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HUITIEME DEGRE
De la Douceur, qui triomphe de la colère. |
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1. L'eau qu'on répand peu à peu sur un incendie, finit par l'éteindre entièrement; c'est ainsi que les larmes que nous fait verser une véritable douleur de nos péchés, compriment et font mourir les mouvements de la colère, et calment l'impétuosité du coeur : c'est pour cette raison que nous allons traiter de la douceur et de la bonté de l'âme. 2. La victoire qu'on remporte sur la colère, consiste donc essentiellement dans une soif inextinguible et dans un désir insatiable de mépris et d'humiliations, comme la vanité consiste dans un désir immense d'honneurs et de louanges. La douceur est donc une victoire que nous remportons sur la nature, en souffrant toute sorte d'injures avec une inviolable patience, laquelle couronne enfin nos combats et nos fatigues. 3. C'est elle qui rend notre âme inébranlable et impassible au milieu des mépris et des humiliations, des louanges et des applaudissements. 4. Tenir notre langue en captivité et garder le silence, lorsque notre coeur est violemment agité, voilà les premières armes de cette vertu, et les premiers avantages qu'elle obtient sur la colère : savoir calmer le tumulte intérieur de nos pensées et de nos sentiments dans les moments auxquels nous sommes agités, voilà quelques progrès que nous faisons dans la pratique de la douceur; mais conserver notre âme dans le calme et la tranquillité au milieu des vents les plus impétueux, des tempêtes les plus furieuses, voilà la perfection de la douceur et de la victoire que nous remportons sur la colère. 5. Cette passion se nourrit dans la pensée d'une haine secrète et dans le souvenir des injures qu'on a reçues; elle nous porte à nous venger de ceux qui nous ont offensés. 6. La fureur est une passion instantanée et violente de notre âme. 7. L'aigreur ou l'amertume du coeur est un sentiment, ou plutôt une affection pleine de malice qui demeure dans un coeur et qui le précipite dans l'ennui et dans la tristesse, sans lui donner aucune jouissance. 8. La colère a bientôt corrompu les moeurs douces et tranquilles, et gâté le coeur, en le couvrant d'une horrible difformité. 9. Comme les ténèbres prennent bien vite la fuite, lorsque le soleil répand ses rayons sur la terre : de même l'aigreur et la colère disparaissent promptement, lorsque l'humilité présente et verse ses parfums odoriférants. 10. Néanmoins on rencontre encore des personnes qui, quoiqu'une déplorable expérience leur ait fait sentir combien facilement elles se laissent aller à des mouvements de colère, ne cherchent et n'emploient pas les moyens et les remèdes capables de guérir leur coeur de cette funeste maladie. Les insensées ! Elles oublient cette sentence mémorable : "Le moment de la colère est le moment de la perte et de la ruine d'une âme." (Sir 1,22). 11. Les mouvements de colère ne sont que trop semblables aux mouvements d'une meule de moulin : ils sont capables en un instant de faire perdre à une âme, plus de froment et d'avantages spirituels, que d'autres ne lui en raviraient en un jour entier. 12. Ils ressemblent encore à ces flammes qui, poussées par un vent impétueux, ont bientôt tout réduit en cendres. Veillons donc avec une grande attention sur nous, afin de nous opposer avec vigueur à leurs dévastations terribles et promptes. 13. Je ne vous cacherai pas, mes amis, que souvent les démons, ces implacables ennemis de notre âme, savent adroitement cesser de nous tenter, afin que peu à peu nous nous négligions, que nous envisagions comme léger et petit ce qui est très grave et très criminel, et qu'enfin nous tombions dans des maladies incurables et mortelles. 14. Une pierre qui est aiguë, à force de se heurter contre d'autres pierres, perd ses pointes et s'arrondit; de même une personne d'un tempérament bilieux et colère, si elle vit avec des gens de la même complexion, éprouvera nécessairement un de ces deux effets : ou elle corrigera par la patience son humeur emportée et violente; ou bien, vaincue par les injures qu'elle reçoit, elle se retirera de leur société, et fera voir par cette retraite combien elle a peu de force et de courage. 