MORT DE LA SAINTE VIERGE


(Les communications suivantes, qui eurent lieu en diverses années, presque toujours au milieu d'août avant la fête de l'assomption ont été rangées ici dans leur ordre naturel.)

En novembre 1890, les Pères Lazaristes de la résidence de Smyrne eurent l'idée de faire des recherches dans les environs d'Ephèse en s'aidant des indices topographiques de cet ouvrage et furent assez heureux pour finir par découvrir cette Maison de la Sainte Vierge dont les détails concordaient avec la description de C. Emmerich.

Un procès-verbal de l'archevêque de Smyrne Mgr. Timoni et les relations d'explorateurs très compétents comme le Père Eschbach, supérieur du séminaire français de Rome ont atteste l'identité frappante du lieu et des ruines confirmée par les traditions locales que de temps immémorial appelaient cette maison Panaghia Capouli ou Porte de la Vierge.

(Note de l'éditeur.)


I - Sur l'âge de Marie.
- Elle va avec saint Jean à Ephèse.
- Description du pays.


Le 13 août 1822, la soeur dit : " J'ai eu cette nuit une vision relative à la mort de la sainte Vierge, mais j'ai presque tout oublié ". Comme on lui demandait quel âge pouvait avoir alors la sainte Vierge. elle jeta tout à coup un regard de côté et dit : " Elle est arrivée à l'âge de soixante-quatre ans moins vingt-trois jours. J'ai vu six fois près de moi la lettre X, puis 1, puis Y ; cela ne fait il pas soixante-quatre ? Après l'ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ, Marie vécut trois ans à Sion, trois ans à Béthanie et neuf ans à Ephèse, où Jean l'avait conduite peu après que les Juifs eurent exposé sur la mer Lazare et ses soeurs.


Il est digne de remarque que jamais un nombre ne lui était présenté avec les chiffres arabes ordinaires, qui, seuls, lui étaient familiers, mais que, dans toutes ses visions concernant l'Eglise romaine, elle ne voyait que des chiffres romains.


En juillet 1822 à ,l'occasion de l'apôtre saint Jacques le Majeur, qui, en partant pour l'Espagne, avait visité Marie à Éphèse, elle dit que saint Jean conduisit Marie dans cette ville ; c'était au commencement de la quatrième année après l'Ascension autant qu'elle sen souvenait. Le 13 août 1822, elle dit que c'était dans la sixième année. Des différences de ce genre se présentaient souvent quant elle voyait les chiffres IV ou VI, qu'elle confondait fréquemment. C'est au lecteur à juger de ce qui peut avoir occasionné ces changements.


Marie ne demeurait pas à Ephèse même. mais dans les environs, où s'étaient établies déjà plusieurs femmes de ses amies. Son habitation était située à trois lieues et demie d'Ephèse, sur une montagne qu'on voyait à gauche, en venant de Jérusalem, et qui descendait rapidement vers Éphèse. En venant du sud-est, on aperçoit la ville comme ramassée au pied d'une montagne, mais on la voit s'étendre tout autour à mesure qu'on s'avance. Devant Ephèse, se trouvent de grandes allées d'arbres. sous lesquels des fruits jaunes se trouvent par terre. Un peu au midi, d'étroits sentiers conduisent sur une hauteur couverte de plantes sauvages ; puis, on trouve une plaine ondulée et couverte de végétation qui a une demi lieue de tour : c'était là que s'était fait cet établissement. C'est une contrée très solitaire, avec beaucoup de collines agréables et fertiles, et quelques grottes creusées dans le roc, au milieu de petites places sablonneuses. Le pays est sauvage, sans être stérile ; il y a ça et là beaucoup d'arbres à forme pyramidale, dont le tronc est lisse et dont les branches ombragent un large espace.


Lorsque saint Jean conduisit là la sainte Vierge, pour laquelle il avait fait construire une maison d'avance, quelques familles chrétiennes et plusieurs saintes femmes résidaient déjà dans cette contrée ; elles demeuraient, les unes sous des tentes, les autres dans les grottes qu'on avait rendues habitables à l'aide de quelques charpentes et de quelques boiseries. Elles y étaient venues avant que la persécution n'eût éclaté dans toute sa violence. Comme elles tiraient parti des grottes qui se trouvaient là et des facilités que présentait la nature des lieux, leurs demeures étaient de vrais ermitages, séparés souvent d'un quart de lieue les uns des autres ; et cette espèce de colonie présentait l'aspect d'un village dont les maisons seraient dispersées à de grands intervalles. La maison de Marie était la seule qui fût en pierre. A quelque distance, derrière cette maison, le terrain s'élevait et aboutissait, à travers des rochers, au point culminant de la montagne, du haut de laquelle, par delà les collines et les arbres, on voyait la ville d'Éphèse et la mer avec ses nombreuses îles. Et lieu était plus voisin de la mer qu'Éphèse elle-même, qui en était à une certaine distance. La contrée était solitaire et peu fréquentée. Il y avait dans le voisinage un château où demeurait un personnage qui était, si je ne me trompe, un roi dépossédé. Saint Jean je visitait souvent, et il le convertit. Cet endroit devint, plus tard un évêché. Entre cette résidence de la sainte Vierge et Éphèse, serpentait une rivière qui faisait des détours innombrables.


II - La maison de Marie à Ephèse.


La maison de Marie était carrée ; la partie postérieurs se terminait en rond ou en angle ; les fenêtres étaient pratiquées à une grande hauteur ; le toit était plat. Elle était séparée en deux parties par le foyer, qui était placé au milieu. On allumait le feu en face de la porte, dans l'excavation d'un mur, terminé des deux côtés par des espèces de degrés qui s'élevaient jusqu'au toit de la maison. Dans le centre de ce mur, courait, à partir de l'âtre jusqu'au haut, une excavation semblable à un demi tuyau de cheminée, où la fumée montait et s'échappait ensuite par une ouverture pratiquée dans le toit. Au-dessus de cette ouverture, je vis un tuyau de cuivre oblique qui dépassait le toit.


Cette partie antérieure de la maison était séparée de la partie qui était derrière l'Atre par des cloisons légères en clayonnage. Dans cette partie, dont les murs étaient assez grossièrement construits et un peu noircis par la fumée, je vis des deux côtés de petites cellules formées par des cloisons en branches entrelacées. (quand on voulait en faire une grande salle, on défaisait ces cloisons qui étaient peu élevées, et on les mettait de côté. C'était dans les cellules en question que couchaient la servante de Marie et d'autres femmes qui lui rendaient visite.


A droite et à gauche du foyer, de petites portes conduisaient à la partie postérieure de la maison, qui était peu éclairée, terminée circulairement ou en angle, du resta très proprement et très agréablement disposée. Tous les murs étaient revêtus de boiseries, et le haut formait une voûte. Les poutres qui la surmontaient, liées entre elles par d'autres solives et recouvertes de feuillage, avaient une apparence simple et décente.


L'extrémité de cette pièce, séparée de reste par un rideau, formait la chambre à coucher de Marie. Au centre du mur se trouvait, dans une niche, comme un tabernacle qu'on faisait tourner sur lui-même au moyen d'un cordon, selon qu'on voulait l'ouvrir ou le fermer. Il y avait une croix longue à peu près comme le bras, de la forme d'un Y, ainsi que j'ai toujours vu la croix de Notre seigneur Jésus-Christ. Elle n'avait pas d'ornements particuliers, et était à peine entaillée, comme les croix que viennent aujourd'hui de la Terre Sainte. Je crois qui saint Jean et Marie l'avaient arrangée eux-mêmes. Elle était faite de différentes espèces de bois. Il me fut dit que le tronc, de couleur blanchâtre, était en cyprès ; l'un des bras, de couleur brune, en cèdre ; l'autre bras, tirant sur le jaune, en palmier ; enfin, l'extrémité, avec la tablette, en bois d'olivier jaune et poli. La croix était plantée dans un support en terre ou en pierre, comme la croix de Jésus dans le rocher du Calvaire. A ses pieds se trouvait un écriteau en parchemin où était écrit quelque chose : c'étaient, je crois, des paroles de Notre-Seigneur. Sur la croix elle-même, était l'image du Sauveur, tracée simplement par des lignes de couleur foncée, afin qu'on put bien la distinguer. J'eus aussi connaissance des méditations de Marie sur les différentes espèces de bois dont elle était faite. Malheureusement, j'ai oublié ces belles explications. Je ne sais pas non plus maintenant si la croix du Christ était réellement faite de ces diverses espèces de bois ; ou si cette croix de Marie avait été ainsi faite pour fournir un aliment à la méditation. Elle était placée entre deux vases pleins de fleurs naturelles.


Je vis aussi un linge posé près de la croix, et j'eus le sentiment que c'était celui avec lequel la sainte Vierge, après la descente de crois, avait essuyé le sang qui couvrait le corps sacré du Sauveur. J'eus cette impression, parce qu'à la vue de ce linge cet acte de saint amour maternel fut présenté devant mes yeux. Je sentis, en même temps, : que c'était comme le linge avec lequel les prêtres purifient le calice quand ils ont bu le sang du Rédempteur dans le saint sacrifice ; Marie, essuyant les blessures de son Fils, me parut faire quelque chose de semblable ; et, du reste, dans cette circonstance, elle avait pris et plié de la même manière le linge dont elle se servait. J'eus la même impression en voyant ce linge prés de la croix.


A droite de cet oratoire, était la cellule où reposait la sainte Vierge, et, vis-à-vis de celle-ci, à gauche de l'oratoire, un autre petit réduit où étaient disposés ses vêtements et ses effets. De l'une à l'autre de ces cellules, était tendu un rideau qui cachait l'oratoire placé entre elles. C'était devant ce rideau que Marie avait coutume de s'asseoir quand elle lisait ou travaillait.


