CHAPITRE XXXVII

LA SAINTE VIERGE ENVOIE LE SYMBOLE AUX DISCIPLES. LES APÔTRES SE PARTAGENT LES PROVINCES DU MONDE. CONVERSION DE SAUL. AUTRES MIRACLES DE LA GRANDE REINE.


Aussitôt que le divin symbole des apôtres fut formé, la sainte Vierge en fit de ses propres mains et par celles des anges un grand nombre de copies, et elle les envoya par le ministère des anges, aux disciples dispersés dans le pays de Samarie et de Galilée, et en peu de temps il se répandit partout. Une année s'étant déjà écoulée depuis la mort du rédempteur, les apôtres pensèrent à faire le partage des provinces pour éclairer le monde entier de la lumière évangélique. Par le conseil de la divine Reine il fut réglé qu'on resterait à cet effet dix jours dans le jeûne et la prière, ils avaient pris cette coutume pour les affaires plus importantes, des jours qui précédèrent la venue de l'Esprit-Saint; saint Pierre à la fin célébra la sainte messe, et communia la divine mère et les apôtres, ils demeurèrent ensuite en prière avec leur reine et maîtresse en invoquant l'Esprit-Saint. Saint Pierre les rempli tous de ferveur en leur rappelant ce que leur avait ordonné le divin maître, après le discours on vit une splendeur admirable et on entendit une voix qui dit : Pierre mon vicaire, assignez à chacun les provinces, et chacun verra là son sort; je l'assisterai de mon esprit et de ma lumière. Alors saint Pierre dit : moi, Seigneur, je m'offre à souffrir et mourir pour suivre mon rédempteur et mon maître en prêchant son saint nom, maintenant à Jérusalem, ensuite dans le Pont, la Galatie, la Bythinie, la Cappadoce et dans les provinces de l'Asie; je ferai mon premier siége à Antioche, enduite à Rome où sera établie la chaire du Christ, afin qu'en ce lieu réside le chef de l'Église.

Le serviteur du Christ, notre cher frère André, le suivra en prêchant la sainte foi dans les provinces de la Scythie d'Europe, d'Epire, de Thrace et dans la cité de Patras, en Achaïe, il gouvernera cette province et le reste dans ce qui lui sera possible.

Le serviteur du Christ, Jacques le majeur, le suivra dans prédication de la foi dans la Judée, la Samarie et en Espagne, d'où il reviendra à .Jérusalem.

Notre cher frère Jean, obéira à la volonté de notre Sauveur et maître qu'il lui a manifestée sur la croix; il remplira ses devoirs de fils envers notre mère et reine, il la servira et l'assistera avec un respect et une fidélité de fils et lui administrera le divin sacrement de l'Eucharistie , il prendra encore soin des fidèles de Jérusalem, et lorsque la bienheureuse mère sera appelée au ciel, il suivra son maître en prêchant dans l'Asie-Mineure, et il prendra soin de ces églises jusqu'à ce qu'étant persécuté il sera relégué dans l'île de Pathmos.

Le serviteur du Christ, et notre cher frère Thomas, le suivra en prêchant dans l'Inde et la Perse, chez les Parthes, les Mèdes, les Ircaniens, les Bactriens, il baptisera les trois rois mages et les instruira de toutes choses, car ils l'attendront et le chercheront eux-mêmes.

Le serviteur du Christ et notre cher frère Jacques le suivra comme pasteur et évêque de Jérusalem, où il prêchera aux Juifs, et il s'unira à saint Jean pour l'assistance et le service de la divine mère.

Le serviteur du Christ, et notre cher frère Philippe, le suivra dans les provinces de Phrygie et de la Scythe d'Asie et dans la ville d'Hiéropolis en Phrygie.

Le serviteur du Christ, et notre cher frère Barthélemy, le suivra dans la Lycaonie, une partie de la Cappadoce et dans l'Asie, ensuite il viendra dans l'inde et enfin dans l'Asie- Mineure.

Le serviteur du Christ, et notre cher frère Matthieu, instruira premièrement les Hébreux, il viendra ensuite en Egypte et en Ethiopie.

