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HOMÉLIE XXIV. SOYEZ DONC FERMES, CEIGNANT VOS REINS DE LA VÉRITÉ, ET REVÊTANT LA CUIRASSE DE LA JUSTICE, ET CHAUSSANT VOS PIEDS POUR VOUS PRÉPARERA L'ÉVANGILE DE LA PAIX; PRENANT SURTOUT LE BOUCLIER DE LA FOI, DANS LEQUEL VOUS PUISSIEZ ÉTEINDRE TOUS LES TRAITS ENFLAMMÉS DU MALIN. PRENEZAUSSI LE CASQUE DU SALUT, ET LE GLAIVE DE L'ESPRIT, QUI EST LA PAROLE DE DIEU. (VI, 14-17, JUSQU'A LA FIN.)
ANALYSE .
1-3. De la lutte contre le démon. De la prière.
4 et 5. Exemple d'Anne. De la corruption de l'âme.
1. « Ceignant vos reins de la vérité ». Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie, nous l'avons dit dans notre précédent entretien, qu'il faut nous tenir dispos et en état de courir sans obstacle. « Et revêtant la cuirasse de la justice ». La justice est comme une cuirasse elle est invulnérable. Par justice, il faut entendre ici la vie vertueuse, en général. L'homme ainsi muni, nul ne pourra le terrasser: Si on le blesse souvent, le diable lui-même ne saurait le mettre en pièces. Cela revient à dire : La justice dans te coeur. C'est de ces hommes que parle le Christ, en disant: « Bienheureux ceux qui sont affamés et altérés de la justice, parce qu'ils seront rassasiés ». (Matth. V, 6.) L'homme qui a la justice dans le coeur est fort comme une cuirasse. Il ne se laissera jamais aller à la colère. « Et chaussant vos pieds pour vous préparer à l'Evangile de paix ». Il y a ici quelque obscurité. Qu'est-ce que cela signifie? Voilà une glorieuse chaussure, qui nous prépare à l'Evangile. Ou il veut dire qu'ils doivent être prêts pour l'Evangile, user de leurs pieds pour cela, lui préparer, lui frayer la voie : ou bien qu'il faut nous préparer à la sortie. Dès lors, la préparation à (565) l'Evangile, n'est pas autre chose qu'une vie irréprochable. Comme dit le prophète: « Votre oreille a entendu la préparation de leur coeur ». (Ps. X, 19.) « A l'Évangile de paix », dit-il. En voici la raison. Il a parlé de guerre et de combats: il montre maintenant que c'est aux démons qu'il faut faire la guerre: car l'Évangile est un Evangile de paix. Cette guerre-là met fin à une autre guerre, la guerre contre Dieu : quand nous combattons le diable, nous sommes en paix avec Dieu. Ne craignez donc rien, mon cher auditeur; voici l'Évangile: la victoire est assurée. « Prenant surtout le bouclier de la « foi ». Par foi il entend ici, non la doctrine, car il ne l'aurait pas mise au second rang, mais la grâce, par laquelle se font les signes. Et c'est à bon droit qu'il nomme la foi un bouclier : car, si un bouclier forme une sorte de rempart autour du corps tout entier, la même chose est vraie de la foi; tout lui cède : « Dans lequel vous puissiez éteindre tous les traits enflammés du malin ». En effet, rien. ne peut briser ce bouclier. Écoutez ce que le Christ dit à ses disciples : « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Passe d'ici là, et elle y passerait ». (Matth. XVII, 19.) Mais comment faire pour avoir la foi? Il faut accomplir ces prescriptions. Par ces mots: Traits du malin, il entend les tentations, les passions déréglées. C'est à propos qu'il ajoute : « Enflammés». Car telles sont les passions. Si la foi a pu commander aux démons, à plus forte raison peut-elle se faire obéir des passions. « Prenez aussi le casque du salut » : entendez : « Pour votre salut ». Il les revêt d'une armure, comme s'il les menait au combat. « Et le glaive de l'Esprit qui est la parole de Dieu ». Ceci doit être entendu soit de l'Esprit, soit du glaive de l'Esprit, glaive au moyen duquel on peut tout fendre, tout couper, et décapiter le dragon.
