1855

Comment Don Bosco fit faire une promenade

aux jeunes détenus de la prison de Turin

 

 

Les soins constants que réclamait l'Oratoire ne faisaient pas oublier à Don Bosco d'autres œuvres de charité, notamment la visite des prisons.

Il aimait à s'occuper tout spécialement des malheureux jeunes gens et enfants qui y étaient détenus en grand nombre, et les résultats qu'il obtint devinrent, plus d'une fois, une grande consolation pour son cœur de prêtre.

Ainsi, après une certaine retraite qu'il prêcha, il y eut une communion presque générale.

Émerveillé des bons sentiments que lui manifestaient ces enfants, il résolut de leur procurer, comme gage de satisfaction, quelque importante douceur matérielle, et il pensa immédiatement à une promenade.

 

Quand on est jeune, la privation de la liberté et du mouvement n'est-elle pas la plus dure et la plus insupportable des punitions ! Une bonne course à travers champs, une journée passée en plein air : voilà qui ne pouvait manquer d'être joyeusement accueilli.

Don Bosco va donc trouver le directeur de la prison, et il lui expose sa requête avec une grande simplicité, et comme la chose du monde la plus naturelle.

Il demandait la permission de conduire les enfants à la promenade. On partirait le matin et l'on rentrerait à la nuit : il aurait le plus grand soin d'eux tous.

À cette proposition hétéroclite, le directeur bondit de surprise :

— Mais, monsieur l'abbé, pensez-vous donc que les soldats du Roi n'aient pas d'autre besogne que celle d'aller promener de tels garnements, et ignorez-vous que je suis responsable de toute évasion ?

— Qui vous parle de soldats, monsieur le directeur ? Je me charge de tout. Il n'y aura aucune évasion, et je m'engage à vous ramener fidèlement les enfants que vous aurez bien voulu me confier.

 

Comment se décida-t-on à accorder cette étrange permission ? Elle dut être soumise au ministre Ratazzi, et il faut croire que Don Bosco avait des secrets pour lever certains obstacles.

Le jour indiqué, le départ eut lieu après la messe. Trois cent cinquante enfants et jeunes gens sortirent de prison, en bon ordre, guidés par Don Bosco, calme et souriant.

Le château royal de Stupinigi avait été choisi comme le but de l'excursion. Deux lieues et demie pour l'aller, autant pour le retour, ce n'était pas trop pour dégourdir ces jeunes jambes après une longue réclusion.

 

Décrire la joie qui épanouissait tous les visages est impossible. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on ne put constater l'ombre d'un désordre ; pas un dégât ne fut commis, pas un fruit ne fut dérobé.

Leur grande préoccupation, à tous, c'était de regarder avec attendrissement leur Père, et comme ils le virent un peu fatigué de la marche, en un clin d'œil ils eurent chargé sur leurs épaules les provisions que portait un âne, attaché à la caravane par les soins de Don Bosco ; celui-ci dut monter sur l'animal, que deux enfants tinrent soigneusement par la bride.

Le soir, le directeur constata, en faisant l’appel, que tous les enfants étaient venus se faire réintégrer dans la prison, et qu'il n'en manquait pas un seul.