13me DIMANCHE APRéS LA PENTECïTE

(QUATRIéME SERMON)

Sur l'Absolution

 

 

Quorum remiseritis peccata, remittuntur eis : et quorum retinueritis, retenta sunt.

Les pŽchŽs seront remis ˆ ceux ˆ qui vous les remettrez, et ils seront retenus ˆ ceux ˆ qui vous les retiendrez.

(S. Jean, XX, 23.)

 

 

 

Qu'il en a cožtŽ, M.F., ˆ ce divin Sauveur pour donner l'efficacitŽ ˆ ces paroles : Ç Les pŽchŽs seront remis ˆ ceux ˆ qui vous les remettrez, et retenus ˆ ceux ˆ qui vous les retiendrez ! È HŽlas ! que de tourments, que d'opprobres et quelle mort douloureuse !... Mais nous sommes si aveugles, si grossiers, si peu spirituels, que la plupart croient qu'il ne tient qu'au prtre de donner ou de refuser l'absolution comme il lui pla”t. Non, M.F., nous nous trompons grossirement ; un ministre du sacrement de PŽnitence n'est que le dispensateur des gr‰ces et des mŽrites de JŽsus-Christ [1]  ; il ne peut les donner que selon les rgles qui lui sont prescrites. HŽlas ! de quelle frayeur ne doit pas tre saisi un pauvre prtre, en exerant un ministre si redoutable, o il est dans un danger si grand de se perdre lui-mme en voulant sauver les autres. Quel terrible rendement de compte pour un pauvre prtre, lorsque le jugement viendra et que toutes ces absolutions lui seront remises devant les yeux par Dieu mme, pour examiner s'il n'a point ŽtŽ ou trop prodigue des gr‰ces du ciel, ou trop sŽvre. HŽlas ! M.F., qu'il est difficile de marcher toujours bien droit !... Que de prtres, au jugement, voudraient n'avoir pas ŽtŽ prtres, mais simples la•ques ! Que de fidles vont aussi se trouver coupables, qui, peut-tre n'ont jamais priŽ Dieu pour leurs pasteurs qui se sont exposŽs ˆ se perdre pour les sauver !... Mais, si un prtre a le pouvoir de remettre les pŽchŽs, il a aussi le pouvoir de les retenir, et saint GrŽgoire le Grand nous dit qu'un prtre doit bien examiner quelles sont les dispositions du pŽcheur, avant de lui donner l'absolution. Il doit voir si son cÏur est changŽ, s'il a bien pris toutes les rŽsolutions que doit avoir un grand pŽcheur converti.

Il est donc Žvident que le ministre de la pŽnitence doit diffŽrer ou refuser l'absolution ˆ certains pŽcheurs, sous peine de se damner lui-mme avec son pŽnitent. Je vais donc vous montrer ou vous apprendre, 1¡ ce que c'est que l'absolution ; 2¡ quels sont ceux ˆ qui il faut la donner ou la refuser : matire bien intŽressante, puisqu'il s'agit de votre salut ou de votre perte.

Que l'homme est heureux, M.F., mais qu'il est cou­pable ! Je dis qu'il est heureux ; puisque, aprs avoir perdu son Dieu, le ciel et son ‰me, il peut encore espŽrer trouver des moyens si faciles pour rŽparer cette grande perte, qui est celle d'une ŽternitŽ de bonheur. Le riche qui a perdu sa fortune, souvent ne peut point, malgrŽ sa bonne volontŽ, la rŽtablir ; mais le chrŽtien a-t-il perdu sa fortune Žternelle ? il peut la recouvrer sans qu'il lui en cožte rien, pour ainsi dire. ï mon Dieu ! que vous aimez les pŽcheurs, puisque vous nous fournissez tant de moyens de recouvrer le ciel ! Je dis que nous sommes bien coupables de pouvoir gagner tant de biens et de tout mŽpriser ! Vous avez perdu le ciel, mon ami, et pourquoi voulez-vous vivre dans une telle pauvretŽ ?... Mon Dieu ! que l'homme pŽcheur peut Žviter son malheur, et quelle facilitŽ n'a-t-il pas de pouvoir le rŽparer !

 

I. – Si vous me demandez ce que c'est que l'absolution, je vous dirai que c'est un jugement que le prtre prononce, au nom et par l'autoritŽ de JŽsus-Christ, et par lequel nos pŽchŽs sont aussi remis, aussi effacŽs que si nous ne les avions jamais commis, si celui qui les confesse la reoit avec les dispositions que demande ce sacrement. Ah ! M.F., qui de nous pourra s'empcher d'admirer l'efficacitŽ de ce jugement de misŽricorde ? ï moment heureux pour un pŽcheur converti !... Ë peine le ministre a-t-il prononcŽ ces paroles : Ç Je vous absous È, que l'‰me est lavŽe, purifiŽe de toutes ses souillures, par le sang prŽcieux qui coule sur elle. Mon Dieu ! que vous tes bon pour un pŽcheur !... Disons encore, M.F., que notre pauvre ‰me est arrachŽe de la tyrannie du dŽmon et rŽtablie dans l'amitiŽ et la gr‰ce de son Dieu ; elle recouvre la paix, cette paix si prŽcieuse, qui fait tout le bonheur de l'homme dans ce monde et dans l'autre ; l'innocence lui est rendue, avec tous ses droits au royaume de Dieu, que ses pŽchŽs lui avaient ravis. Dites-moi, M.F., ne devons-nous pas tre pŽnŽtrŽs et attendris jusqu'aux larmes ˆ la vue de tant de merveilles ? Auriez-vous pu penser que, chaque fois qu'un pŽcheur reoit l'absolution, tous ces biens lui soient accordŽs ! Mais tout cela n'est donnŽ et ne doit tre donnŽ qu'ˆ ceux qui le mŽritent, c'est-ˆ-dire, qui sont pŽcheurs, il est vrai, mais pŽcheurs convertis, qui regrettent leur vie passŽe, non seulement parce qu'ils ont perdu le ciel, mais parce qu'ils ont ŽtŽ conduits ˆ outrager celui qui mŽrite d'tre infiniment aimŽ.