15. Un homme esclave de la colère est un épileptique spirituel qui, d'abord par sa propre volonté, ensuite par la nécessité de l'habitude, tombe, se froisse et se déchire. 16. Rien n'est plus funeste à ceux qui pleurent leurs péchés que cette passion furieuse : elle trouble leur coeur et les empêche de revenir à Dieu par les sentiments de l'humilité, que leur inspire cependant la vie religieuse qu'ils ont embrassée; car la colère est une preuve évidente qu'on est dominé par l'orgueil. 17. Si c'est la perfection de la douceur d'être calme et tranquille, et de conserver des sentiments d'amour et d'affection pour la personne qui nous a offensés, même en sa présence, n'est-ce pas le comble de la fureur de nous emporter et de manifester notre colère par des paroles et des actions contre celui qui nous a mortifiés et irrités, lorsque nous sommes seuls, et qu'il est loin de nous. 18. Si l'Esprit saint, comme il l'est en effet, est appelé la paix de l'âme, et que la colère, comme elle l'est aussi, soit nommée le trouble de l'âme, ne devons-nous pas conclure nécessairement que c'est surtout la colère qui nous prive de la présence de ce divin Esprit ? 19. Parmi les enfants nombreux et méchants de la colère, il en est un qui, malgré sa méchanceté, nous procure quelque avantage. En effet j'ai vu des personnes qui, s'étant enflammées de fureur, ont par un emportement subit et violent, chassé de leur coeur une aversion quelles y nourrissaient depuis longtemps; car elles ont par là donné lieu à celui qui les avait offensées, ou de leur témoigner le regret qu'il éprouvait de sa conduite passée, ou de leur donner une satisfaction convenable. C'est ainsi que par un mouvement de colère elles se sont délivrées de cette passion. Mais aussi j'en ai vu d'autres qui, par une hypocrisie infernale, faisaient semblant de souffrir avec patience les injures qu'on leur disait, mais qui en gardaient un souvenir exact et parfait. 20. Or je crois ces personnes plus mauvaises que celles qui se laissent aller aux emportements de la colère; car elles ont souillé et terni la blancheur et la simplicité de la colombe par la couleur noire et infecte de la haine. 21. Nous ne saurions trop prendre de précaution contre une si infâme conduite : c'est un serpent dont il faut nous défier sur toute chose; c'est un démon qui, semblable au démon de l'impureté, veut nous perdre, en favorisant les inclinations de la nature corrompue. 22. J'ai encore remarqué que certaines personnes étaient tellement transportées de colère, qu'elles n'en pouvaient rien manger et que cette abstinence, au lieu de calmer leur fureur, ne faisait que de l'augmenter; mais au contraire, j'en ai remarqué d'autres qui, dans leurs accès de colère, en croyant quelles avaient raison, se portaient avec une espèce de rage sur les viandes, et les dévoraient avec une voracité effrayante : c'est ainsi que ces misérables tombaient d'une fosse dans un abîme. Enfin j'en ai vu qui, plus sages et semblables à des médecins expérimentés, savaient garder un juste milieu entre ces deux extrémités, et en retiraient de très grands avantages. 23. Le chant est très propre à procurer à l'âme le calme et la paix; mais il peut aussi fort mal à propos lui donner des plaisirs et de la joie : ceux-là sauront très bien s'en servir, qui consulteront les circonstances et les convenances. 24. Comme un jour j'étais allé voir des anachorètes pour des affaires particulières, je m'arrêtai quelque temps en dehors de leurs cellules, et je les entendis faire grand bruit, et se quereller ensemble comme des perdrix dans leur cage : tant était grande la fureur qui les animait. Enfin elle était telle que, quoique celui qui les avait si fort irrités, fût absent, ils agissaient comme s'il eut été présent, et semblaient lui sauter au visage. Je leur conseillai de quitter leurs cellules et de se retirer tout simplement dans un monastère; car vraiment je craignais que d'hommes qu'ils étaient, ils ne devinssent d'abominables démons. Dans d'autres communautés j'en ai vu d'une espèce toute différente : c'étaient des gens mous et efféminés, sujets à l'intempérance et à la sensualité, trop affectionnés et trop flatteurs vis-à-vis de leurs frères, et