« Priant en esprit en tout temps, par toute sorte de prières et de supplications, et dans le même esprit, veillant en toute instance et supplication pour tous les saints; et pour moi, afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche, des paroles me soient données pour annoncer avec assurance le mystère de l'Évangile, dont j'exerce la légation dans les chaînes, et qu'ainsi j'ose en parler comme je dois (18-20) ». Si là parole de Dieu peut tout, il en est de même de celui qui a le don de l'Esprit. « Car la parole de Dieu est vivante, efficace, et plus pénétrante que tout glaive à deux tranchants ». (Hébr. IV, 12.) Voyez la sagesse de ce saint. Il les a armés avec le plus grand soin ; maintenant il montre comment ils doivent invoquer le roi , pour qu'il leur tende la main : « Priant en esprit, en tout temps, par toutes sortes de prières et de supplications ». On peut, en effet, marmotter des prières, et ne pas prier en esprit. « Et dans le même esprit veillant ». C'est-à-dire, restant sages : tel doit être l'homme armé, l'homme debout auprès du roi : vigilant, de sang-froid. « En toute instance et supplication pour tous les saints, et pour moi, afin que, lorsque j'ouvrirai la bouche, des paroles me soient données ». Que dis-tu, ô bienheureux Paul? tu as besoin des disciples? Il a bien soin de dire : « Quand j'ouvrirai la bouche ». Il ne méditait donc pas ses paroles : Le Christ l'a dit : « Lorsque l'on vous livrera, ne pensez ni comment ni ce que vous devrez dire; il vous sera donné en effet à l'heure même ce que vous devrez dire ». (Matth. X, 19.) Ainsi Paul faisait tout par foi, tout par grâce. « Pour annoncer avec assurance le mystère de l'Évangile ». En d'autres termes, afin que je plaidé ma cause comme il faut. Tu es dans les fers, et tu as besoin d'autrui? Oui, répond-il. Car Pierre aussi était chargé de chaînes; et néanmoins on priait pour lui sans relâche. « Dont j'exerce la légation dans les chaînes, et qu'ainsi j'ose en parler comme je dois » : c'est-à-dire, afin que je réponde avec assurance, courage, intelligence. « Et pour que vous sachiez les circonstances où je me trouve, et ce que je fais, Tychique, notre frère et fidèle ministre du Seigneur, vous apprendra toutes choses (21) ».
2. Après avoir fait mention de sa captivité, il s'en remet à Tychique du soin d'en dire davantage de sa part. Pour ce qui était des dogmes et de l'exhortation , il s'expliquait dans son épître : mais il laissait au porteur de sa lettre tout ce qui était pur message. Voilà pourquoi il ajoute : « Pour que vous sachiez ce qui nous concerne ». Par là il fait voir et son affection pour eux, et leur affection pour lui. « Lequel j'ai envoyé vers vous exprès pour que vous sachiez ce qui nous concerne, qu'il console vos coeurs (22) ». Ceci est motivé par ce qui précède : « Vous étant revêtus et ceints », ce qui indique une prière continuelle et ininterrompue. Écoutez plutôt le (566) prophète : « Qu'il soit pour lui comme un manteau dont il se revêt, comme une ceinture dont il est ceint perpétuellement ». (Ps. CVIII, 19.) Et le prophète dit de Dieu même qu'il porte une cuirasse de justice, nous avertissant par là que c'est toujours et non pour un moment que nous devons être munis de la sorte : toujours il faut combattre. Et un autre dit ailleurs : « Le juste est confiant comme un lion ». (Prov. XXVIII, 1.) En effet, un homme ainsi cuirassé ne saurait avoir peur d'une armée ; il s'élance au milieu des ennemis. Isaïe dit aussi : « Beaux sont les pieds de ceux qui annoncent la paix ». (Isaïe, LII, 7.) Qui n'accourrait, qui ne s'empresserait de contribuer à cette oeuvre, d'annoncer aux hommes la paix, la paix de Dieu, une paix qui ne coûte aux hommes aucune peine, qui est l'oeuvre de Dieu seul? Ce que c'est maintenant que la préparation de l'Evangile,.Jean va nous l'apprendre : « Préparez la voie du Seigneur, « rendez droits ses chemins ». Mais en disant cela, il a en vue le baptême : or, après le baptême il faut encore une autre préparation c'est à celle-là que l'apôtre songe en disant « Pour vous préparer à l'Evangile de paix »; conseil indirect d'éviter tout ce qui nous rendrait indigne de la paix. Les pieds étant pris souvent comme image de la vie, il répète souvent, pour ce motif, dans ses exhortations « Songez à bien marcher », c'est-à-dire à vous bien conduire.
