19me DIMANCHE APRéS LA PENTECïTE

(QUATORZIéME SERMON)

Sur l'ImpuretŽ

 

Ligatis manibus et pedibus ejus, mittite eum in tenebras exteriores : ibi erit fletus et stridor dentium.

Liez-lui pieds et mains, et jetez-le dans les tŽnbres extŽrieures, et lˆ il y aura des pleurs et des grincements de dents.

(S. Matthieu, xxii, 13.)

 

 

Si tout pŽchŽ mortel, M.F., doit nous tra”ner, nous prŽcipiter, nous foudroyer dans les enfers, comme JŽsus-Christ nous le dit dans l'ƒvangile, quel sera donc le sort de celui qui aura le malheur de se livrer au pŽchŽ le plus inf‰me, le pŽchŽ d'impuretŽ ? O mon Dieu ! peut-on bien oser prononcer le nom d'un vice si horrible, non seulement aux yeux des chrŽtiens, mais encore ˆ ceux de crŽatures raisonnables ? Pourrais-je le dire, M.F., et vous, pourrez-vous l'entendre sans frŽmir ? Ah ! si j'avais le bonheur, en vous montrant toute la noirceur et toute l'horribilitŽ de ce pŽchŽ, de vous le faire fuir pour jamais ! O mon Dieu ! un chrŽtien peut-il bien s'abandonner ˆ une passion qui le dŽgrade jusqu'ˆ le mettre au-dessous de la bte la plus vile, la plus brute, la plus immonde ! Un chrŽtien peut-il bien se livrer ˆ un crime qui fait tant de ravages dans une pauvre ‰me ! Un chrŽtien, dis-je, qui est le temple de l'Esprit-Saint, un membre de JŽsus-Christ, peut-il bien se plonger et se rouler, se noyer, pour ainsi dire, dans le limon d'un vice aussi inf‰me, qui, en abrŽgeant ses jours, lui faisant perdre sa rŽputation, lui prŽpare tant de maux et de malheurs pour l'ŽternitŽ ! Oui, M.F., pour vous donner une idŽe de la grandeur de ce pŽchŽ, je vais 1¡ vous montrer, autant qu'il me sera possible, toute l'horribilitŽ de ce crime ; 2¡ en combien de manires nous pouvons nous en rendre coupables ; 3¡ quelles sont les causes qui peuvent nous y conduire ; 4¡ enfin, ce que nous devons faire pour nous en prŽserver.

 

I. – Pour vous faire comprendre la grandeur de ce maudit pŽchŽ qui perd tant d'‰mes, il faudrait ici Žtaler ˆ vos yeux tout ce que l'enfer a de plus affreux, de plus dŽsespŽrant, et, en mme temps, tout ce que la puissance de Dieu exerce sur une victime coupable d'un tel crime. Mais, vous comprenez comme moi, que jamais il ne sera donnŽ de saisir la grandeur de ce pŽchŽ et la rigueur de la justice de Dieu envers les impudiques. Je vous dirai seulement que celui qui commet le pŽchŽ d'impuretŽ se rend coupable d'une espce de sacrilge, puisque notre cÏur Žtant le temple du Saint-Esprit, notre corps Žtant un membre de JŽsus-Christ, nous profanons vŽritablement ce temple par les impuretŽs auxquelles nous nous abandonnons ; et de notre corps, qui est un membre de JŽsus-Christ, nous faisons vŽritablement le membre d'une prostituŽe [1] . Examinez maintenant, si vous pourrez jamais vous former une idŽe qui approche de la grandeur de l'outrage que ce pŽchŽ fait ˆ Dieu et de la punition qu'il mŽrite. Ah ! M.F., il faudrait pouvoir tra”ner ici, ˆ ma place, cette inf‰me reine JŽzabel, qui a perdu tant d'‰mes par ses impudicitŽs ; il faudrait qu'elle vous fit elle-mme la peinture dŽsespŽrante des tourments qu'elle endure, et qu'elle endurera toute lՎternitŽ, dans ce lieu d'horreur o elle s'est prŽcipitŽe par ses turpitudes. Ah ! vous l'entendriez crier du milieu de ces flammes qui la dŽvorent : Ç HŽlas ! que je souffre ! Adieu, beau ciel, je ne te verrai jamais, tout est fini pour moi. Ah ! maudit pŽchŽ d'impuretŽ, les flammes de la justice de Dieu me font payer bien cher les plaisirs que j'ai gožtŽs ! Si j'avais encore le bonheur d'tre sur la terre, comme cette vertu de puretŽ me serait bien plus prŽcieuse qu'elle ne m'a ŽtŽ ! È

Allons encore plus loin, M.F., peut-tre que vous sentirez un peu mieux l'horreur de ce maudit pŽchŽ. Je ne parle pas d'un pa•en, qui n'a pas le bonheur de conna”tre le bon Dieu ; mais d'un chrŽtien qui conna”t combien ce vice est opposŽ ˆ la saintetŽ de sa condition d'enfant de Dieu, d'un chrŽtien qui a ŽtŽ tout arrosŽ du sang adorable, qui tant de fois lui a servi de demeure et de tabernacle. Comment ce chrŽtien peut-il bien s'abandonner ˆ un tel pŽchŽ ! O mon Dieu ! peut-on y penser et ne pas mourir d'horreur ! ƒcoutez ce que dit le Saint-Esprit : Celui qui est assez malheureux pour s'abandonner ˆ ce maudit pŽchŽ, mŽrite d'tre foulŽ sous les pieds du dŽmon comme le fumier sous les pieds des hommes [2] . JŽsus-Christ dit un jour ˆ sainte Brigitte, qu'il se voyait forcŽ de prŽparer des tourments affreux pour punir les impudiques, et que presque tous les hommes Žtaient atteints de ce vice inf‰me.

