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SIXIÈME HOMÉLIE.
1. Appel aux pécheurs. Bornes prescrites à l'intelligence des saintes Ecritures.
2 Dignité des séraphins : qu'elle vient surtout de leur place auprès du trône de Dieu. Caractère particulier de la gloire divin , et de l'admiration qu'elle inspire.
3. Du jeûne. Nécessité d'une bonne préparation avant la communion : exhortation pressante. 4. Bonté de Dieu. Sa conduite à l'égard des pécheurs. Récapitulation.
1. Nous arrivons enfin au terme de notre traversée, nous avons fini l'histoire d'Ozias si le trajet a duré si longtemps, la cause n'en est point la longueur de la route mais la (431) curiosité des passagers. Un pilote qui conduit des voyageurs curieux et désireux de visiter des villes étrangères, n'accomplit pas son voyage en un jour, quand bien même la distance n'exigerait pas davantage ; il est forcé de rester plus longtemps en route, parce qu'il lui faut mouiller à chaque port, et laisser débarquer dans chaque ville ses passagers, afin de contenter leur envie. Nous avons fait comme ce pilote : non que nous vous ayons montré en chemin des îles, des rades, des ports, des villes : mais nous vous avons fait considérer la vertu des justes , la coupable négligence des pécheurs, la témérité d'un roi, le courage d'un prêtre, la colère de Dieu et sa bonté, toutes deux employées à notre amendement. Aujourd'hui, puisque nous sommes parvenus à la résidence royale, coupons court aux délais ; disposons-nous à entrer dans la ville, et montons enfin à la métropole d'en-haut, cette Jérusalem qui est notre mère à tous, cette libre cité où les séraphins, où les chérubins, où des milliers d'archanges, où des myriades d'anges habitent, où s'élève le trône royal. Loin d'ici, donc, les profanes l loin d'ici les impurs ! nous allons pénétrer dans le monde des mystères. Loin d'ici quiconque est souillé et indigne d'entendre un pareil discours ! Mais que dis-je? ah ! bien plutôt, accourez, impurs et profanes, déposez sur ce seuil vos souillures et votre iniquité, et venez vous joindre à nous. Car si le père de l'époux chassa de la chambre nuptiale et de l'appartement sacré celui qui avait des vêtements sordides, ce ne fut point parce qu'il était mal vêtu, mais parce qu'il était entré sans avoir changé de vêtements. Il ne lui dit pas : Pourquoi n'as-tu pas un habit de noce ? Mais bien : « Pourquoi es-tu entré sans avoir un habit de noce ? » Tu étais debout à mendier dans les carrefours : néanmoins je n'ai pas eu honte de ta pauvreté, je n'ai pas été rebuté par ton ignominie : je t'ai tiré de ton abaissement pour t'introduire dans le sanctuaire nuptial, je t'ai fait asseoir à une table royale, je t'ai appelé aux honneurs d'en-haut, toi qui ne méritais que le suprême châtiment : mais ces bienfaits ne t'ont pas rendu meilleur : tu as persévéré dans tes habitudes vicieuses, tu n'as pas craint de faire injure à la fois à la noce et au marié. Va-t'en donc, et reçois le juste châtiment de ton insensibilité. Que chacun de nous prenne garde de s'entendre dire une telle parole : qu'il bannisse toute pensée in digne de l'enseignement spirituel, et qu'il prenne place alors à la table sacrée. « Et il arriva dans l'année où mourut le roi Ozias, que je vis le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » Comment il put le voir, c'est ce que j'ignore: il l'a vu, il le dit comment il a pu le voir, c'est ce qu'il ne dit pas. J'accepte ses paroles, je ne m'inquiète pas, de ce qu'il fait. Je vois ce qu'il me découvre, je ne scrute pas ce qu'il me cache: car c'est dans cette intention même qu'il me l'a caché. Le récit des Ecritures est un voile d'or : la chaîne en est d'or, la trame d'or. Je ne veux point tisser des toiles d'araignée en regard de ce voile céleste. Je connais trop la faiblesse de mon esprit. Il est écrit: « Ne déplace point les bornes éternelles que tes pères ont posées. » (Prov. XXII, 28.) Toucher à une borne est chose périlleuse: et comment déplacer celles que Dieu nous a prescrites ? Vous voulez savoir comment s'y prit Isaïe pour voir Dieu ! devenez vous-même prophète. Et comment le pourrais-je, dira-t-on, quand j'ai une femme, et des enfants à élever. Il ne tient qu'à toi de le pouvoir, mon très-cher frère. Isaïe lui-même était marié et père de deux fils: ce ne fut pas un empêchement pour lui. Le mariage n'est pas un obstacle jeté sur la route du ciel: si c'était un obstacle, si la femme était destinée à nous faire la guerre, Dieu, le jour où il la créa, ne l'aurait pas nommée notre alliée. Je voudrais dire cependant ce que signifie cette expression « assis », appliquée à Dieu. Dieu ne saurait être assis: car c'est là une attitude propre au corps, et la Divinité est incorporelle. 