Notre frère Simon ira dans la Babylonie, la Perse et l'Egypte.

Nos frères Judes et Thaddée en Mésopotamie et ils joindront avec Simon, pour prêcher dans la Babylonie et dans la Perse.

Notre frère Matthias, ira dans l'Ethiopie, dans l'Arabie et il reviendra enfin en Palestine. Que l'Esprit du Très-Haut nous dirige, nous gouverne et nous assiste tous.

Lorsque saint Pierre eut fini de parler, on entendit un grand bruit et le cénacle fut rempli de splendeur, et du milieu de cette lumière il sortit une voix qui dit : Que chacun. reçoive le sort qui lui est échu. Ils se prosternèrent tous à terre et ils dirent : Seigneur souverain, nous obéirons avec une grande promptitude et une vive allégresse de coeur à votre parole et à celle de votre vicaire, notre esprit se réjouit rempli de vôtre suavité. Le Très-Haut leur donna un nouveau don de force et ils furent tous embrasés comme des Séraphins. La reine des anges était présente à tout, et elle connaissait ce que le pouvoir divin opérait dans les apôtres et en elle-même, qui participa à ces divines effusions plus que tous les autres ensembles. Elle eut la science qui lui était convenable comme souveraine, maîtresse, mère,. directrice et reine de l'Église à l'égard de toutes les créatures. En même temps, elle demanda au Très-Haut la persévérance et le courage pour les apôtres, afin qu'ils prêchassent, dans le monde entier, elle reçut l'assurance de leur particulière assistance, ce qui la remplit de joie. Elle se mit à genoux et leur souhaita à tous un grand succès au nom de son divin fils, ensuite, elle leur baisa la main et leur promit ses prières et d'être toujours attentive à les servir, enfin elle demanda à chacun selon sa coutume avec humilité sa bénédiction.

Ils firent ensemble tous leurs efforts avant de partir, pour amollir le coeur des Juifs perfides qu'ils voulaient appeler les premiers à la foi, ils Visitèrent les saints lieux de Jérusalem qu'ils vénérèrent avec beaucoup de tendresse et de piété, et. ils baisèrent cette terre sanctifiée par le divin rédempteur. Mais la maternelle sollicitude de la grande reine fut extraordinairement admirable. Elle avait préparé avec le ministère des anges pour chacun des douze apôtres une longue tunique, tissue en laine, semblable pour la couleur et la forme à celle de Jésus-Christ, afin qu'ils fussent tous habillés avec uniformité. Elle fit aussi avec une grande habileté douze croix, qu'elle mit sur leurs bâtons de pèlerin, suivant la grandeur de chacun, afin qu'ils la portassent avec eux en témoignage ‘de ce qu'ils prêchaient. Elle remit à chacun de ceux qui partaient, l'habit, le bourdon et de plus un petit reliquaire de métal, où elle mit pour chacun trois épines de la couronne de son très-saint fils, et quelques morceaux des langes dont notre Seigneur avait été enveloppé lorsqu'il était enfant, et des linges qui avaient été imbibés du précieux sang dans la circoncision et dans la passion. Les apôtres reçurent tous ces dons avec vénération et en versant des larmes, ils rendirent grâces à la grande reine, et prosternés à terre ils vénérèrent les saintes reliques, enfin ils s'embrassèrent l'un et l'autre, et le premier qui partit fut Saint Jacques, le majeur.

