1877
Comment le Comte Cays
Entra dans les Ordres à soixante-trois ans
C'était un homme d'une vive piété et d'un grand amour pour les pauvres. Devenu veuf, et son fils unique marié, il voulut, au déclin de sa vie, se consacrer tout entier aux bonnes uvres, et il consulta Don Bosco sur la meilleure direction à prendre :
Faites-vous prêtre Salésien, lui fut-il répondu.
Cette décision le surprit ; il ne se sentait pas précisément de vocation, et commencer, à soixante-trois ans, des études pour la prêtrise lui paraissait au delà de ses forces.
Cependant, comme il avait une grande vénération pour Don Bosco, il médita ses paroles et finit même par se familiariser quelque peu avec cette nouvelle perspective.
Mais la nature regimbait, et il se donnait de bonnes raisons pour ne pas s'exécuter :
Après tout, qui me prouve que Don Bosco ne se trompe pas ? Certainement il a des lumières, mais le grand désir qu'il a de recruter des prêtres pour son Oratoire ne l'entraîne-t-il pas à quelque exagération ! Je ne puis prendre à la légère un parti aussi grave. Nous verrons.
Un matin, c'était le 23 mai 1877, veille de la fête de Notre-Dame Auxiliatrice il se rend à l'Oratoire, comme il le faisait souvent.
L'antichambre de la petite salle où Don Bosco donnait ses audiences était pleine de monde. Le comte Cays se mit à son rang, et son attention fut immédiatement attirée par ses deux voisines, qu'il se prit à considérer avec une curiosité émue.
C'était une femme du peuple, et sa fille âgée de dix à onze ans. La pauvre enfant, que la mère tenait sur ses genoux, glissait à chaque instant, comme une masse inerte, tombant tantôt d'un côté tantôt de l'autre ; et de grosses gouttes de sueur inondaient son visage.
Comme l'attente se prolongeait, la mère finit par se lever, et, avec un gros soupir, elle se dirigea vers la porte de sortie, soutenant tenant sous les bras sa fillette dont les jambes fléchissaient, et qui marchait avec la plus grande difficulté.
Ce que voyant, les assistants demandèrent à cette femme pourquoi elle se retirait sans parler à Don Bosco.
Hélas ! répondit-elle, je ne puis attendre plus longtemps ; ma fille souffre trop, et voici l'heure à laquelle je dois absolument rentrer. Cependant je n'aurais pas été longue : je voulais seulement demander à D. Bosco la charité d'une bénédiction de la Sainte Vierge pour ma pauvre enfant.
Et elle raconta que sa fille, atteinte de terribles convulsions, était restée paralysée à la suite d'une de ces crises. La main droite était sans aucun mouvement, et les jambes si affaiblies que, sans aide, elle ne pouvait se tenir ni debout, ni même assise. À cette infirmité s'était jointe, depuis un mois, la perte complète de la parole. En effet, aux interrogations qu'on lui faisait, elle ne répondait que par quelques signes de tête, et elle était dans l'impossibilité de prononcer un seul mot.
Alors les personnes présentes furent touchées de compassion ; d'un commun accord, elles décidèrent qu'on céderait la première place à cette intéressante malade et qu'elle passerait tout aussitôt.
Il était évident pour tous que, sans un miracle, cette pauvre enfant ne pouvait être guérie, au moins immédiatement, et une pensée soudaine vint à l'esprit du comte Cays.
Élevant son âme vers la Très Sainte Vierge, il la pria de le rendre témoin d'une grâce éclatante, qui deviendrait comme le signe sensible de la réalité de sa vocation ; et alors il n'hésiterait plus.
Quelques instants après, la jeune fille et sa mère sont introduites dans la salle d'audience. Elles y restent douze ou quinze minutes à peine ; puis la porte s'ouvre, et elles reparaissent accompagnées de Don Bosco.
La mère pleure à chaudes larmes, mais c'est de joie. La jeune fille, transformée, marche sans peine et prononce, à haute voix, ces mots : La Sainte Vierge vient de me faire la grâce.
Grace complète, car les jambes avaient repris toute leur force, le bras paralysé avait recouvré l'entière liberté de ses mouvements, et la parole était revenue.
Une guérison aussi singulière leva tous les doutes du comte Cays, et il devint prêtre de l'Oratoire de St.-François de Sales (1).
Quant à la jeune fille, Joséphine Longhi, qui avait été le sujet de cette faveur signalée, elle se consacra plus tard à Celle qui l'avait guérie. Elle est membre de la Famille Salésienne comme Fille de Marie Auxiliatrice.
(1) Le 4 octobre 1882, le Seigneur a rappelé à lui Don Charles-Albert Cays, comte de Giletta et de Caselle, ancien député au parlement Subalpin, puis prêtre Salésien.