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Consolation et courage

 

C'était un homme dans la force de l'âge qui venait d'entrer dans l'église d'Ars. Seulement, il n'avait pas pu y pénétrer bien loin, car la nef était pleine. Ruisselant de sueur, couvert de poussière, le voyageur, qui avait croisé les bras et commencé une prière, demeurait adossé à la porte du fond, sous la tribune.

Il venait de loin – de Bizonnes, en Isère – et par dévotion il avait voulu faire tout le voyage à pied. Ce chrétien sentait le besoin de voir ce saint dont il avait si souvent entendu parler ; il désirait décharger son cœur dans le sien : il avait tant travaillé, tant souffert !...

Toujours adossé à la grand'porte, il se demandait pourtant quand et de quelle manière il pourrait aborder le serviteur de Dieu, lorsqu'une silhouette se profila dans la nef au-dessus des pénitents assis ou agenouillés. Le Curé d'Ars en personne venait au voyageur.

« Oh! mon ami, lui dit-il avec compassion, quel long et pénible voyage vous avez fait ! Suivez-moi à la sacristie. »

L'autre ne se fit pas prier deux fois. Il tomba aux genoux de ce prêtre si clairvoyant et si bon. Mais il n'eut guère besoin de s'expliquer lui-même : M. Vianney « lui retraça en détail toute sa vie, comme s'il en avait été le témoin de chaque jour. I1 lui dit notamment qu'il avait eu un fils prêtre, mort, hélas ! peu de mois après son ordination, à vingt-cinq ans. » Ce n'était que trop vrai. Dans un entretien tout céleste, le saint prêtre sécha les larmes qui coulèrent à ce douloureux souvenir.

Le pèlerin de l'Isère regagna son toit et reprit son travail, apaisé et consolé. (1)

 

(1) D'après un récit fait à Mgr Convert, le 12 juillet 1832, par M. l'abbé Mermet, curé de Burcin (Isére), qui raconta ici l'histoire de son propre grand-père.