prenant les soins les plus minutieux pour la propreté et la beauté de leurs corps. Or à ceux-ci, je leur conseillai de se retirer dans le désert, parce que la solitude est l'ennemi irréconciliable de la luxure et de la sensualité; car je redoutais que d'hommes raisonnables qu'ils étaient, ils ne devinssent semblable aux bêtes privées de raison. Lorsqu'il m'arrivait de trouver des gens qui se plaignaient amèrement de se voir tentés et de colère et de mollesse, je les pressais fortement de ne se conduire jamais eux-mêmes, mais de vivre sous le joug de l'obéissance. C'est pourquoi il m'arrivait souvent de prier charitablement leur supérieur de leur permettre de vivre tantôt dans la solitude, tantôt dans l'intérieur du monastère, de manière néanmoins que, dans l'un ou l'autre de ces deux états, ils fussent toujours sous la dépendance et l'autorité de leur supérieur. 25. S'il est vrai que ceux qui sont portés aux plaisirs des sens et à la mollesse, non seulement se perdent eux-mêmes mais souvent perdent les personne, qui ont le malheur de s'attacher à eux et de les fréquenter il est également vrai que, comme un loup furieux, l'homme colère est capable de mettre le trouble dans toute une communauté et de perdre un grand nombre d'âmes. 26. Je trouve que c'est un crime horrible de troubler l'oeil de son coeur, en se livrant à la fureur, selon cette parole :"La fureur a troublé mes yeux" (Ps 6,8); mais je pense que c'est encore un crime plus affreux de montrer par des paroles amères l'agitation intérieure dans laquelle on se trouve; enfin je crois que le comble de l'infamie est d'en venir aux coups : ce qui est contraire et répugne à la vie angélique, religieuse et presque divine que nous devons tous mener. 27. Mais nous devons ici remarquer que, si vous voulez ôter de l'oeil de votre frère une paille que vous y apercevez, vous devez prendre garde que ce ne soit un désir trompeur; ne vous servez pas, pour cette opération délicate, d'un instrument grossier, mais employez-en un qui y soit propre et convenable, et craignez de la fouler et de l'enfoncer davantage, au lieu de la retirer. Or cet instrument grossier figure et annonce les reproches durs et humiliants qu'on fait aux autres, et les manières brusques et violentes dont on les accompagne; l'instrument délicat est l'image d'une réprimande pleine de bonté, de douceur et de bienveillance. L'Esprit saint nous dit : "Reprenez, corrigez et priez," (1 Tim 4,2); mais il ne nous dit pas : "frappez." Que s'il arrive qu'on soit obligé de le faire, ce doit être très rarement; et il ne le faut même faire que par des mains étrangères. 28. Chez les personnes emportées et colères, si nous y faisons attention, nous verrons une inclination très prononcée pour la pratique du jeûne, des veilles, pour la solitude et le silence. C'est ainsi que le démon, cet ennemi plein d'artifice, sous le spécieux prétexte de faire pénitence et de répandre des larmes, leur fournit la manière et les moyens d'augmenter leur humeur violente et acariâtre. 29. Si un mauvais moine, comme nous l'avons dit plus haut, aidé du démon et semblable à un loup, et capable de mettre le trouble dans toute une maison religieuse; un bon moine, par une raison contraire, choisi parmi les plus prudents et les plus sages, et secouru de son ange, ne pourra-t-il pas répandre l'huile précieuse de la douceur au milieu de ses frères, apaiser les tempêtes excitées par les vents furieux de la colère, et ramener heureusement le vaisseau au port de la tranquillité et du calme ? De sorte que, comme le mauvais moine par sa conduite ne mérite que d'être jugé condamné et puni, le bon moine, qui par sa douceur est devenu l'exemple et le modèle de ses frères, est digne de recevoir une récompense proportionnée à la grandeur et à l'importance des services qu'il a rendus. 30. Le premier degré de la mansuétude consiste à souffrir les outrages et les humiliations, quelque amertume et quelque douleur que l'âme en ressente encore; le second degré consiste à les supporter avec calme et tranquillité, et le troisième, qui est la perfection de la douceur, à recevoir les mépris et les injures avec plus de plaisir que les mondains ne reçoivent les louanges qu'on leur donne. Mais où est-il, cet homme qui est monté à ce degré si parfait ? Qu'il soit content, celui qui est parvenu au premier degré; qu'il persévère avec constance, celui est monté au second; mais qu'il triomphe dans le Seigneur, celui qui heureusement se trouve au troisième. 