 

II. – Si vous dŽsirez savoir quand on doit vous diffŽrer ou refuser l'absolution, le voici : Žcoutez-le bien et gravez-le dans votre cÏur, afin que, chaque fois que vous irez vous confesser, vous puissiez conna”tre si vous mŽritez d'tre absous ou renvoyŽs. Je trouve huit raisons qui doivent porter le prtre ˆ vous diffŽrer l'absolution, c'est l'ƒglise elle-mme qui a donnŽ ces rgles sur lesquelles le prtre ne doit pas passer ; s'il les dŽpasse, malheur ˆ lui et ˆ celui qu'il conduit : c'est un aveugle qui en conduit un autre, ils se prŽcipitent tous deux dans les enfers [2] . Le devoir du ministre est de bien appliquer ces rgles, et le v™tre, de ne jamais murmurer lorsqu'il ne vous donne pas l'absolution. Si un prtre vous la refuse, c'est parce qu'il vous aime et qu'il dŽsire vŽritablement sauver votre pauvre ‰me, et vous ne conna”trez cela qu'au jour du jugement : c'est alors que vous verrez que ce n'Žtait que le dŽsir qu'il avait de vous conduire au ciel qui l'a portŽ ˆ vous diffŽrer l'absolution. S'il vous l'avait accordŽe, comme vous le dŽsiriez, vous seriez damnŽ. Vous ne devez donc jamais, M.F., mur­murer lorsqu'un prtre ne vous donne pas l'absolution ; au contraire, vous devez en remercier le bon Dieu, et travailler de toutes vos forces ˆ mŽriter ce bonheur.

Je dis 1¡ que ceux qui ne sont pas assez instruits ne mŽritent pas l'absolution : le prtre ne doit pas la leur donner, et ne le peut sans se rendre coupable ; parce que tout chrŽtien est obligŽ de conna”tre JŽsus-Christ, avec ses mystres, avec sa doctrine, ses lois et ses sacrements. Saint Charles BorromŽe, archevque de Milan, nous dit expressŽment, que l'on ne doit pas donner l'absolution ˆ ceux qui ne connaissent pas les principaux mystres du christianisme, et les obligations particulires de leur Žtat : Ç Surtout, nous dit-il, quand on reconna”t que leur ignorance vient de leur indiffŽrence pour leur salut. È Les lois de l'ƒglise dŽfendent de donner l'absolution aux pres et aux mres, aux ma”tres et ma”tresses qui n'instruisent pas leurs enfants ou leurs domestiques, ou qui ne les font pas instruire par d'autres de tout ce qui est nŽcessaire pour tre sauvŽ ; qui ne veillent pas sur leur conduite ; qui nŽgligent de les corriger de leurs dŽsordres et de leurs dŽfauts. Vous dire que ceux qui ne savent pas ce qui est nŽcessaire pour tre sauvŽ, ne mŽritent pas l'absolution, c'est comme si je disais ˆ une personne qu'elle est dans le prŽcipice sans lui donner les moyens d'en sortir. Je vais donc vous montrer ce que vous devez savoir pour sortir de cet ab”me d'ignorance ; gravez-le bien dans vos cÏurs, afin qu'il ne s'y efface jamais, que vous l'appreniez ˆ vos enfants et que vos enfants l'apprennent ˆ d'autres. Renouvelons, M.F., ce que je vous ai dit dŽjˆ plusieurs fois : un chrŽtien doit savoir le Notre Pre, le Je vous salue Marie, le Je crois en Dieu, le Confesse ˆ Dieu, les trois actes de Foi, d'EspŽrance et d'Amour, les Commandements de Dieu et de l'ƒglise, et son acte de Contrition. Je ne veux pas seulement dire : les mots ; parce qu'il faudrait tre furieusement ignorant pour ne le point savoir ; mais il faut que, si l'on vous interroge, vous puissiez rendre compte de l'explication de chaque article en particulier, et de ce qu'ils veulent dire. Voilˆ ce que l'on vous demande, et non de savoir les mots. Il faut que vous sachiez que le Notre Pre a ŽtŽ composŽ par Dieu mme ; que le Je vous salue Marie, a ŽtŽ composŽ, une partie par l'ange, lorsqu'il vint trouver la sainte Vierge pour lui annoncer le mystre de l'Incarnation [3] , et l'autre partie par l'ƒglise ; il faut que vous sachiez que le Crois en Dieu a ŽtŽ composŽ par les Ap™tres aprs la descente du Saint-Esprit, avant de se disperser dans le monde ; ce qui fait que dans tous les lieux du monde l'on enseigne la mme religion et les mmes mystres. Il renferme l'abrŽgŽ de toute notre sainte religion, le mystre de la sainte TrinitŽ, qui est un seul Dieu en trois personnes, que c'est le Pre qui nous a crŽŽs, que c'est le Fils qui nous a rachetŽs par sa mort et ses souffrances, et que c'est le Saint-Esprit qui nous a sanctifiŽs dans le saint Baptme. Lorsque vous dites : Ç Je crois en Dieu le Pre tout-puissant, crŽateur, etc., È c'est comme si vous disiez : Je crois que le Pre Žternel a tout crŽŽ, nos corps et nos ‰mes, que le monde n'a pas toujours ŽtŽ, qu'il ne durera pas toujours, qu'un jour tout sera anŽanti... Ç Je crois en JŽsus-Christ, È c'est comme si vous disiez : Je crois que JŽsus-Christ, la seconde personne de la sainte TrinitŽ s'est fait homme, qu'il a souffert, qu'il est mort pour nous racheter, pour nous mŽriter le ciel que le pŽchŽ d'Adam nous avait ravi. Ç Je crois au Saint-Esprit, ˆ la sainte ƒglise catholique, etc., È c'est comme si vous disiez : Je crois qu'il n'y a qu'une religion, qui est celle de l'ƒglise, que c'est JŽsus-Christ lui-mme qui l'a Žtablie, qu'il y a renfermŽ toutes ses gr‰ces, que tous ceux qui ne sont pas dans cette ƒglise ne seront pas sauvŽs, et que cette ƒglise doit durer jusqu'ˆ la fin du monde. Lorsque vous dites : Je crois ˆ la communion des saints, È c'est comme si vous disiez : Je crois que tous les chrŽtiens se font part de leurs prires, de toutes leurs bonnes Ïuvres, je crois que les saints qui sont dans le ciel prient le bon Dieu pour nous, et que nous pouvons prier pour ceux qui sont dans les flammes du purgatoire. Lorsque vous dites : Ç Je crois ˆ la rŽmission des pŽchŽs, È c'est comme si vous disiez : Je crois qu'il y a, dans l'ƒglise de JŽsus-Christ, des sacrements qui remettent toutes sortes de pŽchŽs, et qu'il n'y a point de pŽchŽs que l'ƒglise de JŽsus-Christ ne puisse remettre. En disant : Ç La rŽsurrection de la chair, È cela veut dire que nos mmes corps, que nous avons maintenant, ressusciteront un jour, que nos ‰mes y rentreront pour aller dans le ciel, si nous avons eu le bonheur de bien servir le bon Dieu, ou pour aller en enfer y bržler pendant l'ŽternitŽ si... En disant : Ç Je crois ˆ la vie Žternelle, È c'est dire : Je crois que l'autre vie ne finira jamais, que notre ‰me durera autant que Dieu lui-mme, qui est sans fin. Lorsque vous dites : Ç D'o il viendra juger les vivants et les morts, È c'est comme si vous disiez : Je crois que JŽsus-Christ est dans le ciel en corps et en ‰me, et que c'est lui-mme qui viendra pour nous juger, pour rŽcompenser ceux qui auront bien fait et pour punir ceux qui l'auront mŽprisŽ.