En ce temps-là arriva la conversion de Saul à laquelle la mère des miséricordes contribua; Saul avait un coeur noble, magnanime et courageux, Lucifer considérant son naturel l'environna de ses terribles suggestions, pour en faire l'instrument de sa fureur. Il se faisait gloire d'être savant dans la loi de Moyse et zélé pour les traditions des rabbins, c'est pourquoi il croyait qu'il était indigne d'abolir cette loi révélée par Dieu, pour une autre loi d'un homme crucifié. Il alla chez les princes des prêtres et en obtint un ample pouvoir, pour persécuter jusqu'à la mort les partisans de cette nouvelle et odieuse secte, et Lucifer non-seulement lui suggéra de faire périr les apôtres, mais encore la mère du Nazaréen, l'orgueil du cruel dragon en était venu à cette folie. Mais Saul eut horreur de la suggestion, parce qu'il jugeait qu'il était indigne de traiter avec cruauté une femme noble et généreuse, car il l'avait vue assister avec un amour intrépide à la passion de son fils, et dès ce moment il lui conservait je ne sais quelle estime et affection, et lui portait de la compassion pour ses peines. Saul s'avançait vers Damas avec une nombreuse suite de jeunes gens ses compagnons, et d'autres, personnes à ses propres frais, niais surtout accompagné de Lucifer et, d'un nombre infini de démons. La grande reine le considéra en vision, elle vit les pièges de Lucifer et connut que Saul devait être une colonne de l'église, alors elle se prosterna la face contre terre, et pria le Seigneur, offrant de souffrir et de mourir pour son église et la conversion de Saul: vous avez, Seigneur, répétait l'humble grande reine, vous avez établi cette esclave pour mère de l'église et avocate des pécheurs, sans que je l'ai jamais mérité, exaucez mes humbles prières , secourez vos enfants, les eaux des péchés de Saul n'ont pas éteint votre charité infinie. En même temps la grande reine vit que son divin fils touché de ses prières, apparut à Saul avec une gloire immense, et Saul entouré au-dedans et au-dehors de la lumière céleste, tomba de cheval à ces paroles du Christ: Saul, Saul, pourquoi me persécutez-vous. Il répondit tout épouvanté: Qui êtes-vous Seigneur? le Seigneur répartit : Je suis Jésus que vous persécutez , et ce qui suit dans les actes des apôtres. De persécuteur, il devint un vase d'élection et l'apôtre de Jésus-Christ.

La grande reine vit tout cela et en rendit grâces au Très- Haut, elle fut la première à faire la fête de cette admirable conversion, et elle invita les saints anges à glorifier le Seigneur par des cantiques de louanges. Cependant Saul éclairé et baptisé par Ananie, entendait les disciples parler de la bonté et de l'excellence de la mère de Dieu; il était plein de confusion en reconnaissant qu'il avait été persécuteur de son église , et il craignait de ne pas être agréable à la grande reine; en même temps qu'il avait été éclairé par la divine lumière, il connut qu'elle avait été la médiatrice de sa conversion, malgré cela l'indignité de sa vie passée l'humiliait et le retenait, il se jugeait indigne d'avoir une place dans son coeur si pur et si ardent. Toutes .ces craintes furent connues de la divine mère, et sachant que de longtemps Paul ne pourrait venir en sa présence, touchée d'une affection maternelle elle ne voulut pas souffrir un si long retard, elle envoya donc un de ses anges au nouvel apôtre, à Damas, pour l'assurer de son affection et de son intercession, et afin qu'il le bénit en son nom. Paul ayant reçu cette Visite sentit dilater son coeur, et rempli de grâce et de joie, il supplia l'ange avec humilité de remercier en son nom la divine mère, véritable mère de la piété et sa médiatrice. L'ambassadeur céleste à son retour raconta tout à la grande reine qui en éprouva une grande consolation, et rendit de nouvelles actions de grâces au Très-Haut. Il est impossible d'exprimer et de comprendre qu'elle fut l'indicible rage de Lucifer en tombant dans l'enfer avec les siens, frappés de la divine lumière de Jésus-Christ , semblables à des serpents entrelacés qui tombent à terre.

Les monstres infernaux furent précipités dans l'enfer, mais le Très-Haut le permettant pour sa plus grande gloire et le plus grand mérite de son Eglise, ces princes des ténèbres se

