B. - ANNE-CATHERINE EMMERICH

LA VISIONNAIRE STIGMATISÉE

 

 

1° Caractère surnaturel et mystérieux de la vie d'Anne-Catherine Emmerich

 

Ce qui fait l'attrait d'une étude sur la vie morale de Brentano, ce sont les luttes intérieures qu'il eut à soutenir contre ses doutes. Dans ces luttes, nous le sentons tout proche de nous. Le drame qui se déroule dans son âme nous émeut et nous accordons au poète notre sympathie. Nous comprenons d'autant mieux ses perplexités que nous pouvons très bien ne pas avoir été à l'abri de perplexités semblables. C'est de là que vient le charme d'une telle étude.

 

L'attrait que présente la vie d'Anne-Catherine Emmerich est de tout autre nature. Ici, plus de lutte, plus de doute, une vie simple, unie, toute en Dieu, une foi inébranlable, sans nuage, qui puise ses motifs de croire dans la vision directe, très nette et très claire des choses de l'Au-delà. C'est là un caractère surnaturel et mystérieux qui rend très intéressante aussi l'étude de la vie d'Anne-Catherine Emmerich.

 

Mais il rend cette étude en même temps très difficile. Quand on vient de suivre l'évolution morale et religieuse de Brentano, évolution en somme très claire, très facile à expliquer par des raisons historiques et psychologiques d'un ordre tout à fait commun, ordinaire, naturel, on est fort embarrassé pour aborder l'étude de la vie d'une pieuse nonne stigmatisée et visionnaire. Ici les données, toujours plus on moins empiriques de la psychologie, ne suffisent plus et l'on risque fort de rester court lorsqu'il s'agit d'expliquer des faits humainement inexplicables.

A cette première difficulté, tirée du sujet lui-même, vient s'en ajouter une autre peut-être plus grande encore. De nos jours, un certain esprit critique très répandu montre des exigences qui vont parfois à l’encontre du but même que se propose la saine critique. Dans cet ordre d'idées beaucoup de personnes en sont encore au point où l’on en était à l’époque de Voltaire, à cette époque où, comme le dit Melle G. Blanquis dans sa thèse sur Caroline de Günderode, l'Aufklaerung… soumettait à une critique rationaliste souvent inintelligente le fait de l’inspiration religieuse.

D’après ces personnes, il faudrait tout expliquer en s’appuyant uniquement sur les lois que la science la plus positiviste a mises actuellement au jour.

Nous croyons fermement qu’une étude critique de notre sujet dans ces limites étroites aboutirait à un résultat foncièrement inexact.

Que les lois naturelles découvertes à l'heure présente soient utilisées pour l'explication des faits naturels ordinaires, – rien de mieux ; mais que ces lois, fruits de l'induction, résultats d'observations ou d'expériences plus ou moins nombreuses, incapables souvent d'expliquer les phénomènes naturels les plus vulgaires, – que ces lois viennent à être employées comme critère dans le domaine religieux, – c'est un pur non-sens.

C'est pourquoi nous n'hésiterons pas, le cas échéant à chercher dans notre religion, dans la religion catholique, qui était la religion d'Anne-Catherine Emmerich, l'explication des phénomènes scientifiquement inexplicables. – Ceci dit, nous pouvons aborder l'étude proprement dite de la vie d'Anne-Catherine Emmerich.