1ère partie
(Texte long - Patientez un moment S.V.P.)


PRIERE DU MATIN.

Encore une nuit écoulée! je m'éveille, j'éprouve de nouveau le plaisir ,d'exister. C'est vers toi , bonté infinie , que j'élève ma première pensée, toi qui m'as donné la vie, toi qui veilles pour moi pendant mon sommeil !

O quelle doit être ta bonté! tu prends soin de la moindre de tes créatures. Oui, tu es nécessairement bon; et cette pensée que tu es bon ne sortira jamais de mon esprit. Combien elle est consolante pour moi ! avec quelles délices ne revois-je point ce monde, où tout me rappelle ta bienveillance et tes soins paternels !

Je suis ta créature ; je ne suis que poussière , mais ta toute puissance l'anime. Je sens en moi un coeur qui s'ouvre à la sensibilité , une âme susceptible de confiance et d'amour. A qui dois-je donner les prémices de mes sentiments, si ce n'est à toi , Être incompréhensible, qui m'as créé ? Tu es un pur esprit, je suis mortel. Je ne saurais te comprendre, mais je sens, par tes ouvrages, qui tu es. Être de toute bonté, daigne m'écouter ; entends la voix de ta créature, qui proclame que tu es tout amour.

Oui , tu es tout amour ; car tous tes ouvrages annoncent l'amour. Le soleil, à son lever, annonce ta majesté, et les délices d'un beau matin, ta bonté ineffable. Je revois aujourd'hui mon père, mon épouse, mes enfants , mes amis; je les revois en santé , et ils se revoient pleins de joie dans mes bras.

Qui a veillé pour eux pendant leur sommeil ? qui les a préservé des dangers de la nuit ? qui me les a rendus, ces gages chers à mon coeur ?

C'est toi , Dieu de bonté; et mon coeur pourrait ne pas t'aimer ! Mais qu'est-ce que t'aimer ? J'y réfléchis, et je trouve qu'aimer Dieu , c'est garder ses commandements, et ses commandements ne sont qu'amour. Qu'exige de moi l'être indéfinissable qui m'a créé ? quels sont les commandements du maître de l'univers ? L'amour , le pur amour; c'est ce que répond la nature entière. Aime Dieu, aime-toi , aime ton prochain. J'avais un père , et je l'aimais; j'ai un ami , et mon coeur tressaille à sa rencontre ; j'ai un bienfaiteur , et mon âme est touchée quand je pense à lui : et toi , Dieu éternel, tu es mon père, mon ami , mon bienfaiteur, pourrais-je ne pas t'aimer ? O hommes , mes Semblables, combien vous m'êtes chers, ! Vous êtes tous mes frères, et quand je vous embrasse, j'embrasse en vous l'Éternel , notre père commun. Reçois donc ce matin, créateur bienfaisant de tous les êtres , le voeu solennel que je fais de suivre ton exemple sacré. Je veux désormais secourir les malheureux , protéger les opprimés , recueillir les orphelins , vêtir ceux qui sont nus, guérir ceux qui seront blessés, et ramener ceux qui seront égarés. Je serai doux envers mes inférieurs , plein d'amour envers ceux que tu as confié à mes soins, et je regarderai chaque créature formée à ton image , comme mon frère, comme un enfant qui t'est cher.

Les sentiments que j'exprime ici Seigneur, je les éprouve au fond de mon coeur ; vois en moi la sincérité d'un enfant , toi qui pénètres dans les plus profonds replis de mon âme.

Reçois ainsi, dans les premiers moments de cette journée , les premières preuves de mon amour. Je pardonne, à cause de toi, à tous mes ennemis , et je te promets, Seigneur, de faire du bien à quiconque m'aura fait du mal, de bénir celui qui me maudira, et de chérir celui qui me hait. Je me propose aussi de ne jamais médire de mon semblable , de n'interpréter en mal aucune de ses actions, de ne point le tourner en ridicule, ni le maltraiter , lors même qu'il m'aurait offensé. Je me propose de ne le scandaliser par aucun mauvais exemple, de n'être point injuste envers lui, de ne jamais l'induire méchamment en erreur, mais d'agir constamment envers lui comme tu nous l'as commandé. Si tu le bénis , je ne serai point envieux; je le secourrai s'il a besoin de mon secours.

Suis-je hors d'état de l'aider en effet? je l'aiderai de mes conseils, je le dirigerai. je me conduirai ainsi, Seigneur, pour obéir à tes saints commandements, et par amour pour toi.

