IV

« Il sera mort... »

 

Bien longtemps après l'événement qu'on va conter, un vieux jardinier, nommé Antoine, pleurait rien qu'à s'en souvenir.

Il était originaire d'Anse, près de Villefranche-sur-Saône, et il avait, dans sa jeunesse, travaillé comme domestique dans une famille de cette ville.

Son maître étant tombé gravement malade, sa maîtresse l'envoya auprès du Curé d'Ars pour implorer une guérison que les médecins déclaraient humainement impossible.

Lorsque Antoine pénétra dans l'église, M. Vianney se trouvait au confessionnal. Il en sortit et s'avança de lui-même vers le jeune homme qui lui expliqua le but de sa visite.

« Ce n'est pas dans les desseins de la Providence que votre maître guérisse, répondit le serviteur de Dieu. Retournez à Villefranche tout de suite, et encore votre maître sera mort avant votre retour... Je vais prier pour le défunt et pour la veuve. »

 

En effet, Antoine, en entrant dans le verger qui précédait la maison, entendit des cris de douleur. Son maître venait d'expirer (1).

 

(1) Antoine, devenu jardinier chez M. Frossard, de Saugy, a conté le fait maintes fois en présence de X l'abbé Pernoud, curé de Bossey (Haute-Savoie), lequel pourrait l'affirmer, dit-il lui-même, sur la foi du serment. Le frère d'Antoine, d'autres témoins encore, lui donnèrent absolument les mêmes détails (Ars, 9 juillet 1931).