La cellule de la sainte Vierge s'appuyait par derrière à un mur recouvert d'un tapis ; les cloisons latérales étaient en clayonnage léger, qui ressemblait à un ouvrage de marqueterie. Au milieu de la cloison antérieure, qui était couverte d'une tapisserie, se trouvait une porte légère, à deux battants, qui s'ouvrait à l'intérieur. Le plafond de cette cellule était aussi en clayon. nage, qui formait comme une voûte au centre de laquelle était suspendue une lampe à plusieurs branches. La couche de Marie était une espèce de coffre creux, haut d'un pied et demi, de la largeur et de la longueur d'un lit ordinaire de petite dimension. Les côtés étaient recouverts de tapis qui descendaient jusqu'au sol et qui étaient bordés de franges et de houppes. Un coussin rond servait d'oreiller, et un tapis brun à carreaux de couverture. La petite maison était voisine d'un bois et entourée d'arbres à forme pyramidale. C'était un lieu solitaire et tranquille, Les habitations des autres familles se trouvaient à quelque distance. Elles étaient dispersées ça et là et formaient comme un village.


III - Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.


La sainte Vierge habitait seule avec une personne plus jeune, qui la servait et qui allait chercher le peu d'aliments qui leur étaient nécessaires. Elles vivaient dans le silence et dans une paix profonde. Il ne se trouvait pas d'hommes dans la maison. Souvent, un disciple en voyage venait les visiter.


Je vis fréquemment entrer et sortir un homme que j'ai toujours cru être saint Jean ; mais ni à Jérusalem ni ici il n'était longtemps de suite dans le voisinage. Il allait et venait. Il était vêtu autrement que du vivant de Jésus. Il portait une robe à longs plis, d'une étoffe légère d'un blanc grisâtre. Il était très svelte et très leste, avait une belle figure allongée et maigre ; sa tête était nue, et sa longue chevelure blonde partagée derrière les oreilles. Par comparaison avec les autres apôtres, il avait quelque chose d'un peu féminin et de virginal.


Je vis Marie, dans les derniers temps de sa vie, toujours plus silencieuse et plus recueillie ; elle ne prenait presque plus de nourriture. Il semblait que son corps seul fût encore sur la terre, et que son esprit fût habituellement ailleurs. Dans les semaines qui précédèrent sa fin, je la vis faible et vieillie ; sa servante la soutenait et la conduisait dans la maison.


Je vis Jean entrer une fois chez elle ; lui aussi paraissait très vieilli. Il était maigre et élancé. En entrant, il avait relevé dans sa ceinture sa longue robe blanche à grands plis. Il défit cette ceinture et en mit une Autre qu'il avait sous son vêtement, et sur laquelle étaient tracées des lettres. Il avait une étole autour du cou et une espèce de manipule au bras. La sainte Vierge, appuyée sur le bras de sa servante et enveloppée dans un vêtement blanc, sortit de sa chambre à coucher. Son visage était blanc comme la neige, et pour ainsi dire diaphane. Elle paraissait comme soulevée de terre par un ardent désir. Depuis l'ascension de Jésus, tout son être exprimait un désir toujours croissant et qui la consumait de plus en plus. Jean et elle se retirèrent dans l'oratoire. Elle tira un cordon ou une courroie ; le tabernacle, qui était dans le mur, tourna sur lui-même, et la croix qui s'y trouvait se montra. Quand ils eurent prié à genoux devant elle pendant un certain temps, Jean se leva, tira de son sein une boite de métal qu'il ouvrit par le côté, y prit une enveloppe de laine fine, sans teinture, et dans cette-ci un linge blanc plié d'où il tira le Saint Sacrement en forme de particule blanche carrée. Il prononça ensuite quelques paroles d'un ton grave et solennel, et donna l'Eucharistie à la sainte Vierge. Il ne lui présenta pas de calice.


A quelque distance derrière la maison, sur le chemin qui menait au sommet de la montagne, la sainte Vierge avait disposé une espèce de chemin de la Croix. Quand elle habitait Jérusalem, elle n'avait jamais cessé, depuis la mort de son Fils, de suivre sa voie douloureuse, et d'arroser de ses larmes les lieux où il avait souffert. Elle en avait mesuré pas à pas tous les intervalles, et son amour ne pouvait se passer de la contemplation incessante de ce chemin de douleur.


Peu de temps après son arrivée ici, je la vis journellement se livrer à ces méditations sur la Passion, en suivant le chemin qui conduisait au haut de la montagne. Au commencement elle y allait seule, et elle mesurait, d'après le nombre des pas qu'elle avait si souvent comptés, la distance entre les diverses places où avait eu lieu quelque incident de la Passion du Sauveur. A chacune de ces places elle érigea une pierre ; ou, s'il s'y trouvait un arbre, elle y faisait une marque. Le chemin conduisait dans un bois, où un monticule représentait le Calvaire ; et une petite grotte dans un autre monticule, le Saint Sépulcre.


Quand elle eut divisé en douze stations ce chemin de la Croix, elle le suivit avec sa servante, plongée dans une contemplation silencieuse. Elles s'asseyaient à chacun des endroits qui rappelaient un épisode de la Passion, en méditaient dans leur coeur la signification mystérieuse, et remerciaient le Seigneur de son amour, en versant des larmes de compassion. Plus tard, elle arrangea mieux les stations. Je la vis écrire, avec un poinçon, sur chacune des pierres, l'indication du lieu qu'elle représentait, le nombre des pas et d'autres choses semblables. Je la vis aussi nettoyer la grotte du Saint Sépulcre, et la disposer de manière à ce qu'on pût y prier commodément.


Je ne vis pas à ces stations d'image, ni même de croix à demeure fixe. C'étaient de simples pierres commémoratives, avec des inscriptions. Mais avec le temps tout cela fut de mieux en mieux ordonné et arrangé ; même après la mort de la sainte Vierge, je vis ce chemin de la Croix fréquenté par des chrétiens qui s'y prosternaient et baisaient la terre.


IV - Voyage de Marie Éphèse à Jérusalem.
- Sa maladie dans cette dernière ville.
- Bruit de sa mort et origine du tombeau de la sainte Vierge à Jérusalem.


Après la troisième année de son séjour ici, Marie eut un grand désir d'aller à Jérusalem. Jean et Pierre l'y conduisirent : je crois que plusieurs apôtres s'y trouvaient rassemblés. J'y vis saint Thomas ; je crois qu'il y eut un concile, que Marie y assista, et qu'ils prirent ses avis'.


A leur arrivée, je les vis le soir, à la lueur du crépuscule, visiter, avant d'entrer dans la ville, le mont des Oliviers, le Calvaire, le Saint Sépulcre et tous les saints lieux qui sont autour de Jérusalem. La Mère de Dieu était si affligée et si émue qu'elle pouvait à peine se tenir debout. Jean et Pierre la conduisaient en la soutenant sous les bras.


Elle quitta une autre fois Éphèse, un an et demi avant sa mort. Alors aussi je la vis visiter les saints lieux pendant la nuit, en compagnie des apôtres. Elle était accablée d'une tristesse indicible et disait sans cesse en soupirant : " O mon Fils ! mon Fils " ! Quand elle arriva à la porte de derrière de ce palais où elle avait vu Jésus tomber sous le poids de la croix, l'impression de ce souvenir douloureux la fit tomber elle-même sans connaissance, et ses compagnons crurent qu'elle allait expirer. On la porta au Cénacle, où elle habitait dans les bâtiments antérieurs. Pendant plusieurs jours, elle resta si faible et si malade et elle eut de si fréquents évanouissements, qu'on s'attendait à chaque instant à la voir mourir, et qu'on pensa a lui préparer un tombeau. Elle-même choisit pour cela une grotte de la montagne des Oliviers, et les apôtres y firent préparer un beau sépulcre par un ouvrier chrétien '.


Cependant on avait dit plusieurs fois qu'elle était morte. Le bruit de sa mort et de sa sépulture à Jérusalem se répandit alors en d'autres lieus. Mais, quand le tombeau fut achevé, elle guérit et se trouva assez forte pour revenir à sa demeure d'Ephèse, où elle mourut réellement au bout d'un an et demi.


Comme elle avait déjà dit antérieurement que Marie était allée deux fois d'Éphèse à Jérusalem, il est possible qu'elle ait fait une confusion entre le premier et le second voyage, quant à ce qui touche le concile.


Nous nous souvenons de lui avoir entendu dire une autre fois que saint André travailla aussi à ce tombeau.


On honora toujours le tombeau préparé pour elle sur la montagne des Oliviers ; on y bâtit plus tard une église, et Jean Damascène (c'est le nom que j'ai entendu en esprit, mais je ne sais qui est ce personnage) écrivit, d'après des traditions orales, qu'elle était morte et qu'elle avait été ensevelie à Jérusalem.


Dieu a laissé tout ce qui concerne sa mort, son tombeau, son assomption dans le ciel, devenir seulement l'objet d'une tradition incertaine, afin de ne pas donner entrée dans le christianisme au sentiment paien encore si puissant à cette époque ; car on se serait facilement laissé aller à adorer Marie comme une déesse.


V - Ephèse. Parents et amies de la sainte Famille vivant dans la colonie chrétienne.


Parmi les saintes femmes qui vivaient dans la colonie chrétienne voisine d'Éphèse, et qui étaient souvent prés de Marie, se trouvait une nièce de la prophétesse Anne. Avant le baptême de Jésus, je l'avais vue une fois aller à Nazareth avec Séraphia (Véronique). Cette femme était alliée à la sainte Famille par Anne, qui était parente de la mère de Marie et plus proche encore d'Élisabeth, fille de la soeur de celle-ci.


Une autre femme, parmi celles qui vivaient autour de Marie, et que j'avais vue aussi aller à Nazareth avant le baptême de Jésus, était une nièce d'Elisabeth, qui s'appelait Mara. Voici comment elle étais parente de la sainte Famille. Ismeria, mère de sainte Anne, avait une soeur appelée Emerentia, laquelle avait eu trois filles : Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste ; Enoué, qui était chez sainte Anne lors de la naissance de la sainte Vierge, et Rhode, mère de cette Mara dont il est question ici.


