Vous êtes actuellement sur le site : livres-mystiques.com © de Roland Soyer le 23/12/2008

VISAGE DU DRUIDISME

Chapitre III

RAMA : NAISSANCE DU DRUIDISME PROPREMENT DIT

 

          Cinq siècles à peine se sont écoulés depuis l'explosion du premier schisme féminin. Partout s'affrontent, se défient ou se fuient les partisans des deux doctrines. Le sang humain coule inlassablement sur les autels des « Filles de la Mère ». Et voici qu'un fléau inconnu frappe les Celtes, s'attaquant presque exclusivement à la jeunesse et à l'âge viril. Ce fléau, — châtiment d'En haut, sans doute, mais interprété différemment des deux côtés de la barricade, — c'est la tuberculose pulmonaire. Malgré un redoublement d'hécatombes par quoi les visionnaires entendaient fléchir le courroux de la Grande Déesse ; en dépit des recherches des Sages touchant la nature du mal et les remèdes à lui opposer, l'épidémie continuait son œuvre implacable.

          Une belle fois, l'archi-vaticinante saisit l'occasion d'une cérémonie publique pour décréter ex cathedra que les progrès du fléau ne cesseraient que lorsque le Suprême Conseil orthodoxe et son chef auraient été sacrifiés à la Mère divine. C'était les désigner ouvertement aux coups des fanatiques et substituer la guerre ouverte aux « incidents » quotidiens entre les deux camps. Au point où en étaient les choses, l'on pouvait prévoir à assez brève échéance l'extinction totale de la race.

          Pour garder sa liberté de manœuvre et décourager quelque audacieuse et sacrilège tentative, le Grand Pontife orthodoxe s'était établi, solidement, entouré, assez loin au sud-est des lieux qui avaient été le point de départ et demeuraient le centre actif du schisme. Il était descendu vers les terres récemment exondées (fin de la dernière glaciation) qui s'asséchaient lentement, drainées par le Rhin. C'est entre ce fleuve et la Meuse , sous la protection d'une double barrière d'eaux que s'était retranché 1' « Etat-Major » orthodoxe, si l'on peut employer cette expression.

         Le hasard, — qui n'est en somme que le nom poli de notre  ignorance — avait assez bien fait les choses puisque, non loin de là, à peu de distance de l'actuelle frontière franco-belge, était né un enfant qui serait le futur Rama, pour l'appeler par son nom d'initiation, — nom symbolique, signifiant « bélier », en tant que pacifique conducteur d'un troupeau(1). Fils de guerrier, il préféra revêtir la robe grossière des aspirants à la Sagesse et franchit vite les degrés de la hiérarchie, désigné, semblait-il à ses pairs, pour assumer un jour la charge de Chef du Sacerdoce, charge élective et non héréditaire.

           Comme le seraient plus tard les druides, les Sages de Celtide étaient à la fois pasteurs spirituels, éducateurs, législateurs et thérapeutes. Rama s'attaqua donc au problème angoissant de la phtisie pulmonaire et en trouva le remède dans une des plantes les plus curieuses de nos contrées : le gui du chêne. J'en ai maintes fois parlé dans mes écrits antérieurs que je résumerai et compléterai au chapitre XIV de celui-ci. Pour l'instant, où je relate l'histoire de druidisme telle que je pense la connaître, je rappellerai seulement que ce Gui, prototype du Soma et du Haoma des Indo-iraniens, fut étudié par Rama dans toutes ses possibilités réelles (thérapeutiques et psychagogiques) comme dans toutes ses applications symboliques : « Remède universel », « Elixir du Savoir », voilà les possibilités réelles, les seules dont je veuille faire état pour le moment et sur lesquelles je donnerai plus loin des indications assez précises.
         Rama se mit donc à l'œuvre, appuyé par le Suprême Collège.  On convint de divulguer le nom du remède sauveur, mais d'en tenir secrète la préparation.

          Le bruit des cures merveilleuses du thérapeute ne tarda pas  à se répandre dans les deux camps. Chaque guérison conservait ou rendait à l'orthodoxie un fidèle de plus et quelquefois un clan, lorsqu'il s'agissait de son chef. A mesure que croissait son pres­tige, les vaticinantes voyaient décliner le leur. Exaspérées, elles le déclarèrent « possédé par de mauvais esprits » et, afin d'intimider ceux qui oseraient recourir à sa médication, elles le frappèrent solennellement d'interdit. Lui, ne pouvait ignorer ces menées, dont le résultat logique serait un conflit armé de grande envergure, qu'il voulait à tout prix éviter.

         Pour ne point voir la Celtide déchirée par une lutte fratricide, il résolut donc de s'expatrier avec ceux qui voudraient le suivre, pour conquérir ailleurs un territoire où la tradition se conserverait inviolable.

