IV

« Vous y mourrez !... »

 

Au cours de l'année 1846, une jeune personne de Lyon âgée de vingt et un ans, Mlle Marie Girardet, vint trouver le Curé d'Ars pour lui soumettre un doute. Elle désirait se faire religieuse et restait indécise entre plusieurs congrégations.

« Mon enfant, trancha M. Vianney, le bon Dieu vous appelle dans la communauté de Saint-Joseph. »

Voilà Mlle Girardet partie pour la maison-mère. Le sacrifice de sa famille selon la chair lui a coûté énormément ; mais par une compensation providentielle, elle s'éprend d'une vive affection pour sa famille spirituelle. Elle n'est qu'au noviciat encore, et déjà elle s'effraie de le quitter. Il le faudra bien pourtant : les jeunes professes n'ont point coutume d'y demeurer après leurs premiers vœux ; les supérieures leur confient un emploi, loin souvent de la maison-mère, dans quelque école ou quelque orphelinat... Bref, tel serait le sort de Sœur Agnès des Anges – Marie Girardet portait à présent ce joli nom.

 

Elle s'en chagrinait et n'arrivait pas à se raisonner sur ce que sa maîtresse de noviciat taxait assez justement de sensiblerie ou d'enfantillage.

Toutefois, l'occasion s'offrant de passer par Ars, on permit à la dolente novice d'interroger de nouveau le serviteur de Dieu. Il lui fit cette prédiction :

« Non, mon enfant, vous ne resterez pas au noviciat mais, rassurez-vous, vous y mourrez. »

 

Sœur Agnès des Anges prononça ses vœux avec toute la piété ardente de sa belle âme. On l'envoya exercer son zèle dans plusieurs établissements où elle réalisa beaucoup de bien.

Elle n'avait jamais révélé à personne la prophétie de M. Vianney.

Lorsque la jeune religieuse fut atteinte de la maladie dont elle devait mourir, sa supérieure générale fut poussée par un concours de circonstances tout à fait imprévues, à la ramener au noviciat. Elle y expirait bientôt, accomplissant à la lettre l'intuition mystérieuse du Curé d'Ars (1).

 

(1) Documents Ball, n° 140