TOME TROISIéME

DU XII AU XXIII DIMANCHE APRéS LA PENTECïTE

 

12me DIMANCHE APRéS LA PENTECïTE

Sur le premier Commandement de Dieu

(PREMIER SERMON)

 

 

Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo.

Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cÏur et de toutes vos forces.

(Deut., VI, 5.)

 

 

 

Pourquoi, M.F., le Seigneur nous fait-il un commandement de l'aimer de tout notre cÏur : c'est-ˆ-dire, sans partage, de la manire dont il nous a aimŽs lui-mme ; de toute notre ‰me et de toutes nos forces ; en nous promettant une rŽcompense Žternelle, si nous y sommes fidles, et une punition Žternelle si nous y manquons ? Pour deux raisons : c'est 1¡ pour nous montrer la grandeur de son amour ; 2¡ que nous ne pouvons tre heureux qu'en l'aimant et qu'enfin cet amour ne se trouve que dans l'accomplissement de ses Commandements. Oui, M.F., si tant de maux nous accablent dans ce monde, cela vient de ce que nous violons les commandements de Dieu ; puisqu'il nous dit lui-mme : Ç Si vous gardez fidlement mes commandements, je vous bŽnirai en toute manire ; mais si vous les transgressez, vous serez maudits en tout ce que vous ferez [1] . È De sorte, M.F., que si nous voulons tre heureux en ce monde, du moins, autant qu'il est possible de l'tre, nous n'avons point d'autres moyens que d'observer fidlement les commandements de Dieu ; et nous verrons que, tant que nous nous Žcarterons du chemin que les commandements de Dieu nous ont tracŽ, nous serons toujours malheureux, pour l'‰me et pour le corps, dans ce monde et dans l'autre. Je vais donc vous montrer, M.F., que notre bonheur est attachŽ ˆ notre fidŽlitŽ ˆ observer les commandements que le bon Dieu nous a faits.

 

I. – Si nous ouvrons les livres saints, M.F., nous y verrons que tous ceux qui se sont fait un devoir de bien observer ce que les commandements de Dieu leur prescrivaient ont toujours ŽtŽ heureux, parce qu'il est trs sžr que le bon Dieu n'abandonnera jamais celui qui se fait un devoir de faire tout ce qu'il lui commande. Notre premier pre, Adam, nous en donne un bel exemple. Tant qu'il fut fidle ˆ observer les ordres du Seigneur, il fut heureux en toute manire : son corps, son ‰me, son esprit et tous ses sens n'avaient point d'autres penchants que vers Dieu ; les anges mmes descendaient du ciel avec plaisir pour lui tenir compagnie. Ainsi aurait continuŽ le bonheur de nos parents, s'ils avaient ŽtŽ fidles ˆ leurs devoirs ; mais ce moment mille fois heureux ne dura pas longtemps. Le dŽmon, jaloux d'un tel bonheur, les eut bient™t perdus et privŽs de tous ces biens qui devaient durer toute l'ŽternitŽ. Ds qu'ils eurent le malheur de transgresser les commandements du Seigneur, tout alla de travers pour eux : les chagrins, les maladies, la crainte de la mort, du jugement et d'une autre vie malheureuse, prirent la place de leur premier bonheur ; leur vie ne fut plus qu'une vie de larmes et de douleurs.

Le Seigneur dit ˆ Mo•se : Ç Dis ˆ mon peuple que, s'il est fidle ˆ observer mes commandements, je le comblerai de toutes sortes de bŽnŽdictions ; mais que s'il ose les transgresser, je l'accablerai de toutes sortes de maux [2] . È Le Seigneur dit ˆ Abraham : Ç Parce que vous tes fidles ˆ garder mes commandements, je vous bŽnirai en tout ; je multiplierai vos enfants comme les grains de sable qui sont au bord de la mer. Je bŽnirai tous ceux qui vous bŽniront ; je maudirai tous ceux qui vous maudiront ; de votre race na”tra le Sauveur du monde [3] . È Il fit dire ˆ son peuple lorsqu'il Žtait prt ˆ entrer dans la Terre promise : Ç Les peuples qui habitent cette terre ont commis de grands pŽchŽs ; c'est pourquoi je veux les chasser pour vous mettre ˆ leur place. Mais prenez bien garde de ne pas violer mes commandements. Si vous tes fidles ˆ les observer, je vous bŽnirai en tout et partout. Lorsque vous serez dans vos champs, dans vos villes et dans vos maisons, je bŽnirai vos enfants, qui vous aimeront, vous respecteront, vous obŽi­ront et vous donneront toutes sortes de consolations. Je bŽnirai vos fruits et vos bestiaux. Je commanderai au ciel de vous donner la pluie dans le temps convenable, autant qu'il en faudra pour arroser vos terres et vos prŽs : tout vous rŽussira [4] . È Dans, un autre endroit, il leur dit : Ç Si vous gardez fidlement mes commandements, je veillerai sans cesse ˆ votre conservation ; vous serez sans crainte dans vos maisons ; j'empcherai que les btes fŽroces vous nuisent, vous dormirez en paix : rien ne pourra vous troubler. Je serai toujours au milieu de vous. Je marcherai avec vous. Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple [5] . È Plus loin, il dit ˆ Moise : Ç Dis ˆ mon peuple que s'il observe bien mes lois, je le dŽlivrerai de tous ces maux qui l'accablent. È Et le Saint-Esprit nous dit lui-mme Ç que celui qui a le bonheur de bien garder les commandements du Seigneur est plus heureux que s'il possŽdait toutes les richesses de la terre [6] . È

