CHAPITRE XXXI

VENUE DE L'ESPRlT-SAlNT. CE QUI ARRIVE A LA SAINTE VIERGE.


Il est impossible de s'imaginer l'amoureuse sollicitude de la sainte Vierge et son ardente charité, pour affermir la faiblesse de cette pieuse mais encore imparfaite assemblée. Les apôtres mêmes doutaient de la venue de l'Esprit-Saint; comme mère de la piété, elle venait à leur secours et dissipait leurs doutes, lorsque faibles et chancelants, ils disaient, que l'Esprit-Saint promis ne venait pas. Elle les rassurait avec une grande charité, en leur disant: tout ce que mon divin fils a dit s'est entièrement accompli, il a dit en particulier qu'il devait souffrir et ressusciter, et tout cela s'est vérifié. Si donc il a dit qu'il enverra l'esprit consolateur, sans aucun doute il viendra pour nous consoler et nous sanctifier. En entendant ces paroles ils furent tous si unanimes à l'avenir et si unis, qu'on ne vît plus la plus légère discorde dans cette dévote assemblée, de sorte qu'ils n'étaient plus qu'un coeur et qu'une âme, et n'avaient qu'un même sentiment et une même volonté; et s'il n'y eut aucune division, ni aucune dispute dans l'élection de saint Mathias, ce fut l'effet des ferventes exhortations de la divine mère. Aussi cette union de charité dans le cénacle causait à l'enfer un nouveau tourment.

La reine des anges et mère de la grâce connaissait déjà le temps et l'heure déterminée à laquelle l'Esprit-Saint devait venir, les jours de la pentecôte, qui étaient de cinquante jours après la résurrection du rédempteur, étant accomplis. La grande Reine vit l'humanité de la personne du Verbe, qui représentait au Père éternel la promesse qu'il avait faite d'envoyer au monde, par une communication particulière, l'esprit consolateur, il lui présentait ses mérites et ses plaies comme avocat et médiateur, et aussi parce que sa mère bien-aimée vivait dans le monde qui le désirait ardemment. La grande reine accompagnait cette demande de son divin fils, tantôt les bras étendus en croix, tantôt la face contre terre, et elle connut que les divines personnes voulaient consoler avec bonté l'Eglise naissante. Elle avertit alors les apôtres et les autres disciples, les exhortant à prier avec ferveur et à demander que l'Esprit-Saint descendît, parce qu'il devait bientôt venir. Tandis qu'ils priaient tous avec la grande Reine avec une grande ferveur, à l'heure de tierce, on entendit dans les airs un grand bruit de tonnerre épouvantable, et un vent impétueux ou un souffle violent accompagné d'une grande splendeur semblable à un éclair, et un feu qui parut investir tout le cénacle et le remplit de lumière, ce feu divin se répandit sur cette sainte assemblée et sur la tête de chacun, en forme de langue de ce même feu dans lequel l'Esprit-Saint venait, ils furent tous remplis de divines influences et de dons sublimes, en même temps il produisit dans le cénacle et dans Jérusalem divers effets. Ces effets dans la très-sainte Vierge furent divers et admirables, elle fut élevée et transformée en ce même Dieu consolateur et pendant quelques temps, elle jouit de la vision béatifique de la divinité, de sorte qu'elle seule reçut plus de dons et d'effets ineffables que tout le reste de l'Église, et sa gloire en ce moment surpassa celle de tous les anges et de tous les saints ensemble. Elle seule rendit plus d'actions de grâces, de louanges, d'honneur et de gloire au Très-Haut, pour avoir envoyé son divin Esprit que toute l'Église ensemble. Aussi le Seigneur se complais dans les vives et ferventes actions de grâces de la pure colombe la divine Vierge, résolut de l'envoyer d'autres pour le gouvernement de son Église. En même temps tous dons, les faveurs et les grâces de l'Esprit-Saint furent renouvelées à sa bienheureuse épouse avec de nouveaux effets et opérations divines.

Les apôtres furent aussi remplis de l'Esprit-Saint avec accroissements admirables de la grâce justifiante, et ils fur seuls confirmés en grâce pour ne plus la perdre. Ils reçurent les habitudes infuses des sept dons, savoir : de sagesse, d'intelligence, de science, de piété, de conseil, de force et de crainte-de-Dieu. Par ce bienfait ils furent renouvelés et fortifiés pour être de dignes ministres de la loi nouvelle et fondateurs de l'Église, car cette nouvelle grâce et cette multiplicité de dons leur communiquèrent une vertu divine, les poussait avec une force douce et efficace à tout ce qui est le plus héroïque dans toutes les saintes vertus et au plus sublime de la sainteté. Il opéra aussi dans tous les disciples et fidèles, suivant la disposition de chacun. Saint Pierre et saint Jean furent enrichis en particulier de dons sublimes, l'un comme chef de l'Église, l'autre comme fils de la grande souveraine de l'univers. Cette divine et belle lumière qui remplit le cénacle se répandit au-dehors, de sorte que tous ceux qui avaient eu quelques bons sentiments pour le rédempteur au moins par des actes de compassion, furent éclairés intérieurement par une nouvelle lumière qui les disposa à recevoir la doctrine des apôtres.

Les effets contraires du Saint-Esprit pour les habitants de Jérusalem ne furent pas moins merveilleux quoique plus cachés. Des tonnerres épouvantables et des éclairs effrayants portèrent le trouble chez les ennemis du Seigneur, qui furent saisis de crainte en châtiment de leur incrédulité. Bien plus, ceux qui prirent part et participèrent de quelque manière à la mort du rédempteur avec une cruauté ou une rage plus particulière tombèrent le visage contre terre, et restèrent presque morts pendant trois heures. Les autres qui le flagellèrent, moururent tout-à-coup suffoqués par leur propre sang qui s'extravasa dans la chute. Le barbare et ingrat Malchus qui donna le cruel soufflet au Seigneur, non-seulement mourut tout-à-coup, mais il fut emporté par les démons en corps et en âme; le reste des Juifs, fut châtié par de vives douleurs et d'abominables maladies. Le châtiment s'étendit jusqu'à l'enfer, car les démons et les damnés ressentirent une plus grande oppression de peines et de tourments particuliers, qui dura trois jours entiers, Lucifer et ses démons, poussaient des hurlements et jetaient des cris épouvantables de douleur et d'épouvante. Oh ! Esprit-Saint, adorable et tout-puissant; la sainte Église vous appelle le doigt de Dieu, parce que vous procédez du Père et du Fils, comme le doigt du corps et du bras. Vous êtes Dieu comme le Père et le Fils, infini, éternel, immense, ah! triomphez de la méchanceté des hommes, et par les mérites de Jésus-Christ et de sa divine mère communiquez-nous vos dons. Ainsi-soit-il.