Si nous prenons la peine de parcourir l'ƒcriture sainte, nous voyons que, depuis le commencement du monde, le bon Dieu a poursuivi les impudiques de la manire la plus sŽvre. Voyez tous les hommes avant le dŽluge qui s'abandonnent ˆ ce vice inf‰me ; le Seigneur ne peut plus les souffrir ; il se repent de les avoir crŽŽs ; il se voit forcŽ de les punir de la manire la plus effroyable, puisqu'il ouvre sur eux les cataractes du ciel et les fait tous pŽrir par un dŽluge universel [3] . Il fallait que cette terre souillŽe par tant de crimes, et si horrible aux yeux de Dieu fžt purifiŽe par le dŽluge ; c'est-ˆ-dire par les eaux de la colre du Seigneur. Si vous allez plus loin : Voyez les habitants de Sodome et de Gomorrhe, ainsi que les autres villes voisines, leurs habitants se livraient ˆ des crimes si Žpouvantables d'impuretŽ, que le Seigneur, dans sa juste colre, fit tomber sur ces lieux maudits une pluie de feu et de soufre qui les bržla avec leurs habitants ; les hommes, les btes, les arbres, les terres et les pierres furent comme anŽantis ; ce lieu a ŽtŽ si maudit de Dieu, qu'il n'est plus maintenant qu'une mer maudite [4] . On l'appelle Mer-morte, parce qu'elle ne nourrit aucun poisson et que, sur ses rivages, on trouve certains fruits qui ont une belle apparence, mais ne renferment qu'une poignŽe de cendres. Dans un autre endroit, nous voyons que le Seigneur ordonna ˆ Mo•se de mettre ˆ mort vingt-quatre mille hommes, parce qu'ils s'Žtaient abandonnŽs ˆ l'impuretŽ [5] .

Oui, M.F., nous pouvons dire que ce maudit pŽchŽ d'impuretŽ a ŽtŽ, depuis le commencement du monde, jusqu'ˆ la venue du Messie, la cause de presque tous les malheurs des Juifs. Voyez David, voyez Salomon et tant d'autres. Qui a attirŽ tant de ch‰timents sur leurs personnes et sur leurs sujets, sinon ce maudit pŽchŽ ? O mon Dieu ! que ce pŽchŽ vous ravit d'‰mes, oh ! qu'il en tra”ne aux enfers !

Si nous passons de l'Ancien Testament au Nouveau, les ch‰timents ne sont pas moindres. Saint Jean nous dit que JŽsus-Christ lui fit voir, dans une rŽvŽlation, le pŽchŽ d'impuretŽ sous la figure d'une femme assise sur une bte qui avait, sept ttes et dix cornes [6] , pour nous montrer que ce pŽchŽ attaque les dix commandements de Dieu et renferme les sept pŽchŽs capitaux [7] . Si vous voulez vous en convaincre, vous n'avez qu'ˆ examiner la conduite d'un impudique ; vous verrez qu'il n'y a pas un commandement qu'il ne transgresse, et un des pŽchŽs capitaux dont il ne se rende coupable, en contentant les dŽsirs de son corps. Je ne veux pas entrer dans tous ces dŽtails, voyez-le vous-mmes, et vous direz que cela est vrai. Mais j'ajouterai qu'il n'y a point de pŽchŽ dans le monde qui fasse faire tant de sacrilges : les uns ne connaissent pas la moitiŽ des pŽchŽs qu'ils commettent de cette manire, par consŽquent ils ne les disent pas ; les autres ne veulent pas les dire, quoiqu'ils les connaissent ; de sorte que nous verrons au jour du jugement qu'il n'y a point de pŽchŽ qui ait jetŽ tant d'‰mes en enfer. Oui, M.F., ce pŽchŽ est si affreux que non seulement nous nous cachons pour le commettre ; mais nous voudrions encore nous le cacher ˆ nous-mmes, tant il est inf‰me, mme aux yeux de ceux qui s'en rendent coupables !

 

II. – Mais, pour mieux vous faire comprendre combien ce pŽchŽ, quoique si affreux, est commun parmi les chrŽtiens, et comme il est facile de le commettre, je vous dirai en combien de manires l'on pche contre le sixime commandement de Dieu. L'on pche en six manires : par pensŽes, par dŽsirs, par regards, par paroles, par actions et par occasions.

Je dis 1¡, par pensŽes : il y en a plusieurs qui ne savent pas distinguer une pensŽe d'avec un dŽsir ; ce qui peut faire faire des confessions sacrilges. ƒcoutez-moi bien et vous allez le voir : une mauvaise pensŽe, c'est lorsque notre esprit s'arrte volontairement ˆ penser ˆ une chose impure, soit par rapport ˆ nous, soit par rapport ˆ d'autres, sans dŽsirer accomplir ce que l'on pense ; on laisse seulement croupir son esprit sur ces choses sales et dŽshonntes. Vous vous accusez de cela ; il faut dire combien de temps vous y avez laissŽ reposer votre pensŽe, sans vous en dŽtourner, ou encore si vous avez pensŽ ˆ des choses qui pouvaient vous y conduire par le souvenir de quelque conversation que vous avez eue, ou de quelque familiaritŽ que vous avez permise, ou de quelque objet que vous avez vu. Le dŽmon ne vous remet cela devant les yeux que dans l'espŽrance qu'il vous conduira au pŽchŽ, au moins par la pensŽe.