Il faut savoir que les Commandements de Dieu ont ŽtŽ donnŽs ˆ Adam en le crŽant ; c'est-ˆ-dire que Dieu les grava dans son cÏur, et qu'aprs qu'Adam ežt pŽchŽ, Dieu les donna ˆ Mo•se Žcrits sur des tables de pierre, sur le mont Sina• [4] . Ce sont les mmes que Dieu renouvela lui-mme, lorsqu'il vint sur la terre pour nous sauver tous [5] . Je dis que vous devez savoir vos trois actes, de Foi, d'EspŽrance et de CharitŽ. Je ne veux pas dire, encore simplement les mots, qui est-ce qui ne les sait pas ? mais le sens de ces actes. La foi nous fait croire tout ce que l'ƒglise nous enseigne, quoique nous ne puissions pas le comprendre ; elle nous fait croire que Dieu nous voit, veille ˆ notre conservation, qu'il nous rŽcompensera ou nous punira, selon que nous aurons bien ou mal fait ; qu'il y a un ciel pour les bons et un enfer pour les mŽchants ; que Dieu a souffert et qu'il est mort pour nous. L'espŽrance nous fait faire toutes nos actions dans la vue de plaire ˆ Dieu, parce qu'elles seront rŽcompensŽes pendant toute l'ŽternitŽ. Nous devons croire que la foi ni l'espŽrance ne seront plus nŽcessaires dans le ciel, ou plut™t que nous n'aurons ni la foi ni l'espŽrance : rien ˆ croire parce qu'il n'y aura plus de mystres, ni rien ˆ espŽrer, puisque nous verrons tout ce que nous aurons dž croire et que nous possŽderons tout ce que nous aurons espŽrŽ ; il n'y aura plus que l'amour, qui nous consumera pendant toute l'ŽternitŽ ; ce qui fera tout notre bonheur. Dans ce monde, l'amour de Dieu consiste ˆ aimer le bon Dieu au-dessus de tout ce qui est crŽŽ, le prŽfŽrer ˆ tout, mme ˆ notre vie. Voilˆ, M.F., ce que l'on veut dire lorsqu'on dit que vous devez savoir le Notre Pre, le Salue, Marie, le Crois en Dieu, le Confesse ˆ Dieu, le Un seul Dieu et vos trois actes. Si vous ne savez pas cela, vous ne savez pas ce qui est nŽcessaire pour vous sauver ; il faut au moins que si l'on vous interroge sur ce que je viens de vous dire, vous puissiez y rŽpondre.

Ce n'est pas encore tout : il faut que vous sachiez ce que c'est que le mystre de l'Incarnation et ce que veut dire ce mot d'Incarnation. Il faut que vous sachiez que ce mystre veut dire que la seconde personne de la sainte TrinitŽ a pris un corps comme le n™tre dans le sein de la trs sainte vierge Marie, par l'opŽration du Saint-Esprit. Nous honorons ce mystre le 25 mars, le jour de l'Annonciation ; car c'est dans ce jour que le Fils de Dieu a uni, a joint sa divinitŽ ˆ notre humanitŽ ; qu'il a pris un corps comme le n™tre, sinon le pŽchŽ, et qu'il s'est chargŽ de tous nos pŽchŽs pour satisfaire ˆ la justice de son Pre. Il faut savoir que c'est le 25 dŽcembre que JŽsus-Christ est venu au monde, ˆ minuit, le jour de No‘l. Vous savez que l'on dit trois messes ce jour, pour honorer les trois naissances de JŽsus-Christ : la premire, dans le sein de son Pre, qui est de toute ŽternitŽ ; la seconde, sa naissance corporelle dans la crche, et la troisime, sa naissance dans nos ‰mes par la sainte communion [6] .