2. Je voudrais dire ce que c'est que le trône de Dieu : car il ne faut pas croire que Dieu soit emprisonné dans un trône: la divinité ne saurait être circonscrite. Mais je craindrais, si je m'étendais sur ces points de doctrine, de différer l'acquittement de ma dette. Je vois que vous avez tous hâte d'entendre parler des séraphins; et ce n'est pas d'aujourd'hui seulement, je m'en étais aperçu dès le premier jour. Aussi ma parole, perçant pour ainsi dire, dans son élan la foule des pensées qui l'assiégent, s'empresse-t-elle d'arriver à l'explication de ce passage : « Et les séraphins étaient debout tout autour de lui. » Les voila, ces séraphins, que vous désiriez voir depuis si longtemps. Contemplez-les donc, contentez votre impatience, (432) mais sans précipitation, sans étourderie: il ne s'agit point ici du passage d'un roi : là, le tumulte est pardonnable: car les satellites n'attendent point que les curieux aient regardé tout à leur aise : avant qu'ils aient bien vu, ils les forcent de passer leur chemin. Ce n'est pas la même chose ici : un récit se laisse considérer, jusqu'à ce qu'on ait examiné tout ce qu'il est possible d'y voir. « Et les séraphins étaient debout tout autour de lui. » Avant de nous faire connaître l'excellence de leur nature , il nous montre la dignité qu'ils tiennent du rang où ils sont placés. Il ne nous dit pas tout d'abord ce que sont les séraphins, mais à quel endroit ils se tiennent. Cette dernière distinction est supérieure à l'autre. Comment cela? C'est que la grandeur de ces puissances paraît moins dans leur nature de séraphins, que dans la place qu'elles occupent auprès du trône royal. C'est ainsi que nous attribuons un grade plus élevé à ceux des satellites qui chevauchent tout près du char royal. De même, parmi les puissances incorporelles, celles-là jouissent d'une gloire particulière, qui sont le plus voisines du trône. Voilà pourquoi le Prophète omettant de faire valoir leur excellence naturelle, nous parle d'abord de la prééminence de leur rang, sachant que c'est là leur principale parure et que de là vient leur beauté. En effet, leur gloire, leur honneur, leur sécurité parfaite consistent justement en ce qu'ils sont rangés autour du trône de Dieu. On peut remarquer la même chose au sujet des anges. Le Christ voulant montrer pareillement leur grandeur, ne se borne pas à dire qu'ils sont anges, ne s'en tient pas là : « Parce que, » dit-il, « leurs anges voient éternellement le visage de mon Père qui est dans a les cieux. » (Matth. XVIII, 10.) De même que la distinction la plus haute attachée à la dignité d'ange, c'est de contempler le visage du Père de même, ce qui distingue particulièrement les séraphins, c'est d'être debout autour du trône, et d'avoir Dieu au milieu d'eux. Eh bien ! ce glorieux privilège, vous aussi, pour peu que vous le vouliez, vous êtes en état de l'obtenir. Ce ne sont pas seulement les séraphins qui voient Dieu au milieu d'eux : c'est nous-mêmes, dès que nous le voulons : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux.» (Matth. XVIII, 20.) Et encore : « Le Seigneur est près de ceux qui sont contrits de coeur, et il sauvera tes humbles d'esprit. » (Ps. XXXIII, 19.) De là aussi ce cri de Paul : « Pensez aux choses du ciel où le Christ sest assis à la droite de Dieu.» (Coloss. III, 2.) Voyez-vous comme il nous range avec les séraphins, en nous rapprochant du trône royal? Isaïe dit ensuite : « Six ailes à l'un, et six ailes à l'autre. » Que nous indiquent ces six ailes? La sublimité, l'élévation, la légèreté, la célérité de ces êtres. Voilà pourquoi Gabriel aussi descend porté sur des ailes; non que des ailes puissent convenir à une puissance incorporelle . mais pour indiquer qu'il descend des suprêmes hauteurs, et qu'il quitte le séjour d'en-haut pour visiter la terre. Mais que signifie maintenant le nombre de ces ailes ? Ici toute interprétation venant de nous serait oiseuse : car le texte s'explique lui-même, en nous faisant