31. Mais voici une chose vraiment pitoyable : c'est que les personnes irascibles ont coutume, par une inconcevable vanité, de se fâcher et de se mettre en colère, parce qu'elles se sont laissées vaincre par leur mauvaise humeur. En vérité n'est-ce pas pitié de faire une nouvelle chute, en voulant se punir d'en avoir fait une première ? Pour moi en considérant l'excessive malice du démon, j'en suis tout interdit; car en voyant ces personnes, je crus percevoir qu'elles n'étaient pas loin de se laisser aller à un funeste découragement. 32. Si quelqu'un voit qu'il se laisse facilement vaincre par la vanité et la colère, par la méchanceté et l'hypocrisie, et quil soit résolu d'employer contre ces vices l'épée à deux tranchants de la douceur et de la patience, je lui conseille fortement dentrer dans une communauté de frères comme dans un atelier qui lui sera très salutaire; de choisir, s'il veut de tout son coeur se corriger parfaitement, la maison où les règles et la discipline sont le plus austères, afin que, par les humiliations, les mépris et les épreuves les plus dures il soit comme flagellé, déchiré, taillé, écrasé et foulé aux pieds. C'est ainsi qu'il purifiera son âme des fautes qu'il a faites et quil comprendra la vérité d'une parole assez usitée dans le monde; car pour s'en glorifier il n'est pas rare d'entendre dire dans les compagnies, à ceux qui ont accablé quelqu'un d'injures et d'outrages : "Je lui ai lavé la tête à ma façon". 33. Il y a une différence essentielle entre la victoire que de jeunes convertis remportent sur la colère, en se servant des armes d'une humble pénitence, et l'immobile tranquillité d'âme de ceux qui sont parvenus à la perfection de la douceur, car dans les premiers, les larmes, comme une espèce de chaîne, lient et répriment la colère; tandis que dans les derniers, la tranquillité et le calme de leurs coeurs insensibles aux injures, a donné la mort à cette passion, comme une épée la donnerait à un serpent. 34. Trois moines, un jour, sous mes yeux, reçurent le même outrage. L'un, en le recevant se sentit piqué, mais il le souffrit en silence, et étouffa la peine qu'il en éprouvait; l'autre s'en réjouit en lui-même, cependant il en était affligé intérieurement par charité et par bienveillance pour celui qui l'avait maltraité; enfin le troisième s'oublia lui-même entièrement pour ne s'occuper que de son frère, dont il pleurait la faute à chaudes larmes, tant la charité dévorait son coeur. Ainsi l'on voyait dans ces trois moines trois excellentes vertus : la crainte de Dieu, l'espérance, et lamour. 35. Comme dans nos corps, quoique la fièvre soit une même maladie, elle ne laisse pas d'avoir plusieurs causes; de même la colère, ainsi que les autres passions, a plusieurs causes et plusieurs principes. Il est donc impossible de donner ici des instructions, particulières et relatives à chaque cause et à chaque principe. Tout ce que je peux faire, c'est de conseiller à ceux qui se sentiraient affectés de cette passion, de rechercher avec soin les remèdes qui leur conviennent et qui soient capables de les guérir; de bien connaître surtout la cause du mal, afin qu'en la connaissant parfaitement, ils puissent par la Bonté de Dieu, et par la direction de leur médecin spirituel, employer les remèdes dont ils ont besoin. Qu'ils se présentent donc, et qu'ils entrent avec nous dans cette recherche que nous avons proposée aux moines, tous ceux qui, touchés des paroles que nous leur adressons, désirent connaître le véritable état de leur âme; qu'ils examinent sérieusement, et dans le plus profond silence, quels sont les tristes effets et les principes funestes des passions dont nous venons de parler. 