Rhode s'était mariée loin du pays de sa famille. Elle demeura d'abord dans les environs de Sichem, puis à Nazareth et à Kessuloth, près du mont Thabor. Outre Mara, elle avait deux autres filles, dont l'une avait pour enfants des disciples de Jésus. Un des deux fils de Rhode fut le premier mari de Maroni, qui, restée veuve et sans enfants, épousa Eliud, neveu de la mère de sainte Anne, et s'établit à Naim, où elle devint veuve pour la seconde fois. Elle avait eu de cet Eliud un fils que le Sauveur ressuscita. Il devint disciple de Jésus et fut baptisé sous le nom de Martial.


Mara, fille de Rhode, qui fut présente à la mort de Marie, s'était mariée dans le voisinage de Bethléhem. Nathanael, le fiancé de Cana, était, à ce que je crois, un fils de cette Mara, et il reçut au baptême le nom d'Amator. Elle avait encore d'autres fils : tous furent disciples de Jésus.


VI - La Sainte Vierge visite pour la dernière fois le chemin de le Croix érigé par elle.


(Le 7 août 1824.) Hier et cette nuit, j'ai été très occupée de la Mère de Dieu à Éphèse. J'ai fait le chemin de la Crois avec elle et cinq autres femmes. Il y avait là la nièce de la prophétesse Anne et la veuve Mara, nièce d'Elisabeth. La sainte Vierge allait en avant des autres ; elle était vieillie et faible ; elle était très blanche et comme transparente. Son aspect était singulièrement touchant. Il me semblait qu'elle faisait ce chemin pour la dernière fois. Pendant qu'elle était là, je crus voir Pierre, Jean et Thaddée dans sa maison.


Je vis la sainte Vierge très affaiblie par l'âge ; il n'y avait pourtant en elle d'autre signe de la vieillesse que l'expression du désir qui la consumait et qui la poussait en quelque sorte à sa transfiguration. Elle avait une gravité ineffable. Je ne l'ai jamais vue rire, mais seulement sourire avec une expression touchante. Plus elle avançait en âge, plus son visage paraissait blanc et diaphane. Elle était maigre, mais je ne lui vis pas de rides ni aucune marque de décrépitude : elle était devenue comme un pur esprit.


VII - La sainte Vierge sur son lit de mort. Adieux des femmes.


(Le 9 août 1821.) J'allai dans la maison de Marie, à environ deux lieues d'Ephèse. Je la vis dans sa cellule, qui était toute tendue de blanc, étendue sur une couche basse et étroite ; sa tête reposait sur un coussin rond. Elle était faible, pâle et comme consumée par un ardent désir. Sa tête et toute sa personne étaient enveloppées dans un long drap ; une couverture de laine brune était posée par-dessus.


Je vis cinq femmes entrer dans sa cellule et en ressortir l'une après l'autre, comme si elles lui avaient fait leurs adieux. Celles qui sortaient faisaient des gestes touchants qui exprimaient leur douleur. Je remarquai parmi elles la nièce de la prophétesse Anne et Mara, nièce d'Élisabeth, que j'avais vues au chemin de la Croix.


Je vis ensuite six apôtres assemblés là : c'étaient Pierre, André, Jean, Thaddée, Barthélémy et Mathias. Il y avait aussi Nicanor, un des sept diacres, qui était très actif et très serviable. Je vis les apôtres à droite, dans la partie antérieure de la maison ils y avaient disposé un oratoire et ils étaient en prière.


VIII - Arrivée de deux autres apôtres. L'autel. Boite en forme de croix pour les objets consacrés.


(Le 10 août 1821.) Le temps de l'année où l'Église célèbre l'assomption de la sainte Vierge est bien celui ou elle a eu lieu réellement ; seulement l'anniversaire ne tombe pas le même jour tous les ans. Je vis aujourd'hui arriver deux autres apôtres avec leurs vêtements relevés comme des voyageurs : c'étaient Jacques le Mineur et Matthieu, son demi frère, car Alphée, étant devenu veuf, avait épousé Marie, fille de Cléophas. Il avait eu Matthieu d'un premier mariage.


Je vis hier soir et ne matin les apôtres rassemblés et célébrant le service divin dans la partie antérieure de la maison, où ils avaient, dans ce but, enlevé nu disposé autrement les cloisons mobiles qui formaient des cellules. Une table, avec une couverture rouge et une autre blanche par-dessus, servait d'autel. Chaque fois qu'on en faisait usage pour une cérémonie sacrée, on la plaçait contre le mur, à droite du foyer dont on se servait encore chaque jour, et on la retirait ensuite. Devant l'autel était un tréteau couvert, au-dessus duquel était étalé un rouleau écrit. Sur l'autel était placé un vase en forme de croix, fait d'une matière brillante comme la nacre de perle ; il avait à peine un palme en longueur et en largeur, et contenait cinq boites fermées avec des couvercles d'argent. Dans cette du milieu se trouvait le Saint Sacrement ; dans les autres, du chrême, de l'huile, du sel et des brins de fil, ou peut-être de la laine avec d'autres objets bénits. Elles étaient si bien fermées que rien ne pouvait couler au dehors.


Les apôtres, dans leurs voyages, portaient cette croix pendue sur la poitrine sous leur vêtement. Ils avaient en cela quelque chose de plus que le grand prêtre des Juifs quand il portait sur sa poitrine l'objet sacré de l'ancienne alliance.


Je ne me souviens pas bien s'ils avaient des reliques dans une de ces boîtes ou ailleurs ; je sais seulement qu'en offrant le sacrifice de la nouvelle alliance, ils avaient toujours près d'eux des ossements de prophètes, et, plus tard, de martyrs ; de même que les patriarches, lorsqu'ils sacrifiaient, plaçaient toujours sur l'autel des ossements d'Adam ou de ceux de leurs ancêtres qui avaient été dépositaires de la promesse. Jésus-Christ, dans la dernière cène, leur avait commandé de faire ainsi. Pierre, en habits sacerdotaux, était debout devant l'autel, les autres étaient rangés derrière lui. Les femmes se tenaient au fond de la salle.


IX - Arrivée de Simon. Pierre donne la sainte communion à la sainte Vierge.
- Etat de Jérusalem à cette époque.


(Le 11 août 1821.) Je vis aujourd'hui arriver un autre apôtre : c'était Simon. Il manquait encore Jacques le Majeur, Philippe et Thomas. Je vis aussi plusieurs disciples, parmi lesquels je me rappelle seulement Jean Marc, et ce fils ou petit-fils du vieux Siméon, qui était chargé de l'inspection des victimes au temple, et qui immola le dernier agneau pascal pour Jésus. Ils étaient bien une dizaine.


Il y eut de nouveau service divin à l'autel, et je vis quelques-uns des nouveaux arrivés avec leurs habits relevés, ce qui me fit croire qu'ils voulaient repartir tout de suite. Devant le lit de la sainte Vierge était un petit escabeau triangulaire, comme celui sur lequel avaient été déposés les présents des trois rois dans la grotte de la Crèche. Il y avait dessus une tasse avec une petite cuiller brune transparente. Je ne vis aujourd'hui qu'une femme dans la chambre de Marie.


Je vis Pierre, après le service divin, lui donner de nouveau la sainte communion. Il apporta le Saint Sacrement dans cette pyxide en forme de croix dont j'ai déjà parlé. Les apôtres étaient rangés sur deux lignes, depuis l'autel jusqu'à sa couche, et ils s'inclinèrent profondément quand Pierre passa devant eux avec le Saint Sacrement. Les cloisons qui entouraient la sainte Vierge, était ouvertes de tous les côtés.


Quand j'eus vu cela près d'Ephèse, j'eus le désir de voir ce qui se passait à Jérusalem pendant ce temps ; mais la longueur du voyage qu'il fallait faire pour cela m'effrayait. Alors la sainte vierge et martyre Suzanne, dont c'est aujourd'hui la fête, dont j'ai là une relique, et qui a été près de moi toute la nuit, vint à moi et m'encouragea en me disant qu'elle m'accompagnerait. Je traversais la terre et la mer, et nous fûmes bientôt à Jérusalem. Elle était tout autrement que moi ; elle était extrêmement légère, et, quand je voulais la toucher, je ne le pouvais pas. Quand j'assistais à une scène dans un lieu déterminé, comme, par exemple, à Jérusalem, elle disparaissait ; mais, chaque fois que je passais d'un tableau à un autre, elle m'accompagnait et me consolait.


Je me trouvai sur la montagne des Oliviers, et je vis tout dévasté et changé par comparaison avec l'état antérieur. Je pus pourtant reconnaître chaque place. La maison voisine du jardin de Gethsémani, où les disciples s'arrêtaient, avait été démolie. Il y avait là des fossés et des murs qui en rendaient l'accès impossible. Je me rendis ensuite au tombeau du Sauveur ; il était comblé et muré. Au-dessus, sur le haut du rocher, on avait commencé à bâtir un édifice qui ressemblait à un petit temple. Il n'y avait encore que les murs. Comme je regardais avec tristesse les dévastations qui avaient été faites, mon fiancé céleste m'apparut sous la même figure qu'il s'était montré en ce lieu à Madeleine, et me consola.


Je trouvai aussi le Calvaire dévasté et bâti. Le petit monticule sur lequel la croix avait été érigée avait été remué et fouillé. Il y avait aussi tout autour des fossés et des murs, en sorte qu'on ne pouvait pas l'aborder. J'y arrivai pourtant et j'y priai. Alors le Sauveur s'approcha encore pour me consoler et m'encourager. Lors de ces apparitions du Seigneur, je ne vis pas sainte Suzanne prés de moi.


Je passai ensuite à un tableau des guérisons miraculeuses de Jésus dans les environs de Jérusalem, et je revis plusieurs de ces guérisons. Comme je réfléchissais sur la grâce des guérisons par le nom de Jésus, qui est plus particulièrement accordée aux prêtres, et comme je pensais à la manifestation de cette grâce à notre époque, dans la personne du prince de Hohenlohe, je vis ça prêtre faisant usage de ce don. Je vis plusieurs malades guéris par ses prières, entre autres, des hommes qui cachaient sous de sales haillons des ulcères infectés Je ne sais pas si c'étaient réellement des ulcères ou bien des symboles de vieux péchés restés sur la conscience Même dans mon voisinage, je vis d'autres prêtres qui possédaient au même degré ce pouvoir de guérir, mais chez lesquels le respect humain, la dissipation, la préoccupation des affaires mondaines et le manque d'énergie l'empêchaient de se produire. J'en vis spécialement un qui secourait quelques personnes dont je voyais le coeur rongé par d'affreuses bêtes ; mais, par suite de sa dissipation, il négligeait d'en secourir d'autres, qui étaient couchées ça et là, en proie à des maladies corporelles. Il avait en lui-même divers obstacles qui l'en empêchaient.