         Mais, auparavant, il résolut de donner à la fête du Solstice d'Hiver (Prinni Giamon, du calendrier gaulois de Coligny) un éclat et une signification sans précédents. Il avait déjà institué pour cette fête le rite de la distribution solennelle du gui, et donné à cette plante son nouveau nom : Widus (l'herbe) « du Savoir » (Indo-Eur. *Weid- « savoir »), tandis que les Sages orthodoxes adoptaient le nom de Dru-Wides (nominatif ultérieur Dru-wis/Druis-), c'est-à-dire, selon un symbolisme assez transparent : « Chênes porteurs de gui »(2).

         Ce n'est qu'au cours de l'année qui suivit sa décision d'exode, après avoir mûri son plan et préparé ses voies, qu'il la rendit publique et lança un appel à ceux qui voudraient associer leur fortune à la sienne. Et ce fut à l'occasion de la fête de l'Equinoxe d'Automne qu'il se déclara ouvertement. Ainsi, la menace d'agression massive des partisans du schisme tourna court, faute d'objet ou, si l'on veut, de prétexte.

         Rama avait donné rendez-vous à ses partisans dans la plaine du Hanovre, au nord de la forêt de Teutoburg, où l'on situe assez généralement le massacre de l'armée de Varrus par Arminius. Le jour du départ fut fixé pour l'Equinoxe de Printemps. Je remarquerai ici que c'était toujours lors des grandes célébra­tions saisonnières qu'étaient prises les décisions d'intérêt général. Chez les schismatiques également. Les annales irlandaises en font foi!

          Dans cette étendue assez désertique, s'organisa le rassemblement des volontaires : quelques dizaines de milliers qui, en chemin, feraient la boule de neige. Dans cette foule de piétons (le cheval n'étant pas encore domestiqué) il y avait des clans entiers, à commencer par celui de Rama. Davantage exode qu'expédition guerrière ! Le transport du matériel rudimentaire, des malades et des blessés était assuré par l'ancêtre (mais à deux roues) de notre brouette.

          Les émigrants s'en furent par la vallée de l'Elbe pour atteindre le Danube et le longer par la rive gauche où campaient déjà des clans celtiques dont quelques éléments se joignirent à eux. Sans trop d'escarmouches, l'on arriva à l'embouchure du fleuve, en évitant sagement les accrochages avec les Noirs, établis sur la rive droite et avec les irréconciliables Amazones de Thrace. Après une pause rendue indispensable par les nécessités du ravitaillement, l'exode reprit. L'on contourna la mer Noire par le nord, pour gagner l'Arménie en franchissant le Caucase où se fit la première halte durable (probablement d'une récolte à l'autre) et pas seulement pour des problèmes de ravitaillement.

          En effet, des Blancs s'étaient retranchés là, depuis plusieurs  siècles, contenant la poussée égéenne, tout en en subissant l'influence technique et intellectuelle. De cette présence antique, de ces contacts alternativement commerciaux et belliqueux, le nom même du Caucase porte l'empreinte ; ce nom est celui des Kaukônes (« Montagnards ») qui, eux, n'étaient point des Celtes, mais de purs Egéens.

          Ce nom est bâti sur un des vocables pan-atlantes désignant la « hauteur » et, plus spécialement, la « hauteur fortifiée ». On en retrouve les vestiges jusqu'en berbère moderne (t-KUK-t/ t-KU-t, « citadelle, oppidum »). Il a fourni à l'ibèro-aquitain des appellations toponomastiques : Cauca, en Tarraconaise ; Cauco-liberi (Kauko-iliberri) en Narbonnaise, aujourd'hui Collioure, etc... Ce mot, commun à plusieurs dialectes atlantes, s'il n'a pas purement et simplement été emprunté, comme nombre d'autres, par les Celtes, a, pour le moins, déteint sémantiquement sur un thème I.E. homophone, KOUKO-/Kauko-, particulièrement représenté dans le domaine balto-slave.

          Des compagnons de Rama se fixèrent dans ces parages, rem placés dans les rangs des migrateurs par nombre de jeunes Celtes caucasiens que tentait « la belle aventure ». C'est, le pense, à la suite de ce séjour que furent érigés, au cours du temps, les nom­breux mégalithes de la région.

          Je me permets une digression. L'époque où se situe Rama  est celle dite « de la pierre polie » ; c'est aussi celle que j'ai signalée ailleurs comme « période du bronze cryptique ». En effet, dès avant l'engloutissement de leur Ile, les Rouges connaissaient et utilisaient le bronze, dont la fabrication était tenue jalousement secrète. De rares échantillons s'en peuvent retrouver au Bénin (Yoruba) et même au Maroc. Conformément aux théories en cours, ces bronzes sont post-datés quand quelque fouille heureuse en exhume.