Il faut que vous sachiez que c'est le jeudi saint que JŽsus-Christ a instituŽ le sacrement adorable de l'Eucharistie [7] . La veille de sa mort, Žtant avec ses ap™tres, il prit du pain, le bŽnit, le changea en son corps. Il prit du vin avec un peu d'eau, le changea en son sang, et donna ˆ tous les prtres, en la personne de ses ap™tres, le pouvoir de faire le mme miracle toutes les fois qu'ils prononceraient les mmes paroles : ce qui se fait pendant la sainte Messe lorsque le prtre prononce les paroles de la consŽcration. Il faut savoir que c'est le vendredi saint que JŽsus-Christ est mort, c'est-ˆ-dire, qu'il est mort comme homme et non comme Dieu ; parce que, comme Dieu, il ne pouvait pas mourir ; qu'il est ressuscitŽ le saint jour de P‰ques, cela veut dire, que son ‰me s'est rŽunie ˆ son corps, et qu'aprs tre restŽ quarante jours sur la terre, il est montŽ au ciel le jour de l'Ascension [8]  ; que le Saint-Esprit est descendu sur les ap™tres le jour de la Pentec™te. Il faut que si l'on vous interroge et si l'on vous demande quand est-ce que les sacrements ont ŽtŽ instituŽs par JŽsus-Christ ou quand ils ont eu leur effet, c'est-ˆ-dire, nous ont communiquŽ toutes ses gr‰ces, il faut que vous puissiez dire que ce n'est qu'aprs la Pentec™te. – Si l'on vous demandait qui les a instituŽs, il faut rŽpondre qu'il n'y a que JŽsus-Christ qui ait pu les instituer : ce n'est ni la sainte Vierge ni les ap™tres. Il faut que vous sachiez combien il y en a, quels sont les effets de chaque sacrement, et quelles sont les dispositions qu'il faut avoir pour les recevoir ; il faut que vous sachiez que le Baptme efface en nous le pŽchŽ originel, qui est le pŽchŽ d'Adam, et que nous avons en venant au monde ; que celui de la Confirmation nous est donnŽ par l'Žvque, et qu'il nous donne le Saint-Esprit avec l'abondance de ses gr‰ces ; que celui de la PŽnitence nous est donnŽ lorsque nous nous confessons, et que, pendant que le prtre nous donne l'absolution, si nous sommes bien prŽparŽs, tous nos pŽchŽs sont effacŽs. Dans la sainte Eucharistie, nous recevons, non la sainte Vierge, ni les anges, ni les saints, mais le Corps adorable et le Sang prŽcieux de JŽsus-Christ. Comme Dieu, nous y recevons les trois personnes de la sainte TrinitŽ : c'est-ˆ-dire, le Pre, le Fils et le Saint-Esprit, et, comme homme nous ne recevons que le Fils : c'est-ˆ-dire, son corps et son ‰me unis ˆ sa divinitŽ. – Le sacrement de l'Extrme-Onction est celui qui nous aide ˆ bien mourir, et est instituŽ pour nous purifier des pŽchŽs que nous avons commis par tous nos sens. Celui de l'Ordre communique aux hommes le mme pouvoir que le Fils de Dieu donna ˆ ses ap™tres. Ce sacrement a ŽtŽ instituŽ lorsque JŽsus-Christ dit ˆ ses ap™tres : Ç Faites ceci en mŽmoire de moi [9] , et toutes les fois que vous prononcerez les mmes paroles, vous opŽrerez le mme miracle. È Le sacrement de Mariage sanctifie les chrŽtiens qui s'unissent ensemble selon les lois de l'ƒglise et de d'ƒtat. Il y a encore ˆ vous dire qu'il y a une diffŽrence entre le sacrement de l'Eucharistie et les autres. Dans celui de l'Eucharistie, nous recevons le Corps adorable et le Sang prŽcieux de JŽsus-Christ, au lieu que dans les autres nous ne recevons que l'application de son Sang prŽcieux. L'on donne encore le nom de sacrements des morts aux uns, et aux autres le nom de sacrements des vivants. Voici pourquoi l'on dit que le Baptme, la PŽnitence et quelquefois l'Extrme-Onction sont des sacrements des morts : parce que notre ‰me est morte aux yeux de Dieu par le pŽchŽ. Ces sacrements ressuscitent notre ‰me ˆ la gr‰ce ; et les autres que l'on appelle sacrements des vivants, c'est parce qu'il faut tre en Žtat de gr‰ce pour les recevoir, c'est-ˆ-dire, sans pŽchŽ. Il faut encore savoir que lorsque JŽsus-Christ a souffert sur la croix, le Pre ni le Saint-Esprit n'ont point souffert, ni ne sont morts ; mais c'est seulement le Fils qui a souffert et qui est mort comme homme et non comme Dieu.

Eh bien ! M.F., si je vous avais interrogŽs, auriez-vous bien rŽpondu ˆ tout cela ?... Si vous ne savez pas tout ce que je viens de vous dire, vous n'tes pas suffisamment instruits pour vous sauver. Nous avons dit que les pres et mres, les ma”tres et ma”tresses doivent tre instruits de tout ce qui regarde leur Žtat pour se sauver. Un pre, une mre, un ma”tre, une ma”tresse doivent conna”tre toutes les obligations qu'ils ont ˆ remplir envers leurs enfants et leurs domestiques ; c'est-ˆ-dire, conna”tre parfaitement leur religion, pour l'apprendre ˆ leurs enfants et ˆ leurs domestiques ; sans quoi, ils ne sont que de pauvres malheureux qui se prŽcipitent tous dans les enfers. HŽlas ! combien de pres et de mres, de ma”tres et de ma”tresses qui ne connaissent pas seulement leur religion, qui croupissent avec leurs enfants et leurs domestiques dans une ignorance crasse, et qui n'ont ˆ attendre que la mort pour tre jetŽs en enfer ! Saint Paul nous dit que celui qui ignore ses devoirs mŽrite d'tre ignorŽ de Dieu [10] . Vous conviendrez avec moi que toutes ces personnes sont indignes de l'absolution, et, si elles ont le malheur de la recevoir, ce n'est qu'un sacrilge qui tombe sur leur pauvre ‰me. ï mon Dieu ! que l'ignorance damne du monde ! Nous sommes bien sžrs que ce seul pŽchŽ en damnera plus que tous les autres ensemble ; parce que, une personne ignorante ne conna”t ni le mal qu'elle fait en pŽchant, ni le bien qu'elle perd ; de sorte qu'une personne ignorante est une personne perdue !

