VIII

« Au mois de mars... »

 

Les Carmels sont des lis qui viennent parmi les pierres. Dès le XVIe siècle, la grande sainte Thérèse en fit l'expérience, amère et combien consolante en même temps, puisque c'était là, aux yeux de sa foi immense, le gage des bénédictions divines. Mais il arrive encore que Dieu se contente des bons désirs, que des fondations projetées, préparées, se trouvent soudain réduites à néant, et que du lis près de germer il ne monte vers le ciel que le parfum de son sacrifice. C'est ce qui arriva pour un Carmel dont le monastère de Pamiers projetait la création, non loin, à Notre-Dame de Sabarat, dans un air salubre, au milieu d'un beau site de hautes collines.

 

Donc le Carmel de Pamiers se disposait à essaimer. Les religieuses qui devaient partir pour Sabarat avaient été désignées par la Mère Prieure et son conseil. Cependant, à l'occasion d'un pèlerinage qu'allait faire à Ars la tante d'une carmélite, Mme Carrero, la Prieure eut la pensée de consulter M. Vianney : cette fondation était-elle voulue de Dieu ?

Mme Carrero fit le voyage avec ses deux jeunes fils. Elle les présenta au saint Curé, qui les bénit affectueusement. « Oh ! s'écria-t-il, ils seront bien sages ! » – L'un d'eux devait mourir à quinze ans, en prédestiné ; l'autre, devenu dominicain, décéderait évêque missionnaire.

 

Puis il fut question du futur Carmel.

« La Mère Prieure voudrait bien y envoyer des religieuses le plus tôt possible, expliqua Mme Carrero.

— Qu'elles attendent au mois de mars, » répondit simplement le serviteur de Dieu.

Or, au mois de mars, les carmélites désignées pour Notre-Dame de Sabarat mouraient de la grippe, toutes, sans aucune exception. Et la fondation ne se fit pas. (1)

 

(1) D'une lettre adressée à Mgr Convert par une carmélite de Pamiers le 29 janvier 1939.