1827

Don Bosco écolier

 

 

Le petit Jean faisait ses premières classes de latin. On était tout au commencement de l'année scolaire, et il n'avait pas encore pu se procurer les livres désignés, de sorte qu'il se bornait à écouter.

On en était au Cornelius Nepos.

— Voyons, Bosco, dit le maître, lisez-nous tel passage ; puis vous en ferez la construction et la traduction.

Bosco avait entendu le passage en question.

Sans se troubler, il s'arme d'un livre quelconque, et, tout en paraissant attentif à consulter le texte, il lit, construit, puis traduit fort gentiment ce que lui a demandé le professeur.

Mais, tandis qu'il parlait, ses voisins chuchotaient entre eux, et avaient grand'peine à étouffer leurs éclats de rire.

Le professeur, impatienté de ne pouvoir obtenir le silence, interpelle le petit Bosco :

— Mais dites-moi donc un peu ce qui égaie si fort vos voisins.

— Monsieur, je ne sais pas.

— Alors, priez vos condisciples de me le dire.

L'un de ceux-ci, se dévouant, révèle que la cause de leurs rires, c'est que Bosco n'avait pas le texte sous les yeux.

— Pas possible ! Le professeur s'empare du livre dans lequel Jean lisait du Cornelius Nepos. C'était une grammaire latine !

Étrange assurance, qui donne bien la mesure de cette mémoire vraiment prodigieuse.

 

Jean Bosco était en rhétorique. Une nuit : il rêva qu'il traduisait une version dictée. Or, le lendemain matin, c'est précisément cette version que l'on dicte... Alors, négligeant d'écrire le texte, Jean transcrit d'emblée la traduction, qu'il se rappelait fidèlement ; puis il remet son travail au professeur.

Celui-ci commence par se fâcher :

— Quoi, avez-vous la prétention de faire des traductions à la volée, jeune présomptueux ; vous n'êtes pas encore assez fort, que je sache !

Il lit : à sa grande surprise, il n'y a pas une faute.

— Ah ! monsieur a copié, n'est-ce pas ?

— Mais pas du tout.

— Qui donc, alors, vous a traduit cette version ?

— Personne, monsieur. Cette nuit, dans un rêve, je vous ai entendu me dicter cette même version ; vous me l'avez corrigée, je me la rappelle... et voilà tout !

 

L'abbé Jean Bosco se préparait aux examens définitifs pour l'admission aux Saints Ordres. La veille, on lui apprend qu'il devra présenter tel traité. Comme il ignorait que ce traité fît partie du programme de l'examen, il ne s'en était pas occupé, et se trouva fort embarrassé.

Mais, au lieu de se troubler, il invoqua Saint Louis de Gonzague en ces termes : Vous voyez qu'il ne s'agit pas d'encourager ma paresse, mais de venir à mon secours pour m'éviter les ennuis possibles d'un oubli involontaire.

Le matin, notre abbé arriva tranquillement devant la Commission d'examen. Pendant un temps assez long, il répondit avec justesse et à-propos aux questions et objections des membres du jury. Mais, tout en répondant, il avait peine à réprimer un sourire tout à fait singulier en pareil moment, et devant de tels personnages. – Un des examinateurs, un peu intrigué, l'arrêta pour lui en demander la raison.

— C'est que vous m'interrogez, depuis le commencement, sur un traité que j'avais, involontairement, omis d'étudier : les pages de mon volume ne sont pas même coupées – et, tirant de sa poche le livre absolument neuf, il le tendit à son interlocuteur.

Puis le candidat raconta l'aventure, sans oublier l'invocation à Saint Louis de Gonzague ; il termina en présentant ses excuses à la Commission.

 

L'examinateur, loin de le gronder, lui dit aimablement :

— Mon cher ami, je vous félicite, et je me réjouis de ce qui vous arrive. Continuez à prier avec cette confiance, dans la sainte carrière où vous entrez. Si, déjà, vous êtes exaucé aussi vite et aussi bien, l'Église sera un jour heureuse de vous compter parmi ses ministres, et vous aurez une grande action sur les âmes.

L'excellent prêtre ne croyait certainement pas si bien dire !