2¡ Nous pŽchons par dŽsirs. Voilˆ, M.F., la diffŽrence qu'il y a entre la pensŽe et le dŽsir ; le dŽsir, c'est vouloir accomplir ce ˆ quoi nous pensons ; mais pour vous parler plus clairement, c'est vouloir commettre le pŽchŽ d'impuretŽ, aprs y avoir pensŽ pendant quelque temps, lorsque nous en trouverons l'occasion ou lorsque nous la chercherons. Il faut bien dire si ce dŽsir est restŽ dans notre cÏur, si nous avons fait quelque dŽmarche pour accomplir ce que nous avons dŽsirŽ, si nous avons sollicitŽ quelques personnes ˆ faire mal avec nous ensuite quelles sont les personnes que nous avons voulu porter au mal, si c'est un frre, une sÏur, un enfant ; une mre, une belle-sÏur, un beau-frre, un cousin. Il faut bien dire tout cela, autrement votre confession ne vaudrait rien. Cependant, il ne faut nommer les personnes qu'autant qu'il est nŽcessaire pour faire conna”tre son pŽchŽ. Il est bien certain que si vous aviez fait mal avec un frre ou une sÏur, et que vous vous contentiez de dire que vous avez fait un pŽchŽ contre la sainte vertu de puretŽ, cela ne suffirait pas.

3¡ L'on pche par regards, lorsqu'on porte ses yeux sur des objets impurs, ou quelque chose qui peut nous y conduire. Il n'y a point de porte par laquelle le pŽchŽ entre si facilement et si souvent que par les yeux ; aussi le saint homme Job disait : Ç Qu'il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne jamais regarder une personne en face [8] . È

4¡ Nous pŽchons par paroles. Nous parlons, M.F., pour manifester ˆ l'extŽrieur ce que nous pensons au dedans de nous-mmes, c'est-ˆ-dire ce qui se passe dans notre cÏur. Vous devez vous accuser de toutes les paroles impures que vous avez dites, combien de temps votre conversation a durŽ ; quel motif vous a engagŽ ˆ les dire, ˆ quelles personnes et ˆ combien de personnes vous avez pu les dire. HŽlas ! M.F., il y a de pauvres enfants, pour lesquels il vaudrait bien mieux trouver sur leur chemin un tigre ou un lion, que certains impudiques. Si, comme l'on dit, la bouche parle de l'abondance du cÏur, jugez quelle doit tre la corruption du cÏur de ces inf‰mes qui se roulent, se tra”nent et se noient pour ainsi dire dans la fange de leur impuretŽ. O mon Dieu ! si vous nous dites que l'on conna”t l'arbre ˆ son fruit, quel ab”me de corruption peut tre semblable !

5¡ Nous pŽchons par actions. Telles sont les libertŽs coupables sur soi-mme ou sur d'autres, les baisers impurs, sans oser vous dire le reste ; vous comprenez bien ce que je dis. Mon Dieu ! o sont ceux qui, dans leurs confessions, s'accusent de tout cela ? Mais aussi que  de sacrilges ce maudit pŽchŽ d'impuretŽ fait faire ! Nous  ne conna”trons cela qu'au grand jour des vengeances.  Combien de jeunes filles resteront deux ou trois heures  avec des libertins, et il n'y aura sorte d'impuretŽ que  leur bouche infernale ne vomisse continuellement.  HŽlas ! mon Dieu, comment ne pas bržler au milieu d'un brasier si ardent ?

6¡ L'on pche par occasion, soit en la donnant, soit en la prenant. Je dis, en la donnant, comme une personne du sexe qui est mise d'une manire indŽcente, laissant son mouchoir trop ŽcartŽ, ayant le cou et les Žpaules dŽcouverts, portant des vtements qui dessinent trop les formes du corps ; ou ne portant point de mouchoir en ŽtŽ, ou bien s'habillant d'une manire trop affectŽe. Non, ces malheureuses-lˆ ne sauront qu'au tribunal de Dieu le nombre de crimes qu'elles auront fait commettre. Combien de gens mariŽs qui ont moins de rŽserves que des pa•ens ! Une fille est encore coupable de quantitŽ de pŽchŽs impurs, qui sont presque tous des pŽchŽs mortels, toutes les fois qu'elle est trop facile et trop familire avec les jeunes gens. L'on est encore coupable, lorsqu'on va avec des personnes que l'on sait n'avoir que des mauvaises paroles ˆ la bouche. Vous pouvez ne pas y avoir pris plaisir, mais vous avez eu le tort de vous y exposer.