relevèrent et se réunirent en conseil, ils ne savaient pas que la grande reine de l'univers voyait tout et découvrait tous leurs desseins; ils résolurent de se venger de Dieu et de la Vierge mère en détruisant l'Église. Oh! superbes pleins d'aveuglement, l'enfer ne peut riens pas même faire périr une fourmi sans la permission de Dieu, combien moins nuire à un chrétien. La divine mère pria son divin Fils de s'opposer à la haine insensée de Lucifer, et élevée en une extase divine, elle vit que l'aimable Rédempteur priait à la droite du Père, afin qu'il accordât tout ce que sa mère demandait; elle vit aussi que le Père éternel recevait avec complaisance les prières de la sainte Vierge, et que la regardant avec une grande bonté il lui disait: Marie, ma fille, montez plus haut. Au même instant il descendit du ciel une multitude innombrable d'anges, qui l'élevèrent de terre où elle se tenait prosternée le visage baigné de larmes, et ils la conduisirent en corps et en âme devant le trône de la très-haute Trinité, qui lui fut manifestée par une vision très-sublime. Toute abaissée dans la plus profonde humilité de son coeur, elle se sentit et se vit placée sur le trône de la Divinité à la droite de son Fils, à la grande joie de tous les saints et de tous les esprits bienheureux qui chantaient tous des cantiques de louange. On lui demanda ce qu'elle désirait, et elle répondit, rien autre chose que l'exaltation du saint nom de Dieu et l'assistance des fidèles dans les persécutions que préparait Lucifer. La très-sainte Trinité lui promit d'assister l'Eglise, et à l'égard de Lucifer le soin de le combattre et d'en triompher lui fut confié. Après avoir reçu la bénédiction divine elle fut rapportée par les anges dans son oratoire, là prosternée la face contre terre, elle s'abaissa au-dessous de la poussière avec une humilité incroyable et répandit beaucoup de larmes, elle rendit grâces au Très-Haut pour cette nouvelle faveur. Elle s'entretient ensuite avec ses anges du gouvernement de l'Eglise, et elle en. envoya aux apôtres et aux disciples et principalement à saint Paul, pour les prévenir des embûches infernales afin, qu'ils s'assurassent de la grâce et du triomphe contre l'enfer. Elle appela saint Pierre, saint Jean et tous les disciples qui étaient à Jérusalem, et les prévint de ce qui devait leur arriver, et elle leur confirma la nouvelle de la conversion de Paul.

Saint Jacques le majeur était dans ce temps là en Espagne, et il avait établi douze disciples à Grenade qui prêchaient le saint nom de Jésus; les juifs qui étaient là, excités par l'enfer, entrèrent en fureur, ils prirent leurs précautions pour les. arrêter tous, et les amenèrent enchaînés hors de la ville pour les massacrer. Là ils leur lièrent les pieds, et déjà ils avaient tiré leurs épées pour les tuer. Le saint apôtre ne cessait d'invoquer le nom tout-puissant de Jésus son maître et de Marie la divine mère; il s'écria à haute voix: Très-sainte Vierge, secourez-moi à cette heure, souvenez-vous de moi et de mes enfants, pure Marie venez à mon aide: O Marie, ô Marie toujours pure. Saint Jacques répéta plusieurs fois ces dernières paroles qui pénétrèrent le coeur tendre et aimant de la miséricordieuse Mère qui voyait et entendait tout en vision, elle leva les yeux au ciel, car elle voulait secourir son bien-aimé cousin saint Jacques, mais ne se réglant que par sa prudence héroïque elle ne voulait pas opérer en Reine. Elle se jeta le visage contre terre et demanda avec larmes le secours à son divin Fils, et aussitôt voilà les mille anges de sa garde qui lui apparaissant en forme humaine, lui font connaître l'ordre du Très-Haut, ils forment sans retard un trône d'une nuée éclatante, et la plaçant dessus, ils la transportent dans le lieu ou saint Jacques était sur le point d'être tué avec ses disciples. Elle se montra seulement à l'apôtre, et avec un visage joyeux et plein de tendresse, elle lui dit, Jacques mon fils, apôtre de mon Jésus, ayez bon courage, et soyez délivré de vos chaînes. Au même instant les juifs tombèrent à terre presque morts, et les démons qui les assistaient furent précipités dans l'enfer, saint Jacques avec ses disciples furent libres; après avoir reçu la précieuse bénédiction de la miséricordieuse et divine mère, ils purent aller ailleurs et fuir la persécution des juifs qui voulaient les faire mourir. La grande reine laissa à saint Jacques cent anges de sa garde, pour assister et guider le saint apôtre dans l'Espagne, pour le défendre et l'aider dans la propagation, de l'évangile.