Sachons donc rendre notre vie digne de l'Evangile, et, durant toute notre existence, rester irréprochables dans notre conduite et nos actions. La paix a été annoncée, frayez la voie à cette bonne nouvelle ; car si vous redevenez ennemis, plus de préparation à la paix. Soyez prêts, ne différez pas le moment de la paix... Restez ce que vous êtes devenus: prêts à la paix et à la foi. La foi est un bouclier, qui arrête au passage les atteintes de l'ennemi, et préserve nos armes. Si donc la foi reste droite et la vie également, les armes demeurent intactes. En bien d'autres endroits, il revient sur ce sujet de la foi, mais principalement dans son épître aux Hébreux; et aussi sur le sujet de l'espérance. Croyez, dit-il, aux biens futurs, et tout cela sera hors d'atteinte. Si dans les dangers, dans les épreuves, vous vous faites un rempart de l'espérance et de la foi, vos armes n'éprouveront aucun choc funeste. « Celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il est, et qu'il récompensera ceux qui le cherchent ». La foi est un bouclier qui abrite ceux qui croient avec simplicité; si au contraire, on y mêle des raisonnements, des discussions, de vaines recherches, ce n'est plus un bouclier, mais un embarras. La foi doit être telle qu'elle nous couvre, qu'elle nous protège entièrement... Qu'elle ne soit donc pas courte de manière à laisser sans défense ou les pieds ou quelque autre partie : le bouclier doit avoir les dimensions du corps. « Enflammés ». Nombreuses sont les pensées qui consument notre âme , nombreux les doutes, nombreuses les hésitations : mais la foi, en réalité, apaise tout cela. Le diable nous décoche bien des traits propres à enflammer notre âme, et à la jeter dans le doute, comme lorsque quelques-uns demandent: Y a-t-il une résurrection? y a-t-il un jugement? y a-t-il une rétribution? Mais si vous avez le bouclier de la foi, vous éteindrez les traits du diable. Une passion déréglée a pénétré en vous, le feu des mauvaises pensées vous consume entièrement? Couvrez-vous de la croyance aux biens futurs; et rien ne paraîtra, tout sera anéanti. «Tous les traits » : non pas une partie seulement. Ecoutez ce que nous dit Paul : «J'estime que les souffrances du temps présent ne sont pas proportionnées à la gloire qui doit être révélée en nous ». (Rom. VIII, 18.)
Voyez-vous combien de traits ont éteints les justes d'autrefois? Ou n'était-ce pas à vos yeux un trait enflammé que la douleur qui consuma le coeur du patriarche au moment d'offrir son fils... Et ce n'est pas le seul juste qui ait éteint tous les traits du diable. Si donc les mauvaises pensées nous font la guerre, couvrons-nous de ce bouclier; armons-nous. en contre les passions déréglées : dans la souffrance et la peine, servons-nous-en comme d'un appui. C'est un rempart pour notre armure toute entière : sans cela, elle serait bientôt percée. « En tout prenant le bouclier de la foi ». Qu'est-ce à dire, « En tout? » c'est-à-dire, en vérité, en justice, en préparation de l'Evangile. En d'autres termes, toutes ces choses en ont besoin. C'est pourquoi il ajoute : « Prenez aussi le casque du salut»; en d'autres termes, par là vous pourrez vivre désormais en sûreté, et échapper à tous les périls. De même que le casque qui enveloppe exactement la tête de tous côtés, la préserve de tout accident : de même la foi tient lieu de (567) bouclier, de casque de salut. Si nous éteignons les traits du diable, bientôt nous recevrons en. nous les pensées salutaires qui préserveront de toute atteinte notre faculté souveraine. Les pensées contraires une fois éteintes, bientôt les pensées salutaires, les pensées d'espérance naîtront en nous, et se fixeront dans notre raison comme un casque sur notre tête.