Souvent, on se fait illusion, l'on croit ne point faire de mal, tandis que l'on pche affreusement. Ainsi les personnes qui se voient sous prŽtexte de mariage, croient qu'il n'y a point de mal de passer un temps considŽrable seuls, le jour et la nuit. N'oubliez pas, M.F., que tous ces embrassements qui se font dans ces moments sont presque tous des pŽchŽs mortels, parce qu'ordinairement ce n'est qu'une amitiŽ charnelle qui les fait faire. Com­bien de jeunes fiancŽs n'ont aucune rŽserve ; ils se chargent des crimes les plus Žpouvantables, et semblent forcer la justice de Dieu de les maudire au moment o ils entrent dans l'Žtat du mariage. Vous devez tre aussi rŽservŽs pendant ce temps que vous l'tes avec vos sÏurs ; tout ce que l'on fait de plus est un pŽchŽ. HŽlas ! mon Dieu, o sont ceux qui s'en accusent ? presque personne. Mais aussi, o sont ceux qui entrent dans l'Žtat du mariage saintement ? HŽlas ! presque point. De lˆ rŽsultent tant de maux dans le mariage et pour l'‰me et pour le corps. Eh ! mon Dieu ! des parents qui le savent peuvent dormir ! HŽlas ! que d'‰mes qui se tra”nent dans les enfers !

On pche encore contre la sainte vertu de puretŽ quand on se lve la nuit sans tre habillŽ pour sortir, pour aller servir un malade, ou pour aller ouvrir la porte. Une mre doit faire attention de ne jamais avoir de regards dŽshonntes, ni d'attouchements sans nŽcessitŽ sur ses enfants. Les pres et mres et les ma”tres sont coupables de toutes les familiaritŽs qu'ils permettent entre leurs enfants et leurs domestiques, pouvant les empcher. L'on se rend encore coupable, en lisant et prtant de mauvais livres ou des chansons licencieuses ; en s'Žcrivant des lettres entre personnes de diffŽrent sexe. L'on participe au pŽchŽ en favorisant des rendez-vous de jeunes gens, sous prŽtexte mme de mariage.

Vous tes obligŽs, M.F., de dŽclarer toutes les circonstances aggravantes, si vous voulez que vos confessions soient bonnes. ƒcoutez-moi, vous allez encore mieux le comprendre. PŽchez-vous avec une personne dŽjˆ abandonnŽe au vice, qui en fait profession, vous vous rendez volontairement l'esclave de Satan, et encourez la damnation Žternelle. Mais, apprendre le mal ˆ une jeune personne, la porter au mal pour la premire fois, lui ravir l'innocence, lui enlever la fleur de sa virginitŽ, ouvrir la porte de son cÏur au dŽmon, fermer le ciel ˆ cette ‰me qui Žtait l'objet de l'amour des trois personnes de la Sainte-TrinitŽ, la rendre digne de l'exŽcration du ciel et de la terre : ce pŽchŽ est encore infiniment plus grand que le premier, et vous tes obligŽs de vous en accuser. PŽcher avec une personne libre, ni mariŽe, ni parente, est, selon saint Paul, un crime qui nous ferme le ciel et nous ouvre les ab”mes ; mais pŽcher avec une personne engagŽe dans les liens du mariage, c'est un crime qui en renferme un grand nombre d'autres ; c'est une horrible infidŽlitŽ, qui anŽantit et qui profane toutes les gr‰ces du sacrement de mariage ; c'est encore un exŽcrable parjure qui foule aux pieds une foi jurŽe au pied des autels, en prŽsence non seulement des anges, mais de JŽsus-Christ lui-mme ; crime qui est capable d'attirer toutes sortes de malŽdictions, non seulement sur une maison, mais encore sur une paroisse. PŽcher avec une personne qui n'est ni parente, ni alliŽe, c'est un gros pŽchŽ, puisqu'il nous perd pour jamais ; mais, pŽcher avec une parente ou une alliŽe, c'est-ˆ-dire, un pre avec sa fille, une mre avec son fils, un frre avec sa sÏur, un beau-frre avec sa belle-sÏur, un cousin avec sa cousine, c'est le plus grand de tous les crimes que l'on puisse imaginer ; c'est se jouer des rgles les plus inviolables de la pudeur ; c'est fouler aux pieds les droits les plus sacrŽs de la religion et de la nature. Enfin, pŽcher avec une personne consacrŽe ˆ Dieu, c'est le comble de tous les malheurs, puisque c'est un sacrilge Žpouvantable. O mon Dieu ! peut-il y avoir des chrŽtiens qui se livrent ˆ toutes ces turpitudes ! HŽlas ! si au moins, aprs de telles horreurs, l'on avait recours au bon Dieu pour lui demander de nous tirer de cet ab”me ! Mais, non, l'on vit tranquille, et la plupart n'ouvrent les yeux qu'en tombant en enfer. Vous tes-vous, M.F., formŽ une idŽe de la grandeur de ce pŽchŽ ? Non, sans doute, parce que vous en auriez bien plus d'horreur, et vous auriez pris plus de prŽcautions pour ne pas y tomber.

 

III. - Si vous me demandez maintenant ce qui peut nous conduire ˆ un tel crime. Mon ami, je n'ai qu'ˆ ouvrir mon catŽchisme et ˆ le demander ˆ un enfant, en lui disant : Qu'est-ce qui nous conduit ordinairement ˆ ce vice honteux ? Il me rŽpondra simplement : Monsieur le CurŽ, ce sont les danses, les bals, les frŽquentations trop familires avec des personnes de diffŽrent sexe ; les chansons, les paroles libres, les immodesties dans les habits, les excs dans le boire et le manger.