connaître l'usage de ces ailes : « Deux leur servaient à se voiler le visage. » Rien de plus naturel : c'était comme un double rempart qui protégeait leur vue contre l'insoutenable éclat qui jaillissait d'une telle gloire. « Deux à voiler leurs pieds, » peut-être par une conséquence de la même. admiration. Nous aussi, quand nous sommes frappés de, surprise, nous avons coutume de voiler notre corps de toutes parts. Et pourquoi parler de notre corps, quand notre âme elle-même, sous l'empire de ce sentiment en présence des spectacles qui dépassent sa portée, replie ses forces, et se réfugie pour ainsi dire, dans les profondeurs de notre être, le corps devenant alors comme un manteau qui l'enveloppe de tous les côtés? Mais n'allez pas, en m'entendant parler d'étonnement, de surprise, vous figurer des angoisses douloureuses : cet étonnement est mélangé d'une irrésistible allégresse. « Deux à voter, » signe qu'ils aspiraient constamment à s'élever, et n'abaissaient jamais leurs regards. « Et l'un criait à l'autre: « Saint, saint, saint ! » Ce cri est encore une marque de leur profonde admiration: ils ne se bornent pas à chanter, ils poussent des cris retentissants: et ce sont, en outre, des cris continus. Les beaux corps, quelle que soit leur beauté, ne nous causent d'abord qu'une muette surprise, au moment où nos yeux les aperçoivent: mais quand nos regards sont restés longtemps fixés sur ce spectacle, alors l'habitude, la connaissance que nos yeux ont dès lors de l'objet, qu'ils considèrent finit par triompher de (433) étonnement. Par la même raison, l'effigie d'un monarque, au moment où elle vient d'être exposée, où elle a encore toute la fraîcheur de son coloris , nous frappe d'une admiration qui cesse après un jour ou cieux. Et pourquoi parler du portrait d'un roi , quand nous éprouvons la même chose à l'égard des rayons du soleil, le plus radieux de tous les corps. Ainsi il n'y a pas de corps pour lequel l'admiration ne se refroidisse par l'habitude : il n'en est pas ainsi pour la gloire de Dieu: tout au contraire. Plus les célestes puissances passent de temps à contempler cette gloire, plus leur admiration augmente et redouble : aussi depuis qu'elles existent jusqu'à ce jour, elles ne se sont pas encore lassées devant cet objet perpétuel de leur contemplation, de manifester leur admiration par des cris: ce que nous éprouvons durant un moment à la vue d'un éclair qui nous éblouit , elles le ressentent continuellement, et ne cessent d'éprouver une stupeur mêlée d'allégresse. En effet, elles ne se bornent pas à ,crier, elles se crient l'une à l'autre, ce qui atteste une extrême admiration. De même, quand la foudre éclate, ou que la terre tremble , non-seulement nous nous levons comme en sursaut, en poussant des cris, mais encore nous parcourons toute notre, maison pour chercher un refuge les uns auprès des autres. C'est ce que font les séraphins : et voilà pourquoi ils se crient l'un à l'autre : « Saint, saint, saint ! » 3. Reconnaissez-vous ce langage? Est-ce le nôtre ou celui des séraphins? C'est le nôtre et c'est celui des séraphins, car le Christ a levé la cloison qui séparait les deux mondes; il a fait régner la paix sur la terre et dans les cieux; il a fait des deux choses une seule. D'abord cet hymne n'était chanté que dans le ciel; mais quand le Seigneur eut daigné descendre sur la terre, il nous a initiés à cette mélodie. Voilà pourquoi ce grand Pontife, quand il se tient debout à cette table sainte pour offrir le culte raisonnable avec la victime non sanglante, ne se contente pas de nous inviter à pousser cette acclamation : il commence par nommer les chérubins, par faire mention des séraphins, puis il nous exhorte à unir nos voix dans ce cri plein d'une sainte horreur : en nous faisant connaître ceux qui chantent avec nous, il élève notre pensée au-dessus de la terre ; on dirait qu'il crie à chacun de nous : tu chantes avec les séraphins, tiens-toi debout avec les séraphins, avec eux déploie les ailes, avec eux voltige autour du trône royal. Faut-il s'étonner de vous voir dans la compagnie des séraphins, quand Dieu vous permet de toucher impunément des choses dont les séraphins n'osent affronter le contact? « Un des séraphins me fut envoyé, » dit notre Prophète, et il avait «un charbon allumé qu'il avait pris avec la pince sur l'autel.» (Isaïe, VI, 6.) Cet autel