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CONSIDERATIONS

SUR LA DESTINEE DE L'HOMME.

Quelle est grande et noble notre destinée, Ô hommes , mes semblables!
Nous sommes, dans ce monde immatériel, les premiers d'entre les êtres créés.
Intermédiaires entre les anges et les animaux , notre âme, par le sentiment,
nous élève à la classe des esprits, quoique nous soyons retenus ici-bas par la masse pesante de nos corps. Les facultés dont nous possédons le germe sont infinies, de même que les moyens d'arriver à une plus haute destinée, à la perfection. A la ressemblance avec la Divinité. Tout nous annonce que nous ne sommes que des voyageurs ici-bas, et celui qui connaît , qui sent sa vocation, ne s'arrête point inutilement dans ce voyage; en suivant le chemin qui lui a été tracé par la Providence, il se hâte de se rendre digne de l'autre vie , et il attend le signal de l'Éternel pour son départ.

Associés aux animaux par notre corps, nous sommes associés aux esprits immortels par l'âme. Notre corps est tenu dans l'esclavage des sens; la pourriture attend notre dépouille extérieure ; mais la liberté et l'immortalité sont réservées à notre esprit. Plus l'homme s'attache aux choses matérielles, et plus il s'assimile à la bête; plus , au contraire , il ambitionne les choses spirituelles, et plus il s'assimile aux anges : de là mille et mille degrés . depuis la créature la plus imparfaite jusqu'à la plus parfaite; depuis l'homme-animal jusqu'à l'homme-esprit; depuis celui qui est au dernier chaînon qui sépare l'homme de la bête , jusqu'à celui qui sépare l'homme des anges eux-mêmes.

Avancement vers la perfection, voilà le bien , le vrai bien ; et le vrai bien est le but de notre destinée ; la religion et la révélation nous l'apprennent. Être vertueux , c'est aspirer à une ressemblance avec la Divinité, se rapprocher de la vocation de l'homme; c'est avancer vers l'unité de la créature et du Créateur.

Dieu est l'amour le plus parfait et le plus pur; sa plus grande félicité consiste dans un amour incessamment actif; ses commandements sont amour, et notre vocation n'est autre chose qu'amour.

Aimez-moi., aimez-vous les uns les autres ; voila son grand commandement. Que n'observons-nous ce commandement dans toute son étendue !
Quelle félicité ne régnerait point sur la terre ! mais les ténèbres de la discorde nous écartent toujours de la lumière, de l'union et de l'amour. Que tous les hommes s'aiment entre eux , voilà le monde heureux; mais , loin de s'aimer , ils se haïssent; ils oublient leur vocation, pour devenir des animaux cruels qui s'entre-déchirent. Cessons toutefois de publier des maximes inconnues. Qu'il est petit le nombre de ceux qui comprennent le langage de l'amour! et ceux qui le comprennent , la Divinité inspire ces maximes à leurs coeurs sans le secours d'un faible mortel.
 

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SUR LE SENTIMENT DE MON EXISTENCE.

Je sens mon existence, c'est-à-dire ,je sens que je vis , que je suis un être qui a la conscience de son existence. Mon oeil voit la magnificence de la nature; il contemple avec ravissement les plaines fleuries, le vert bosquet , les forêts majestueuses ; mon oreille entend le murmure des ruisseaux , le chant mélodieux de l'alouette, le chant plus mélodieux du rossignol.

Je respire le parfum des fleurs, et plus particulièrement celui de la rose; mes joues sont sensibles au souffle caressant d'un vent léger; l'aimable zéphyr, en se jouant dans ma chevelure, rafraîchit de son haleine mon visage brûlant. Ici s'offrent des branches chargées de fruits, qui me nourrissent et me restaurent; je savoure avec délices leur chair délicate et parfumée; ici la poire succulente, là le moelleux abricot , plus loin la riante cerise , m'invitent à les cueillir. Je veux cueillir ces beaux fruits , et je le puis; j'en jouis, et je sens du plaisir à cette jouissance. Et l'être qui a la conscience de cette sensation, c'est moi ; moi qui suis Une énigme à moi-même, qui existe maintenant ici, et qui n'existais point autrefois. Je suis , je sens mon existence. Et qui m'a placé ici ? qui a donné cette admirable structure à mon corps ? qui m'a doué de la précieuse faculté de jouir
de tout ce qui m'environne ? à quel être suis-je redevable de ces bienfaits? Je les dois à celui qui a créé ces globes magnifiques, et dont la sollicitude paternelle s'étend à tout. Mais que sont les plaisirs de la nature matérielle auprès des sentiments de l'âme, auprès de ces tendres émotions qu'il a mises dans mon coeur
Si j'étais isolé sur la terre, les plus aimables jouissances de la nature me seraient bientôt insipides; mais sa main bienfaisante ma donné des milliers de créatures pour compagnes; elle a mis dans mon coeur une sensibilité exquise pour sentir de concert les plaisirs que les autres sentent. Tout ce qui m'entoure est animé; mille insectes divers rampent, sur la plus petite de ces feuilles, tous vivent , tous éprouvent ta bonté.