          Après la destruction de leur métropole, les Egéens, continuateurs des Atlantes, prospectèrent les gîtes miniers et se livrèrent à d'innombrables essais, qui restèrent longtemps décevants, en vue de retrouver la formule du fameux « orichalque ». Ils y parvinrent enfin, au cours du 5e millénaire. De même que leurs prédécesseurs, ils la tinrent secrète. L'airain, rarissime, fut d'abord exclusivement consacré aux usages sacerdotaux. C'est dans cette préoccupation de défendre une technique réservée qu'il faut chercher le point de départ des mystères cabiriques et le fin mot des « légendes » touchant les Telchines et les Dactyles de l'Ida. J'ajouterai que, lorsque Rama se fut établi dans l'Inde, il reçut, en tant que Grand Pontife de renom universel, quelques échantillons du bronze égéen, en ce temps, plus précieux que l'or. Mais, au temps de leur exode, les Celtes ignoraient le bronze. Outre l'arc et la fronde, leur arme typique était la hache de pierre polie ; à quoi fait allusion le nom transmis par l'Inde, de Paraçu-Rama.

          Et l'exode se poursuivit plus loin, à travers l'Arménie, la   Susiane , la Perse , la Carmanie où Rama s'arrêta quelque temps avant d'aborder l'Inde. Celle-ci était peuplée en majeure partie par les descendants des rescapés de la Lémurie , avec une minime proportion de Jaunes, autres rescapés, mais du continent pacifique. L'Indus fut franchi dans la plaine de Katchi, vers l'actuelle Chikarpour et la conquête du pays s'opéra par le nord par la plaine indo-gangétique. Un des résultats de cette conquête fut qu'une partie des Lémuriens adhéra spontanément à la fédération que leur proposait Rama, toujours opposé aux effusions de sang inutiles, une autre étant refoulée au sud-est (Gondvana, entre autres) tandis que le reste, répugnant à s'allier comme à combattre, préféra s'expatrier, reprenant en sens inverse la route suivie par les Celtes. Ce sont ces émigrés qui fonderont par la suite l'empire sumérien, puis suméro-akkadien, de Babylonie.

          Ménager des susceptibilités locales et sachant que l'équité est  la plus sage des diplomaties, Rama pacifia et fédéra l'Inde propre étendant sa suzeraineté ou plutôt son autorité morale sur la Perse , où d'autres Blancs, chassés ou émigrés pour des raisons analogues aux siennes, s'organisaient, refoulant les Noirs dont le déclin allait rapidement s'accentuer. Il en alla de même pour le Tibet où une très ancienne migration hyperboréenne, due aux glaciations, avait plus ou moins fusionné avec des éléments de race jaune.

Le prestige et la sagesse de Rama firent plus que les armes  pour confédérer ces vastes territoires aux populations disparates.
Finalement, il établit sa capitale à Oudh (Ayodhyâ), délégua ses pouvoirs à un chef temporel assisté d'un conseil de druides, et se retira au Tibet, dont il fit le premier « Pays neutre » de l'Histoire. Il y prit le titre religieux de « Lama » (3). Son système fédératif donna à cette immense portion du monde deux mille ans de paix druidique. Cela tient en deux mots : fédération et arbitrage(4). Les druides d'Europe, restés en liaison se tenaient au courant des affaires d'Asie et adoptèrent le programme qui y avait fait ses preuves. Mais quant à le réaliser contre le schisme qui sapait leur autorité et contre l'anarchique turbulence des chefs de guerre se jalousant, c'était une autre histoire !... Toutefois, le programme subsista, inchangé, jusqu'aux temps histo­riques. On le vit bien, quand Vercingétorix faillit le réaliser, appuyé par tous les druides orthodoxes, — trahi par les autres.


(1) Je n'ai pas cru devoir modifier la forme sanscrite tardive sous laquelle le nom de Rama nous est parvenu. Qu'il ait été appelé Ramos de son vivant, comme j'ai de fortes raisons de le penser, ne change rien au sens du nom, et n'a qu'une mince importance.

(2) . L 'auteur doit rappeler ici qu'il n'est ni linguiste, ni philologue, quoique n'étant pas absolument ignorant en l'espèce. Si la non spécialisation préserve de certaines œillères, elle rend vulnérable aux critiques, souvent fondées, parfois injustes, des savants spécialisés, arbitres d'une époque vouée à la spécialisation à outrance.

(3). Je veux souligner que ce mot n'a pas davantage à voir avec le nom celtique de l'agneau, Lemba, que son nom de Rama ou « Bélier » avec le Bélier zodiacal et l'ère précessionnelle qui s'y rattache, sinon dans de tardives adaptations symboliques. A l'époque de Rama, l'équinoxe vernal était encore dans  les Gémeaux et  serait  bientôt signalé par le lever héliaque d'Orion.

(4). L 'un ne va pas sans l'autre, si l'on tient au règlement pacifique des conflits. Mais, pour établir l'un comme l'autre, il faut non un  « super-gouvernement », une S.D.N. ou un O.N.U., mais une autorité spirituelle, indépendante des partis et des Etats, reconnue et respectée par ceux-ci, qui trouvent en elle leur légitimation et leur garantie de durée.

 

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