Je dis : les excs dans le boire et le manger. Si vous me demandez pourquoi cela, le voici, M.F. : C'est que notre corps ne tend qu'ˆ la perte de notre ‰me ; il faut nŽcessairement le faire souffrir en quelque manire, sans quoi t™t ou tard, il jettera notre ‰me en enfer. Une personne qui a bien ˆ cÏur le salut de son ‰me ne passera jamais un jour sans se mortifier en quelque chose dans le boire, le manger, le sommeil. Pour l'excs du vin, saint Augustin nous dit clairement qu'un ivrogne est impudique, ce qui est bien facile ˆ prouver. Entrez dans un cabaret, ou soyez en la compagnie d'un ivrogne, il n'aura pas autre chose ˆ la bouche que les paroles les plus sales ; vous le verrez faire les actions les plus honteuses ; et certainement il ne les ferait pas s'il n'Žtait pas dans le vin. Vous voyez donc par lˆ, M.F., que, si nous voulons conserver la puretŽ dans notre ‰me, il faut nŽcessairement refuser quelque chose ˆ notre corps, sans quoi il nous perdra.

Je dis que les bals et les danses nous conduisent ˆ ce vice inf‰me. C'est le moyen dont le dŽmon se sert pour enlever l'innocence au moins aux trois quarts des jeunes gens. Je n'ai pas besoin de vous le prouver, vous ne le savez que trop malheureusement par votre propre expŽrience. HŽlas ! combien de mauvaises pensŽes, de mauvais dŽsirs et d'actions honteuses causŽes par les danses ! Il me suffirait de vous dire que huit conciles tenus en France dŽfendaient la danse, mme dans les noces, sous peine d'excommunication. – Mais, me direz-vous, pourquoi donc y a-t-il des prtres qui donnent l'absolution ˆ ces personnes sans les Žprouver ? – Pour cela, je ne vous en dis rien, chacun rendra compte de ce qu'il aura fait. HŽlas ! M.F., d'o est venue la perte des jeunes gens ? Pourquoi n'ont-ils plus frŽquentŽ les sacrements ? Pourquoi ont-ils mme laissŽ leurs prires ? N'en cherchez pas d'autre cause que la danse. D'o peut venir ce grand malheur que plusieurs ne font plus de p‰ques, ou les font mal ? HŽlas ! de la danse. Combien de jeunes filles, ˆ la suite de la danse, ont perdu leur rŽputation, leur pauvre ‰me, le ciel, leur Dieu ! Saint Augustin nous dit qu'il n'y aurait pas autant de mal ˆ travailler toute la journŽe le dimanche, qu'ˆ danser. Oui, M.F., nous verrons au grand jour du jugement, que ces filles mondaines ont fait commettre plus de pŽchŽs qu'elles n'ont de cheveux sur la tte. HŽlas ! que de mauvais regards, que de mauvais dŽsirs, que d'attouchements dŽshonntes, que de paroles impures, que d'embrassements mauvais, que de jalousies, que de disputes, que de querelles ne voit-on pas commettre dans la danse ou ˆ la suite des danses ! Pour mieux vous en convaincre, M.F., Žcoutez ce que nous dit le Seigneur par la bouche du prophte Isa•e : Ç Les mondains dansent au son des flžtes et des tambours, et un moment aprs ils descendent dans les enfers [9] . È L'Esprit-Saint nous dit par la bouche du prophte EzŽchiel : Ç Va dire aux enfants d'amour, que parce qu'ils se sont livrŽs ˆ la danse, je vais les punir rigoureusement ; afin que tout Isra‘l soit saisi de frayeur. È Saint Jean Chrysostome nous dit que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob ne voulurent jamais permettre que l'on dans‰t ˆ leur mariage, dans la crainte d'attirer les malŽdictions du ciel sur eux. Mais, je n'ai pas besoin d'aller chercher d'autres preuves que vous-mmes. Parlez-moi sincrement, n'est-ce pas que vous ne voudriez pas mourir en venant d'une danse ? Non, sans doute, parce que vous ne seriez gure prts ˆ aller para”tre devant le tribunal de Dieu. Dites-moi pourquoi vous ne voudriez pas mourir dans cet Žtat, et pourquoi vous ne manquez pas de vous en confesser ? C'est donc bien prouvŽ, vous sentez vous-mmes que vous faites mal ; autrement vous n'auriez pas besoin de vous en accuser et ne craindriez pas de para”tre devant JŽsus-Christ. ƒcoutez ce que nous dit saint Charles BorromŽe parlant de la danse : de son temps, l'on condamnait ˆ trois ans de pŽnitence publique une personne qui allait ˆ la danse, et, si elle continuait, on la menaait d'excommunication. N'allons pas plus loin, M.F., la mort vous prouvera ce que nous disons aujourd'hui, mais trop tard pour un grand nombre. Il faut vraiment tre aveugle pour croire qu'il n'y a pas grand mal dans la danse, lorsque nous voyons que toutes les personnes dŽsireuses de s'assurer le ciel, l'ont quittŽe et ont pleurŽ le malheur d'y tre allŽes, dans le temps de leurs folies. Mais, tirons le rideau jusqu'au grand jour des vengeances o nous verrons tout cela plus clairement, o la corruption du cÏur ne pourra plus trouver d'excuse.

