Emile BESSON.Avril 1963


LE BONHEUR

Le bonheur. Tous les êtres tendent vers le mieux-être. L'homme désire être heureux. Mais il n'y a pas à cette quête de solution définitive et absolue ; ce qui fait le bonheur de l'un ne fait pas le bonheur de l'autre ; les goûts, les aspirations des hommes sont essentiellement différents.

Pour les uns, le bonheur est quelque chose de négatif : éviter la fatigue, les risques, les ennuis. Pour d'autres, le bonheur est quelque chose d'actuel, d'immédiat : profiter de ce que procure le moment présent, s'enfermer dans la jouissance de l'instant D'autres ne se contentent pas de ce qui est, ils désirent davantage, ils veulent mieux ils tendent vers un futur où ils espèrent trouver des possibilités que le présent ne comporte pas.

Il n'existe que ces trois éventualités. La première ne recherche rien, sinon l'immobilité. Or, la stagnation, c'est la mort , ceux dont l'idéal est le stationnaire sont vraiment, du point de vue de l'esprit, des paralytiques. La seconde recherche la possession. Le résultat est la déception, d'autant plus profonde que le désir aura été plus grand. Chercher son bonheur dans la possession, disait le Bouddha, c'est commettre l'erreur d'un homme qui croirait se désaltérer en buvant de l'eau de mer. Seule là troisième aspiration peut mener au bonheur parce que seule elle mène à une plénitude.

La vie, c'est l'expansion, c'est la marche en avant. L'univers auquel nous appartenons et nous-mêmes dans cet univers nous sommes emportés dans un mouvement qui va irrésistiblement vers un but situé en dehors du Relatif, vers Dieu de qui tout procède.

D'autre part, chacun de nous est une cellule consciente d'un être immense qui se nomme l'humanité. Saint Paul écrivait aux chrétiens de Corinthe : « Si nombreux que nous soyons, nous formons un seul corps ». Nous ne pouvons donc pas nous abstraire des autres hommes, qui sont organiquement nos associés, nos complémentaires. L'homme est lié à l'homme, il vit par l'homme, il se développe par l'homme, il se parfait par l'homme, « Aucun de nous ne vit pour soi même », disait encore saint Paul. Chacun de nous est indispensable à tous les autres. Chacun doit donc s'unir aux autres, se donner aux autres, se survivre même dans la personne des autres'.

Aussi et surtout, chacun doit être pleinement lui-même afin, en ce qui le concerne, de donner le maximum dans cette universelle collaboration. Le perfectionnement personnel est à la base de cette offrande ; l'ascension d'un seul homme rend plus facile l'ascension de tous les autres hommes.

Or l'homme ne grandit que s'il se dépasse lui même. S'il y a pour lui un bonheur au monde, il ne peut exister que dans ce dépassement, dans cette volonté d'aller plus loin et plus haut. « je veux l'homme maître de lui-même afin qu'il soit davantage le serviteur de tous » .

Ainsi l'humanité entière et l'univers avec elle s'élèveront de stase moins haute en stase plus haute, vers le terme ultime de la Création : l'unité recherchée, désirée, voulue des hommes les uns avec les autres et de tous avec Dieu leur Père, commandement suprême, espérance, prière du Christ : « Que tous ils soient un, comme Toi, ô Père, Tu es en Moi et Moi en Toi ».

Dans cette quête, dans le désir même de cette quête se trouve le seul bonheur - bonheur immense déjà - qui dès maintenant nous soit possible,

Dans l'Evangile, le mot bonheur ne se trouve qu'une fois sur les lèvres du Christ - et cette parole montre un des chemins qui conduisent au bonheur : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ». Mais le bonheur est chanté au travers de l'Evangile dans les béatitudes. Les béatitudes sont dans toutes les mémoires ; il n'y a pas lieu de les expliquer : il suffit de les rappeler. Leur observance procure le seul bonheur qui soit au monde..

« Heureux les pauvres
Heureux ceux qui pleurent.
Heureux les humbles.
Heureux. ceux qui ont faim et soif de la justice.
Heureux les miséricordieux.
Heureux ceux qui ont le coeur pur.
Heureux les pacifiques.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice.
Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru.
Heureux celui pour qui je ne serai pas une  occasion de chute.
Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l'observent.
Heureux êtes-vous si vous connaissez mes enseignements, pourvu que vous les mettiez en pratique ».