2¡ Je dis que l'on doit diffŽrer l'absolution ˆ ceux qui ne donnent aucune marque de contrition : c'est-ˆ-dire, de regret des pŽchŽs qu'ils ont commis. D'abord, l'expŽrience nous apprend que nous ne devons gure nous fier ˆ toutes les promesses et ˆ toutes les protestations que l'on fait. Tous nous disent qu'ils sont f‰chŽs d'avoir offensŽ le bon Dieu, qu'ils veulent se corriger tout de bon, et que, s'ils viennent se confesser, ce n'est que pour cela. Le prtre, les croyant sincres, leur donne l'absolution. Que s'ensuit-il de toutes ces rŽsolutions ? Le voici : c'est que huit jours aprs qu'ils ont ŽtŽ absous, ils oublient toutes leurs promesses et Ç retournent ˆ leur vomissement [11] , È c'est-ˆ-dire, ˆ toutes leurs mauvaises habitudes. Ainsi, toutes les protestations ne sont donc pas des preuves suffisantes de conversion. JŽsus-Christ nous dit que Ç ce n'est qu'au fruit que l'on conna”t l'arbre [12]  ; È de mme, ce n'est que par le changement de vie que l'on peut conna”tre si l'on a eu la contrition nŽcessaire pour tre dignes de l'absolution. Lorsqu'on a vŽritablement renoncŽ ˆ ses pŽchŽs, il ne faut pas se contenter de les pleurer, il faut encore renoncer, quitter et fuir tout ce qui est capable de nous y porter : c'est-ˆ-dire, tre prts ˆ tout souffrir plut™t que de retomber dans les pŽchŽs que nous venons de confesser. Il faut que l'on voit en nous un changement entier, sans quoi, nous n'avons pas mŽritŽ l'absolution, et il y a tout lieu de croire que nous n'avons fait qu'un sacrilge. HŽlas ! qu'il y en a peu en qui l'on voit ce changement aprs avoir reu l'absolution !... Mon Dieu ! que de sacrilges !... Ah ! si du moins toutes les trente absolutions, il y en avait une de bonne, que le monde serait bient™t converti ! Ces personnes ne mŽritent donc pas l'absolution, qui ne donnent pas des marques suffisantes de contrition. HŽlas ! combien de fois, parce qu'on les renvoie, elles ne viennent plus. C'est donc bien parce qu'elles n'avaient pas envie de se convertir, puisque, loin de laisser leur confession jusqu'ˆ une autre P‰que, elles auraient travaillŽ de tout leur cÏur ˆ changer de vie, et ˆ revenir se rŽconcilier avec le bon Dieu.

3¡ Je dis que l'on doit refuser l'absolution ˆ tous ceux qui conservent des haines, des ressentiments dans leur cÏur, qui refusent de pardonner ou de faire les premires dŽmarches pour se rŽconcilier ; de sorte, M.F., qu'il faut bien prendre garde de ne jamais recevoir l'absolution lorsque vous avez quelque chose contre votre prochain. Aprs avoir eu quelque difficultŽ, il faut que vous soyez aussi bien portŽs ˆ lui rendre service, et de bonne gr‰ce, que si, toute votre vie, il ne vous avait fait que du bien. Si vous vous contentez de dire que vous ne lui voulez pas de mal, mais que vous le laissez comme il est ; et que vous ne le saluiez pas de bonne gr‰ce, que vous Žvitiez sa compagnie, que vous en prŽfŽriez d'autres ˆ eux : vous ne les aimez pas comme vous le devez, pour que le bon Dieu vous pardonne vos pŽchŽs. Dieu ne vous pardonnera qu'autant que vous pardonnerez vŽritablement votre prochain, et tant que vous ressentirez quelque chose dans votre cÏur contre lui, le meilleur est de travailler ˆ dŽraciner cela ; aprs, vous recevrez l'absolution. Je sais bien que l'on peut, et mme que l'on doit, Žviter les compagnies qui peuvent nous exposer ˆ nous disputer avec l'un et avec l'autre, o l'on ne parle que de la conduite des voisins. Par rapport ˆ ces personnes-lˆ, voilˆ comment il faut se comporter : ne les frŽquenter que quand il est nŽcessaire ; mais ne point leur vouloir de mal, ni en dire ; se contenter de prier le bon Dieu pour elles. ƒcoutez ce que JŽsus-Christ nous dit dans l'ƒvangile : Ç Si, Žtant sur le point de prŽsenter votre offrande ˆ l'autel, vous vous souvenez que votre frre a quelque chose contre vous, ou que vous l'avez offensŽ, laissez-la votre offrande, et allez, auparavant, vous rŽconcilier avec votre frre [13] . È Ç Un jugement, nous dit JŽsus-Christ, est rŽservŽ ˆ celui qui n'aura pas fait misŽricorde ˆ son frre [14] . È Vous comprenez, M.F., aussi bien que moi, que toutes les fois que nous avons quelque chose contre quelqu'un, nous ne devons pas recevoir l'absolution ; parce que ce serait nous exposer ˆ faire un sacrilge, ce qui est le plus grand de tous les malheurs.