Je dis que les immodesties dans les habits nous conduisent ˆ ce vice honteux. Oui, M.F., une personne qui ne s'habille pas dŽcemment est la cause de beaucoup de  pŽchŽs : de mauvais regards, de mauvaises pensŽes, de paroles dŽshonntes. Voulez-vous savoir, du moins en partie, le mal dont vous tes la cause ? Mettez-vous un instant aux pieds de votre crucifix, comme si vous alliez tre jugŽ. L'on peut dire que les personnes mises d'une manire mondaine sont une source d'impuretŽ, et un poison qui donne la mort ˆ tous ceux qui n'ont pas la force de les fuir. Voyez en elles cet air effŽminŽ ou enjouŽ, ces regards perants, ces gestes honteux, qui, comme autant de traits trempŽs dans le poison de leur impudicitŽ, blessent presque tous les yeux assez malheureux pour les regarder. HŽlas ! que de pŽchŽs fait commettre un cÏur une fois imbibŽ de ce limon impur ! HŽlas ! il y a de ces pauvres cÏurs qui sont aussi bržlŽs de ce vice impur, qu'une poignŽe de paille dans un feu, Je ne sais pas si vous avez commencŽ ˆ vous former une idŽe de la grandeur de ce pŽchŽ et en combien de manires l'on peut s'en rendre coupable, priez le bon, Dieu, M.F., qu'il vous le fasse bien conna”tre et en concevoir une telle horreur que vous ne le commettiez jamais plus.

 

IV. – Mais, voyons maintenant ce qu'il faut faire pour se garantir de ce pŽchŽ, qui est si horrible aux yeux de Dieu, et qui tra”ne tant de pauvres ‰mes en enfer. Pour vous le montrer d'une manire claire et simple, je n'ai  qu'ˆ ouvrir encore une fois mon catŽchisme. Si je demandais ˆ un enfant, quels sont les moyens que nous devons employer pour ne pas tomber dans ce maudit pŽchŽ, il me rŽpondrait avec sa simplicitŽ ordinaire : Il y en a plusieurs, mais les principaux sont : la retraite, la prire, la frŽquentation des sacrements, une grande dŽvotion envers la sainte Vierge, la fuite des occasions, et enfin rejeter promptement toutes les mauvaises pensŽes que le dŽmon nous prŽsente.

Je dis qu'il faut aimer la retraite, je ne veux pas dire qu'il faille se cacher dans un bois, ni mme dans un monastre, ce qui serait cependant un grand bonheur pour vous ; mais je veux dire, qu'il faut fuir seulement les compagnies des personnes qui ne parlent que de choses capables de vous salir l'imagination, ou bien qui ne s'occupent que d'affaires terrestres et nullement du bon Dieu. Voilˆ, M.F., ce que je veux dire. Le dimanche surtout, au lieu d'aller voir vos voisins ou voisines, prenez un livre, comme l'Imitation de Notre-Seigneur JŽsus-Christ, ou bien la Vie des saints ; vous y verrez comment ils ont combattu les tentations que le dŽmon a t‰chŽ de faire na”tre dans leur esprit ; vous verrez combien ils ont fait de sacrifices pour plaire ˆ Dieu et sauver leurs ‰mes : cela vous encouragera. Vous ferez comme saint Ignace, qui, Žtant blessŽ, se mit ˆ lire la vie des saints ; voyant les luttes qu'ils avaient ŽprouvŽes et le courage avec lequel ils combattaient pour le bon Dieu, il se dit ˆ lui-mme : Ç Et pourquoi ne ferais-je pas ce que ces saints ont fait ? N'ai-je pas le mme Dieu qui m'aidera ˆ combattre, le mme ciel ˆ espŽrer et le mme enfer ˆ craindre [10]  ?... È Vous ferez de mme. Oui, M.F., il est nŽcessaire de fuir la compagnie des personnes qui n'aiment pas le bon Dieu. Ne soyons avec le monde que par nŽcessitŽ, quand notre devoir nous y appelle.

Nous disons qu'il faut aimer la prire, si nous voulons conserver la puretŽ de notre ‰me. Si vous me demandez pourquoi il faut prier, je vous en donnerai la raison : c'est que cette belle vertu de puretŽ vient du ciel, c'est donc par la prire que nous devons la demander et la conserver. Il est certain qu'une personne qui n'a pas recours ˆ la prire ne conservera jamais son ‰me pure aux yeux de Dieu. Par la prire, nous conversons avec le bon Dieu, les anges et les saints, et par cet entretien cŽleste nous devenons nŽcessairement spirituels ; notre esprit et notre cÏur se dŽtachent peu ˆ peu des choses crŽŽes pour ne considŽrer et n'aimer que les biens du ciel. Cependant il ne faut pas croire que, toutes les fois que l'on est tentŽ, l'on offense le bon Dieu ; le pŽchŽ ne se trouve que dans le consentement et dans le plaisir que l'on y prend. Quand nous serions tentŽs huit ou quinze jours, si cela nous fait horreur, nous faisons comme les enfants dans la fournaise de Babylone, qui n'en sortirent que plus beaux [11] . IL nous faut vite avoir recours au bon Dieu en lui disant : Ç Mon Dieu, venez ˆ mon aide ; vous savez que sans vous, je ne peux que me perdre ; mais, aidŽ de votre gr‰ce, je suis sžr de sortir victorieux du combat. Ah ! Vierge sainte, devons-nous dire, ne permettez pas que le dŽmon ravisse mon ‰me qui a cožtŽ tant de souffrances ˆ votre divin Fils. È

