Emile BESSON.Octobre 1962.


LA SYMPATHIE

La sympathie désigne le penchant naturel qui attire deux personnes l'une vers l'autre. « Sympathie » et « compassion » sont étymologiquement le même mot, le premier tiré du grec, le second tiré du latin. Mais l'emploi qui, au cours des siècles, a été fait de ces deux mots aboutit dans la pratique à représenter la sympathie comme une émotion ayant sa source dans la sensibilité (la disposition à partager les sentiments, les impressions, les peines du prochain) et la compassion comme un fruit de la pitié (l'attendrissement devant la souffrance d'autrui, même quand on est hors d'état de la soulager). Dans leur acception la plus haute les deux termes se rejoignent.)

C'est dire qu'il existe une variété infinie de sympathies. L'indifférent ne manifeste aucune sympathie. - Le tenant strict de la théorie du karma, devant un être aux prises avec la souffrance, déclare : « Laissons-le , il paie ». - La morale humaine s'exprime par la parole de Cicéron . « Notre devoir n'est pas de partager les souffrances des autres, mais de les soulager autant qu'il se peut faire ». - Le disciple du Christ fait réellement siennes l'allégresse et la douleur du prochain ; saint Paul proclame :
« Réjouissez vous avec ceux qui sont dans la joie et pleurez avec ceux qui pleurent ».

Dans toutes les manifestations de la vie, dans la joie comme dans la peine, la sympathie d'autrui nous est nécessaire. C'est un besoin de partager avec un être aimé ce qui nous rend heureux ou ce qui nous fait souffrir. La tristesse recherche souvent la solitude ; mais il faut être bien égoïste pour profiter tout seul du bonheur qui nous échoit.

Il n'est pas facile de jouir véritablement des satisfactions d'autrui, par exemple d'être heureux de la réussite du prochain lorsque soi-même on connaît J'échec ; il est difficile même d'être heureux de la réussite du prochain alors qu'elle n'est pas en opposition avec la nôtre. Nous n'aimons guère entendre les hommes raconter leurs peines, mais nous aimons encore moins les entendre raconter leurs joies. L'envie est un poison qui se glisse aisément au coeur de l'homme.

Lorsqu'on est heureux, on peut se contenter de recevoir une sympathie courtoise et honnête, mais une telle sympathie n'est pas de irise devant la souffrance. Là il ne s'agit plus d'une sympathie platonique, il s'agit d'un partage, d'une communion. Il y a des êtres qui aiment beaucoup et qui cependant sont incapables d'une véritable sympathie, incapables de compréhension intelligente et vraie. Devant eux on se sent seul, car s'il est douloureux de n'être pas plaint, il est plus douloureux encore d'être plaint sans être compris.

Regardons le serviteur du Christ en présence des douleurs les plus grandes, les plus communes aussi : la pauvreté, la maladie, le deuil.

A l'image de son Maître le disciple s'appauvrit avec ceux qui sont pauvres. Un moraliste parlait de ceux « qui ont le coeur toujours ouvert et les mains toujours fermées ». Il faut que ces mains s'ouvrent, qu'elles s'ouvrent toutes grandes et de bon coeur, car la pauvreté est souvent mauvaise conseillère.

Depuis des siècles on cherche un système qui supprimera la misère. Le Christ a donné l'unique solution de ce terrible problème : la charité, la charité dont Il a donné l'éternel exemple. « Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus Christ : Lui qui était riche, Il s'est fait pauvre par amour pour vous, afin que vous soyez enrichis par Sa pauvreté ».

J'ai connu un homme qui avait tout perdu et qui vivait dans la misère avec sa famille. Un riche, ayant appris sa détresse, le tira de la ruine. En vérité, il l'a sauvé. Mais cet opulent bienfaiteur s'est borné à envoyer ses secours par un intermédiaire ; il n'a pas ajouté à l'aide matérielle les paroles de réconfort qui en font vraiment le prix. Et le bienheureux obligé disait ensuite qu'assurément il avait été sauvé par la générosité de son protecteur et qu'il lui garderait à toujours sa gratitude, mais que le secours le plus précieux lui était venu d'un voisin pauvre qui ne lui avait rien donné, parce qu'il ne Possédait rien, mais qui s'était assis auprès de lui, avait écouté le récit de ses peines et avait pleuré avec lui.

Il y a également ceux qui sont aux prises avec la maladie, ceux qui sont dans le deuil.

« A ceux-ci, disait le moraliste déjà cité, le monde donne beaucoup de paroles et peu de larmes ». Oh ! le vide de certaines « consolations » qui ajoutent encore à la douleur qu'elles s'imaginent panser 1 Il est des circonstances où un mot jailli du coeur, un serrement de main, un regard de compréhension, une larme de compassion apportent plus de réconfort et de paix que les plus sublimes paroles.

Ce disciple bien-aimé a écrit . « Nous connaissons l'amour parce que jésus nous a aimé le premier ». Le Christ a apporté au monde la vie nouvelle, l'amour, la compassion. Vivre dans la Communion du Christ, C'est le secret de l'amour pour le prochain, le secret de la sympathie agissante : « Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie et pleurez avec ceux qui pleurent ».