4¡ Je dis que l'on doit traiter de mme ceux qui ont fait quelque tort au prochain et qui refusent de rŽparer le mal qu'ils ont fait ou dans sa personne ou dans ses biens ; l'on ne peut pas mme donner l'absolution ˆ une personne qui est ˆ l'article de la mort, qui a des restitutions ˆ faire et qui les laisse ˆ faire ˆ ses hŽritiers. Tous les Pres disent, que pour celui qui a du bien d'autrui, qui pourrait le rendre et qui ne le rend pas, il n'y a point de pardon ni de salut ˆ espŽrer pour lui.

5¡ Je dis que l'on doit refuser l'absolution ˆ ceux qui sont dans l'occasion prochaine de pŽcher, et qui refusent d'en sortir. L'on appelle occasion prochaine de pŽcher, tout ce qui peut nous porter ordinairement ˆ le commettre, comme les spectacles, les bals, les danses, les mauvais livres, les conversations dŽshonntes, les chansons profanes, les tableaux indŽcents, les manires dŽshonntes de s'habiller, les mauvaises compagnies, la frŽquentation des personnes de diffŽrents sexes, les liaisons avec les personnes avec lesquelles on a dŽjˆ pŽchŽ, etc... Comme sont encore les marchands qui ne savent rien vendre sans mentir ou faire des injures, tels sont les cabaretiers qui donnent ˆ boire aux ivrognes et pendant les offices ou la nuit ; comme encore aux domestiques qui sont sollicitŽs au mal par quelqu'un de la maison. A toutes ces sortes de personnes, le prtre ne doit et ne peut, sans se damner, leur donner l'absolution, ˆ moins que ces personnes ne promettent de quitter ces choses, et de renoncer ˆ toutes celles qui peuvent les porter au pŽchŽ, ou qui leur sont une occasion de pŽchŽ. Autrement, en recevant l'absolution, ils ne peuvent faire qu'un sacrilge.

6¡ Je dis que l'on doit refuser l'absolution ˆ ceux qui sont scandaleux ; qui, par leurs paroles, leurs conseils et leurs exemples pernicieux, portent les autres au pŽchŽ ; tels sont ces mauvais chrŽtiens qui tournent en dŽrision la parole de Dieu et ceux qui l'annoncent, qu'ils soient leurs pasteurs ou d'autres prtres ; qui se moquent de la religion, de la piŽtŽ et des choses saintes ; qui disent des paroles contraires ˆ la foi ou bien aux bonnes mÏurs ; ceux qui tiennent dans leurs maisons les veillŽes, les danses profanes, des jeux dŽfendus ; qui ont des tableaux dŽshonntes, indŽcents ou de mauvais livres ; comme sont encore les personnes du sexe qui se parent dans l'intention de plaire, qui, par leurs regards, leurs manires, leur tenue de prŽtention, font commettre tant de fornications et d'adultres de cÏur. Un confesseur, dit saint Charles, doit refuser l'absolution ˆ toutes ces personnes, puisqu'il est Žcrit : Ç Malheur ˆ celui par qui le scandale arrive [15] . È

7¡ Je dis que l'on doit refuser l'absolution, c'est-ˆ-dire, la diffŽrer aux pŽcheurs d'habitude, qui retombent depuis longtemps dans les mmes pŽchŽs, qui ne font point, ou du moins font bien peu d'efforts pour se corriger. De ce nombre sont ceux qui ont l'habitude de mentir ˆ tout moment, qui ne s'en font point de scrupule, qui prendront plaisir ˆ dire des mensonges pour faire rire les autres ; comme ceux qui ont l'habitude de mŽdire du prochain, qui ont toujours quelque chose ˆ dire sur son compte ; comme ceux qui jurent ces petits jurements, : Mon Dieu, oui ; mon Dieu, non ; ma foi ; pardi, parbleu, m‰tin, le J... F..., B..., F..., S... N... F..., et autres choses semblables ; ceux qui ont l'habitude de manger ˆ toute heure, mme sans nŽcessitŽ ; qui s'impatientent ˆ tout moment, pour un rien ; ceux qui boivent et mangent avec excs ; comme ceux qui ne font pas assez d'efforts pour se corriger de ces pensŽes d'orgueil, de vanitŽ, des mauvaises pensŽes contre la puretŽ ; enfin, je dis que l'on refusera l'absolution ˆ tous ceux qui n'accusent pas eux-mmes leurs pŽchŽs, qui attendent, pour les dire, que le confesseur le leur demande. Ce n'est pas au prtre ˆ confesser vos pŽchŽs, mais bien ˆ vous ; si le prtre vous fait quelque interrogation, c'est pour supplŽer ˆ ce que vous n'auriez pas pu conna”tre. – HŽlas ! ˆ une partie, il faut leur arracher, pour ainsi dire, leurs pŽchŽs du fond du cÏur ; et il y en a qui se disputeront avec leur confesseur, en disant qu'ils n'ont pas fait grand mal. Il est Žvident que ces personnes-lˆ ne sont pas dignes de recevoir l'absolution, et qu'elles n'ont pas les dispositions nŽcessaires que demande ce sacrement pour ne pas le profaner. Tous les Pres sont d'accord sur ce point, que quand il n'y a point de changement ni d'amendement dans une personne qui se confesse, sa pŽnitence est fausse et trompeuse. Le saint Concile de Trente nous ordonne de ne donner l'absolution qu'ˆ ceux en qui l'on voit la cessation du pŽchŽ, la haine et la dŽtestation du passŽ, la rŽsolution et le commencement d'une vie nouvelle. Voilˆ, M.F., les rgles dont un confesseur ne peut s'Žcarter, sans se perdre lui-mme et ses pŽnitents.