3. C'est peu : nous recevrons encore le glaive de l'Esprit, en sorte que non-seulement nous serons à l'abri des traits lancés contre nous, mais que nous pourrons encore frapper le diable lui-même. Si l'âme ne désespère point d'elle-même , si elle ne reçoit pas les traits enflammés, elle résistera énergiquement à l'ennemi , elle brisera sa cuirasse avec ce même glaive au moyen duquel Paul la brisa et asservit les pensées de celui qui en était revêtu : On mutilera, on décapitera le dragon. « Qui est la parole de Dieu ». En disant: Parole de Dieu, il entend ses ordres ou ses préceptes. Quand les apôtres faisaient des miracles, ils s'autorisaient toujours du nom de Jésus-Christ. Et nous aussi, en toutes choses, songeons seulement à nous conformer aux ordres de Dieu si nous le faisons, nous tuerons, nous exterminerons par là le dragon, le serpent aux replis tortueux. Veuillez considérer ici la sagesse de Paul. Après avoir dit: « Vous pourrez éteindre les traits enflammés du diable», afin de ne pas enfler d'orgueil ceux à qui il s'adresse, il leur montre qu'ils ont, pour cela, le plus grand besoin du secours de Dieu. Que dit-il, en effet? « Par toute sorte de prières et « de supplications ». C'est comme s'il disait Cela sera, et vous réussirez à tout en priant ; mais ne priez jamais pour vous seul, et ainsi vous aurez Dieu propice. « Par toute sorte de prières et de supplications, et dans le même esprit veillant en toute instance et supplication pour tous les saints ». Ne distinguez point entre les moments de la journée : écoutez ce qu'il vous prescrit : Priez u En tout « temps », ou sans cesse. N'avez-vous pas entendu parler de cette veuve qui triompha à force d'assiduité ? N'avez-vous pas entendu parler de cet ami qui fléchit Dieu par sa persévérance nocturne? N'avez-vous pas entendu parler de cette Syro-Phénicienne qui gagna Dieu par la fréquence de ses visites ? Tous réussirent par l'assiduité. « Priant en esprit en tout temps ». En d'autres termes : Cherchons ce qui est selon Dieu, rien de mondain, rien qui regarde cette vie. Il ne faut donc pas seulement que la prière soit assidue, il faut encore qu'elle soit vigilante : « Et dans le même esprit veillant ». Peut-être veut-il parler des veilles , peut-être de l'état d'une âme vigilante : j'accepte les deux interprétations. Elle veillait, cette Chananéenne, quand, repoussée par le Seigneur qui refusait de lui répondre et la traitait de chienne, elle lui dit : « Il est vrai, Seigneur; mais les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres » (Matth. XV, 20) ; et elle ne s'éloigna pas, avant d'être exaucée. Vous savez comment criait cette veuve, et comment elle persista, jusqu'à ce qu'elle eût fléchi un magistrat sans crainte de Dieu ni de l'opinion des hommes. Vous savez comment persévéra cet ami qui priait jusqu'à une heure avancée de la nuit, jusqu'à ce qu'il eût fléchi son ami par son assiduité et obtenu le réveil désiré. Voilà ce qui s'appelle veiller.
Voulez-vous savoir en quoi consiste la vigilance de l'âme ? Approchez - vous d'Anne , écoutez ses paroles: « Adonaï, Eloï Sabaoth». (I Rois, I, 11.) Ou plutôt écoutez ce qui précéda ses paroles. Tous, est-il écrit, se levèrent de table : mais-elle, alors, ne songea point au sommeil ni au repos. Ainsi, même à table, elle restait légère, elle ne se chargeait point d'aliments : autrement, elle n'aurait pas versé tant de larmes. Si nous, même à jet în, nous avons peine à prier aussi bien, ou plutôt, si nous ne prions jamais de la sorte, à plus forte raison n'aurait-elle pas prié ainsi en sortant de table, si même à table elle n'avait été comme une personne à jeun. Hommes, rougissons à la vue de cette femme; rougissons, nous qui ne pouvons, sans bailler, prier pour obtenir le royaume, en la voyant pleurer tandis qu'elle prie pour avoir un enfant... « Et elle s'arrêta devant le Seigneur », ajoute l'Ecriture : Et que dit-elle? « Adonaï Seigneur, Eloï Sabaoth » ; ce qui se traduit par ces mots Seigneur Dieu des armées. Ses larmes, précédaient ses paroles : c'est là-dessus qu'elle comptait pour fléchir Dieu. Où il y a des larmes, il y a nécessairement affliction : où il y a affliction, il y a sagesse et ferveur. « Si vous exaucez en l'entendant, dit-elle, la prière de votre servante, et que vous me donniez un fils, je le donnerai en offrande au Seigneur pour toujours ». Elle ne dit pas, une année ou deux , comme nous : elle ne dit pas : Si (568) vous me donnez un enfant, je vous ferai une offrande d'argent. Elle dit : Ce don que vous m'aurez fait, je vous le rends tout entier: à vous, ce premier-né; à vous, cet enfant de ma prière. Vraie fille d'Abraham ! Abraham donna ce qui lui avait été demandé : Anne prévient la demande, et donne. Et voyez eu ceci encore paraître sa piété. « Sa voix n'était pas entendue, dit l'Ecriture, et ses lèvres ne remuaient point ». Ainsi s'approche de Dieu celui qui veut être exaucé : on ne le voit point s'abandonner, bailler, s'endormir, se gratter, paraître ennuyé. Est-ce que Dieu ne pouvait pas donner sans cette prière? Est-ce qu'il ne connaissait pas déjà auparavant le désir de cette femme? Mais s'il avait prévenu la sollicitation d'Anne, le zèle de celte-ci n'aurait pas éclaté, sa vertu n'aurait point paru dans tout son jour, elle n'aurait pas été récompensée si magnifiquement. De sorte que ce délai n'est point une marque d'avarice ni de jalousie, mais de sollicitude.