Dites-moi, auriez-vous jamais pensŽ que le bon Dieu ežt tant ˆ cÏur de nous faire garder ses commandements, et qu'il nous prom”t tant de biens si nous sommes assez heureux que de les bien observer ? Vous conviendrez avec moi que nous devons faire consister tout notre bonheur ˆ garder fidlement ses commandements. Pour mieux vous convaincre, M.F., que, ds que nous transgressons les commandements de Dieu, nous ne pouvons tre que malheureux, voyez ce qui se passa ˆ l'Žgard de David. Tant qu'il fut fidle ˆ marcher dans le chemin que les commandements de Dieu lui avaient tracŽ ; tout alla bien pour lui : il Žtait aimŽ, respectŽ et ŽcoutŽ de ses voisins. Mais ds l'instant qu'il voulut quitter d'observer les commandements de Dieu, de suite, son bonheur finit, et toutes sortes de maux lui tombrent dessus. Les troubles, les remords de sa conscience prirent la place de cette paix et de ce calme dont il jouissait ; les larmes et la douleur furent son pain de tous les jours. Un certain jour qu'il gŽmissait tant sur ses pŽchŽs, on vint lui dire que son fils Amnon avait ŽtŽ poignardŽ dans son ivresse par son propre frre Absalon [7] . Absalon chercha mme ˆ dŽtruire son pre, ˆ lui ™ter la vie pour rŽgner ˆ sa place ; David fut forcŽ d'aller se cacher dans les forts pour Žviter la mort [8] . La peste lui enleva un nombre presque infini de sujets [9] . Si vous allez plus loin, voyez Salomon : tant qu'il fut fidle ˆ garder les commandements de Dieu, il Žtait le miracle du monde ; sa rŽputation s'Žtendait jusqu'ˆ l'extrŽmitŽ de la terre, puisque la reine de Saba vint de si loin, pour tre tŽmoin des merveilles que le Seigneur opŽrait en lui [10]  ; mais nous voyons que, ds qu'il eut le malheur de ne plus suivre les commandements de Dieu, tout alla mal pour lui [11] . Aprs tant de preuves tirŽes de l'ƒcriture sainte, vous conviendrez avec moi, M.F., que tous nos maux ne viennent que de ce que nous n'observons pas fidlement les commandements de Dieu, et que, si nous voulons espŽrer quelque bonheur et quelque consolation en ce monde, (du moins autant qu'il est possible d'en avoir, puisque ce monde n'est qu'un tissu de maux et de douleurs), le seul moyen de nous procurer ces biens, c'est de faire tout ce que nous pourrons pour plaire ˆ Dieu en faisant ce qu'il nous ordonne par ses commandements.

Mais si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les promesses ne sont pas moins grandes. Au contraire, nous voyons que JŽsus-Christ nous les fait toutes pour le ciel, parce que rien de ce qui est crŽŽ n'est capable de contenter le cÏur d'un chrŽtien, qui n'est fait que pour Dieu qui seul peut le contenter [12] .  

JŽsus-Christ nous engage fort ˆ mŽpriser les choses de ce monde pour ne nous attacher qu'aux choses du ciel, qui ne finissent jamais. Nous lisons dans l'ƒvangile que JŽsus-Christ se trouvant un jour avec des personnes qui semblaient ne penser qu'aux besoins du corps, i1 leur dit : Ç Ne vous mettez pas tant en peine de ce que vous mangerez ni de quoi vous vous vtirez. È Et pour bien leur faire comprendre que tout ce qui regarde le corps est fort peu de chose : Ç ConsidŽrez, leur dit-il, les lis des champs, ils ne filent ni ne prennent soin d'eux ; voyez comment votre Pre cŽleste prend soin de les vtir ; car je vous assure que Salomon dans toute sa richesse et sa force n'a jamais ŽtŽ si bien vtu que l'un d'eux. Voyez encore les oiseaux du ciel, qui ne sment ni ne moissonnent ; ni ne renferment rien dans leur grenier, voyez comment votre Pre cŽleste a soin de les nourrir. Gens de peu de foi, n'tes-vous pas plus qu'eux ?... Cherchez, avant tout, le royaume des cieux ; c'est-ˆ-dire, observez fidlement mes commandements, et tout le reste vous sera donnŽ avec abondance [13] . È

Que voulons-nous dire par lˆ, M.F. ? Qu'ˆ un chrŽtien qui ne cherche qu'ˆ plaire ˆ Dieu et ˆ sauver son ‰me, ce qui est nŽcessaire aux besoins du corps ne lui manquera jamais. – Mais, me direz-vous peut-tre, quand nous n'avons rien, personne ne nous apporte rien. – D'abord, je vous dirai que tout ce que nous avons, nous le tenons de la bontŽ de Dieu, et rien de nous-mmes. Mais, dites-moi, M.F., comment voulez-vous que le bon Dieu fasse des miracles pour nous ? Serait-ce parce qu'il y en a quelques-uns qui osent porter leur incrŽdulitŽ et leur impiŽtŽ jusqu'ˆ vouloir croire que le bon Dieu n'existe pas, c'est-ˆ-dire qu'il n'y a point de Dieu ? parce que d'autres, moins impies, sans tre moins coupables, disent que le bon Dieu ne fait pas attention ˆ ce qui se passe sur la terre, que le bon Dieu ne se mle pas de si peu de chose ? et enfin, parce que d'autres ne veulent pas convenir que cette grande Providence est attachŽe ˆ l'observance des commandements de Dieu et qu'ils comptent pour tout sur leur travail et leurs soins ? (ce qu'il me serait bien facile de vous prouver par vos travaux du dimanche, qui montrent vŽritablement que vous ne comptez rien sur Dieu, mais tout sur vous et sur votre travail ) Il y en a cependant qui croient ˆ cette grande Providence, mais qui lui mettent une barrire impŽnŽtrable par leurs pŽchŽs.


Voulez-vous, M.F., Žprouver la grandeur de la bontŽ de Dieu pour ses crŽatures ? faites-vous un devoir de bien observer tout ce que les commandements vous ordonnent, et vous serez ŽtonnŽs de voir combien le bon Dieu prend soin de ceux qui ne cherchent qu'ˆ lui plaire. Si vous en voulez voir les preuves, M.F., ouvrez les livres saints et vous en serez parfaitement convaincus. Nous lisons dans l'ƒcriture sainte que le prophte ƒlie, fuyant la persŽcution de la reine JŽzabel, alla se cacher dans un bois. ƒtant lˆ, dŽpourvu de tout secours humain, le Seigneur le laissera-t-il mourir de misre ? Non, certainement, M.F., le Seigneur, du haut du ciel, ne manque pas d'avoir les yeux sur son fidle serviteur. De suite, il lui envoie un ange du ciel pour le consoler et lui porter tout ce qu'il lui fallait pour se nourrir [14]  : Voyez le soin que le Seigneur prend de nourrir la veuve de Sarepta. Il dit ˆ son prophte : Ç Va trouver cette bonne veuve, qui me sert et observe mes commandements, avec fidŽlitŽ ; tu multiplieras sa farine, crainte qu'elle ne souffre [15] . È Voyez comment il commande ˆ un autre prophte Habacuc d'aller porter ˆ manger aux trois enfants qui Žtaient dans la fournaise de Babylone [16] .