36. Il faut lier et enchaîner, comme un tyran cruel, un coeur colère et emporté; mais c'est avec les chaînes d'une douceur et d'une patience constantes; il faut encore le frapper avec les verges de la clémence, et le faire conduire par la charité devant le tribunal de la raison souveraine de Dieu, pour répondre aux questions qu'on pourra lui faire. Dis-nous donc, folle et impudente passion de la colère, dis-nous le nom de ton père, de la mère qui t'a malheureusement donné le jour, et des enfants corrompus qui sont nés de toi ? Dis-nous qui sont ceux qui, par la guerre qu'ils te font, peuvent t'exterminer et te faire disparaître ? À toutes ces questions quelles réponses va nous donner la colère ? Il me semble l'entendre nous répondre : "Plusieurs causes ont concouru à me donner l'existence : je n'ai pas seulement un père, mais j'en ai plusieurs, et le premier qui concourt à me donner l'existence, c'est l'orgueil. J'ai aussi plusieurs mères parmi lesquelles vous devez remarquer la vaine gloire, l'avarice, l'intempérance, la luxure. Mes filles sont la pensée des injures, la haine, les querelles et les inimitiés; et les ennemis qui me tiennent enchaînée, comme vous le voyez, sont les vertus opposées à mes filles; ce sont encore la patience et la modération; mais la vertu qui ne cesse de me tendre des pièges et qui me fait le plus de mal, c'est l'humilité." Vous apprendrez dans le temps de qui cette vertu tire son origine. C'est dans ce huitième degré que se trouve la couronne de la douceur. Celui qui, par la complexion de sa nature, est d'un tempérament doux et tranquille, pourrait peut-être bien ne pas la mériter. Mais il la mérite, cette belle couronne, celui qui, par ses efforts laborieux, a remporté la victoire sur la colère, en passant successivement par les sept premiers degrés. |
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NEUVIEME DEGRE
Du ressentiment. |
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1. C'est avec raison que nous pouvons comparer les vertus aux différents degrés de l'échelle de Jacob, et les vices, à la chaîne qui tomba des pieds et des mains de saint Pierre, prince des apôtres. En effet les vertus étant unies les unes aux autres par des anneaux admirables, font monter jusqu'au ciel ceux qui ont le bonheur de les pratiquer; tandis que les vices, se tenant attachés les uns aux autres par des liens diaboliques, conduisent au malheur éternel ceux qui s'y laissent misérablement aller. C'est pourquoi nous pensons que c'est ici le lieu de traiter du souvenir des injures, puisque nous venons d'entendre de la propre bouche de la colère qu'il est un de ses méchants enfants. |
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DIXIEME DEGRE De la Médisance. |
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1. Il n'est personne parmi ceux qui aiment à réfléchir, qui soit capable de dire que la médisance n'est pas une des filles de la colère et du souvenir des injures, et de ne pas avouer que nous avons raison de dire un mot de ce détestable vice, après avoir parlé des deux premiers.
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ONZIEME DEGRE Du bavardage et du silence |
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1. Nous venons de faire voir en peu de mots combien il est dangereux et funeste pour ceux mêmes qui vivent dans la religion, de juger les autres, puisqu'ils s'exposent eux-mêmes à être jugés sévèrement et punis rigoureusement. Il nous reste à présent à rechercher quelle est la cause de ce défaut, et quelle est la porte par laquelle il entre misérablement dans une âme, on plutôt par quelle porte on doit l'en faire sortir. 2. Or nous disons sans balancer que la démangeaison de parler est comme un trône sur lequel la vaine gloire s'assied pour se faire voir avec pompe et ostentation, et se donner en spectacle. Cette intempérance de paroles est une preuve non équivoque d'une grande ignorance; elle est vraiment la porte de la médisance, la maîtresse des amusements folâtres, l'instrument du mensonge, la dissipatrice de la componction, l'inventrice et l'ouvrière de la paresse et de l'insouciance, l'avant-coureur du sommeil, l'ennemie de la méditation, la ruine de la vigilance; c'est elle qui glace et gèle la dévotion et la ferveur du coeur, qui fait languir et éteint la piété et l'ardeur dans les saints exercices de la prière. 