XVI

« Oui, repartez vite ! »

 

La route qui de Roanne conduit aux abords de ces monts de la Madeleine où, de janvier 1810 à janvier 1811, Jean-Marie Vianney, « réfractaire malgré lui », avait trouvé refuge, traverse le bourg de Renaison.

Un jour de 1856, en partait, avec M. et Mme Jean Chaucesse, une bonne mère de famille, Mme Plasse qui désirait beaucoup se confesser au saint Curé d'Ars. Il était alors, sans qu'il s'en inquiétât le moins du monde assurément, à l'apogée de sa gloire. C'était l'époque où 100.000 pèlerins et plus venaient au cours d'une année le trouver dans son humble église.

Mme Plasse s'effraya quand elle vit cette église remplie au point que bien des personnes, n'y pouvant pénétrer, devaient s'attarder, pour garder leur patience, devant les étalages d'objets de piété.

Enfin, elle put entrer, mais avec l'idée qu'il lui faudrait attendre des heures et des heures avant d'avoir accès auprès du grand serviteur de Dieu. Et ses enfants !...

Elle s'agenouilla, et en était là de ses pensées, lorsqu'elle vit un prêtre en surplis se pencher en dehors d'une des chapelles – celle où était le confessionnal  – et lui faire signe d'approcher. Le geste d'appel du saint la désignait nettement : car leurs yeux s'étant rencontrés, elle avait compris qu'il s'agissait bien d'elle. Elle apprit ensuite comment les choses s'étaient passées : M. Vianney avait dit à l'une des pénitentes déjà agenouillées au confessionnal : « Vous voudrez bien, mon enfant, laisser passer avant vous une dame qui est là-bas. C'est très pressé... »

Mme Plasse s'approcha donc et entra au confessionnal.

« Mon enfant, lui déclara aussitôt le saint prêtre, retournez tout de suite chez vous. On y a grand besoin de votre présence... Oui, repartez aussitôt après votre confession. »

 

Mme Plasse prit la première voiture en partance.

Pendant son absence, l'un de ses enfants, laissé par elle en bonne santé comme les autres, était tombé malade ; il semblait à toute extrémité.

La chrétienne mère, à qui le saint Curé avait suggéré des pensées de foi et de courage, berça l'agonie de ce cher petit en murmurant à son oreille de naïves prières. Elle reçut son dernier soupir (1).

 

(1) Ces détails proviennent d'une lettre adressée de Paris, le 8 octobre 1933, à M. l'abbé Gauthier, missionnaire d'Ars, par une petile-fille de M. Jean Chaucesse, de Renaison, témoin du fait ainsi que sa dame. La correspondante de M. Gauthier écrit elle-même : « Ce sont là des faits faciles à contrôler, car il existe encore des témoins dignes de foi qui peuvent les confirmer. »