Mais voyons maintenant, quelles sont les raisons que l'on donne, pour engager le confesseur ˆ donner l'absolution. Les uns disent que ne pas donner l'absolution ˆ ceux qui vont plusieurs fois se confesser, c'est dŽtruire la religion ; et faire para”tre trop difficile ˆ faire ce qu'elle nous commande ; que c'est rebuter les pŽcheurs, que l'on est cause de ce qu'ils abandonnent la religion ; que c'est les jeter en enfer ; que bien d'autres sont plus faciles ; qu'au moins l'on aurait le plaisir d'en voir, dans la paroisse, un grand nombre qui feraient leurs p‰ques, et que tous les ans, ils se feraient un plaisir de revenir se confesser ; que de trop vouloir, l'on n'a rien. M.F., tous ceux qui raisonnent de la sorte, sont 1¡, ceux qui ne mŽritent pas cette gr‰ce. Mais, mes amis, ds le commencement de l'ƒglise, tous les Pres ont suivi cette rgle : qu'il faut absolument avoir quittŽ le pŽchŽ pour recevoir l'absolution. Ces refus ne paraissent durs qu'ˆ des pŽcheurs impŽnitents ; cette conduite ne peut rebuter que ceux qui ne pensent pas ˆ se convertir. Que rŽsulte-t-il, M.F., de ces absolutions prŽcipitŽes ? Vous ne le savez que trop vous-mmes. HŽlas ! une cha”ne de sacrilges. A peine avez-vous ŽtŽ absous, que vous vous replongez dans vos anciens pŽchŽs ; la facilitŽ avec laquelle vous avez obtenu votre pardon, vous a fait espŽrer que vous l'obtiendriez, une autre fois, aussi facilement, et vous avez continuŽ votre mme genre de vie ; au lieu que, si l'on vous avait refusŽ cette absolution, vous seriez rentrŽs en vous-mmes ; vous auriez ouvert les yeux sur votre malheur, d'o peut-tre vous ne sortirez jamais. Votre pauvre vie n'est qu'une suite d'absolutions et de rechutes. Mon Dieu, quel malheur ! Voilˆ o vous mne notre malheureuse facilitŽ ˆ vous absoudre. N'est-ce pas plut™t une cruautŽ de vous donner l'absolution, que de vous la refuser, lorsque vous n'tes pas en Žtat de la recevoir. Saint Cyprien nous dit qu'un prtre doit s'en tenir aux rgles de l'ƒglise, et attendre que son pŽnitent donne des marques certaines que son cÏur est changŽ, et qu'il commence ˆ mener une vie toute diffŽrente de celle qu'il a menŽe avant de se confesser : car, JŽsus-Christ lui-mme, tout Dieu qu'il Žtait, ma”tre de la gr‰ce, n'a accordŽ le pardon qu'aux vrais pŽnitents ; il reut le bon larron, dont la conversion Žtait sincre ; mais il rejeta le mauvais, ˆ cause de son impŽnitence. Il pardonna ˆ saint Pierre, dont il connaissait le repentir ; mais il abandonna Judas, dont la pŽnitence Žtait fausse. Qu'il est malheureux pour un prtre et pour un pŽnitent, si le prtre lui donne l'absolution, lorsque le pŽnitent ne la mŽrite pas ! si, dans le moment o le ministre dit au pŽnitent : Je vous absous, JŽsus-Christ dit : Moi, je le condamne... HŽlas ! que le nombre de ceux-lˆ est grand, puisqu'il y en a si peu qui quittent le pŽchŽ aprs avoir reu l'absolution, et changent de vie !

Tout cela est bien vrai, me direz-vous ; mais, que dira-t-on de moi, aprs m'avoir vu plusieurs fois confesser et ne point faire de p‰ques ? L'on va croire que je mne mauvaise vie ; d'ailleurs, j'en connais bien d'autres, plus pŽcheurs que moi, qui ont bien passŽ ; vous avez bien reu un tel, qui a mangŽ de la viande avec moi ; qui est bien allŽ les dimanches, aussi bien que moi, ˆ.....  – La conscience de l'autre n'est pas la v™tre ; s'il fait mal, il ne faut pas l'Žcouter. Est-ce que vous voudriez, pour sauver les apparences, vous damner en faisant un sacrilge ? Ne serait-ce pas le plus grand des malheurs ? Vous croyez qu'on vous remarque, parce que l'on vous a vu vous confesser plusieurs fois, et que vous ne communiez pas. Ah ! mon ami, craignez plut™t les yeux de Dieu, devant qui vous avez fait le mal, et ne faites pas attention ˆ tout le reste. Vous dites que vous en connaissez de plus coupables que vous, qui ont passŽ. Qu'en savez-vous ? Un ange vous est-il venu dire si Dieu ne les a pas changŽs et convertis ? Et, quand mme ils ne seraient pas convertis, devez-vous faire mal parce qu'ils font mal ? Voudriez-vous vous damner, parce que les autres se damnent ? Mon Dieu, quel affreux langage ! – Mais, disent ces pŽnitents, qui non seulement ne sont pas convertis, mais encore, qui ne dŽsirent pas mme de se convertir, mais bien seulement de sauver les apparences. Quand faudra-t-il donc venir pour communier, je ne voudrais gure attendre ? – Quand il faudra venir pour communier ? ƒcoutez saint Jean Chrysostome ; il va lui-mme nous apprendre quand il faudra venir pour communier. Est-ce ˆ P‰ques, ˆ la Pentec™te, ˆ No‘l ? Non, vous dit-il. Est-ce ˆ l'article de la mort ? Non, vous dit-il encore. Quand est-ce donc ? C'est, vous dit-il, quand vous aurez renoncŽ, pour tout de bon, au pŽchŽ, et serez bien rŽsolus de ne plus y retomber, avec le secours de la gr‰ce du bon Dieu ; quand vous aurez rendu ce bien qui n'est pas ˆ vous ; que vous vous serez rŽconciliŽs avec votre ennemi ; c'est quand vous serez vŽritablement convertis. – D'autres pŽcheurs nous diront : Si vous tes si difficile, nous irons ˆ d'autres, qui nous passeront bien. Voilˆ tant de fois que je viens ; j'ai autre chose ˆ faire que de courir les chemins ; de longtemps je ne reviens ; je vois bien que vous m'en voulez. Quel mal ai-je donc tant fait ? – Vous irez en trouver un autre, mon ami, vous tes ma”tre d'aller ˆ qui bon vous semblera ; mais, croyez-vous qu'un autre voudra, mieux que moi, se damner. Non, sans doute. S'il vous reoit, c'est qu'il ne vous conna”t pas assez. Voulez-vous savoir ce que c'est qu'une personne qui parle de la sorte, et qui va chercher une absolution ailleurs ? ƒcoutez et tremblez. Elle quitte son guide, qui peut bien la conduire, pour chercher un passeport pour aller droit en enfer. – Mais, me direz-vous, voilˆ tant de fois que je viens. – Eh bien ! mon ami, corrigez-vous, et il vous passera la premire fois que vous reviendrez. – De longtemps, dites-vous, je ne reviens pas. – Tant pis, pour vous seul, mon ami. En ne revenant plus, vous allez ˆ pas de gŽant du c™tŽ de l'enfer. Il y en a qui sont si aveuglŽs, qu'ils vont jusqu'ˆ croire que le confesseur leur en veut, puisqu'il ne leur donne pas l'absolution. Sans doute, mon ami, il vous en veut ; mais c'est le salut de votre pauvre ‰me qu'il veut de vous ; c'est pour cela, qu'il ne veut pas vous donner une absolution, qui, bien loin de vous sauver, vous damnerait pour l'ŽternitŽ. Mais, dites-vous, quel mal ai-je donc tant fait ? Je n'ai ni tuŽ, ni volŽ... – Vous n'avez ni tuŽ, ni volŽ, dites-vous ? Mais, mon ami, l'enfer renferme d'autres personnes qui n'ont ni tuŽ, ni volŽ ; il y a plus que ces deux pŽchŽs qui tra”nent les ‰mes en enfer. Mais, si nous Žtions assez l‰ches pour vous donner l'absolution, lorsque vous ne la mŽritez pas, ce serait tre le bourreau de votre pauvre ‰me, qui a tant cožtŽ de souffrances ˆ JŽsus-Christ [16] .