X - Service divin des apôtres. Marie reçoit la sainte communion.
- Détails personnels.
- Le chemin de la Croix de Marie.


(Le 12 août 1821.) il n'y a guère en tout que douze hommes rassemblés dans la maison de Marie. Aujourd'hui, je vis faire le service divin dans son petit oratoire ; on y célébra la messe. Sa petite chambre était ouverte de tous les côtés. Une femme était agenouillée près du lit de Marie, qui, de temps en temps, se mettait sur son séant. Je la vis ainsi d'autres fois dans la journée. La femme qui était près d'elle lui donnait alors, avec une cuiller, d'une potion qui était dans la tasse. Marie avait sur sa couche une crois, longue comme la moitié du bras. Le tronc était un peu plus large que le bras. Elle était comme incrustée de différents bois ; le corps du Christ était blanc. La sainte Vierge reçut le Saint Sacrement. Elle a vécu quatorze ans et deux mois depuis l'ascension du Sauveur.


Ce soir, la narratrice, pendant son sommeil, chanta à demi vois, d'une manière singulièrement touchante, des cantiques de la Mère de Dieu. Quand elle se réveilla, comme l'écrivain lui demandait ce qu'elle avait chanté, elle répondit, étant encore à moitié endormie : " Je suis allée avec la procession, avec cette femme... Maintenant, elle est partie ". Le jour suivant, elle dit à propos de ce chant : " Je suivis deux des amies de Marie sur le chemin de la Croix, derrière sa maison. Elles vont là tous les jours, matin et soir, et je me glisse tout doucement derrière elles. Hier, cela m'anima, et je commençai à chanter ; alors tout disparut.


Le chemin de la Croix de Marie avait douze stations. Elle avait mesuré en pas les intervalles qui les séparaient' et Jean y avait fait placer des pierres commémoratives. Il n'y avait d'abord que des pierres brutes ; plus tard, tout fut plus orné. Maintenant c'étaient des pierres blanches' polies, peu élevées, à plusieurs arêtes (huit, si je ne me trompe), qui se réunissaient au sommet, aboutissant à une petite surface plane, où se trouvait une cavité. Chacune d'elles reposait sur un dé de même matière, entourée de gazon et de fleurs qui empêchaient d'en voit l'épaisseur. Sur les pierres et leurs supports étaient inscrites des lettres hébraïques.


Ces stations étaient toutes dans des excavations comme dans de petits bassins ronds creusés autour. Il y avait au fond un sentier assez large pour une ou deux personnes ; il circulait autour de la pierre, et permettait d'en lire les inscriptions. A l'un des côtés de ces pierres étaient fixées des nattes avec lesquelles on les recouvrait quand on n'y priait pas.


Les douze pierres qui marquaient les stations étaient toutes de même grandeur ; toutes avaient leurs inscriptions hébraïques, mais les lieux où elles étaient placées étaient différents : la station du mont des Oliviers se trouvait dans une petite vallée, près d'une grotte dans laquelle plusieurs personnes pouvaient se tenir à genoux ; la station du Calvaire, seule, n'était pas dans un enfoncement, mais sur une éminence. Pour la station du Saint Sépulcre, elle était au delà de cette éminence, de l'autre côté de laquelle on trouvait la pierre commémorative dans un enfoncement, puis, plus bas encore, une grotte creusée dans le roc où était le tombeau lui-même. Ce fut dans ce tombeau que la sainte Vierge fut ensevelie. Je crois que ce tombeau doit encore subsister sous la terre, et qu'il reparaîtra quelque jour.


Je vis que les apôtres, les saintes femmes et d'autres chrétiens, quand ils venaient à ces stations et qu'ils y priaient agenouillés ou la face contre terre, tiraient de dessous leurs vêtements une croix longue à peu près d'un pied, et la plaçaient dans l'excavation qui était au-dessus de la pierre de la station ; elle s'y tenait debout au moyen d'un appui mobile placé derrière.


XI - Jacques le Majeur arrive avec Philippe et trois disciples.
- Comment les apôtres furent convoqués pour assister à la mort de la sainte Vierge.
- Leurs voyages et leurs missions.


(Le 13 août 1821.) Je vis aujourd'hui faire le service divin comme les autres jours. Je vis la sainte Vierge se mettre sur son séant plusieurs fois dans la journée et prendre quelque chose avec la petite cuiller. Le soir, vers sept heures, la soeur dit pendant son sommeil : Jacques le Majeur est arrivé d'Espagne en passant par Rome avec trois compagnons, Timon, Erémenzéar et encore un autre. Plus tard, Philippe vint d'Egypte avec un compagnon.


Les apôtres et les disciples arrivaient la plupart du temps très fatigués. Ils avaient à la main de longs bâtons recourbes qui indiquaient leur dignité. Leurs longs manteaux blancs étaient relevés sur la tête, où ils formaient comme des capuchons. Ils avaient là-dessous de longues tuniques sacerdotales de laine blanche ; elles étaient ouvertes de haut en bas, mais attachées avec des petites courroies fendues et passées dans de petits bourrelets qui servaient de boutons. En voyage, ils relevaient leurs vêtements dans leur ceinture. Quelques-uns portaient une bourse pendue au côté.


Les arrivants embrassaient tendrement ceux qui les avaient précédés. J'en vis plusieurs pleurer à la fois de joie et de douleur en revoyant leurs amis dans une circonstance si triste. Ils déposaient alors leur bâton, leur manteau, leur ceinture et leur bourse, puis ils laissaient retomber jusqu'à leurs pieds leur robe blanche ; ils mettaient ensuite une large ceinture sur laquelle était une inscription et qu'ils portaient avec eux. On leur lavait les pieds ; ils s'approchaient de la couche de Marie et la saluaient respectueusement. Elle pouvait a peine leur adresser quelques paroles. Je ne les vis prendre d'autres aliments que du pain ; ils buvaient dans de petits flacons qu'ils portaient sur eux.


Quelque temps avant la mort de la sainte Vierge, lorsqu'elle fut avertie intérieurement que sa réunion avec son Dieu, son Fils, son Rédempteur, était proche, elle pria pour l'accomplissement de la promesse que Jésus lui avait faite dans la maison de Lazare, à Béthanie, la veille de l'Ascension. Il me fut montré en esprit comment Jésus, auquel elle demandait de ne pas la laisser longtemps dans cette vallée de larmes après l'Ascension, lui dit en termes généraux quelles oeuvres spirituelles elle devait accomplir pendant le temps qu'elle devait encore rester sur la terre. Il lui fit connaître aussi qu'à sa prière, les apôtres et plusieurs disciples se réuniraient près d'elle pour assister à sa mort ; il lui indiqua ce qu'elle devait leur dire et comment elle devait leur donner sa bénédiction. Je vis aussi qu'il dit à l'inconsolable Madeleine de se cacher dans le désert, et à sa soeur Marthe d'établir une communauté de femmes ; il ajouta qu'il serait toujours avec elles.


Quand la sainte Vierge eut prié pour faire venir les apôtres près d'elle, je vis la convocation leur arriver dans diverses parties du monde. Je ne me souviens plus que de ce qui suit.


Les apôtres avaient de petites églises dans divers lieux où ils avaient enseigné. Quoique plusieurs d'entre elles De fussent pas encore construites en pierre, mais faites seulement de branches tressées et enduites de limon, toutes celles que je vis avaient à leur partie postérieure la même forme arrondie ou angulaire que la maison de Marie près d'Éphèse. Il y avait des autels, et on y célébrait le saint sacrifice de la messe.


Je les vis tous, si éloignés qu'ils fussent, avertis par des apparitions de se rendre auprès de la sainte Vierge. En général, les voyages si longs des apôtres ne se faisaient pas sans une miraculeuse assistance du Seigneur. Je crois que souvent, sans qu'eux-mêmes en eussent bien la conscience, ils voyageaient à l'aide d'un secours surnaturel, car je les vis plus d'une fois passer à travers des foules pressées sans que personne parût les voir. Je les vis opérer chez divers peuples paiens et sauvages des miracles d'une tout autre espèce que ceux de leurs miracles que nous connaissons par l'Écriture sainte. Ils les opéraient partout suivant les besoins des hommes. Je vis que tous, dans leurs voyages, portaient avec eux des ossements des prophètes ou des martyrs mis à mort dans les premières persécutions, et qu'ils les avaient auprès d'eux lorsqu'ils priaient ou célébraient le saint sacrifice.


Lorsque le Seigneur convoqua les apôtres à Ephèse, Pierre et Mathias aussi, à ce que je crois, se trouvaient dans les environs d'Antioche. André, venant de Jérusalem où il avait eu à souffrir la persécution, ne se trouvait pas à une grande distance d'eux. Je vis Pierre et André s'arrêter la nuit, ou passer dans différents endroits qui n'étaient pas très éloignés les uns des autres. Ils n'étaient pas dans des villes, mais dans des auberges publiques, comme on en trouve au bord des routes dans les pays chauds. Pierre était couché contre un mur. Je vis un jeune homme resplendissant s'approcher de lui et l'éveiller en le prenant par la main ; il lui dit qu'il devait se rendre en toute hâte près de Marie, et qu'il trouverait en route son frère André. Je vis Pierre, qui était déjà affaibli par l'âge et les fatigues de l'apostolat, se mettre sur son séant et s'appuyer avec les mains sur ses genoux pendant qu'il écoutait l'ange. Quand le messager céleste eut disparu, il se leva, se ceignit, mit un manteau, prit son bâton et partit. Il rencontra bientôt André, qui avait vu une apparition semblable. Plus loin, ils se réunirent à Thaddée, auquel la même chose avait été dite. C est ainsi qu'ils se rendirent chez Marie, où ils trouvèrent Jean.