4. Quand donc vous trouverez dans l'Ecriture « Qu'il avait fermé son sein ; et que sa rivale la persécutait »,songez que Dieu voulait par là montrer la sagesse d'Anne. Voyez plutôt, son mari lui était attaché, il lui disait : « Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants ? Et sa rivale la persécutait » ; elle l'injuriait , l'insultait. Et jamais Anne ne répondit aux mauvais procédés de cette femme , jamais elle ne proféra d'imprécation contre elle, jamais elle ne dit : Ma rivale m'outrage, venge-moi. Cette rivale avait des enfants . mais elle avait, elle, pour compensation l'amour de son mari. C'est par là qu'il la consolait, disant: « Ne suis-je pas bon pour toi plus que dix enfants? » Mais considérons encore la sagesse d'Anne. «Et Héli crut qu'elle était ivre ». Voyez maintenant sa réponse : « Ne croyez pas que votre servante soit comme une fille de Bélial ; car il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler jusqu'à cette heure ».Voilà qui marque véritablement un coeur contrit : ne pas s'irriter ou s'offenser des injures, se justifier seulement. Rien n'affermit un coeur dans la sagesse, comme. l'affliction; rien n'est doux comme la douleur selon Dieu. « Il n'y a que l'excès de ma douleur et de mon affliction qui m'ait fait parler jusqu'à cette heure ». Imitons-la, tous tant que nous sommes. Ecoutez , vous toutes qui êtes stériles, vous toutes qui désirez des enfants, écoutez, hommes et femmes. Car souvent les hommes se joignent à ces supplications. Ecoutez ce que dit l'Ecriture : « Et Isaac priait au sujet de Rébecca , sa femme , parce qu'elle était stérile ». (Gen. XXV, 21.) Grand est le pouvoir de la prière.