Si vous passez de l'ancienne loi ˆ la nouvelle, les merveilles que le bon Dieu opre pour ceux qui ont soin de bien observer ses commandements, ne sont pas moins grandes. Voyez comment le bon Dieu nourrit des milliers de personnes avec cinq pains et deux poissons [17]  ; cela n'est pas difficile ˆ comprendre, puisqu'ils cherchaient, premirement, le royaume des cieux et le salut de leur ‰me en suivant JŽsus-Christ. Voyez comment il prend soin de nourrir un saint Paul ermite, pendant quarante ans, par le ministre d'un corbeau ; preuve bien claire que le bon Dieu ne perd jamais de vue ceux qui l'aiment, pour leur fournir tout ce qui leur est nŽcessaire. Lorsque saint Antoine alla voir saint Paul, le bon Dieu lui envoya un double repas [18]  : ï mon Dieu ! que vous aimez ceux qui vous aiment ! que vous avez peur qu'ils souffrent ! Dites-moi, M.F., qui commanda ˆ ce chien d'aller chaque jour porter la petite provision ˆ saint Roch dans un bois. Qui commanda ˆ cette biche d'aller tous les jours donner son lait ˆ l'enfant de Genevive de Brabant dans son dŽsert ? N'est-ce pas le bon Dieu, M.F. ? Et pourquoi, M.F., est-ce que le bon Dieu prend tant de soins de nourrir tous ces saints, sinon parce qu'ils Žtaient fidles ˆ observer tous les commandements qu'il leur donnait ?

Oui, M.F., nous pouvons dire que les saints faisaient consister tout leur bonheur ˆ observer les commandements de Dieu, et qu'ils auraient mieux aimŽ souffrir toutes sortes de tourments que de les violer ; nous pouvons dire aussi que tous les martyrs n'ont ŽtŽ martyrs que parce qu'ils n'ont pas voulu violer les commandements de Dieu. En effet, M.F., demandez ˆ sainte Reine, cette jeune vierge, pourquoi elle a tant endurŽ de tourments, ce qui lui fut d'autant plus sensible que ce fut son pre qui fut son bourreau ? Il la fit pendre par ses cheveux ˆ un arbre o il lˆ fit frapper de verges jusqu'ˆ ce que son pauvre petit corps innocent ne fžt qu'une plaie. Aprs ces cruautŽs, qui firent frŽmir mme les pa•ens qui en furent tŽmoins, il la fit conduire en prison, dans l'espŽrance qu'elle ferait ce qu'il lui commandait. La voyant inŽbranlable, il la fit ramener auprs de l'arbre, et ordonnant qu'on l'attach‰t comme la premire fois par les cheveux, il la fit Žcorcher tout en vie. Quand la peau fut sŽparŽe de son corps, il la fit jeter, dans une chaudire d'huile bouillante, o il la regardait impitoyablement bržler. Si vous me demandez, M.F., pourquoi elle supporta tant de cruautŽs ? ah ! M.F., le voici. C'est qu'elle ne voulut pas transgresser le sixime commandement de Dieu, qui dŽfend toute impuretŽ [19] . Pourquoi est-ce que la chaste Suzanne ne voulut pas consentir aux dŽsirs de ces deux inf‰mes vieillards et qu'elle prŽfŽra plut™t la mort [20]  ? N'est-ce pas pour la mme raison ? Qui fut la cause que le chaste Joseph fut dŽcriŽ, calomniŽ auprs de Putiphar, son ma”tre, et conduit en prison [21]  ? n'est-ce pas encore pour la mme raison ? Pourquoi est-ce que saint Laurent se laissa coucher sur un brasier de charbons allumŽs ? N'est-ce pas parce qu'il ne voulut pas transgresser le premier commandement de Dieu, qui nous ordonne de n'adorer que Dieu et de l'aimer plus que nous-mmes ? Oui ; M.F., si nous parcourons un peu les livres o sont renfermŽs les actions des saints, nous y voyons des exemples admirables et Žtonnants de leur fidŽlitŽ ˆ observer les commandements de Dieu, et nous voyons qu'ils ont prŽfŽrŽ souffrir tout ce que les bourreaux ont pu inventer, plut™t que d'y manquer.

Nous lisons dans l'histoire des martyrs du Japon, que l'empereur fit arrter, dans un mme endroit, vingt-quatre chrŽtiens ; ˆ qui l'on fit souffrir tout ce que la rage des pa•ens put leur inspirer. Les ­martyrs se disaient les uns aux autres : Ç Prenons bien garde de ne pas violer les commandements de Dieu pour obŽir ˆ ceux de l'empereur ; prenons courage, le ciel vaut bien quelques souffrances qui ne durent que quelques moments. EspŽrons fermement, et le bon Dieu, pour qui nous voulons souffrir, ne nous abandonnera pas. È

