LA DERNIERE CENE DE N.-S. JÉSUS-CHRIST
AVANT PROPOS
Celui qui comparera les Méditations suivantes avec le court récit de la sainte Cène dans lEvangile, sera peut-être frappé de quelques légères différences qui s'y trouvent. Une explication doit être donnée à ce sujet, bien que cet écrit, on ne le dira jamais trop, n'ait point la prétention d'ajouter quoi que ce soit à l'Ecriture saint. telle qu'elle a été interprétée par l'Eglise.
La sur Emmerich a vu dans l'ordre suivant les circonstances de la Cène : l'agneau pascal est immolé et préparé dans le Cénacle ; le Seigneur tient un discours à cette occasion ; les convives mettent des habits de voyage ; ils mangent debout, à la hâte, l'agneau et les autres mets prescrits par la loi ; on présente deux fois au Seigneur une coupe de vin, il n'en boit pas la seconde fois, mais il la distribue à ses apôtres, en disant : Je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, etc . Ils se mettent à table, Jésus parle du traître ; Pierre craint que ce ne soit lui, Judas reçoit du Seigneur le morceau de pain qui le désigne ; on sapprête pour le lavement des pieds ; dispute entre les apôtres sur la prééminence : reproches que leur fait Jésus, lavement des pieds ; Pierre ne veut pas que ses pieds soient lavés ; les pieds de Judas aussi sont lavés ; institution de l'Eucharistie, Judas communie et quitte la salle ; consécration des huiles et instruction à ce sujet, ordination de Pierre et des autres apôtres ; dernier discours du Seigneur ; protestations de Pierre ; fin de la Cène. En adoptant cet ordre, il semble d'abord que l'on sa mette en contradiction avec les passages de saint Matthieu (XXVI, 29), et de saint Marc (XIV, 20) où ces paroles : Je ne boirai pas avec vous, etc., se trouvent après la consécration, mais dans saint Luc elles sont auparavant. Au contraire, les paroles relatives au traître Judas sont ici comme dans saint Matthieu et dans saint Marc, avant la consécration dans saint Luc elles ne viennent qu'après. Saint Jean qui ne raconte pas l'institution de l'Eucharistie, fait entendre que Judas sortit tout de suite après que Jésus lui eut présenté le pain ; mais il est très vraisemblable, d'après le texte des autres Evangélistes, que Judas reçut la sainte communion sous les deux espèces, et plusieurs des Pères, saint Augustin, saint Grégoire le Grand, saint Léon le Grand, le disent expressément ainsi que la tradition de l'Eglise catholique. (Voir dom Ménard, sur le Sacrementaire de Saint Grégoire, note 266.) D'ailleurs le récit de saint Jean, si l'on prenait à la lettre l'ordre dans lequel les faits sont présentés, le mettrait en contradiction non seulement avec saint Matthieu et saint Marc, mais avec lui-même, car il résulte du verset 10, c. XIII, que Judas aussi eut les pieds lavés. Or, le lavement des pieds eut lieu, selon lui, après qu'on eût mangé l'agneau pascal, et ce fut nécessairement pendant qu'on le mangeait que Jésus présenta le pain au traître. Il est clair que les Evangélistes, ici comme en d'autres endroits, préoccupés de l'essentiel, ne se sont point astreints à raconter les détails dans un ordre rigoureux, ce qui explique suffisamment les contradictions apparentes qui existent entre eux. Les contemplations suivantes paraîtront, à qui les lira avec attention, plutôt une concordance simple et naturelle des Evangiles, qu'un récit différent en quoi que ce soit d'essentiel de celui de l'Ecriture sainte. Quant à ce qui concerne Melchisédech, il ne faut pas confondre les passages où il est présenté comme un ange, avec une ancienne hérésie d'après laquelle il est le Christ lui-même ou le Saint Esprit ou un Eon. Les termes de l'Epître aux Hébreux semblent désigner un ange, et si la plupart des théologiens, depuis saint Jérôme, ne les ont pas Interprétés dans ce sens, c'est uniquement pour ne pas donner un prétexte, même éloigné, à cette hérésie.