« En toute instance et supplication pour a tous les saints, et pour moi ». Il se nomme en dernier lieu. Que fais-tu , bienheureux Paul? Tu te places au dernier rang? Oui, dit-il : « Afin que , lorsque j'ouvrirai la bouche, des paroles me soient données pour annoncer avec assurance le mystère de l'Evangile , dont j'exerce la légation dans les chaînes ». Auprès de qui exerces-tu cette légation ? Auprès des hommes. O bonté de Dieu ! Il a envoyé du ciel des ambassadeurs en son nom, au nom de la paix : et les hommes les ont pris et enchaînés , sang même observer cette loi du droit des gens ; que la personne d'un ambassadeur est inviolable: Néanmoins j'exerce ma légation dans les chaînes. La captivité m'empêche de parler librement : mais votre prière m'ouvrira la bouche, afin que je puisse dire avec assurance ce que je dois dire : en d'autres tenues, afin que je dise tout ce que j'ai été chargé de dire. « Et pour que vous sachiez les circonstances où je me trouve , et ce que je fais, Tychique, notre frère, et fidèle ministre du Seigneur, vous apprendra toutes choses ». S'il est fidèle , il ne mentira pas , il ne dira que la vérité. «Lequel j'ai envoyé vers nous exprès pour que vous sachiez ce qui nous concerne, et qu'il console vos coeurs ». Ah ! quel amour ! Il veut dire : afin que ceux qui voudraient vous effrayer ne le puissent pas : les Ephésiens devaient être en effet dans les angoisses : cela résulte de ces mots : « Afin qu'il console vos coeurs »: Afin qu'il vous empêche de tomber dans le découragement. « Paix à nos frères et charité avec la foi, par Dieu le Père et par le Seigneur Jésus-Christ». Il leur souhaite la paix et la charité avec la foi. Sage précaution : car il ne veut pas que leur charité soit sans discernement, qu'ils se mêlent aux infidèles. Voilà ce qu'il veut dire ou bien il s'exprime ainsi pour qu'ils aient foi, pour qu'ils aient bonne espérance au sujet des biens futurs. La paix vis-à-vis de Dieu est en même temps la charité. En effet, s'il y a paix, il y aura charité; s'il y a charité, il y (569) aura paix. « Avec la foi ». La charité n'est bonne à rien, sans la foi : ou plutôt, sans la foi, la charité est impossible. « Et que la grâce a soit avec tous ceux qui aiment Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Ici il distingue et met à part ces deux choses, la paix et la grâce. « Dans l'incorruptibilité. Ainsi soit-il ». Qu'est-ce à dire, « Dans l'incorruptibilité? » Cela signifie ou avec sagesse, ou encore pour les choses incorruptibles : et non pour l'argent et la gloire. « Dans », c'est; par. « Par incorruptibilité » , c'est-à-dire par vertu. Car tout péché est une corruption : et si l'on emploie ce mot en parlant d'une vierge séduite, on peut aussi l'appliquer à l'âme. C'est pour cela que Paul a dit : « Que vos pensées ne soient jamais corrompues », et ailleurs : « L'incorruptibilité dans la doctrine ».
5. Qu'est-ce, en effet, dites-moi , que la corruption du corps? N'est-ce pas une dissolution générale qui en atteint jusqu'à la charpente? La même chose arrive pour l'âme, une fois que le péché s'y est introduit. La beauté de l'âme , c'est la chasteté , la justice ; la santé de l'âme, c'est le courage , la sagesse. La laideur est le partage du débauché, de l'avare , de celui qui fait le mal : le pusillanime , le lâche, sont des infirmes, des malades. On voit donc clairement par là que les péchés engendrent la corruption, puisqu'ils nous rendent laids, infirmes, et ébranlent notre santé. Si nous employons justement le même mot en parlant d'une vierge séduite, ce n'est pas seulement en vue de l'atteinte qu'a reçue sa personne , c'est encore en vue de la faute commise : car il né s'agit que d'une union charnelle : et si ce fait constituait une corruption, il faudrait voir une corruption dans le mariage. Ce n'est donc pas le rapprochement des sexes qui fait la corruption, mais bien le péché : car, en péchant, la tille s'est déshonorée. Considérons encore les choses par un autre côté : Pour une maison, la corruption , la perte, qu'est-ce autre chose que la ruine? En toutes choses la corruption consiste dans le passage à un état pire qui se substitue à l'état précédent et n'en laisse subsister aucune trace. Ecoutez plutôt ce que dit l'Ecriture : « Toute chair a corrompu sa voie » (Gen. VI, 12); et ailleurs: «.Dans une corruption insupportable » ; et encore : « Des hommes d'un esprit corrompu ».. (II Tim. III, 8.) Notre corps est périssable, mais notre âme est immortelle de sa nature. N'allons donc pas la corrompre, elle aussi. La mort du corps est l'effet de l'ancien péché : mais les péchés commis après le baptême ont le pouvoir de gâter l'âme elle-même, et de la mettre à la merci du ver immortel, qui né la toucherait point, si elle n'était tombée en corruption. Le ver ne s'attaque point au diamant : quand bien même il y toucherait, ce serait en pure perte. Gardez-vous donc de corrompre votre âme : car la corruption produit l'infection. Ecoutez plutôt le prophète : « Mes plaies ont été remplies d'infection et de pourriture, à cause de ma folie ». (Ps. XXXVII, 6.) Or une de ces corruptions revêtira l'incorruptibilité, l'autre, non (car l'incorruptibilité ne sera que l'incorruptibilité d'une corruption). Il y a donc une corruption incorruptible , c'est-à-dire sans fin, il y a une mort immortelle; ce qui serait le cas, si le corps demeurait immortel. Si donc, quand nous quittons la terre, nous portons en nous la corruption , cette corruption sera incorruptible et sans fin. En effet, brûler et n'être point consumé , être dévoré éternellement par un ver, c'est une corruption incorruptible. Une chose analogue arriva pour le bienheureux Job : il était en corruption et ne périssait pas : quand il se grattait, il sortait de la poussière avec du pus de son corps, et cela pendant longtemps. C'est un supplice analogue que l'âme endurera alors , assaillie et rongée par les vers, non pendant deux années, ni trois, ni dix, ni cent , ni dix mille , mais durant un temps infini. « Leur ver ne périra point, est-il écrit ». (Marc, IX, 45.)