Jacques le Majeur, qui avait une figure pâle et allongée et les cheveux noirs. était venu d'Espagne à Jérusalem avec plusieurs disciples. Il s'arrêta quelque temps à Sarona, près de Joppé, et ce fut là qu'il fut appelé à se rendre à Éphèse. Après la mort de Marie, il revint à Jérusalem avec ses compagnons, et il y souffrit le martyre. Son accusateur se convertit fut baptisé par lui et décapité avec lui. Jude, Thaddée et Simon étaient en Perse où ils reçurent leur convocation.


Thomas avait une taille ramassée et les cheveux d'un brun cuivré. Il était le plus éloigné de tous, et n'arriva qu'après la mort de Marie. J'ai vu comment l'ange chargé de l'avertir vint à lui. Il n'était pas dans une ville, mais dans une cabane de roseaux, et il priait lorsque l'ange lui ordonna de partir pour Éphèse. Je l'ai vu sur la mer dans une petite barque avec un serviteur d'une grande simplicité ; il traversa ensuite le continent, mais, je crois, sans entrer dans aucune ville. Il vint encore un disciple avec lui. Il était dans l'Inde lorsqu'il reçut l'avertissement ; mais, avant de le recevoir, il avait formé le dessein d'aller plus au nord, jusqu'en Tartarie, et il ne put se résoudre à abandonner ce projet : il voulait toujours trop faire, et il arrivait souvent trop tard. Il alla vers le nord, en touchant presque la Chine, et arriva jusque dans les possessions actuelles de la Russie. Il reçut là un nouvel avertissement, et se dirigea en toute hâte vers Éphèse. Le serviteur qu'il avait avec lui était un barbare qu'il avait baptisé. Cet homme est devenu quelque chose plus tard, mais j'ai oublié ce qui le concernait. Thomas ne revint pas en Tartarie après la mort de Marie ; il fut percé d'un coup de lance dans l'Inde. J'ai vu que, dans ce pays, il érigea une pierre sur laquelle il avait prié et à la marque de ses genoux s'était imprimée, et qu'il dit que lorsque la mer viendrait jusqu'à cette pierre, un autre personnage prêcherait Jésus-Christ dans ces contrées.


Jean s'était trouvé à Jéricho peu de temps auparavant. Il allait souvent dans la Terre Sainte. Il résidait ordinairement à Éphèse et dans les environs. C'était là qu'il avait reçu sa convocation.


Barthélémy était en Asie, à l'orient de la mer Rouge. C'était un bel homme, très intelligent. Il avait le teint blanc, le front élevé, de grands yeux, des cheveux noirs frisés, une barbe noire, courte et crépue. Il avait converti récemment un roi et sa famille. Je vis tout cela, et je le raconterai en son temps. Quand il fut de retour dans ce pays, le frère de ce roi le fit mourir.


J'ai oublié où Jacques le Mineur reçut l'avertissement. Il était très beau et ressemblait beaucoup au Sauveur. Aussi était-il appelé particulièrement le frère du Seigneur. même par ses propres frères.


En ce qui touche Matthieu, je vis de nouveau aujourd'hui qu'Alphée l'avait eu d'un premier mariage et l'avait amené avec lui quand il épousa en secondes noces Marie, fille de Cléophas. J'ai oublié ce qui concernait André.


Paul ne fut pas appelé. Ceux-là seulement furent convoqués qui étaient alliés à la sainte Famille ou qui avaient été en rapport avec elle.


Pendant ces visions, j'avais près de moi des reliques de saint André, de saint Barthélémy, des deux sainte Jacques, de saint Jude, de saint Simon, de saint Thomas, et de plusieurs disciples et saintes femmes ; ceux-là se montrèrent d'abord à moi plus clairement et plus distinctement. Puis je les vis figurer dans la scène qui m'était représentée. Je vis aussi saint Thomas venir à moi mais il ne figurait pas dans le tableau de la mort de la mort de Marie. Il était éloigné et arriva trop tard.


Je vis aussi cinq disciples figurer dans le tableau J'a spécialement un souvenir distinct de Siméon le Juste et de Barnabé (ou Barsabas), dont il y avait des reliques près de moi. L'un des trois autres était l'un de ces fils des bergers qui avaient accompagné Jésus dans le voyage qu'il fit après la résurrection de Lazare. (Erémenzéar). Les deux autres étaient de Jérusalem.


Je vis aussi près de la sainte Vierge sa soeur aînée, Marie Héli. Marie Héli, femme de Cléophas, mère de Marie de Cléophas, grand mère des apôtres Jacques le Mineur, Thaddée, Simon, etc., était une femme très âgée (elle avait vingt ans de plus que la sainte Vierge). Toutes ces saintes femmes demeuraient dans le voisinage ; elles s'étaient réfugiées précédemment dans ce pays, fuyant la persécution qui sévissait à Jérusalem. Plusieurs habitaient des grottes creusées dans les rochers, où on avait disposé des logements nu moyen de boiseries en clayonnage.


XII - Mort de le sainte Vierge.
- Elle reçoit le saint Viatique et l'extrême Onction.
- Vision sur l'entrée de son âme dans le ciel.


Le 14 août 182l, dans l'après-midi, la soeur dit à l'écrivain : " Je veux maintenant raconter quelque chose de la mort de la sainte Vierge ; mais il ne faut pas que je sois dérangée. Dites à ma petite nièce de ne pas m'interrompre, et d'attendre un peu dans l'autre pièce ". Quand l'écrivain eut fait ce qu'elle disait et fut revenu près d'elle, il lui dit : " Racontez maintenant " ; mais, regardant fixement devant elle, elle s'écria : " Où suis-je donc, est-ce le matin ou le soir ! -Vous voulez, dit-il, parler de la mort de la sainte Vierge.-Les apôtres sont là, répondit-elle, interrogez-les ; vous êtes plus savant que moi, vous les questionnerez mieux ; ils suivent le Chemin de la Croix et travaillent au tombeau de la Mère de Dieu. Elle les vit se livrer à ce travail aussitôt après la mort de Marie, à ce qu'elle assura. Après une pause, elle continua, en marquant des nombres avec ses doigts : " Voyez ce chiffre, dit-elle, une barre comme un I, puis un V ; cela ne fait-il pas quatre ? puis encore un V et trois I, cela ne fait-il pas huit ? Ce n'est pas écrit correctement en lettres marquant les nombres ; mais je les vois ainsi, parce que je ne sais pas lire les nombres élevés écrits en lettres Cela doit signifier que l'année 48 après Jésus-Christ est celle de la mort de la sainte Vierge. Je vois ensuite un X et trois 1, puis deux fois le signe de la pleine lune, comme il est dans l'almanach : cela veut dire que la sainte Vierge mourut treize ans et deux mois après l'ascension de Notre Seigneur. Ce n'est pas à présent le mois de sa mort. Je crois qu'il est passé depuis deux mois ; car, il y a deux mois, j'ai encore vu cette scène. Ah ! sa mort fut pleine de tristesse et pleine de joie ! s, Toujours dans cet état d'absorption intérieure, elle raconta ce qui suit :


Je vis hier à midi beaucoup de tristesse et d'inquiétude dans la maison de la sainte Vierge. La servante était extrêmement affligée ; elle s'agenouillait sans cesse, tantôt dans divers coins de la maison, tantôt devant la maison, et priait les bras étendus en versant des larmes. La sainte Vierge reposait tranquillement dans sa cellule ; elle semblait au moment de mourir. Elle était enveloppée tout entière, y compris les bras, dans cette espèce de vêtement de nuit que j'ai décrit en racontant sa visite chez Élisabeth. Son voile était relevé carrément sur son front, elle l'abaissait sur son visage quand elle parlait à des hommes. Ses mains elles-mêmes ne restaient découvertes que quand elle était seule. Dans les derniers jours, je ne la vis rien prendre, si ce n'est de temps en temps une cuillerée d'un breuvage que la servante exprimait de certaines baies jaunes, disposées en grappes. Vers le soir, quand la sainte Vierge connut que son heure approchait, elle voulut, conformément à la volonté de Jésus, bénir ceux qui se trouvaient présents et leur faire ses adieux. Sa chambre à coucher était ouverte de tous les côtés. Elle se mit sur son séant ; son visage était d'une blancheur éclatante et comme illuminé. Tous les assistants se tenaient dans la partie antérieure de la maison ; les apôtres entrèrent les premiers dans l'autre pièce, s'approchèrent l'un après l'autre de sa cellule ouverte, et s'agenouillèrent près de sa couche. La sainte Vierge les bénit tour à tour en croisant les mains au-dessus de leur tête et en touchant légèrement leur front. Elle parla à tous, et fit tout ce que Jésus lui avait enjoint à Béthanie.


Quand Pierre vint à elle, je vis qu'il avait à la main un rouleau écrit. Elle parla à Jean des dispositions à prendre pour sa sépulture, et le chargea de donner ses vêtements à sa servante et à une autre vierge pauvre qui venait quelquefois la servir. Elle montra du doigt le réduit qui était en face de sa cellule, et je vis sa servante y aller, l'ouvrir et le refermer. Je vis alors tous les vêtements de la sainte Vierge ; j'en parlerai plus tard. Après les apôtres, les disciples présents s'approchèrent de la couche de la sainte Vierge et furent aussi bénis par elle. Les hommes se rendirent alors de nouveau dans la pièce antérieure de la maison, pendant que les femmes s'approchaient de la couche de Marie, s'agenouillaient et recevaient sa bénédiction. Je vis l'une d'entre elles se pencher sur la sainte Vierge, qui l'embrassa.


Pendant ce temps l'autel fut préparé, et les apôtres se revêtirent, pour le service divin, de leurs longs vêtements blancs, avec des ceintures sur lesquelles étaient des lettres. Cinq d'entre eux figurèrent dans la cérémonie solennelle, qui fut semblable à celle que j'avais vu célébrer pour la première fois par Pierre dans la nouvelle église voisine de la piscine de Bethesda ; ils se revêtirent de leurs beaux ornements sacerdotaux. Le manteau pontifical de Pierre, qui était le célébrant, était très long par derrière ; cependant il n'avait pas de queue.