Ici, mille oiseaux égaient à l'envi le bosquet de leur ramage; là , le lion majestueux rugit de plaisir ; ici, roucoule une tourterelle; là, j'entends la linotte siffler; plus loin , la fauvette sautille, elle fredonne; tous se réjouissent de leur existence. je suis au milieu de tous; je vois, je sens, je partage leurs plaisirs; mais je sens de plus aussi un pouvoir intérieur, un mouvement secret, qui m'annonce que j'ai de la ressemblance avec celui qui m'a créé.

Une voix intérieure me dit : Jouis de la vie qui t'est donnée. Mille sentiments alors, mille mouvements, auparavant inconnus , s'élèvent dans mon coeur; l'amitié, l'amour , y règnent ensemble. Ici, les mouvements de la nature, m'attachent à des parents chéris, la sympathie à un ami fidèle, l'hymen et l'amour à une tendre épouse, la tendresse paternelle à des enfants ; tous sentiments étrangers , que le Créateur a mis dans mon coeur pour ma félicité. 

Que tu es bon, Être infini , À qui je dois tant de bienfaits! oui , les sources de ta bonté sont inépuisables. Tu es l'amour; te ressembler en amour, voilà ma vocation; tout m'annonce que c'est ta loi.

Mon sens intime me le dicte; il est écrit dans mon coeur en caractères ineffaçables.

Le désir de voir heureux tout ce qui m'environne est le plus vif , le plus doux de tous les désirs. Tout est bonheur pour l'homme; le malheur même, dans ce monde, est une préparation au bonheur dans l'autre monde. Si nous ne sommes point heureux ici-bas par nous-mêmes, nous le sommes en partageant le bonheur de nos semblables. Le plus pur des sentiments de l'âme , que tu as excité en nous , c'est celui de partager la joie et le malheur des autres. C'est à vous-mêmes, mes enfants, nous dis-tu, que je confie le soin de votre bonheur; étendez ces bras que je vous ai donnés pour vous secourir mutuellement; goûtez le plaisir d'essuyer une larme sur l'oeil de votre frère.

C'est ainsi que tu nous as parlé : la tendre vigne, soutenue par l'ormeau ; le faible lierre , qui embrasse l'arbre vigoureux pour s'élever; toutes les plantes des champs, les fleurs des jardins, nous parlent ton langage. Oui , ce n'est qu'en aimant , en aimant aussi que tu nous l'ordonnes, que je sens tout le prix de mon existence.

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ELEVATION

DE SES SENTIMENTS VERS LE CREATEUR.

Grand Dieu, ! donne-moi , je t'en supplie, l'innocence de la sagesse; car je reconnais que les anges même ne sont sages devant toi que parce que leur âme, est innocente et pure. je reconnais que je ne puis rien m'attribuer du bien qui est en moi ; mais que c'est à toi , mon Seigneur et mon Dieu , que, je suis redevable de tout.

Le mal est mon ouvrage; mais le bien qui est en moi est le tien, ô mon créateur et mon conservateur!

Lumière inépuisable de vérité, je te supplie, sois mon guide dans les voies difficiles de mon pèlerinage ; c'est par toi seul , et non par la fausse lueur de mon orgueil, de ma présomption et de mon amour propre, que je veux être conduit. Je m'écrie vers toi , Seigneur, sois mon conducteur et mon guide. j'aimerai tout ce que tu m'enseigneras être bon; je me plairai à tout ce qui est vrai , parce que tu es la bonté et la vérité même ; je connais et je sens qu'aimer le bien , le vouloir et l'exécuter , c'est aimer Dieu; aimer le vrai , le vouloir et l'exécuter , c'est aimer le prochain. Permets donc que je t'aime, et que j'aime mon prochain comme moi-même.