Lorsqu'on les eut conduit dans le lieu o l'on devait les interroger, celui qui les avait menŽs faisant l'appel et croyant qu'il en manquait, cria ˆ haute voix : Ç Mathieu ? o est Mathieu ? È Un soldat, qui, depuis longtemps, dŽsirait se faire conna”tre pour chrŽtien, s'Žcrie : Ç Me voici, qu'importe, d'ailleurs, dit-il, la personne, je m'appelle aussi Mathieu et je suis chrŽtien comme lui. È Le juge, tout en fureur, lui demanda s'il le disait tout de bon. Ç Oui, rŽpondit le soldat, il y a longtemps que je professe la religion chrŽtienne, j'espre ne jamais la quitter ; je ne dŽsire que le moment de la manifester ˆ l'extŽrieur. È De suite, le juge le fit mettre au nombre des martyrs. Il en eut tant de plaisir, qu'il en mourut de joie, avant de mourir dans les tourments. Parmi ce nombre, il y avait un enfant de dix ans. Le juge, le voyant si jeune, ne voulut pas, pendant quelque temps, le mettre sur la liste de ceux qui devaient mourir pour JŽsus-Christ. Cet enfant Žtait inconsolable de se voir privŽ de ce bonheur ; il protesta si fort que jamais il ne changerait et qu'il mourrait dans cette religion, il fit tant, qu'il fora, pour ainsi dire, le juge ˆ le mettre au nombre des martyrs. Il en eut une si grande joie, qu'il semblait ne pouvoir plus se possŽder ; il voulait toujours tre le premier, toujours rŽpondre pour tous ; il aurait voulu avoir le cÏur de tous les hommes pour les sacrifier tous ˆ JŽsus-Christ. Un seigneur pa•en, ayant appris que cet enfant Žtait destinŽ ˆ mourir avec les autres chrŽtiens, en fut touchŽ de compassion. Il va lui-mme trouver l'empereur, pour le prier d'avoir pitiŽ de cet enfant, disant qu'il ne savait pas ce qu'il faisait. L'enfant, qui l'entend”t, se tourna contre lui, en lui disant : Ç Seigneur, gardez votre compassion pour vous ; pensez seulement ˆ vous faire baptiser et ˆ faire pŽnitence, sans quoi, vous irez bržler avec les dŽmons. È Ce seigneur, le voyant si bien rŽsolu ˆ la mort, le laissa. L'enfant, s'Žtant trouvŽ prŽsent quand on leur lut leur sentence, qui portait qu'on leur couperait le nez et les oreilles, et qu'on les promnerait sur des charrettes par toute la ville, pour donner plus d'horreur de la religion chrŽtienne, et afin que les pa•ens les accablassent d'injures ; ce pauvre petit eut une si grande joie, qu'il semblait qu'on venait de lui annoncer la possession d'un royaume entier. Les pa•ens eux-mmes Žtaient ŽtonnŽs qu'un enfant si jeune ežt tant de courage et Žprouv‰t tant de joie de mourir pour son Dieu. Les bourreaux Žtant venus pour exŽcuter les ordres de l'empereur, tous ces saints martyrs allrent se prŽsenter ˆ leur bourreau pour se faire dŽcouper, avec autant de tranquillitŽ et de joie que si on avait voulu les conduire dans une salle de festin. Ils se laissrent couper le nez et les oreilles avec la mme tranquillitŽ que si on leur avait coupŽ un morceau de leur habit. Leur pauvre corps Žtait tout couvert de sang, ce qui fit horreur mme aux pa•ens qui en furent tŽmoins. On entendait ceux-ci s'Žcrier de temps en temps : Ç ï quelle cruautŽ ! ™ quelle injustice de faire tant souffrir des personnes qui n'ont point fait de mal ! Voyez-vous, se disaient-ils les uns aux autres, voyez quel courage leur donne cette religion qu'ils professent. È Toutes les fois qu'on les interrogeait, ils ne rŽpondaient rien, sinon qu'ils Žtaient chrŽtiens et qu'ils savaient souffrir et mourir, mais que jamais ils ne violeraient les commandements de leur Dieu, parce qu'ils faisaient consister tout leur bonheur ˆ y tre fidles. HŽlas ! ces pauvres martyrs, aprs qu'on les ežt promenŽs par la ville sur ces charrettes, leur corps Žtait tout couvert de sang ; les pierres Žtaient toutes ensanglantŽes et la terre Žtait toute rouge du sang qui coulait, avec abondance de leurs plaies. Comme leur sentence portait qu'ils devaient mourir chacun sur une croix, celui qui les avait conduits pour la premire fois, reconnut ces chrŽtiens. Ce qui le toucha grandement, ce fut cet enfant de dix ans. Il s'approcha de lui, en lui disant : Ç Mon enfant, vous tes bien jeune, c'est bien dommage de mourir dans un ‰ge si peu avancŽ ; si vous voulez, je me charge d'obtenir votre gr‰ce auprs de l'empereur, et bien plus, une grande rŽcompense : È Cet enfant, l'entendant parler de la sorte, se mit ˆ rire en lui disant qu'il le remerciait bien ; mais de garder toutes ses rŽcompenses pour lui-mme, puisqu'il n'avait point d'espŽrance pour l'autre vie ; mais que, pour lui, il mŽprisait tout cela comme Žtant trop peu de chose ; que toute sa crainte Žtait de ne pas avoir le bonheur de mourir, comme les autres martyrs, pour JŽsus-Christ. Sa mre, qui Žtait tŽmoin de tout cela, quoique chrŽtienne, Žtait inconsolable de voir mourir son enfant sur une croix. Ce pauvre petit, voyant sa mre si dŽsolŽe, l'appela auprs de lui, en lui disant qu'il Žtait peu Ždifiant pour une mre chrŽtienne de tant pleurer la mort d'un enfant martyr, comme si elle ne connaissait pas tout le prix d'un tel sacrifice ; qu'elle devrait, au contraire, l'encourager et remercier le bon Dieu d'une telle gr‰ce. Cet enfant de bŽnŽdiction, un moment avant de mourir, dit des choses si belles et si touchantes sur le bonheur de ceux qui meurent pour JŽsus-Christ, que les pa•ens aussi bien que les chrŽtiens, tous fondaient en larmes. Lorsqu'on l'approcha de sa croix, avant d'y tre attachŽ, il embrassa cette croix, il la baisa, il l'arrosa de ses larmes, tant il eut de joie de voir que vŽritablement il allait mourir pour son Dieu. Quand, ils furent tous sur leurs croix, l'on entendit une troupe d'anges qui chantaient le Laudate pueri Dominum, avec leur musique cŽleste ; ce qui fut entendu de tous les pa•ens. Quel spectacle ! M.F., le ciel dans l'admiration !... la terre dans l'Žtonnement !... les assistants dans les larmes, et les martyrs dans l'allŽgresse, qui quittent la terre, c'est-ˆ-dire toutes les souffrances et les misres de la vie, pour aller prendre possession d'un bonheur qui durera autant que Dieu mme...