est l'image et le symbole de celui que vous avez sous les yeux; ce feu représente le feu spirituel. Les séraphins n'avaient osé le saisir qu'au moyen d'une pince, et toi tu ne crains pas d'y porter la main ! Si vous considérez la grandeur des objets, vous comprendrez que les séraphins même n'aient pas été dignes d'y toucher; mais si vous vous représentez la bonté du Seigneur, vous concevrez comment ces objets sublimes peuvent descendre sans honte au niveau de notre bassesse. Homme, songe à cela, réfléchis à la magnificence du présent qui t'est fait; lève-toi, détache-toi de la terre et remonte au ciel. Mais le corps t'entraîne et te tire en bas? Mais ne vois-tu pas le jeûne accourir à ton aide, le jeûne qui allége les ailes de l'âme, allége le fardeau de la chair, eût-il affaire à un corps plus lourd que le plomb. Mais le jeûne attendra que nous trouvions l'occasion d'en parler. Nous avons à nous occuper aujourd'hui des mystères, en vue desquels le jeûne lui-même est institué. Car, ainsi qu'aux jeux d'Olympie, la couronne est au bout des combats; de même, au bout du jeûne est la pure communion, de sorte gîte si nous ne savons pas acquérir ce mérite durant notre vie terrestre, après bien des épreuves inutiles et perdues, nous quitterons la carrière sans palme et sans couronne. Si nos pères ont étendu cette carrière du jeûne, en nous fixant un temps spécial pour la pénitence, c'est afin que nous ne prenions place au festin que purifiés et délivrés de nos souillures. Et c'est pourquoi moi-même aujourd'hui, j'élève la voix pour vous prier, vous conjurer, vous supplier de ne pas approcher de cette table sainte avec une tache, avec une mauvaise conscience , sans cela il n'y aurait pas pour nous de profit, il n'y aurait pas de communion, quand nous porterions mille fois à nos lèvres ce corps sacré; il n'y aurait que condamnation, supplice et surcroît de châtiment. Ainsi donc, loin d'ici tout pécheur mais que dis-je? en disant tout pécheur, (434) je m'exclus tout le premier du divin banquet. Non, mais loin d'ici quiconque persiste dans son péché. Si je vous avertis dès ce jour, c'est afin que dans le temps des festins royaux et de la veillée sainte, personne ne vienne me dire qu'il a omis de se munir et de prendre ses précautions avant de venir ici et qu'il aurait fallu le prévenir plus tôt ; que s'il avait été averti à temps, il se serait complètement converti et purifié avant de venir. Afin qu'on ne puisse pas recourir à ces excuses, je vous conjure et vous supplie dès maintenant de faire une éclatante pénitence. Je :ais que nul d'entre nous n'est à l'abri du reproche, que nul ne saurait se glorifier d'avoir un coeur pur; mais ce qui est effrayant, ce n'est point de n'avoir pas le coeur pur; c'est, ne l'ayant pas, de n'aller point trouver celui qui peut le purifier. Il le peut, s'il le veut, ou plutôt, il tient bien plus que nous encore, à ce que notre coeur soit pur; mais il attend que nous lui fournissions une occasion, quelle qu'elle soit, afin de pouvoir nous couronner avec assurance. Quel plus grand pécheur y eut-il jamais que le publicain? Cependant il n'eut qu'à dire: «Seigneur soyez-moi propice, à moi qui suis un pécheur (Luc, XVIII, 13), » et il descendit du temple mieux justifié que le pharisien. Quelle vertu y avait-il donc dans ces paroles ? Dans les paroles, aucune; la vertu résidait tout entière dans la ferveur avec laquelle elles furent prononcées; ou plutôt elle n'était point seulement dans cette ferveur, mais avant tout dans la bonté de Dieu. 4. Eh ! quel mérite, dites-moi, quel effort, quelle peine y a-t-il pour le pécheur à reconnaître qu'il est. pécheur et à le dire à Dieu? Voyez-vous combien j'avais raison de dire que Dieu nous demande seulement de lui fournir une occasion, et qu'il contribue pour tout le reste à l'oeuvre de notre salut? Faisons donc pénitence, pleurons, lamentons-nous. Un père qui a perdu sa fille passe quelquefois la plus grande partie de son existence dans les larmes et les gémissements: nous, c'est notre âme que nous avons perdue, et nous ne pleurons pas? C'est notre salut qui a fui de nos mains, et nous ne nous frappons pas la poitrine ? Et que dis-je, notre âme, notre salut? Nous avons irrité notre Maître, un maître si doux, si bon, et nous ne nous cachons pas sous la terre? Pourtant ce n'est pas seulement le meilleur des