ƒcoutez, M.F., ce trait d'histoire, qui va nous apprendre quels sont les effets de ces absolutions prŽcipitŽes, sans que le pŽnitent y soit disposŽ. Saint Charles BorromŽe nous rapporte qu'un homme riche de Naples menait une vie qui n'Žtait gure chrŽtienne. Il s'adressa ˆ un confesseur qui passait pour tre bien indulgent et bien facile. Ce prtre, en effet, n'eut pas plus t™t entendu ce pŽnitent, qu'il lui donna l'absolution sans aucune preuve de repentir. Le gentilhomme, quoique sans religion, ŽtonnŽ de cette facilitŽ que beaucoup de confesseurs sages et ŽclairŽs n'avaient pas eue pour lui, se lve brusquement, et tirant quelques pices de monnaie de sa poche : Ç Tenez, mon Pre, lui dit-il, recevez, ces pices et conservez-les bien jusqu'ˆ ce que nous nous retrouvions ensemble dans le mme lieu. – Quand, et dans quel lieu nous reverrons-nous, lui rŽpondit le prtre tout ŽtonnŽ ? – Mon Pre, ce sera au fond des enfers, o nous serons bient™t l'un et l'autre ; vous, pour m'avoir donnŽ l'absolution dont j'Žtais indigne, et moi, pour avoir ŽtŽ assez malheureux que de la recevoir sans avoir ŽtŽ converti. È

Que pensez-vous de cela, M.F. ? MŽditons-le ensemble ; il y a de quoi faire trembler les uns et les autres. – Mais, me direz-vous, quand est-ce donc qu'on peut recevoir l'absolution ? Aussit™t que vous serez con­vertis, que vous aurez changŽ dans votre manire de vivre ; que vous prierez bien le bon Dieu qu'il fasse conna”tre ˆ votre confesseur quelles sont les dispositions de votre cÏur ; lorsque vous aurez accompli bien exactement tout ce que votre confesseur vous aura prescrit, et que vous ne manquerez pas de revenir dans le temps qu'il vous a dit. Il est rapportŽ d'un pŽcheur qui se convertit dans une mission, qu'aprs sa confession, le prtre le vit si bien disposŽ, qu'il allait lui donner l'absolution. Ce pauvre homme lui dit : Ç Eh quoi ! mon Pre, ˆ moi l'absolution ! ah ! laissez-moi pleurer quelque temps les pŽchŽs que j'ai eu le malheur de commettre ; Žprouvez-moi, afin que vous soyez assurŽ que mon repentir est sincre. È – En recevant l'absolution, il croyait mourir de douleur. Mon Dieu ! que ces dispositions sont rares ! mais que les confessions bonnes le sont aussi ! Concluons, que nous ne devons jamais presser notre confesseur de nous donner l'absolution, parce que nous devons toujours trembler de n'tre pas prts, c'est-ˆ-dire, assez convertis. Demandons au bon Dieu qu'il nous convertisse, en nous confessant, afin que nos pŽchŽs soient vŽritablement pardonnŽs. C'est le bonheur que je vous souhaite.


[1] I COR. IV, 1.

[2] MATTH. XV, 14.

[3] LUC. I, 28.

[4] EXOD. XXX, 18.

[5] DiffŽrence qu'il y a entre les Commandements de Dieu et ceux de l'ƒglise. (Note du Saint.)

[6] Voir le Pre Lejeune, t. VIII Sermon CCXVI, pour le jour de No‘l, Des trois naissances du Fils de Dieu. 

[7] LUC. XXII.

[8] ACT. I, 3, 9. 

[9] Luc. XXI, 19.

[10] I COR. XIV, 38.

[11] II PET. II, 2

[12] MATTH. XII, 33.  

[13] MATTH. V, 23.

[14] JAC. II, 13. 

[15] MATTH. XVIII, 7.

[16] Instruction des jeunes gens, p. 172. (Note du Saint.)

 

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