Eh bien ! M.F., dites-moi, qui porta tous ces martyrs ˆ endurer tant de tourments ? si ce n'est pour ne pas vouloir violer les commandements de Dieu ? Quelle honte pour nous, M.F., lorsque JŽsus-Christ nous confrontera avec eux ; nous, que, si souvent, un simple respect humain, un maudit qu'en dira-t-on, fait rougir, ou plut™t nous fait dŽsavouer que nous sommes chrŽtiens, pour nous mettre du nombre des renŽgats.

 

II. – Mais examinons cela, M.F., un peu plus de prs, et nous verrons que, si le bon Dieu nous ordonne de garder fidlement ses commandements, ce n'est que pour notre bonheur. Il nous dit lui-mme qu'ils sont faciles ˆ accomplir [22] , et que, si nous les accomplissons, nous y trouverons la paix de nos ‰mes [23] . Si, dans le premier commandement, le bon Dieu nous ordonne de l'aimer, de le prier et de ne nous attacher qu'ˆ lui, et si nous devons le prier soir et matin, et souvent dans la journŽe, dites-moi, M.F., n'est-ce pas lˆ le plus grand de tous les bonheurs pour nous, que le bon Dieu veuille bien nous permettre de nous prŽsenter tous les matins devant lui, pour lui demander les gr‰ces qui nous sont nŽcessaires pour passer saintement la journŽe ? N'est-ce pas une gr‰ce qu'il nous fait, n'est-ce pas cette gr‰ce, que le bon Dieu nous donne le matin, qui rend toutes nos actions mŽritoires pour le ciel ? n'est-ce pas ce qui nous les fait trouver moins dures ? Si ce mme commandement nous ordonne de n'aimer que Dieu et de l'aimer de tout notre cÏur, n'est-ce pas parce qu'il sait qu'il n'y a que lui qui puisse nous contenter et nous rendre heureux en ce monde ? Voyez une maison, o tous ne vivent que pour Dieu : n'est-ce pas un petit paradis ? Vous conviendrez donc avec moi, M.F., que ce commandement n'a rien que de doux et de consolant pour celui qui a le bonheur de l'observer avec fidŽlitŽ.

Si nous passons au deuxime, qui nous dŽfend toute sorte de jurements, de blasphmes, d'imprŽcations et de malŽdictions, et toute sorte de colre, en nous recommandant la douceur, la charitŽ, et la prŽvenance pour tous ceux qui nous environnent : dites-moi, M.F., qui sont ceux qui sont le plus heureux, ou de ceux qui se livrent ˆ tous ces excs de colre, d'emportements et de malŽdictions, ou de ceux qui, dans tout ce qu'ils font ou disent, montrent cette ŽgalitŽ d'humeur, cette bontŽ, et qui s'Žtudient continuellement ˆ faire la volontŽ des autres ? Nous voyons donc que ce commandement ne contribue qu'ˆ nous rendre heureux nous-mmes et ceux qui sont avec nous.

Si nous venons au troisime, qui nous ordonne de passer saintement le jour du dimanche, en cessant toute sorte de travail manuel pour ne nous occuper que de ce qui regarde le service de Dieu et le salut de notre ‰me : dites-moi, M.F., n'est-ce pas pour notre bien ; puisque nous cessons de travailler pour ce monde qui n'est rien ? puisque nous ne sommes qu'un instant sur la terre, et qu'en priant ou faisant de bonnes Ïuvres, nous nous ramassons pour le ciel un trŽsor que nous ne quitterons jamais, et, par lˆ, nous attirons sur notre travail de la semaine toute sorte de bŽnŽdictions ? N'est-ce pas dŽjˆ un moyen pour notre bonheur ? Ce mme commandement nous ordonne encore d'employer ce saint jour ˆ pleurer nos pŽchŽs de la semaine, de nous en purifier par la vertu des sacrements : n'est-ce pas, M.F., nous forcer, pour ainsi dire, ˆ ne chercher que notre bien, notre bonheur, et notre fŽlicitŽ Žternelle ? Ne sommes-nous pas plus contents lorsque nous avons bien passŽ le saint jour du dimanche ˆ prier le bon Dieu, que si nous avons eu le malheur de le passer dans les plaisirs, les jeux et les dŽbauches ? Le troisime commandement n'a donc rien que de consolant et d'avantageux pour nous.

Si nous passons au quatrime, qui ordonne aux enfants d'honorer leurs parents, de les aimer, de les respecter et de leur souhaiter et procurer tous les biens dont ils sont capables : dites-moi, n'est-ce pas une chose juste et raisonnable ? Des parents qui ont tant fait pour leurs enfants ! n'est-il pas juste que ces mmes enfants les aiment et leur donnent toutes les consolations dont ils sont capables ? Si ce commandement Žtait bien observŽ, ces familles ne seraient-elles pas un petit paradis par ce respect, cet amour que les enfants auraient pour leurs parents ! Si ce mme commandement ordonne aux parents d'avoir bien soin des ‰mes de leurs enfants, et leur dit qu'un jour ils en rendront un compte rigoureux, n'est-ce pas une chose juste ; puisque ces ‰mes ont tant cožtŽ ˆ JŽsus-Christ pour les sauver, et qu'elles seront la joie et la gloire de leurs parents pendant toute l'ŽternitŽ ? Si ce mme commandement ordonne aux ma”tres et ma”tresses d'avoir grand soin de leurs domestiques, de les regarder comme leurs enfants, ces ma”tres ne sont-ils pas trop heureux de pouvoir aider ˆ sauver des ‰mes qui ont tant cožtŽ de tourments ˆ un Dieu fait homme pour nous ? Disons mieux, M.F. : si ce commandement Žtait bien observŽ, le ciel ne descendrait-il pas sur terre par la paix et le bonheur que nous y gožterions ?

