CONCLUSION   

  

    Comme épilogue de ce petit livre, nous dirons : Un Être absolu, infini, éternel, hors le temps et l'espace, hors toute limitation, hors toute imperfection (car l'imparfait ne se conçoit que dans les bornes du relatif), un Être libre donc tout-puissant, un tel Être qui est Dieu, par le fait même qu'Il dépasse toute compréhension, qu'Il est exempt de tout conditionnement, ne peut être atteint par aucun effort volontaire, par aucun raisonnement, par aucun entraînement ésotérique, par nulle méditation intellectuelle. Voilà pourquoi les soi-disant initiés ne Le voient point. Ne cherchons donc pas des preuves de Sa réalité : nous y perdrions notre temps et nos fatigues. Obéissons plutôt à Son com-mandement intérieur qui est la voix de la conscience en nous. Ayons cette humilité, qui ressort d'ailleurs du simple bon sens, de reconnaître que nous ne savons rien. Puisque nous ignorons même comment nous sommes venus à l'existence, nous ne sommes évidemment que des êtres créés.   Nous devons donc nous soumettre à notre Créateur et, lorsque cette soumission sera devenue effective, c'est Lui qui progressivement Se révélera à nous : tel est le chemin de la Foi. Cette descente du Tout-puissant chez Ses créatures, s'opère par Jésus-Christ, la Bonté du Père corporisée pour nous, venue a nous.  

 Le mystique croit en la divinité de Jésus, non pas parce qu'il en a des preuves, mais parce qu'une évidence intuitive le convainc que le Verbe s'est incarné, que l'Amour s'est fait chair et cette évidence lui est venue à la suite des efforts que, répondant à l'appel intérieur, il a faits vers l'Amour. Il a construit en Lui-même le moule où a été coulée la statue adorable du Fils de Dieu;  il a bâti le temple où la foi toute-puissante a trouvé un refuge propice. A l'exemple de son Maître venu il y a deux mille ans, mais qui a promis Sa présence jusqu'à la fin des siècles, le vrai disciple incarne la Foi et la Charité toutes vivantes. A force de luttes et de sacrifices, il a fini par terrasser complètement le dragon de l'égoïsme et, par le jeûne spirituel, il a vaincu le doute ainsi que tout orgueil de l'intelligence et le Verbe s'est installé en lui. Il n'a donc plus aucun besoin de preuve, puisqu'il héberge ce Verbe d'amour et vit de Lui.  

 Telle est la « foi qui sauve », qui peut transporter les montagnes et pour laquelle le miracle devient le fait de tous les jours;   tel est le trésor inaliénable, « la perle précieuse qu'un homme trouve dans un champ et pour l'acquisition de laquelle il vend tout ce qu'il possède »; tel est enfin le don royal dont le Christ a promis de gratifier Ses fidèles imitateurs, en leur déclarant : « Je vous dis de garder ces commandements, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. Et nul ne vous ravira votre joie. »  

 Tâchons de faire en sorte que cette foi descende en nous; nous le pouvons. Sédir a écrit cette affirmation qui peut paraître étonnante à notre époque d'incrédulité et de désarroi, mais qui est profondément juste : « que la vraie foi est plus près de nous aujourd'hui qu'au moyen-âge »;  elle n'est pas, en effet, ainsi que nous l'avons démontré plus haut, la simple adhésion à un credo accepté par la masse et subi par entraînement collectif, mais elle est une force surnaturelle qui descend en nous, quand nous arrivons à aimer la Vérité jusqu'à donner notre vie pour Elle.  

 L'humanité, dans l'ensemble, déçue des rites extérieurs et des dogmes imposés plus ou moins par contrainte, comme ce fut souvent le cas dans les siècles passés, s'est tournée, dans les temps modernes, vers la science de la matière, espérant, enfin, pouvoir atteindre, par elle, ce bonheur qu'elle cherche sans cesse et qui lui échappe toujours. Or la science aussi l'a déçue, puisque, au lieu de la paix heureuse qu'elle lui promettait, elle n'a pas réussi à `empêcher la guerre entre les classes, entre les nations, entre les individus et, en somme il y a aujourd'hui, dans le monde, plus de trouble et d'angoisse que jamais.

 Pour ceux qui croient, avec une inébranlable conviction, que l'origine de tout est le Bien et que la destinée définitive des créatures ne peut être qu'un bonheur éternel, puisque le Père est infiniment bon et qu'Il veut la félicité de tous les êtres, pour ceux-là, cette nouvelle grande désillusion qui nous vient par la science, est providentielle et utile au plus haut point. Afin d'apprécier le vide d'une chose, en effet, ne faut-il pas l'avoir expérimentée? et qu'est-ce qui était capable de nous fasciner plus que la science? Or ne doit-on pas, d'abord, être revenu de tous les mirages, avant de se tourner vers Celui qui est la Vérité et la Vie?

 La période de troubles sociaux, de difficultés internationales et de crise économique grave que nous traversons et qui, selon certaines prédictions, ne fait que précéder une autre période qui serait encore plus pénible, nous devons la considérer comme le payement d'une dette. Or qui paye ses dettes se libère; toutes ces souffrances donc nous affranchissent et annoncent une rénovation certaine; il faut la préparer et travailler à en hâter l'avènement.

 Du moment que nous croyons que Dieu est venu à nous en Christ, nous croyons, par le fait même, qu'Il veut régénérer et sauver toutes Ses créatures. Nous n'avons donc pas à nous laisser troubler par l'appréhension de souffrances nouvelles pour l'humanité. Nous savons que tout est bien.   Demeurons dans le calme et donnons à nos frères l'exemple de la sérénité, de la confiance et de la paix.  

 Par delà le monde des trompeuses images, sachons voir le Véridique. Par delà l'écoulement universel des choses, que nos coeurs aillent jusqu'à l'Immuable et à l'Éternel. Cela aura pour effet la descente de la Foi en nous. « Le doute, en somme, n'est que l'illusion mentale d'une des apparences du temps ».   Il est entretenu par le culte du « moi » inférieur, par l'orgueil, la cupidité et les autres tares de la créature encore en voie d'évolution. Nettoyons notre interne de toutes ces souillures, simplifions-nous,
purifions-nous et la foi viendra, apaisante, régénératrice, illuminant toutes les avenues de notre esprit dont elle aura chassé le doute, comme l'apparition de la lumière fait immédiatement disparaître la ténèbre.  

 C'est la descente de la vraie foi qui rendra tous les hommes vraiment frères, enfants d'un même Dieu, et qui, dans la mesure où elle prendra possessions de nos intelligences et de nos coeurs, établira les assises du futur Royaume de la Paix.