maîtres; sa sollicitude à notre égard surpasse celle du père le plus tendre, de la mère la plus dévouée à ses enfants. « Est-ce qu'une femme oubliera son enfant, au point de n'avoir pas pitié du fruit de ses entrailles? Et quand bien même la femme oublierait, moi, du moins, je ne t'oublierai pas, dit le Seigneur. » (Isaïe, XLIX, 15.) Voilà une déclaration qui peut se passer de preuves: car elle vient de Dieu. Néanmoins voyons les faits, et cherchons-y la démonstration de cette vérité. Quand Rébecca engagea son fils à jouer la scène qui devait détourner sur lui la bénédiction paternelle , après l'avoir bien travesti et revêtu des apparences de son frère , voyant que cela ne suffisait pas pour le rassurer, et voulant dissiper ses dernières alarmes : « Sur « moi retombe ta malédiction, » dit-elle, « mon « enfant. » ( Gen. XXVII, 13.) Le mot est bien d'une mère , d'une mère passionnée pour son enfant. Mais le Christ a fait plus que de dire cette parole, il l'a réalisée: il ne s'est pas borné à une promesse, il a agi. Et Paul nous crie: « Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous. » (Gal. III, 13.) Et voilà celui que nous irriterons, dites-moi? Mais n'est-ce point chose plus redoutable que l'enfer lui-même , que le ver impérissable, que le feu inextinguible? Ainsi donc, au moment de vous approcher de la sainte fable, songez que le Roi de l'univers est là présent: il est là, en effet, scrutant la pensée de chacun ; il voit quel est celui qui vient dans les saintes dispositions requises, celui dont, au contraire, la conscience est chargée de fautes, l'âme impure et souillée, la conduite criminelle. Quand il trouve un homme en pareil état, tout d'abord il le livre au tribunal de sa conscience : ensuite , si ce juge, par le supplice moral qu'il lui inflige,, réussit à le rendre meilleur, Dieu s'approche de nouveau. Que si le coupable demeure incorrigible, il tombe alors entre les mains du Seigneur, comme un ingrat incapable d'amendement. Jugez de l'étendue d'un pareil malheur par ces paroles de Paul: « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant. » ( Hébr. X, 31.) Je sais que mes paroles sont cruelles: mais que faire? Si nous reculions devant l'amertume des remèdes, les blessures resteraient incurables: si nous recourons à ces remèdes amers, vous ne pouvez résister à l'excès de la souffrance. Je me sens gêné de toutes parts. D'ailleurs il faut cesser l'opération: car ce que j'ai dit est suffisant pour la (435) correction des auditeurs attentifs. Mais pour que vous ne soyez pas les seuls à en recueillir le fruit, et que vous puissiez y faire participer d'autres encore, il faut récapituler ce qui précède. Nous vous avons entretenus des séraphins , nous avons montré quel honneur c'est que de se tenir debout auprès du trône royal, et comment les hommes eux-mêmes sont en état d'obtenir cet honneur. Nous avons parlé des ailes, de l'inaccessible puissance de Dieu, de sa condescendance à notre égard : nous avons donné la raison du cri perpétuel, de la perpétuelle admiration des séraphins, et montré comment, dans cette contemplation incessante, la glorification est incessante pareillement; nous vous avons rappelé dans quel choeur nous sommes enrôlés et en quelle compagnie nous célébrons le Maître commun: nous avons parlé ensuite de la pénitence: et en dernier lieu du danger de s'approcher des mystères avec une conscience souillée, de l'impossibilité, pour l'homme incorrigible, d'échapper au châtiment. Ces enseignements, que la terrine les reçoive de son mari, le fils de son père, le serviteur de son maître, le voisin de son voisin, l'ami de son ami: ou plutôt répétons-les à nos ennemis eux-mêmes , puisqu'il n'est pas jusqu'à leur salut dont nous ne soyons responsables. En effet, si nous sommes invités à relever leurs bêtes de somme, quand elles sont tombées, à les garder, à les ramener quand elles sont égarées , à bien plus forte raison devons-nous ramener leur âme quand elle est dans l'erreur, et la relever de ses chutes. Si nous tenons cette conduite tant en ce qui nous regarde qu'en ce qui concerne le prochain, nous pourrons comparaître avec confiance devant le tribunal du Christ, avec qui gloire, honneur, puissance, au Père comme au saint et vivifiant Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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