Si nous passons au cinquime qui nous dŽfend de faire tort ˆ notre prochain dans ses biens, sa rŽputation et sa personne, n'est-ce pas une chose bien juste, puisque nous devons les aimer comme nous-mmes, et une chose, en mme temps, bien avantageuse pour nous, puisque JŽsus-Christ nous dit que jamais le bien d'autrui n'entrera dans le ciel ? Vous voyez que ce commandement n'a rien de dur, puisque par lui nous nous assurons le ciel. Si nous passons au sixime commandement, qui nous dŽfend toute impuretŽ dans les pensŽes, les dŽsirs et les actions ; n'est-ce pas pour notre paix et notre bonheur que le bon Dieu nous dŽfend toutes ces choses ? Si nous avons le malheur de nous livrer ˆ quelques-uns de ces mauvais pŽchŽs inf‰mes, votre pauvre ‰me n'est-elle pas comme dans un enfer ? n'tes-vous pas tourmentŽs et le jour et la nuit ? D'un autre c™tŽ, votre corps et votre ‰me ne sont-ils pas destinŽs ˆ tre la demeure de la Trs-Sainte TrinitŽ ; ne doivent-ils pas, dis-je, aller passer une ŽternitŽ avec les anges, auprs de JŽsus-Christ qui est la puretŽ mme ? Vous voyez donc que ce commandement ne nous est donnŽ que pour notre bien et notre repos, mme ds ce monde

Si le bon Dieu nous dit, M.F., par la voix de son ƒglise : Ç Je vous commande de ne jamais laisser passer plus d'un an, sans vous confesser ; È dites-moi, ce commandement n'est-il pas pour nous montrer la grandeur de l'amour de Dieu pour nous ? Dites-moi, quand mme l'ƒglise n'aurait pas fait ce commandement, peut-on vivre tranquille avec le pŽchŽ dans le cÏur et le ciel fermŽ pour nous, Žtant exposŽs ˆ chaque instant ˆ tomber en enfer. Si le bon Dieu nous commande de le recevoir ˆ P‰ques, hŽlas ! M.F., une ‰me peut-elle bien vivre, ne faisant qu'un repas tous les ans ? Mon Dieu, que nous connaissons peu notre bien, notre bonheur ! Si l'ƒglise nous ordonne de nous priver de manger de la viande, de ježner certains jours ; est-ce une chose injuste ; puis qu'Žtant pŽcheurs, nous devons nŽcessairement faire pŽnitence dans ce monde ou dans l'autre ? Et n'est-ce pas, en cela, changer contre de petites peines ou privations des maux bien rigoureux dans l'autre vie ?

Ne conviendrez-vous pas avec moi, M.F., que si le bon Dieu nous a fait des commandements, nous oblige de les observer, cela n'est que pour nous rendre heu­reux dans ce monde et dans l'autre ? De sorte, M.F., que si nous voulons espŽrer quelques consolations et quelques adoucissements dans nos misres, nous ne les trouverons qu'en observant avec fidŽlitŽ les commande­ments de Dieu ; et, tant que nous les violerons, nous ne serons que malheureux, mme ds ce monde. Oui, M.F., quand mme une personne serait ma”tresse de la moitiŽ du monde ; si elle ne fait pas consister tout son bonheur ˆ bien observer les commandements,  ne sera que malheureuse. Voyez, M.F., lequel Žtait le plus heureux de saint Antoine dans son dŽsert, livrŽ ˆ toutes les rigueurs de la pŽnitence, ou de Voltaire, dans tous ses biens et ses plaisirs ; et, comme nous dit saint Paul, dans son abondance et sa crapule [24] . Saint Antoine vit heureux, meurt content et, maintenant, jouit d'un bonheur qui ne finira jamais ; tandis que l'autre vit malheureux avec tous ses biens, meurt en dŽsespŽrŽ, et maintenant, selon toute apparence, sans le juger, souffre comme un rŽprouvŽ. Pourquoi, M.F., cette grande diffŽrence ? c'est que l'un fait consister tout son bonheur ˆ observer fidlement les commandements de Dieu, et l'autre met tous ses soins ˆ les violer et ˆ les faire mŽpriser ; l'un, dans la pauvretŽ, est content ; et l'autre, dans l'abondance, est bien misŽrable ; ce qui nous montre, M.F., qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse nous contenter et rien autre chose.

Voyez le bonheur que nous avons si nous observons fidlement les commandements de Dieu, puisque nous lisons dans l'ƒvangile que JŽsus-Christ nous dit : Ç Celui qui observe mes commandements m'aime et celui qui m'aime sera aimŽ de mon Pre ; nous viendrons en lui et nous y ferons notre demeure [25] . È Quel bonheur peut tre plus grand et quelle gr‰ce plus prŽcieuse ; puisque en gardant les commandements de Dieu, nous attirons en nous tout le ciel. Le saint roi David avait bien raison de s'Žcrier : Ç ï mon Dieu, que ceux qui vous servent sont heureux [26]  ! È Voyez encore combien le bon Dieu bŽnit les maisons de ceux qui observent ses lois divines. Nous lisons dans l'ƒvangile que le pre et la mre de saint Jean-Baptiste gardaient si bien les commandements que personne ne pouvait leur reprocher la moindre chose [27]  ; aussi le bon Dieu, en rŽcompense, leur donna un enfant qui fut le plus grand de tous les prophtes. Ce fut un ange qui vint du ciel, pour leur annoncer cette heureuse nouvelle. Ce fut mme le Pre Žternel qui lui donna le nom de Jean, qui veut dire : enfant de bŽnŽdiction et de bonheur. A peine JŽsus-Christ est-il conu dans le sein de sa mre, qu'il va lui-mme dans cette maison, pour y rŽpandre toute sorte de bŽnŽdictions. Il sanctifia cet enfant, avant qu'il fžt nŽ, et remplit le pre et la mre du Saint-Esprit [28] . Voulez-vous, M.F., que le bon Dieu vous visite et vous comble de toute sorte de bŽnŽdictions ? t‰chez de mettre tous vos soins ˆ bien observer les commandements de Dieu, et tout ira bien chez vous.