Ils étaient encore occupés à s'habiller, lorsque Jacques le Majeur arriva avec trois compagnons. Il venait d'Espagne par Rome avec le diacre Timon, et au delà de cette dernière ville il avait rencontré Erémenzéar et un troisième disciple. Les assistants, qui étaient au moment d'aller à l'autel, lui souhaitèrent la bienvenue avec une gravité solennelle, et lui dirent en peu de mots de se rendre près de la sainte Vierge. On leur lava les pieds, ils rangèrent leurs vêtements ; puis, sans quitter leurs habits de voyage, ils allèrent près de Marie et reçurent comme les autres sa bénédiction. Jacques alla seul le premier ; puis ses trois compagnons y allèrent ensemble après quoi ils revinrent pour assister au service divin. Là cérémonie était déjà assez avancée lorsque Philippe arriva d'Égypte avec un compagnon. Il se rendit aussitôt près de la Mère du Seigneur, reçut sa bénédiction et pleura abondamment.


Pierre, pendant ce temps, avait terminé le saint sacrifice, il avait consacré et reçu le corps du Sauveur, puis il l'avait donné aux apôtres et aux disciples présents. La sainte Vierge ne pouvait pas voir l'autel ; mais pendant la sainte cérémonie elle était assise sur sa couche, dans un profond recueillement. Quand Pierre eut communié et donné la communion aux autres apôtres, il porta à la sainte Vierge le saint sacrement et l'extrême onction.


Tous les apôtres l'accompagnèrent en procession solennelle. Thaddée marchait en avant avec un encensoir. Pierre portait la sainte Eucharistie devant lui, dans la pyxide en forme de croix dont j'ai parlé précédemment. Jean le suivait, portant un petit plat, sur lequel était le calice avec le sang précieux et quelques boites. Le calice était petit, massif et de couleur blanche. Le pied en était si court qu'on ne pouvait le prendre qu'avec deux doigts. Il avait du reste la forme de celui de la sainte Cène. Dans l'oratoire, qui était près du lit de la sainte Vierge, un petit autel avait été dressé par les apôtres. La servante avait apporté une table avec une couverture rouge et blanche. Dessus étaient des flambeaux allumés : je crois que c'étaient des cierges et des lampes. La sainte Vierge, pâle et silencieuse, était couchée sur le des. Elle regardait fixement le ciel, ne parlait à personne, et semblait ravie en extase. Elle était comme illuminée par le désir ; je pouvais ressentir ce désir qui l'emportait hors d'elle-même. Ah ! mon coeur voulait aller à Dieu avec le sien.


Pierre s'approcha d'elle et lui administra l'extrême-onction, à peu près de la même manière qu'on le fait aujourd'hui. Il l'oignit avec les saintes huiles prises dans les boites que tenait Jean, sur je visage, sur les mains' sur les pieds et sur le côté, où son vêtement avait une ouverture ; en sorte qu'on ne la découvrit pas le moins du monde. Pendant ce temps les apôtres récitaient des prières, comme on le fait au choeur. Ensuite Pierre lui présenta le saint sacrement. Elle se redressa, sans s'appuyer, pour le recevoir ; puis elle retomba. Les apôtres prièrent pendant quelque temps, et, s'étant un peu soulevée, elle reçut le calice de la main de Jean. Je vis, lors de la réception de la sainte Eucharistie, une lumière éclatante entrer dans Marie ; après elle retomba comme ravie en extase, et ne dit plus rien. Les apôtres portant les vases sacrés retournèrent en procession à l'autel où ils continuèrent le service divin, et alors Philippe reçut aussi la sainte communion. Il n'était resté que deux femmes près de la sainte Vierge.


Plus tard, je vis de nouveau les apôtres et les disciples en prière autour de la couche de la sainte Vierge. Je visage de Marie était épanoui et souriant comme dans sa jeunesse. Ses yeux, pleins d'une sainte joie, étaient tournés vers le ciel. Je vis alors un tableau merveilleusement touchant. Le toit de la cellule de Marie avait disparu ; la lampe était suspendue en plein air ; je vis à travers le ciel ouvert l'intérieur de la Jérusalem céleste. Il en descendit comme deux nuées éclatantes, où se montraient d'innombrables figures d'anges, et entre lesquelles une voie lumineuse se dirigea vers la sainte Vierge. Je vis, à partir de Marie, comme une montagne lumineuse s'élever jusque dans la Jérusalem céleste. Elle étendit les bras de ce côté avec un désir infini, et je vis son corps soulevé en l'air et planant au-dessus de sa couche, de manière qu'on pouvait voir par-dessous. Je vis son âme, comme une petite figure lumineuse infiniment pure, sortir de son corps, les bras étendus, et s'élever sur la voie lumineuse qui montait jusqu'au ciel. Les deux choeurs d'anges qui étaient dans les nuées se réunirent au-dessous de son âme et la séparèrent du corps, qui, au moment de cette séparation, retomba sur la couche, les bras croisés sur la poitrine. Mon regard, suivant l'âme de Marie, la vit entrer dans la Jérusalem céleste, et arriver jusqu'au trône de la très sainte Trinité. Je vis un grand nombre d'âmes, parmi lesquelles je reconnus plusieurs patriarches, ainsi que Joachim, Anne, Joseph, Elisabeth, Zacharie et Jean-Baptiste, aller à sa rencontre avec une joie respectueuse. Elle prit son essor à travers eux tous jusqu'au trône de Dieu et de son Fils, qui, faisant éclater au-dessus de tout le reste la lumière qui sortait de ses blessures, la reçut avec un amour tout divin, lui présenta comme un sceptre et lui montra la terre au-dessous d'elle comme s'il lui conférait un pouvoir particulier. Je la vis ainsi entrer dans la gloire, et j'oubliai tout ce qui se montrait autour d'elle sur la terre. Quelques-uns des apôtres, notamment Jean et Pierre, durent voir tout cela, car ils avaient les yeux levés au ciel. Les autres étaient pour la plupart prosternés vers la terre. Tout était plein de lumière et de splendeur. C'était comme lors de l'ascension de Jésus-Christ.


Je vis, ce qui me réjouit beaucoup, un grand nombre d'âmes délivrées du purgatoire suivre l'âme de Marie quand elle entra dans le ciel. Aujourd'hui aussi, au jour de la commémoration qu'en fait l'Église, je vis entrer au ciel beaucoup de ces pauvres âmes, parmi lesquelles plusieurs que Je connaissais. Je reçus l'assurance consolante que, tous les ans, le jour anniversaire de la mort de Marie, beaucoup d'âmes de ceux qui lui ont rendu un culte particulier participent aux effets de cette grâce.


Quand je regardai de nouveau sur la terre, je vis le corps de la sainte Vierge resplendissant. Il reposait sur sa couche, je visage rayonnant, les yeux fermés, les bras croisés sur la poitrine Les apôtres, les disciples et les saintes femmes étaient agenouillés autour et priaient. Pendant que je regardais tout cela, il y avait dans toute la nature un concert harmonieux et une émotion semblable à celle que j'avais aperçue pendant la nuit de Noël. Je connus que l'heure de sa mort avait été la neuvième heure, comme celle de la mort du Sauveur.


XIII - Préparatifs de la sépulture de Marie. - Ses obsèques.


Les femmes étendirent une couverture sur le saint corps, et les apôtres avec les disciples se retirèrent dans la partie antérieure de la maison. Le feu du foyer fut éteint ; tout le mobilier de la maison fut mis de côté et recouvert. Les femmes s'enveloppèrent dans leurs vêtements et se voilèrent. Elles s'assirent par terre dans la chambre de Marie, et, tantôt assises, tantôt agenouillées, elles chantèrent des lamentations funèbres. Les hommes s'enveloppèrent la tête avec la bande d'étoffe qu'ils portaient autour du cou, et célébrèrent un service funéraire. Il y en avait toujours deux qui priaient alternativement agenouillés près de la tête et des pieds du saint corps. Mathias et André allèrent, par le chemin de la Croix de la sainte Vierge, jusqu'à la dernière station, où était la grotte représentant le tombeau du Sauveur. Ils avaient avec eux des outils pour travailler à mieux disposer ce tombeau, car c'était là que le corps de Marie devait reposer. Le caveau funéraire n'était pas aussi spacieux que le tombeau de Notre Seigneur, et il était à peine assez élevé pour qu'un homme pût y entrer debout. Le terrain s'abaissait à l'entrée, après quoi l'on se trouvait devant le sépulcre comme devant un petit autel, au-dessus duquel la paroi du rocher formait une voûte. Les deux apôtres firent plusieurs arrangements dans l'intérieur, et disposèrent une porte qu'on mit devant le tombeau pour le fermer. On n'y avait pratiqué qu'une excavation capable de recevoir un corps enveloppé. Le sol était un peu exhaussé à l'endroit de la tête. Il y avait devant le caveau, comme devant le Saint Sépulcre, un petit jardin avec une enceinte. Non loin de là était la station du Calvaire, sur un monticule. On n'y avait pas élevé de croix, mais on en avait seulement gravé une sur la pierre. Il pouvait bien avoir une demi lieue de l'habitation de Marie jusque là.