Je suis content de tout ce que tu m'as donné , Seigneur , parce que je sais que j'ai reçu tout ce qui m'était avantageux, et parce que tu m'as appris que qui a peu reçu avait aussi besoin de peu..

Créature bornée que je suis! j'ignore ce qui m'est avantageux ; mais toi , tu le sais, Seigneur, toi dont la providence s'étend à tout. Quiconque espère véritablement en toi, quiconque s'attache à toi , ne saurait périr.

Seigneur , je t'implore, car tu es mon père; quel autre que toi puis-je implorer ? quel autre m'aime autant que tu m'aimes ? quel autre que toi me tend les bras dans le malheur ?

Tu es l'amour éternel , immuable , toujours prêt à écouter les prières de tes créatures , jamais sourd à la voix de tes enfants. Tu ne ressembles pas aux hommes , qui ferment si légèrement leur porte aux malheureux, qui donnent aujourd'hui et reprennent demain , qui regrettent le morceau qu'ils jettent , ou qui se débarrassent de vous par le moyen de leurs serviteurs.

Non, tu ne leur ressembles point; le monarque devant toi n'est pas plus que le mendiant; nous sommes tous tes enfants.

Je recours donc, à toi , mon père, et tu ne saurais rejeter celui qui a recours à toi. Je te rappelle tes promesses : je ne suis qu'un faible mortel; mais qu'un enfant vienne à moi . implorer ma pitié, je ne le repousserai pas; et toi , Seigneur , dont l'amour surpasse infiniment l'amour de toutes les créatures, tu pourrais m'abandonner ! Ils ne te connaissent pas, ceux qui pensent ainsi : tu es l'amour même; et que n'effectue point l'amour ?

Regarde, Seigneur , cette terre où tu m'as placé; vois les maux dont elle est couverte. Vois mon oeil baigné de larmes dès l'aurore. Le soleil , à son lever, éclaire mes pleurs de ses rayons,. il les éclaire à son coucher. Entends mes soupirs , Seigneur : ce coeur que tu m'as donné est en proie au chagrin dévorant; ces bras, que tu m'as donné, je les étends vers toi. Maître du ciel et de la terre, sois mon libérateur.

Toi qui diriges tout, toi qui sais tout, écoute ma prière, et viens à mon secours. Tu es mon créateur, mon père; tu m'as donné le coeur et l'âme; ne permets point que l'âme de ton enfant succombe à la douleur, et que ce coeur soit la victime de ses maux. Souviens-toi que je suis un être sensible, doué de faibles organes, et que je souffre. Peux-tu voir souffrir tes enfants ? Non, tu es mon père, tu seras aussi mon aide, mon sauveur.

Dussé-je avoir abandonné tes voies . Dussé-je t'avoir désobéi, je ne tremblerais point devant toi , Seigneur ; je ne désespérerais point d'être écouté, d'être secouru de toi. Non, je ne désespérerais point; car tu, écoutes aussi ceux qui t'ont abandonnés, et qui retournent à toi ; tu tends avec plaisir les bras à ceux qui sont égarés.

Tu ne ressembles point à l'homme qui est plein de caprices ; tu n'es point colère et passionnés comme lui; tu n'es point querelleur, tu n'as point l'injure à la bouche pour confondre le coupable. Il ne faut pas longtemps gémir pour t'attendrir; tu es toujours égal , Seigneur , toujours amour.

Tes commandements ne sont point comme ceux des rois de la terre, notre seul bien-être est l'objet de ta loi. Tout ce que tu nous ordonnes de faire, c'est par amour pour nous. Si j'examine mes actions, Seigneur , j'en trouve beaucoup, où j'ai agi contre tes saints commandements.

Je ne m'excuse point, je reconnais mes erreurs ; mais tu m'excuseras , Seigneur, toi qui connais la faiblesse humaine. Que peut une créature composée d'argile, un faible roseau qui cède à l'orage des passions ?

Je reconnais que j'ai offensé ton amour par mes actions, et j'en ai du regret , un regret véritable; non parce que j'ai besoin de ton secours, ou par crainte du châtiment , mais uniquement parce que je t'ai reconnu si tard ; parce que je sais combien tu m'aimes, et combien peu je t'ai aimé.