Craignons, redoutons ces paroles, je vous en conjure, afin de ne pas les voir se réaliser pour notre malheur. C'est une corruption que l'avarice, une corruption pire que toute autre, qui conduit à l'idolâtrie. Fuyons la corruption, visons à l'incorruptibilité. Vous. avez fait tort à un tel? Ce tort est passager, mais l'avarice demeure; la corruption devient un principe d'incorruptibilité; la jouissance passe, mais le péché reste incorruptible. C'est un terrible malheur que de ne pas se purifier complètement dans la vie présente : c'est une grande infortune que de partir pour l'autre vie tout chargé de péchés. « Dans l'enfer, qui vous confessera? » (Ps. VI, 6.) Au jour du jugement, il n'est plus temps de se repentir. Quels (570) gémissements n'a point poussés le mauvais riche? mais ce fut en vain. Que ne disent pas ceux qui n'ont pas nourri Jésus-Christ? Néanmoins ils sont précipités dans le feu éternel. Que ne disent point alors ceux qui ont commis l'iniquité? «Seigneur, n'avons-nous point prophétisé en votre nom? n'avons-nous pas en votre nom chassé les démons? » Néanmoins ils ne sont pas reconnus. Toutes ces choses sont alors inutiles, si l'on n'a point fait ici-bas ce qu'il fallait faire. Craignons donc d'avoir à dire alors : « Seigneur, quand vous avons-nous vu affamé, et ne vous avons-nous pas, nourri,? » Nourrissons-le maintenant, non pas un joui?, ni deux, ni trois; car il est écrit : « Que la miséricorde et la vérité ne vous abandonnent point ». L'Ecriture ne dit pas : Agissez ainsi une fois ou deux . car les vierges aussi: avaient eu de l'huile, mais elles
ne surent pas la conserver. Ainsi donc nous avons besoin de beaucoup d'huile, et il faut que nous soyons comme un olivier fertile dans la maison de Dieu. Que chacun de nous songe aux péchés dont il est chargé, et les compense par des charités, ou plutôt fasse bien plus que les compenser, afin que non-seulement nos péchés soient effacés, mais que de plus nos bonnes couvres nous soient imputées à justification. Car si nos bonnes actions ne sont pas assez nombreuses pour nous décharger, d'une part, de nos fautes, et de l'autre, offrir un excédant qui nous soit compté à justification, personne ne nous préservera du supplice: auquel puissions-nous tous échapper par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, puissance, honneur, au Père et. au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. X
FIN DE LÉPÎTRE AUX ÉPHÉSIENS (1).
1 Les difficultés que Savilius et les récents éditeurs d'Oxford ont rencontrées dans la constitution du texte souvent si difficile et si défiguré de ce commentaire, nous les avons éprouvées, nous aussi, et à plus forte raison, en le traduisant Nous ne nous flattons nullement d'avoir éclairci partout ce que l'état actuel du texte rend incompréhensible en plusieurs endroits, indépendamment de la difficulté de la matière : et nous sommes forcé, en finissant ce pénible travail, de répéter, pour notre compte, l'aveu de Savilius, dont les derniers éditeurs disent dans leur préface (page 3) : Neque tamenposuit, ut ipse fatetur, in libro tam mendoso, quod voluit, praestore. (Sancti Joannis Chrysostomi Interpretatio omnium Epistolarum Paulinarum, tom. IV; Oxonii, apud J. H. Parker). La traduction latine d'Hervet à laquelle nous avons souvent recouru, est d'ailleurs très-éloignée de la perfection : mais la perfection, en pareil cas, c'est l'impossible.
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