J'ai vu quatre fois les apôtres se relayer pour veiller en priant auprès du corps de la sainte Vierge. Je vis aujourd'hui plusieurs femmes, parmi lesquelles je me rappelle une fille de Véronique et la mère de Jean Marc, venir faire les préparatifs nécessaires pour la sépulture. Elles apportaient du linge et des aromates pour embaumer le corps, suivant la coutume des Juifs. Elles avaient aussi apporté de petits vases où étaient des herbes encore fraîches. La maison était fermée ; elles travaillaient à la lumière des flambeaux. Les apôtres récitaient des prières dans la pièce antérieure, comme des religieux au choeur. Les femmes retirèrent de dessus la couche le saint corps avec tous ses vêtements et le placèrent dans une longue corbeille remplie de grosses couvertures et de nattes, de sorte qu'il était élevé par-dessus cette corbeille. Alors deux femmes tinrent un grand drap étendu au-dessus du corps, et deux autres le déshabillèrent sous ce drap, ne lui laissant que sa longue tunique de laine. Elles coupèrent les belles boucles de cheveux de la sainte Vierge pour les conserver comme souvenir. Je vis ensuite ces deux femmes laver le saint corps : elles avaient dans les mains quelque chose qui ressemblait à des éponges ; la longue tunique qui recouvrait le corps était décousue. Elles s'acquittèrent de ce soin avec une crainte respectueuse ; elles lavèrent le corps sous le drap qui était étendu par-dessus sans le regarder, car la couverture les empêchait de le voir. Toutes les places que l'éponge avait touchées étaient aussitôt recouvertes ; le milieu du corps resta voilé ; on n'en mit rien à nu. Une cinquième femme pressait les éponges au-dessus d'un bassin et les leur rendait de nouveau. Je les vis trois fois vider le bassin dans une fosse voisine de la maison et apporter de l'eau fraîche Le saint corps fut revêtu d'une nouvelle enveloppe ou verte, puis, à l'aide des linges placés dessous, on le déposa respectueusement sur une table où avaient été déjà rangés les draps mortuaires et les bandes dont on devait faire usage. Elles enveloppèrent alors le corps dans les linges, depuis la cheville des pieds jusqu'à la poitrine, et le serrèrent fortement avec des bandelettes. La tête, la poitrine, les mains et les pieds ne furent pas encore enveloppés ainsi.


Pendant ce temps, les apôtres avaient assisté au service solennel célébré par Pierre, et avaient reçu avec lui la sainte communion ; après quoi, je vis Pierre et Jean, encore revêtus de leurs grands manteaux pontificaux, se rendre près du saint corps. Jean portait un vase d'onguent ; Pierre y trempa le doigt de la main droite et oignit, en récitant des prières, le front, le milieu de la poitrine, les mains et les pieds de la sainte Vierge. Ce n'était pas là l'extrême-onction : elle l'avait reçue vivante encore. Je crois que c'était un honneur rendu au saint corps ; pareille chose avait eu lieu lors de la mise au tombeau du Sauveur. Lorsque les apôtres se furent retirés, les femmes continuèrent leurs préparatifs pour la sépulture. Elles placèrent des bouquets de myrrhe sous les bras et sur le creux de l'estomac ; elles en mirent entre les épaules, autour du cou, du menton et des joues ; les pieds aussi furent entourés de semblables paquets d'herbes aromatiques. Alors elles croisèrent les bras sur la poitrine, placèrent le saint corps dans le grand linceul, et l'y emmaillotèrent au moyen d'un bandage roulé tout autour. La tête était couverte d'un suaire transparent relevé sur le front, en sorte qu'on voyait je visage, avec sa blancheur éclatante, rayonner, pour ainsi dire, au milieu des touffes d'herbes qui l'entouraient. Elles déposèrent ensuite le saint corps dans le cercueil qui était à côté, comme un petit lit de repos : c'était comme une planche avec un bord peu élevé ; il y avait un couvercle convexe très léger. On mit sur sa poitrine une couronne de fleurs blanches, rouges et bleu céleste, comme symbole de la virginité. Alors les apôtres, les disciples et tous les assistants, entrèrent pour voir encore une fois ce saint visage, qui leur était si cher, avant qu'il ne fût voilé. Ils s'agenouillèrent en pleurant autour de la sainte Vierge, touchèrent ses mains enveloppées sur sa poitrine, comme pour prendre congé d'elle, et se retirèrent. Les saintes femmes aussi lui firent leurs derniers adieux, lui recouvrirent je visage, et placèrent le couvercle sur le cercueil, autour duquel elles attachèrent des bandes d'étoffe grise au centre et aux deux extrémités. Je vis ensuite placer le cercueil sur une civière ; puis, Pierre et Jean le portèrent hors de la maison sur leurs épaules. Je crois qu'ils se relayèrent successivement, car je vis plus tard le cercueil porté par six apôtres : Jacques le Majeur et Jacques le Mineur étaient devant, André et Barthélémy au milieu, Thaddée et Mathias derrière. Les bâtons devaient être passés dans une natte ou une lanière de cuir, car je vis le cercueil balancé au milieu d'eux comme dans un berceau. Une partie des apôtres et des disciples présents marchaient en avant, d'autres suivaient avec les femmes. Le jour tombait déjà, et on portait autour du cercueil quatre flambeaux sur des bâtons. Le cortège se rendit ainsi, en passant par le chemin de la Croix, à la dernière station, et il arriva à l'entrée du tombeau. Ils déposèrent le saint corps à terre, et quatre d'entre eux le portèrent dans le caveau et le placèrent dans l'excavation qui devait servir de couche sépulcrale. Tous les assistants y entrèrent un à un, jetèrent autour des aromates et des fleurs, et s'agenouillèrent en pleurant et en priant.


Ils étaient nombreux. La douleur et l'affliction les firent rester là longtemps, et il était tout à fait nuit quand les apôtres fermèrent l'entrée du tombeau. Ils creusèrent un fossé devant l'étroite entrée du caveau, et y plantèrent comme une haie formée de divers arbrisseaux, les uns en fleur, les autres couverts de baies ; qu'ils avaient transportés d'ailleurs avec leurs racines. On ne vit plus alors aucune trace de l'entrée. d'autant plus qu'ils détournèrent l'eau d'une source voisine pour la faire passer devant ce massif. Ils s'en retournèrent séparément et s'arrêtèrent encore ça et là, priant sur le chemin de la Croix ; quelques-uns restèrent à prier prés du tombeau. Ceux qui revenaient virent de loin une lumière extraordinaire au-dessus du tombeau de Marie, et ils en furent très émus, sans bien savoir ce que c'était. Je la vis aussi, et voici ce dont je me souviens parmi beaucoup d'autres choses. Il me sembla qu'une voie lumineuse descendait du ciel jusqu'au tombeau, et avec elle une forme brillante semblable à l'âme de Marie, accompagnée de la figure de Notre-seigneur. Le corps de Marie sortit resplendissant du tombeau, s'unit à son âme, et s'éleva vers le ciel avec l'apparition du Sauveur.


Je vis, dans la nuit, plusieurs apôtres et saintes femmes prier et chanter des cantiques dans le petit jardin qui était devant le tombeau. Une large voie lumineuse s'abaissai du ciel vers le rocher, et je vis s'y mouvoir une gloire formée de trois sphères pleines d'anges et d'âmes bienheureuses qui entouraient l'apparition de Notre Seigneur et de l'âme resplendissante de Marie. La figure de Jésus-Christ, avec des rayons partant de ses cicatrices, planait devant elle. Autour de l'âme de Marie, je vis, dans la sphère intérieure, de petites figures d'enfants ; dans la seconde, c'étaient comme des enfants de six ans, et, dans la sphère extérieure, comme des adolescents déjà grands. Je ne vis distinctement que les visages, tout le reste m'apparut comme des formes lumineuses resplendissantes. Quand cette apparition, devenant de plus en plus distincte, fut arrivée au rocher, je vis une voie lumineuse qui s'étendit depuis elle jusqu'à la Jérusalem céleste. Je vis alors l'âme de la sainte Vierge qui suivait la figure de Jésus descendre dans le tombeau à travers le rocher, et, bientôt après, unie à son corps transfiguré, en sortir plus distincte et plus brillante, et s'élever avec le Seigneur et le choeur des esprits bienheureux jusqu'à la Jérusalem céleste. Toute cette lumière s'y perdit, et je ne vis plus nu dessus de la terre que la voûte silencieuse du ciel étoilé.


Je ne sais pas si les apôtres et les saintes femmes qui priaient devant le tombeau virent aussi tout cela ; mais je les vis, frappés d'étonnement, regarder le ciel comme en adoration ou se prosterner je visage contre terre. J'en vis aussi quelques-uns qui revenaient avec la civière, priant et chantant des cantiques, et qui s'arrêtaient aux diverses stations du chemin de la Croix, se tourner avec une pieuse émotion vers la lumière qui brillait sur le tombeau.


XIV - Arrivée de Thomas.
- Visite au tombeau de la sainte Vierge, qu'on trouve vide.
- Départ des apôtres.


Les apôtres, étant revenus, prirent un peu de nourriture et allèrent se reposer. Ils dormaient hors de la maison dans des hangars. La servante de Marie, qui était restée à la maison pour faire des arrangements, et d'autres femmes qui l'avaient aidée, dormirent dans la pièce située derrière le foyer d'ou la servante avait tout enlevé pendant la mise au tombeau, de sorte qu'elle ressemblait à une petite chapelle où les apôtres, plus tard, prièrent et offrirent le saint sacrifice.


Ce soir, je vis encore les apôtres prier et pleurer dans la première pièce. Les femmes étaient allées se reposer. Je vis alors l'apôtre Thomas, en habits de voyage, arriver avec deux compagnons devant la porte de la maison et frapper pour se faire ouvrir. Il vint avec lui un disciple, appelé Jonathan, qui était parent de la sainte Famille. Son autre compagnon était un homme très simple, du pays où habitait le plus éloigné des trois rois, et que j'appelle toujours Partherme, parce que je ne sais pas retenir exactement les noms. Thomas l'avait emmené de là avec lui, et il était à son égard comme le plus docile des serviteurs.


Elle reconnut ce disciple par une relique de lui qui se trouvait près d'elle sans désignation de celui auquel elle appartenait. Elle dit de lui, le 26 juillet 1821 : Jonathan ou Jonadab était de la tribu de Benjamin et des environs de Samarie. Il fut tour à tour près de saint Pierre, près de saint Paul, qui le trouvait trop lent, et de saint Jean. Il vint de fort loin avec saint Thomas pour assister à la mort de Marie.


