VIII

 

Les distractions pendant la messe

 

Une dame Gobin, de Saint-Maurice-de-Rémens, dans l'Ain, quittait, un matin de 1858 son mari malade et ses trois jeunes enfants qu'elle venait de confier à une voisine charitable. Elle s'engageait seule à pied sur une route déserte et bordée de larges étangs pour aller consulter celui qui sur terre demeurait son dernier espoir.

A plusieurs reprises déjà, elle avait franchi, à travers la mélancolique Dombes, les neuf lieues qui séparent d'Ars Saint-Maurice-de-Rémens. M. Vianney connaissait donc bien l'état de ce pauvre père arrêté dans son travail par une maladie de langueur et qui, humainement, semblait n'en pas devoir guérir. A chaque pèlerinage de la mère, le saint avait dit : « Je prierai pour votre famille ». Ce jour-là, Mme Gobin était décidée à insister, à réclamer une réponse plus précise.

 

Elle arrive le soir dans le village d'Ars et, comme elle ne s'y attend que trop, trouve l'église remplie. A la fermeture des portes, elle court prendre place dans le vestibule du clocher.

Vers une heure, survient M. Vianney, sa lanterne à la main. Il se met au confessionnal où plusieurs pénitentes se succèdent. Et Mme Gobin d'envier leur bonheur ; mais elle sait que ces personnes l'ont gagné par une attente de plusieurs jours. Aussi s'arme-t-elle de patience... Ah ! Voici la porte du confessionnal qui s'ouvre. Les épaules courbées, le saint Curé s'achemine vers le fond de l'église. Il fait signe à Mme Gobin de s'approcher.

Celle-ci va au confessionnal et, son accusation achevée :

« Mon Père, interroge-t-elle, s'il y avait encore quelque chose, veuillez m'en avertir.

— Mon enfant, répond M. Vianney, quand vous assisterez à la messe, ne faites pas attention à ce qui se passe autour de vous ; ne regardez ni d'un côté, ni d'un autre. »

Le serviteur de Dieu venait de lire dans son âme et d'y découvrir une habitude dont ne s'inquiètent pas toujours assez les personnes dévotes. Mme Gobin parla enfin de son mari.

« Il guérira, reprit le Curé d'Ars, et Dieu vous aidera à élever votre famille. Une messe s'apprête. Vous y ferez la communion et vous repartirez ensuite. »

 

Suivant la promesse de M. Vianney, M. Claude Gobin ne tarda pas à se remettre. Sa santé dès lors demeura florissante. Le 8 septembre 1919, âgé de quatre-vingt-onze ans, il racontait son histoire à M. l'abbé Louis Joly, et sa fille, une vénérable religieuse de Saint-Joseph, ne pouvait que confirmer ces dires, ayant entendu cent fois le même récit des lèvres de sa regrettée mère.

 

 

 

 

 

FIN DU PREMIER TOME