Pour conserver la puretŽ, il faut avoir recours aux sacrements, et les recevoir avec de bonnes dispositions. Oui, M.F., une personne qui a le bonheur de frŽquenter les sacrements souvent et saintement, peut trs facilement conserver cette belle vertu. Nous avons une preuve que les sacrements nous sont d'un grand secours, dans les efforts du dŽmon pour nous en Žloigner ou nous les faire profaner. Voyez, quand nous voulons nous en approcher, combien le dŽmon suscite en nous de craintes, de troubles, de dŽgožts. Tant™t il nous dit que nous agissons presque toujours mal, tant™t, que le prtre ne nous conna”t pas, ou bien que nous ne nous faisons pas assez conna”tre, que sais-je ? Mais, pour nous moquer de lui, il faut redoubler de soins, nous en approcher encore plus souvent, et ensuite nous ensevelir dans le sein de la misŽricorde de Dieu, en lui disant : Ç Vous savez, mon Dieu, que je ne cherche que vous et le salut de ma pauvre ‰me. È Non, M.F., il n'y a rien qui nous rende si redoutables au dŽmon que la frŽquentation des sacrements ; en voici la preuve. Voyez sainte ThŽrse. Le dŽmon avoua, par la bouche d'un possŽdŽ, que cette sainte lui Žtait devenue si redoutable par la saintetŽ puisŽe dans la sainte communion, qu'il ne pouvait pas mme respirer l'air o elle avait passŽ. Si vous en cherchez la raison, elle est trs facile ˆ comprendre : le sacrement adorable de l'Eucharistie, n'est-il pas ce vin qui produit la virginitŽ [12]  ? Comment n'tre pas vierge en recevant le roi de la puretŽ ? Voulez-vous conserver ou acquŽrir cette belle vertu qui rend semblable aux anges ? FrŽquentez souvent et saintement les sacrements, vous tes sžrs que, malgrŽ tous les efforts du dŽmon, vous aurez le grand bonheur de conserver la puretŽ de votre ‰me.

Si nous voulons conserver pur ce temple du Saint-Esprit, il faut avoir une grande dŽvotion ˆ la trs sainte Vierge, puisqu'elle est la Reine des vierges. C'est elle qui, la premire, a levŽ l'Žtendard de cette incomparable vertu. Voyez combien le bon Dieu en fait d'estime : il n'a pas dŽdaignŽ de na”tre d'une mre pauvre, inconnue dans le monde, d'avoir pour pre nourricier un pre pauvre ; mais il lui fallait une mre pure et sans t‰che, un pre d'une puretŽ telle que la sainte Vierge seule pouvait le surpasser en puretŽ. Saint Jean Damascne nous encourage grandement ˆ avoir une tendre dŽvotion envers la puretŽ de la sainte Vierge ; il nous dit que tout ce que l'on demande au bon Dieu en l'honneur de la puretŽ de la sainte Vierge on l'obtient toujours. Il nous dit que cette vertu est si agrŽable aux anges qu'ils chantent sans cesse dans le ciel : Ç O Vierge des vierges, nous vous louons ; nous vous bŽnissons, ™ Mre du bel amour. È Saint Bernard, ce grand serviteur de Marie, nous dit qu'il a converti plus d'‰mes par l'Ave Maria, que par tous ses sermons. ætes-vous tentŽs ? nous dit-il, appelez Marie ˆ votre secours, et vous tes sžrs de ne pas succomber ˆ la tentation [13] . Lorsque nous rŽcitons l'Ave Maria, nous dit-il, tout le ciel se rŽjouit et tressaille de joie, et tout l'enfer frŽmit en se rappelant, que MariŽ a ŽtŽ l'instrument dont Dieu s'est servi pour l'encha”ner. C'est pour cela que ce grand saint nous recommande tant la dŽvotion : ˆ la Mre de Dieu, afin que Marie nous regarde comme ses enfants. Si vous tes bien aimŽs de Marie, vous tes sžrs d'tre bien aimŽs de son Fils. Plusieurs saints Pres nous recommandent d'avoir une grande dŽvotion envers Marie, et de faire de temps en temps quelques communions en son honneur, et surtout en l'honneur de sa sainte PuretŽ ; ce qui, lui est si agrŽable qu'elle ne manquera pas de nous faire sentir son intercession auprs de son divin Fils.

Pour conserver cette vertu angŽlique nous devons combattre les tentations et fuir les occasions, comme ont fait les saints, qui ont mieux aimŽ mourir que de perdre cette belle vertu. Voyez ce que fit le patriarche Joseph, lorsque la femme de Putiphar voulut le solliciter au pŽchŽ, il lui laissa la moitiŽ de son manteau entre les mains [14] . Voyez la chaste Suzanne, qui aima mieux perdre sa rŽputation, celle de sa famille et sa vie mme, que de perdre cette vertu qui est si agrŽable ˆ Dieu [15] . Voyez encore ce qui arriva ˆ saint Martinien, qui s'Žtait retirŽ dans un bois, pour ne penser qu'ˆ plaire ˆ Dieu. Une femme de mauvaise vie vint le trouver, feignant de s'tre ŽgarŽe dans les forts et le priant de vouloir bien avoir pitiŽ d'elle. Le saint la reut dans sa solitude et la laissa seule. Le lendemain Žtant revenu voir ce qu'elle Žtait devenue, il la trouva bien parŽe. Alors elle lui dit que le bon Dieu l'avait envoyŽe pour faire alliance avec lui ; qu'elle avait de grands biens dans la ville, qu'il pourrait faire beaucoup d'aum™nes. Le saint voulut savoir si cela venait de Dieu ou du dŽmon ; il lui dit d'attendre, parce que tous les jours il venait des gens pour se recommander ˆ ses prires et qu'il ne fallait pas leur laisser faire un voyage inutile ; il allait sur la montagne pour voir s'il en arrivait quelques-uns. LorsquÕil fut sur la montagne, il entendit une voix qui lui dit : Ç Martinien, Martinien, que fais-tu ? tu Žcoutes la voix de Satan. È Il en fut si effrayŽ qu'il retourna dans sa solitude, fit un grand feu et se mit dedans ; la douleur du pŽchŽ qu'il Žtait exposŽ ˆ commettre et la douleur du feu lui firent pousser de grands cris. Cette malheureuse Žtant venue ˆ ce bruit, lui demanda ce qui l'avait mis dans un tel Žtat. Ç Ah ! lui rŽpondit le saint, je ne puis pas supporter le feu de ce monde, comment pourrais-je endurer celui de l'enfer, si j'ai le malheur de pŽcher comme vous le dŽsirez ? È Ce qui frappa tellement cette femme qu'elle resta dans la cellule du saint, fit pŽnitence toute sa vie, et Martinien alla plus loin pour continuer ses austŽritŽs [16] .