Un disciple ouvrit la porte ; Thomas entra avec Jonathan dans la salle où étaient les apôtres, et dit à son serviteur de rester assis devant la porte. Ce digne homme faisait tout ce qu'on lui ordonnait : il s'assit tranquillement. Combien ils furent affligés en apprenant qu'ils arrivaient trop tard ! Les disciples leur lavèrent les pieds et leur présentèrent quelques rafraîchissements. Pendant ce temps les femmes s'étaient levées, et, quand elles se furent retirées, on conduisit Thomas et Jonathan à la place où la sainte Vierge était morte. Ils se prosternèrent et arrosèrent la terre de leurs larmes. Thomas pria encore longtemps, agenouillé devant le petit autel de Marie. Sa douleur était singulièrement touchante ; je pleure encore lorsque j'y pense. Quand les apôtres eurent terminé leurs prières, qu'ils n'avaient pas interrompues, tous allèrent souhaiter la bienvenue aux nouveaux arrivés. Ils firent relever Thomas et Jonathan qui étaient agenouillés, les embrassèrent et les conduisirent dans la salle antérieure de la maison, où ils leur donnèrent à manger du pain et du miel. Ils prièrent encore ensemble et s'embrassèrent les uns les autres.


Mais Thomas et Jonathan désiraient se rendre au tombeau de la sainte Vierge. Alors les apôtres allumèrent des flambeaux, qu'on assujettit à des perches, et allèrent avec eux au tombeau en passant par le chemin de la Croix. Ils parlaient peu, s'arrêtaient quelques moments aux pierres des stations, et méditaient sur la voie douloureuse du Sauveur et sur la compassion de sa Mère, qui avait élevé ces pierres commémoratives et les avait si souvent arrosées de ses larmes. Arrivés à la grotte du tombeau, ils s'agenouillèrent tous ; mais Thomas et Jonathan se précipitèrent vers l'entrée du caveau, et Jean les suivit. Deux disciples écartèrent les branches des arbrisseaux qui étaient devant la porte : ils entrèrent, et s'agenouillèrent avec une crainte respectueuse devant la couche sépulcrale de la sainte Vierge. Alors Jean s'approcha du cercueil, qui faisait un peu saillie au-dessus de la fosse, détacha les bandes qui l'entouraient, et enleva le couvercle. Puis ils approchèrent la lumière du cercueil, et furent saisis d'un profond étonnement lorsqu'ils ne virent devant eux que les linceuls vides, conservant encore la forme du saint corps. Ils étaient séparés à la place du visage et de la poitrine ; les bandelettes qui avaient entouré les bras étaient déliées, mais le corps glorifié de Marie n'était plus sur la terre. Ils levèrent les yeux et les bras vers le ciel comme s'ils eussent vu le saint corps enlevé à ce moment même, et Jean cria à l'entrée du caveau : " Venez et voyez, elle n'est plus ici ". Alors ils entrèrent deux par deux dans l'étroit caveau, et virent avec étonnement les linges vides étendus sous leurs yeux. Étant sortis, tous s'agenouillèrent à terre, regardèrent le ciel en levant les bras, prièrent, pleurèrent et louèrent le Seigneur et sa mère, leur chère et tendre mère, lui adressant, comme des enfants fidèles, les douces paroles d'amour que l'Esprit saint mettait sur leurs lèvres. Alors ils se souvinrent de cette nuée lumineuse qu'après les funérailles ils avaient vue descendre vers le tombeau et remonter au ciel. Jean retira respectueusement du cercueil les linceuls de la sainte Vierge, les plia, les roula, les prit avec lui ; puis il remit le couvercle et l'assujettit de nouveau avec les bandes d'étoffe. Ils quittèrent ensuite le caveau, dont l'entrée resta masquée par le massif de verdure. Priant et chantant des psaumes, ils revinrent à la maison par le chemin de la Croix ; puis ils se rendirent tous dans la pièce qu'avait habitée Marie. Jean déposa respectueusement les linceuls sur la petite table qui était devant l'oratoire de la sainte Vierge. Thomas et les autres prièrent encore à la place où elle avait rendu le dernier soupir. Pierre se retira à part comme pour méditer ; peut-être faisait-il sa préparation, car je vis ensuite dresser l'autel devant l'oratoire de Marie où était la croix, et Pierre célébrer un service solennel. Les autres, rangés derrière lui, priaient et chantaient alternativement. Les saintes femmes se tenaient plus en arrière prés des portes et de la partie postérieure du foyer.


Le serviteur de Thomas, cet homme si simple qui l'avait accompagné depuis la contrée lointaine où il avait été, avait un extérieur singulier. Il avait de petits yeux, le front comprimé, le nez épaté et les pommettes saillantes. Son teint était plus basané que celui des gens de ce pays. Il avait reçu le baptême ; du reste, il était comme un enfant ignorant et docile. Il faisait tout ce qu'on lui ordonnait, restait où on le plaçait, regardait ce qu'on lui montrait, et souriait à tout le monde. Il restait assis là où Thomas lui avait dit de s'asseoir ; et quand il voyait pleurer Thomas, il pleurait aussi. Cet homme resta toujours avec Thomas ; il pouvait porter de lourds fardeaux, et je l'ai vu soulever des pierres énormes quand Thomas construisit une chapelle.


Après la mort de la sainte Vierge, je vis souvent les apôtres et les disciples se réunir et se raconter mutuellement leurs voyages et ce qui leur était arrivé. J'ai entendu tout ce qu'ils disaient ; cela me reviendra en mémoire, si c'est la volonté de Dieu.


(Le 20 août 1800 et 1821.) Après divers exercices de dévotion, les disciples présents se firent leurs adieux presque tous et retournèrent à leurs travaux. Il n'y avait plus dans la maison que les apôtres, Jonathan et le serviteur de Thomas. Mais ils devaient tous partir quand ils auraient terminé leur travail. Ils travaillaient tous à enlever les mauvaises herbes et les pierres sur le chemin de la Croix de Marie, et à l'orner convenablement avec de beaux arbrisseaux, des plantes et des fleurs de toute espèce. Ils firent tout cela en priant et en chantant des cantiques ; on ne peut exprimer combien cela était touchant à voir. C'était comme un service divin célébré par l'amour en deuil : c'était à la fois imposant et aimable. Ils ornaient, comme des enfants affectueux, la trace des pas de leur mère, qui était aussi la mère de leur Dieu, la trace des pas avec lesquels elle avait mesuré, pleine d'une pieuse compassion, la voie douloureuse qu'avait suivie son divin Fils en allant à la mort pour nous racheter.


Ils fermèrent entièrement l'entrée du tombeau de Marie, en tassant fortement la terre autour des arbrisseaux qu'ils avaient plantés devant. Ils nettoyèrent et ornèrent le jardin qui était en avant du tombeau, creusèrent un chemin sur le derrière du monticule qui le surmontait jusqu'à la paroi postérieure du caveau, et pratiquèrent une ouverture dans le rocher pour qu'on pût voir la couche sépulcrale où avait reposé le corps de la très sainte Mère que le Rédempteur mourant sur la croix avait léguée à eux tous et à l'Église dans la personne de Jean. Ah ! c'étaient des enfants reconnaissants, fidèles au quatrième commandement ; ils vivront longtemps sur la terre, eux et leur amour ! ils érigèrent aussi une espèce de chapelle, en forme de tente, au-dessus du tombeau. Ils y tendirent une tente formée de tapis, qu'ils entourèrent et couvrirent avec des claies en branches tressées. Ils y élevèrent un petit autel, formé d'une large table de pierre supportée par une autre pierre. Derrière cet autel ils suspendirent une tapisserie sur laquelle une image de la sainte Vierge, d'un travail fort simple, était brodée ou tissée. Elle était représentée dans son habit de fête, et l'on avait employé pour cela différentes couleurs, brune, bleue et rouge. Quand tout cela fut fini, il y eut là un service où tous prièrent agenouillés et les mains levées vers le ciel. La pièce qu'avait habitée Marie dans la maison fut érigée en église. La servante de Marie et quelques autres femmes continuèrent à y résider, et on laissa deux disciples, dont l'un avait été berger au delà du Jourdain, pour donner les secours spirituels aux fidèles qui habitaient alentour. Bientôt après, les apôtres se séparèrent. Barthélémy, Simon, Thaddée, Philippe et Matthieu partirent les premiers pour se rendre aux lieux où ils avaient à exercer leur ministère, après avoir fait à leurs frères de touchants adieux. Les autres, à l'exception de Jean qui resta encore quelque temps, partirent ensemble pour la Palestine, où ils se séparèrent de nouveau. Il y avait là plusieurs disciples ; quelques femmes partirent aussi en même temps d'Éphèse pour Jérusalem. Marie, mère de Marc, fit beaucoup pour les fidèles qui se trouvaient dans ce pays. Elle avait fondé une communauté d'environ vingt femmes, qui menaient à quelques égards la vie religieuse : cinq d'entre elles habitaient près d'elle dans sa maison. Les disciples s'y rassemblaient habituellement. La communauté chrétienne possédait encore l'église voisine de la piscine de Bethesda, etc.


(Le 22 août) Jean seul est encore dans la maison. Tous les autres sont partis. J'ai vu Jean, conformément à la volonté de la sainte Vierge, distribuer ses vêtements à sa servante et à une autre femme qui venait souvent l'aider. Il s'y trouvait quelques objets venant des trois rois. Je vis deux longs vêtements blancs, plusieurs voiles, des couvertures et des tapis. Je vis aussi ce vêtement de dessus rave qu'elle avait porté à Cana et sur le chemin de la Croix, et dont je possède une petite parcelle. Il en vint quelque chose à l'Église. Ainsi l'on fit un ornement sacerdotal pour l'Eglise de Bethesda avec la belle robe nuptiale bleu céleste, parfilée d'or et semée de roses. Il y en a encore des reliques à Rome. Je les vois, mais je ne sais pas si on les connaît. Marie a porté cet habit lorsqu'elle était fiancée, mais elle ne le mit jamais depuis.


Toutes ces choses se faisaient silencieusement et comme en secret, mais sans qu'il y eût rien de cet empressement inquiet si commun de nos jours. La persécution n'avait pas encore donné naissance à l'espionnage, et la paix n'était pas troublée.