3. Le silence, au contraire, est sage et prudent; il donne l'esprit d'oraison, délivre l'âme de la captivité, conserve le feu de l'amour divin, veille sur les pensées de l'esprit, observe attentivement le mouvements des ennemis du salut, soutient et nourrit la ferveur de la pénitence, se plaît dans les larmes, rappelle sans cesse l'image de la mort et le souvenir des supplices éternels, fait considérer les Jugements de Dieu avec une crainte salutaire, est très favorable à la sainte tristesse du coeur, combat l'esprit de présomption, favorise la tranquillité de l'âme, augmente la science du salut, nous forme à la contemplation des vérités surnaturelles, nous perfectionne dans les bonnes oeuvres et nous fait monter jusqu'à Dieu. 4. Celui qui connaît et sent bien ses fautes, n'a pas de peine à retenir sa langue; mais il est bien loin de se connaître, celui qui se plaît tant à parler. 5. Quiconque aime le silence, devient un des amis particuliers de Dieu, et, tandis qu'intérieurement il lui parle dans les sentiments que lui inspire une sainte familiarité, il en reçoit sa lumière. 6. N'est-ce pas le silence que garda Jésus devant Pilate, lequel inspira à ce prince un grand respect pour ce Dieu Sauveur ? Le silence préserve de la vaine gloire. 7. Pierre, pour ne l'avoir pas gardé avec prudence, eut à pleurer bien amèrement; il avait oublié ces paroles de David : J'ai dit en moi-même : J'observerai soigneusement toutes mes paroles, afin que je ne pèche pas par ma langue (Ps 38,2), et cette sentence de l'Esprit saint : "Il est moins dangereux et moins funeste de glisser et de tomber, que de faire un mauvais usage de sa langue". (Sir 20,18). 8. Mais je crois devoir cesser de vous entretenir sur cette matière, quoique la malignité artificieuse de la démangeaison de parler, et les vices qu'elle produit, semblent m'inviter à le faire encore. Je me contenterai donc de vous répéter ce que me dit un jour une personne bien respectable. Parlant donc avec cette personne du silence, elle m'assura que la loquacité venait d'une de ces causes : premièrement, de la mauvaise habitude qu'on a contractée de parler trop librement et trop facilement; car, ajoutait-elle, la langue, semblable aux autres membres du corps, fait avec une violente inclination ce qu'elle aime, et ce qu'elle a appris par un grand usage; secondement, de la vaine gloire, surtout dans les personnes qui ne font que de commencer à s'exercer dans la pratique des vertus; troisièmement, de la gourmandise : car plus d'une fois il est arrivé que des personnes, en châtiant ce défaut, et en s'encourageant par les violences qu'elles s'étaient faites, par les privations qu'elles s'étaient imposées, et par la faiblesse à laquelle elles avaient réduit leurs corps, se sont heureusement délivrées de la démangeaison de parler, et ont exactement fermé la porte à l'intempérance des paroles. 9. Mais à tout cela nous pouvons ajouter qu'il n'a point de peine à se corriger de ce mauvais défaut, celui qui pense sérieusement à sa dernière heure; que celui qui pleure ses fautes avec sincérité, craint les conversations frivoles plus que le feu. 10. Celui qui se plaît réellement dans la quiétude, aime le silence : mais que ceux qui aiment à courir çà et là, hors de leurs cellules ou de leurs maisons, ne se conduisent guère de la sorte que parce qu'ils sont possédés de l'envie et de la passion de parler. 11. Nous ferons attention que les personnes dans le coeur desquelles la charité a répandu ses divins parfums, fuient la compagnie et la société avec plus d'horreur que les abeilles n'évitent la fumée; et que la fumée n'incommode et ne fait pas plus souffrir les mouches à miel, que la compagnie ne fatigue et ne fait souffrir ces véritables serviteurs de Dieu. 12. Il est bien difficile d'arrêter le cours d'une rivière, sans faire des cataractes; mais il est encore bien plus difficile d'arrêter et de dompter l'intempérance de la langue et le cours des paroles. Il a donc, d'un seul coup, coupé la racine à un grand nombre de vices, celui qui est heureusement monté sur ce onzième degré. |
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DOUZIEME DEGRE Du mensonge. |
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1. Le feu naît de la pierre et du fer. le mensonge naît du bavardage et de la plaisanterie.
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