II

Coureuse de « Vogues »

 

Une femme de Moncet, près de Bourg-en-Bresse, avait épousé un veuf, qui avait déjà deux filles.

L'une d'elles, sage et pieuse, aspirait à la vie religieuse ; l'autre, volage, indifférente, courait à toutes les vogues du pays.

La mère, se chagrinant beaucoup de la conduite de cette pauvre enfant, résolut de confier ses peines au compatissant Curé d'Ars.

On était au temps de la moisson. Le travail pressait. Cependant la fermière partit, car les vogues et les fêtes où l'on dansait battaient leur plein dans la contrée ; il fallait agir promptement pour tirer du mal notre jeune écervelée. Sa mère comptait faire le voyage dans la même journée. Elle partirait bien avant la pointe du jour ; une voiture attelée d'un vigoureux cheval la conduirait, et elle ne muserait pas en route.

Cela n'empêcha point qu'à son arrivée elle trouva l'église comble... Elle attendit là de longues heures.

L'heure fixée pour le retour approchait. Désolée, la pauvre mère s'agenouilla pour une dernière dizaine de chapelet...

Et voilà que soudain dans le haut de la nef il se produisit un remue-ménage. Les gens s'écartaient sur le passage d'un prêtre à cheveux blancs qui priait du geste qu'on ne le retardât pas.

Il vint à la fermière :

« Ma bonne, lui murmura-t-il à l'oreille sans qu'elle l'eût mis au courant de rien, pour celle qui vous cause des ennuis, priez le Saint-Esprit. Quant à l'autre, dites-lui qu'elle fera bien... »

Et il s'en retourna au confessionnal (l).

 

(1) Le fait a été raconté à Mgr Convert, le 1er septembre 1930, par Mlle Bozat, sœur de M. le curé de Perrex (Ain), laquelle a fort bien connu cette mère et ses deux filles.