XI

« Quatre planches... »

 

Vers 1857, un jeune homme de Lyon se disposait à épouser l'une de ses compatriotes qui partageait sa grande foi et son amour des pratiques religieuses. De l'avis des deux familles, l'un et l'autre feraient un couple vraiment assorti. « La demande était faite et acceptée par la jeune personne, note M. le chanoine Ball ; sous peu on devait en venir aux conclusions définitives. Déjà les futurs époux s'étaient promis de mener ensemble une vie bien chrétienne et de s'aider mutuellement à gagner le ciel avant tout (1). »

 

Cependant, lorsqu'il fallut fixer la date des noces, notre Lyonnais éprouva une hésitation inattendue. Tout lui avait souri dans cette union, et voilà que le bonheur promis ne lui paraissait plus par instants qu'illusion et mirage. Que faire ?

Il refusa d'engager sa parole avant d'avoir consulté le vénérable Curé d'Ars dont il avait entendu vanter hautement les lumières surnaturelles et l'esprit prophétique.

Ses affaires le retenant à Lyon, « il prit le parti d'écrire à Mlle Catherine Lassagne, la priant de demander au serviteur de Dieu s'il devait donner suite à son projet ».

Mlle Lassagne s'acquitta simplement de la commission, sans ajouter aucun commentaire au sujet du fiancé, que d'ailleurs elle ne connaissait pas. La réponse du saint fut austère dans les termes, mais elle contenait un avertissement providentiel pour qui savait comprendre :

« Dites à ce monsieur de faire l'acquisition de quatre planches, d'en clouer trois ensemble, la quatrième sera clouée quand il sera dans les trois autres. »

 

Or, conclut M. Ball, « le vénérable Curé ne pouvait humainement savoir si le jeune homme vivrait peu ou longtemps. La prophétie ne devait pas tarder à s'accomplir. Peu de temps après, ce monsieur, au lieu de se marier, s'en alla dans l'autre monde, fin rapide qu'il était bien éloigné de prévoir lorsqu'il faisait consulter le Curé d'Ars sur son projet de mariage ».

 

(1) Documents, n° 100