Nous lisons dans l'ƒvangile qu'un jeune homme demanda ˆ JŽsus-Christ ce qu'il fallait faire pour avoir la vie, Le Sauveur lui rŽpondit : Ç Si vous voulez avoir la vie Žternelle, gardez mes commandements avec fidŽlitŽ [29] . È Notre-Seigneur s'entretenant un jour avec ses disciples sur le bonheur de l'autre vie, dit que le chemin qui conduit au ciel est Žtroit, qu'il y en a bien peu qui le cherchent vŽritablement, et, parmi ceux qui le trouvent, bien peu qui soient dans cette route : Ç ce n'est pas tous ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui seront sauvŽs ; mais seulement ceux qui font la volontŽ de mon Pre en gardant mes commandements. Plusieurs me diront au jour du jugement : Seigneur, nous avons prophŽtisŽ en votre nom ; nous avons chassŽ les dŽmons du corps des possŽdŽs et nous avons fait de grands miracles. Je leur rŽpondrai : Retirez-vous de moi, ouvriers d'iniquitŽ. Vous avez fait de grandes choses ; mais vous n'avez pas observŽ mes commandements ; je ne vous connais pas [30] . È JŽsus-Christ dit au disciple bien-aimŽ : Ç Soyez-moi fidle jusqu'ˆ la fin, et je vous donnerai la couronne Žternelle [31] . È Vous voyez donc, M.F., que notre salut est absolument attachŽ ˆ l'observance des commandements de Dieu. Si vous avez quelque doute de savoir si vous serez sauvŽs ou damnŽs, prenez les commandements de Dieu et confrontez-les avec votre vie. Si vous voyez que vous marchez dans le chemin qu'ils vous ont tracŽ, ne vous mettez en peine que de persŽvŽrer ; mais, si vous vivez d'une manire tout opposŽe, vous aurez beau vous tourmenter, vous ne laisserez pas que d'tre damnŽs [32] .

 

III. – Nous disons que si nous voulons avoir la paix de l'‰me, il faut garder les commandements de Dieu, parce que le Saint-Esprit nous dit que celui qui a une conscience pure est comme dans un festin continuel [33] . Il est trs certain, M.F., que celui qui vit selon les lois de Dieu est toujours content, et, bien plus, rien n'est capable de le troubler. Saint Paul nous dit [34] qu'il est plus heureux et plus content dans sa prison, dans ses souffrances, ses pŽnitences et sa pauvretŽ que ses bourreaux ne le sont dans leur libertŽ, leur abondance et leur crapule ; que son ‰me est remplie de tant de joie et de consolation, qu'elle dŽborde de tous c™tŽs [35] . Sainte Monique nous dit qu'elle fut toujours contente quoiqu'elle fut souvent maltraitŽe par son mari, qui Žtait un pa•en [36] . – Saint Jean de la Croix nous dit qu'il avait coulŽ les jours les plus heureux de sa vie, lˆ o il avait le plus souffert. Ç Mais, au contraire, nous dit le prophte Isa•e, celui qui ne vit pas selon les lois du Seigneur ne sera ni content ni heureux. Sa conscience sera semblable ˆ une mer agitŽe par une furieuse tempte, les troubles et les remords le suivront partout [37] . È Si ces personnes veulent vous dire qu'elles sont en paix, ne les croyez pas, parce qu'elles sont des menteurs ; parce que le pŽcheur n'aura jamais la paix [38] . Voyez-en la preuve, M.F., dans Ca•n. Ds qu'il eut le malheur d'avoir tuŽ son frre Abel, son pŽchŽ fut, toute sa vie, son bourreau, qui ne le quitta qu'ˆ la mort pour le tra”ner en enfer [39] . Voyez encore les frres de Joseph [40] . Voyez mme Judas : aprs avoir vendu son divin Ma”tre, il fut si tourmentŽ, qu'il alla se pendre ˆ un figuier, tant la vie lui Žtait ˆ charge [41] . Nous lisons dans l'histoire qu'un jeune homme, dans un accs de fureur, tua son pauvre pre. Son pŽchŽ ne lui donna de repos ni jour, ni nuit. Il lui semblait entendre son pre qui lui criait : Ç Ah ! mon fils, pourquoi m'as-tu ŽgorgŽ. È Il alla lui-mme se dŽnoncer pour qu'on le f”t mourir, pensant que l'enfer ne serait pas plus rigoureux. HŽlas ! M.F., si nous avons le malheur de ne pas garder les commandements de Dieu, jamais nous ne serons contents, mme avec les plus grands biens. Voyez Salomon, etc.

Mais, chose Žtrange, M.F., l'homme a beau tre tourmentŽ et savoir les remdes qu'il faut prendre pour avoir la paix avec son Dieu et avec lui-mme, il aime mieux commencer son enfer que d'avoir recours aux remdes que JŽsus-Christ nous a donnŽs. Vous tes malheureux, mon ami, pourquoi voulez-vous rester dans cet Žtat ? Revenez ˆ JŽsus-Christ et vous retrouverez la paix de l'‰me [42] que vos pŽchŽs vous ont ravie.

 

IV. – Nous disons que si nous ne gardons pas les commandements de Dieu, nous serons malheureux tous les jours de notre vie. Voyez-en la preuve dans Adam. Ds qu'il eut pŽchŽ, le Seigneur lui dit : Ç Parce que tu as violŽ mes lois, la terre, pour toi, sera maudite ; elle ne produira d'elle-mme que des ronces et des Žpines. Tu mangeras ton pain ˆ la sueur de ton front, et cela, tous les jours de ta vie [43] . È Voyez Ca•n ; le Seigneur lui dit : Ç Ca•n, le sang de ton frre crie vengeance, tu seras errant, vagabond et fugitif tous les jours de ta vie [44] . È Voyez encore SaŸl... De sorte, M.F., que, ds que nous cessons de suivre ce que les commandements de Dieu nous ordonnent, nous devons nous attendre ˆ toutes sortes de maux spirituels et temporels. Pres et mres, voulez-vous tre heureux ? Commencez ˆ bien observer les commandements de Dieu vous-mmes, afin que vous puissiez vous donner pour modles ˆ vos enfants, et que vous puissiez toujours leur dire : Ç Faites comme moi. È Si vous voulez qu'ils fassent bien leur prire, donnez-leur-en l'exemple. Voulez-vous qu'ils soient bien modestes ˆ l'Žglise, donnez-leur l'exemple ; mettez-les ˆ c™tŽ de vous. Voulez-vous qu'ils observent bien le saint jour du dimanche ? commencez vous-mmes. Voulez-vous qu'ils soient charitables ? soyez-le vous-mmes. HŽlas ! M.F., si tant de maux nous accablent, n'en cherchons point d'autres raisons que la multitude des pŽchŽs que nous commettons, en transgressant les commandements de Dieu. Plaignons, M.F., ceux qui viendront quelques sicles aprs nous. HŽlas ! ce sera bien plus mauvais encore.