Si les tourments pouvaient apaiser ta justice, je les endurerais sans peine; si de nouveaux supplices pouvaient réparer mes offenses, je m'y soumettrais avec plaisir ; seulement ne me prive point de la pensée de ton amour. Mais tes châtiments ne sont point vengeance; tu veux uniquement que notre injustice nous conduise d'elle-même à la connaissance du bien ; voila la loi de ton amour.

Je reconnais maintenant, Seigneur, que tout bien vient de toi : ne refuse donc point de me recevoir dans ton sein lorsque j'y retourne. Mon repentir ne consiste point dans des gémissements puérils ou dans un chagrin inquiet ; il consiste à réformer ma volonté , et à ne plus retomber dans mes iniquités passées. Corriger les mouvements de mon âme , voila ma pénitence. Ma volonté est ferme, Seigneur; mais je n'oublie pas que la chair est faible. je ne suis point orgueilleux de mes forces; que sont les forces d'un faible mortel ? je reconnais que je ne puis rien de moi-même; et parce que je le connais, je reviens à toi , en implorant ta divine protection. Conduis-moi à travers les voies dangereuses de ce pèlerinage, envoie-moi tes saints anges , et guide mon âme par tes saintes inspirations.

Rends-moi l'instrument de ton amour, et fais-moi opérer ici-bas autant de bien qu'il est possible. Je n'oublierai jamais, en l'accomplissant, que c'est ton ouvrage , et que je ne suis qu'un fragile instrument , manquant de force pour le bien dès que ta main bienfaisante abandonne ce fragile instrument.

J'espère en toi , de toutes les forces de mon âme : celui qui croit, aime et espère en toi, ne sera point confondu, Dieu , mon aide et mon libérateur.
 

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DIEU EST AMOUR.

Être tout-puissant, qui m'as créé, à qui je dois mon existence, sois l'objet de mes humbles réflexions! Tu es , toute la nature atteste ta présence; tu brilles dans la rose pourprée comme dans le calice argenté du narcisse. je vis , je sens : à qui suis-je redevable de cette vie ? à qui dois-je ce sentiment délicieux qui parcourt toutes mes veines, cette douce volupté qui s'empare de tous mes sens ? Qui m'a donné ces yeux pour voir toutes les beautés de la nature ? ces oreilles pour entendre les sons harmonieux du chant des oiseaux ? ce palais qui se rafraîchit à cette source d'eau , ou qui savoure les fruits parfumés de cet arbre ? qui m'a donné ces mains pour cueillir ces fleurs, ornements variés de cette prairie ? qui m'a donné cette précieuse faculté de la mémoire , qui me représente des objets absents avec autant de netteté que s'ils étaient encore présents ? qui a créé en moi ce coeur susceptible des plus doux plaisirs? qui a planté cet arbre, dont l'ombre rafraîchissante est un baume à mes sens échauffés ? Qui précipite du haut des rochers ce torrent, dont la chute bruyante et majestueuse procure un nouveau plaisir à mes sens étonnés ?

Qui a créé tout cela ? quel est-il, cet être créateur ? On le nomme Dieu : oui , le Dieu des hommes, le Dieu de mes frères, le Dieu. de mes parents, de mes amis , de mon épouse.

C'est lui qui a donné à tous les hommes, comme à moi, des sens admirables, pour nous faire jouir de ses dons, nous faire sentir notre existence, et pour nous rendre heureux. Oui, le spectacle enchanteur de la nature est bien propre à ramener nos idées vers la Divinité. Qui que tu sois, être inconcevable , quelle bonté d'intention ne manifestes-tu point envers nous? Celle d'un père envers ses enfants. Il faut que tu sois purement amour; oui , grand Dieu, l'amour le plus pur. Mais, qu'est-ce que l'amour ? Une question à résoudre par le sentiment de ce que j'éprouve moi-même. Que se passe-t-il en moi lorsque j'aime ?

N'ai-je jamais aimé ? Oh, sans doute; j'aime mes parents, mes frères , mon épouse, mes enfants , mon ami. Mais qu'éprouvé-je en les aimant ? un penchant , un désir de les voir solidement heureux, de vivre absolument pour eux , d'être tout entier à eux; de chercher le bonheur, pour le partager avec eux. Voilà ce que j'éprouve, ce que je sens, comme homme ; mais Dieu, qui est déjà infiniment heureux par lui-même; Dieu qui , comme esprit, est si différent des mortels , peut-il sentir comme eux ? Assurément non ; son amour n'a point commencé ; il aime de toute éternité; il aime depuis des milliers , des millions d'années. Il est l'amour même, la source de tout amour; son désir de destiner des êtres ressemblants à lui à un bonheur semblable au sien , existait avec lui de toute éternité.

