XXXIX. EXALTATION DE LA CROIX
Lorsque les bourreaux eurent crucifié Notre Seigneur, ils attachèrent des cordes à la partie supérieure de la croix, et faisant passer ces cordes autour d'une poutre transversale, fixée du côté opposé, ils s'en servirent pour élever la croix, tandis que quelques-uns d'entre eux la soutenaient et que d'autres en poussaient le pied jusqu'au trou, qu'on avait creusé pour elle, et où elle s'enfonça de tout son poids avec une terrible secousse. Jésus poussa un cri de douleur, tout le poids de son corps pesa verticalement, ses blessures s'élargirent, son sang coula abondamment et ses os disloqués s'entrechoquèrent. Les archers, pour affermir la croix, la secouèrent encore et enfoncèrent cinq coins tout autour.
Rien ne fut plus terrible et plus touchant à la fois que de voir, au milieu des cris insultants des archers, des Pharisiens et de la populace qui regardait de loin, la croix chanceler un instant sur sa base et s'enfoncer en tremblant dans la terre ; mais il s'éleva aussi vers elle des voix pieuses et gémissantes. Les plus saintes voix du monde, celle de Marie, celle de Jean, celles des saintes femmes et de tous ceux qui avaient le coeur pur, saluèrent avec un accent douloureux le Verbe fait chair élevé sur la croix : leur., mains tremblantes se levèrent comme pour le secourir, lorsque le saint des saints, le fiancé de toutes les âmes, cloué vivant sur la croix, s'éleva, balancé en l'air par les mains des pécheurs en furie, mais quand la croix s'enfonça avec bruit dans le creux du rocher, il y eut un moment de silence solennel, tout le monde semblait affecté d'une sensation toute nouvelle et non encore éprouvée jusqu'alors. L'enfer même ressentit avec terreur le choc de la croix qui s'enfonçait, et redoubla la fureur de ses suppôts contre elle : les âmes renfermées dans les limbes l'entendirent avec une joie pleine d'espérance : c'était pour elles comme le bruit du triomphateur qui s'approchait des portes de la rédemption. La sainte croix était dressée pour la première fois au milieu de la terre comme un autre arbre de vie dans le paradis, et des blessures de Jésus coulaient sur la terre quatre fleuves sacrés pour effacer la malédiction qui pesais sur elle, pour la fertiliser et en faire le paradis du nouvel Adam. Lorsque notre Sauveur fut élevé en croix, les cris et les injures furent interrompus quelques moments par le silence de la stupeur. Alors on entendit du côté du Temple le bruit des clairons et des trompettes qui annonçait l'immolation de l'agneau pascal, de la figure prophétique, et interrompait d'une manière solennelle et significative les cris de colère et de douleur autour du véritable agneau de Dieu. Bien des coeurs endurcis furent ébranlés et pensèrent à cette parole de Jean-Baptiste : " Voici l'Agneau de Dieu qui a pris sur lui les péchés du monde ".
Le lien où la croix était plantée était élevée d'un peu plus de deux pieds au-dessus du terrain environnant. Lorsque la croix fut enfoncée en terre, les pieds de Jésus se trouvaient assez bas pour que ses amis pussent les embrasser et les baiser. L'éminence était en talus. Le visage du Sauveur était tourné vers le nord-ouest.