actes de foi et d'adhésions gratuites à ses vérités d'un jour, que la plus irrationnelle des religions.

     Dans la science, il faut distinguer deux choses : le phénomène que circonscrivent l'observation et l'exilé l'expérience, et l'explication du phénomène. Celle-ci est à deux degrés. Au premier, on le rapproche d'autres phénomènes qui semblent lui être apparentés, ce qui en permet le classement, plus souvent provisoire que définitif. Au second, on recherche des lois générales donnant raison des classements et on aborde, plus ou moins légitimement, le terrain métaphysique.

     Ce second degré surtout ne devrait être abordé qu'avec une prudence, une humilité même, dont les vrais savants sont les premiers à donner l'exemple. Il représente non pas la Science, mais une opinion, une conclusion personnelle sur les données de la science, à un certain stade.

     Que de telles conclusions, même fragiles, même provisoires soient présentées à l'examen des hommes, rien de plus légitime. Qu'elles soient imposées comme des vérités qu'on doive s'abstenir de discuter, lorsqu'elles appuient certaines thèses sociales ou athées, halte là !

     Pour certains savants selon la lettre, la science est indéfiniment perfectible ; aucun mystère, aucune énigme ne doivent subsister à la longue devant elle. Chacun de ses pas en avant - à les entendre - dissipe une obscurité, triomphe d'une ignorance. On peut donc prévoir le temps où toute obscurité et toute ignorance auront disparu, chassées par l'indéfinie progression des lumières scientifiques. Et de braves gens, trompés par ces orgueilleux, s'imaginent naïvement que les religions ont « fait leur temps », que les traditions millénaires ne sont plus en rapport avec « nos connaissances actuelles ».

     Il est triste de voir ainsi des hommes de science se jouer de la simplicité des ignorants.

     S'ils étaient sincères, ils devraient avouer que le fameux progrès - sauf dans le domaine strictement utilitaire - n'existe pas. Ils devraient convenir que le but à atteindre recule à chaque pas qu'ils font vers lui, et qu'une énigme à peu près résolue, loin d'éclairer le fond des choses, laisse entrevoir dix énigmes, plus obscures encore. À chaque étape, les points d'interrogation se font plus nombreux, l'objectif final plus distant.

     Tout livre de science devrait débuter par un aveu d'humilité. Tout enseignement de science devrait être une leçon d'humilité. Et c'est l'orgueil qui prévaut. On expose les progrès faits par l'humanité depuis les temps d'obscurantisme et de superstition : on montre la science mettant de l'ordre dans le chaos universel ; on oublie de mentionner le degré d'incertitude, souvent extrême, des notions enseignées, dans le but clair de former une génération d'orgueilleux et d'athées.

     Tout cela est le contraire de la science.

     Exagérons-nous ? Prenons, quelques exemples entre mille.

     « Les premiers Hommes paléolithiques étaient inférieurs aux hommes des races sauvages actuelles ». Magister dixit !

     La preuve ? Trois fragments de squelettes, dont le premier, celui de Canstatt est pure « forgerie » ; le second, celui de Néanderthal, est sujet à caution ; le troisième, celui de la Chapelle-aux-Saints ne représente un type humain qu'à la condition préalablement admise sans discussion que l'homme ait passé par des stades de transition, en partant du singe. Toute autre explication est systématiquement rejetée sans examen.

     Venons à la géologie. On va enseigner comme vérité démontrée l'existence d'un feu central ; ce feu central est formé de matériaux pâteux et liquides à haute température, ainsi que d'un noyau de gaz surcompressés par le poids de l'écorce terrestre. Mais cette écorce représente l'épaisseur relative de la coquille par rapport à l'oeuf.

     Comment la surcompression ne la fait-elle pas éclater, on ne se charge pas de l'expliquer. Comment prouve-t-on le feu central ? Par la constante augmentation d'un degré centigrade tous les trente mètres, lorsqu'on creuse le sol. On a creusé, remarquons-le, des puits de deux kilomètres, soit un cinquième de la moindre épaisseur attribuée à l'écorce.

     En dépit de la loi constante qui veut que la température subisse un coefficient d'augmentation à mesure qu'on se rapproche d'une source thermique, des géologues sont forcés d'admettre que le degré géothermique diminue peut-être avec la profondeur. Comprenne qui pourra, croie au feu central qui voudra...

     Au niveau des abysses océaniques, l'écorce terrestre, la lithosphère disent les savants, serait d'une épaisseur presque nulle. Et la pression des gaz internes surcomprimés ne la ferait pas crever ? Et ceux-ci préfèrent s'échapper par les bouches volcaniques dont certaines s'ouvrent sur les socles continentaux les plus épais et les plus solides ?

     Encore une fois, que des savants posent et discutent entre eux de telles théories, cela va de soi. Mais que d'aussi fragiles échafaudages fassent figure de dogmes intangibles, qu'on dise à l'enfant : « Voilà la science ! », c'est un abus de confiance.

     Ceux qui ont ainsi arrangé la science pour en faire une machine de guerre contre la religion sont des malfaiteurs publics.

     Rien, absolument rien, ne prouve que l'homme ait une fois été une brute sans intelligence et sans âme ; rien ne prouve les théories évolutionnistes. Tout ce fatras dont on a encombré la science ne repose sur rien - sauf sur la volonté bien tranchée d'expliquer l'homme et le monde en se passant de Dieu.

     Une cause qui en est réduite à de tels expédients, réduite à présenter une hypothèse comme une vérité confirmée, une telle cause est jugée.

     Une science qui soit, tout simplement, science, et qui n'empiète pas sur des domaines où elle n'a que faire, une science, en un mot, qui ne soit pas une contre-religion, voilà ce qui doit remplacer au plus vite la science, ouvertement ou insidieusement athée, dont le poison, subtilement dosé, enivre et atrophie tant de jeunes cerveaux sans défense.
 

GALLOS.