Voulons-nous, M.F., que Dieu cesse de nous ch‰tier ? cessons nous-mmes de l'offenser ; faisons comme les saints qui ont tout sacrifiŽ plut™t que de violer ses saintes lois. Voyez un saint BarthŽlemy et une sainte Reine, qui ont ŽtŽ ŽcorchŽs tout en vie, pour ne pas vouloir offenser Dieu. Voyez un saint Pierre et un saint AndrŽ, qui ont ŽtŽ crucifiŽs sur une croix. Voyez toutes ces foules de martyrs qui ont endurŽ mille tourments pour ne pas transgresser les commandements. Voyez tous les combats qu'ont soutenus les saints Pres des dŽserts contre le dŽmon et leurs penchants. Lorsque saint Franois d'Assise Žtait sur une montagne pour prier, les habitants du voisinage vinrent lui demander de les dŽlivrer, par ses prires, de quantitŽ de btes fŽroces qui dŽvoraient tout ce qu'ils avaient. Ce saint leur dit : Ç Mes enfants, cela ne vient que de ce que vous avez violŽ les commandements de Dieu ; revenez ˆ Dieu et vous serez dŽlivrŽs. È En effet, aussit™t qu'ils eurent changŽ de vie, ils furent dŽlivrŽs.

De mme, en finissant, disons que si nous voulons que nos maux spirituels et temporels finissent, finissons d'offenser le bon Dieu ; cessons de transgresser ses commandements. Cessez, M.F., de livrer votre cÏur, votre esprit et peut-tre mme votre corps ˆ l'impuretŽ. Cessez, M.F., de frŽquenter les jeux, les cabarets, les lieux de plaisirs. Cessez, M.F., les travaux du dimanche. Cessons de nous Žloigner des sacrements. Cessons, M.F., de nous faire un jeu de violer les lois du ježne et de l'abstinence ; quittons la route que suivent les pa•ens, ˆ qui les commandements ne sont pas connus. Cherchons, M.F., notre vŽritable bonheur qui ne peut se trouver qu'en Dieu seul, en accomplissant fidlement les commandements. Cessons, M.F., de travailler ˆ nous rendre malheureux pour l'ŽternitŽ. Revenons ˆ Dieu, M.F., et pensons que nous sommes chrŽtiens et que, par consŽquent, nous devons combattre nos pen­chants et le dŽmon ; fuir le monde et ses plaisirs, vivre dans les larmes, la pŽnitence et l'humilitŽ. Disons comme le saint roi David : Ç Oui, mon Dieu ! je me suis ŽloignŽ de vos commandements par mes pŽchŽs ; mais, mon Dieu, aidez-moi, je reviendrai ˆ vous par les larmes et la pŽnitence, et je marcherai tous les jours de ma vie dans la voie de vos commandements, qui me conduiront jusqu'ˆ vous pour ne jamais vous perdre. È Heureux, M.F., celui qui imitera ce saint roi, qui, revenu ˆ Dieu, ne le quitta jamais plus ! C'est lˆ, M.F., ce que je vous souhaite.

 

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[1]   DEUT. XXVIII.

[2] DEUT. XXVIII.

[3] GEN. XXII, 16-18.

[4] DEUT. VII.  

[5] LEV. XXVI, 3-12.

[6] Ps. CXVIII, 14. 

[7] II REG. XIII, 28.  

[8] II REG. XV.

[9] II REG. XXIV.

[10] III REG. X.

[11] III REG. XI.

[12] Fecisti nos ad te, et inquietum est cor nostrum donec requiescat in te (Vous nous avez faits pour vous, Seigneur, et notre cÏur est inquiet tant qu'il ne repose pas en vous): S. Augustin Confessions, Livre I, chap. 1.

[13] MATTH. VI, 25-33.

[14] III REG. XIX.

[15] III REG. XVII, 14. 

[16] Le prophte Habacuc fut envoyŽ, non point Ç aux trois enfants qui Žtaient dans la fournaise de Babylone È, mais ˆ Daniel enfermŽ dans la fosse aux lions ˆ Babylone. DAN. XIV, 33.

[17] MATTH. XIV, 19.

[18] Vie des Pres du dŽsert, t. Ier, p. 21.  

[19] Voir dans Ribadeneira la vie de sainte Reine, vierge et martyre, au 7 septembre.

[20] DAN. XIII.

[21] GEN. XXXIX, 20.

[22] I JOAN. V, 3.

[23] Ps. CXVIII, 165.

[24] Luc. XXI, 34.

[25] JOAN. XIV, 23.

[26] Ps. CXVIII, 1. 

[27] Luc. I, 6.

[28] Luc. I, 39.  

[29] MATTH. XIX, 17.

[30] MATTH. VII, 14-23. 

[31] APOC. II, 10.

[32] Saint JŽr™me. - Demande que lui fait une dame romaine, si elle serait sauvŽe.  (Note du Saint.)

[33] PROV. XV, 15.

[34] ACT. XXVI, 29.   

[35] II COR. VII, 14. 

[36] S. AUG. Conf. lib. IX, cap. IX. 

[37] IS. LVII, 20.

[38] IS. LVII, 21.

[39] GEN. IV, 14.

[40] GEN. XLII, 21.

[41] MATTH. XXVII, 5.

[42] MATTH. XI, 29.  

[43] GEN. III, 17-19.

[44] GEN. IV, 40-12. 

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