Il est rapportŽ dans la vie de saint Thomas d'Aquin [17] qu'on lui envoya une femme de mauvaise vie pour le porter au pŽchŽ. On la fit entrer dans sa chambre pendant qu'il Žtait absent. Lorsqu'il aperut cette crŽature, il prit un tison ardent et la chassa honteusement. Voyez encore saint Beno”t, qui, pour se dŽlivrer de ses mauvaises pensŽes, se roulait dans les ronces o il se mettait tout en sang. D'autres fois, il se plongeait dans l'eau glacŽe jusqu'au cou pour Žteindre ce feu impur [18] . Mais je ne trouve rien dans la vie des saints qui soit comparable au rŽcit de saint JŽr™me. Du fond de son dŽsert, il Žcrit ˆ un de ses amis, et lui fait la peinture des combats qu'il Žprouve et des pŽnitences qu'il exerce sur son corps ; on ne peut le lire sans pleurer de compassion : Ç Dans cette vaste solitude que les ardeurs du soleil rendent insupportable, dit-il, ne me nourrissant que d'un peu de pain noir et d'herbes crues, couchant sur la terre nue, ne buvant que de l'eau, mme dans mes maladies, je ne cesse de pleurer aux pieds de mon crucifix. Lorsque mes larmes manquent, je prends une pierre, je m'en frappe la poitrine jusqu'ˆ ce que le sang me sorte par la bouche, et malgrŽ cela, le dŽmon ne me laisse point de repos ; il faut toujours avoir les armes ˆ la main [19] . È

Que conclure, M.F., de tout ce que nous venons de dire ? IL n'y a point de vertu qui nous rende si agrŽables au bon Dieu, que la vertu de puretŽ, et point de vice qui plaise tant au dŽmon que le pŽchŽ d'impuretŽ. Cet ennemi ne peut souffrir qu'une personne qui est ˆ Dieu possde cette vertu ; et c'est ce qui doit vous engager ˆ ne rien nŽgliger pour la conserver. Pour cela, veillez avec soin sur vos regards, vos pensŽes et tous les mouvements de votre cÏur ; ayez frŽquemment recours ˆ la prire ; fuyez les mauvaises compagnies, les danses, les jeux ; pratiquez la mortification ; recourez ˆ la trs sainte Vierge ; frŽquentez souvent les sacrements. Quel bonheur ! si nous sommes assez heureux pour ne pas laisser souiller notre cÏur par ce maudit pŽchŽ, puisque JŽsus-Christ nous dit qu'il n'y aura que ˆ ceux qui ont le cÏur pur qui verront Dieu [20]  ! È Demandons, M.F., chaque matin au bon Dieu de purifier nos yeux, nos mains et gŽnŽralement tous nos sens ; afin que nous puissions para”tre avec confiance devant JŽsus-Christ, qui est le partage des ‰mes pures ; c'est tout le bonheur que je vous souhaite.



[1] I Cor . vi, 15, 19.

[2] Omnis mulier, qu¾ est fornicaria, quasi stercus in via conculcabitur. Prov. ix, 10.

[3] Gen. vi.

[4] Ibid. xix.

[5] Num. xxv, 9.

[6] Apoc. xvii, 3.

[7] Le Saint a sans doute empruntŽ du P. Lejeune, t. II, Sermon liv, De la luxure, cette application de la figure de lÕApocalypse au vice de lÕimpuretŽ.

[8] Pepigi fÏdus cum oculis meis, ut ne cogitarem quidem de virgine. Job. xxxi, 1.

[9] Tenent tympanum et citharum, et gaudent ad sonitum organi. Ducunt in bonis dies suos, et in puncto ad inferna descundunt. Job. xxi, 12, 13. Ce texte est de Job et non du prophte Isa•e. Nous ferons remarquer que ce nÕest pas la seule fois que le Saint attribue ˆ un auteur des textes qui appartiennent ˆ un autre.

[10] RibadŽnŽria, au 31 juillet.

[11] Dan. iii, 94.

[12] Quid enim bonum ejus est, et quid pulchrum ejus, nisi frumentum electorum, et vinum germinans virgines ? Zach. ix, 17.

[13] Hom. 2e super Missus est, 17.

[14] Gen. xxxix, 12.

[15] Dan. xiii.

[16] Ribadeneria, au 13 fŽvrier.

[17] Ibid, au 7 mars.

[18] Ibid, au 21 mars.

[19] Lettre 22e, ˆ Eustochie, citŽe dans la Vie des Pres du dŽsert, t. V, p. 263.

[20] Matth. v, 8.

 

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