Qu'il doit être grand, qu'il doit être heureux , celui qui a le pouvoir de créer toutes ces choses qui m'environnent sur la terre ! Quelle toute-puissance et quelle félicité d'existence que la sienne! Et le désir de cet être si puissant, si heureux, est de me faire part d'une félicité semblable à la sienne! Que ma destinée est grande, et que je suis heureux ! je vois autour de moi des millions d'hommes , mes semblables, et destinés comme moi à une égale félicité.

Combien mon coeur est satisfait , et combien je sens le prix de mon existence ! Lui à qui tout est subordonné; lui, le créateur des esprits bien-heureux, qui, depuis le chérubin jusqu'au dernier vermisseau , a tout créé suivant la mesure de son amour ; cet Être, si magnifique et si sublime dans toutes ses oeuvres , il daigne m'aimer! Ô bonheur inespéré ! Quel doux sentiment m'attire à lui ! ce sentiment forme la chaîne de l'amour. Que dois-je faire maintenant ? quel est mon devoir, quelle est ma vocation ?

La nature entière me le dit, du moment que le soleil levant commence à dorer les montagnes, jusqu'à son coucher : Mortel , ta vocation est d'aimer et d'être heureux.

Voilà tout ce qu'il veut de toi; il ne désire rien autre chose.

Aime Dieu , aime le prochain, c'est en quoi consistent ses commandements; ils sont tout amour. Il n'y a que celui qui fuit l'amour qui fasse son malheur et celui de son prochain.

Ton amour, ô mon Dieu , est donc le désir de rendre les hommes semblables à toi; et notre amour doit être de nous assimiler à l'amour divin.

La vérité et la bonté sont tes attributs . la vérité et la bonté doivent m'élever à toi. Tu es amour; l'amour est le but de ta création , l'amour est la vocation de l'homme.

Mon élévation jusqu'à toi et ma ressemblance avec toi seront en proportion des degrés de mon amour. Plus mes intentions et plus mon amour seront purs , plus je m'élèverai vers toi., Amour pur et éternel.

Pure infiniment aimable, embrase mon coeur du feu de ton amour; enseigne-moi à t'aimer comme tu aimes et à te ressembler de plus en plus.
 

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CRAINTE DE DIEU.

Qu'est-ce que la crainte du Seigneur? c'est aujourd'hui l'objet de mes réflexions.

Je me rappelle que , dans mon enfance, je craignais les êtres méchants, les êtres qui me faisaient du mal; la crainte du Seigneur ne saurait être une semblable crainte. Dieu est amour et bonté : peut-on trembler devant l'amour et la bonté même? Dès l'enfance , combien de fois, dans mes promenades solitaires au milieu des campagnes, n'admirai-je pas les marques touchantes de sa bonté ! La simple fleur des champs me la rappelait, la rose épanouie inspirait la confiance à mon coeur, et la violette, parfumée respirait la bienfaisance.

L'inquiétude d'agir contre la volonté de celui qu'on aime, voilà la crainte dans sa pureté ; craindre ce qui est contraire à l'amour divin, c'est la crainte pure et salutaire, c'est la crainte de l'amour. C'est ainsi, et non autrement, que je veux te craindre, ô mon Dieu ! Tu ne ressembles point aux grands de la terre : ils ont des esclaves rampant à leurs pieds , qui tremblent en recevant leurs ordres; mais tes relations avec les mortels sont celles d'un père avec ses enfants; l'amour et la confiance forment la chaîne qui t'unit avec les hommes. T'offenser volontairement est donc une ingratitude monstrueuse. Puissé-je , ô mon Dieu, lorsque je m'écarte du chemin de la vertu , y rentrer bientôt ! Tu pardonnes nos offenses quand le repentir nous arrache à notre funeste, aveuglement. David pénitent mérita que tu lui pardonnasses son crime ; cette pensée me rassure. J'espère en ta bonté divine : tu ne rejettes point un coeur qui revient sincèrement à toi; Tu nous tends les bras comme un bon père, qui se réjouit d'avoir retrouvé un de ses enfants. Si nous nous perdons , c'est par notre faute , par notre endurcissement. Dieu est tout amour : il ne demande que ton coeur, combien ne serais-tu pas coupable de le lui refuser ! combien , à plus forte raison, ne serais-tu pas criminel de l'outrager par de mauvaises actions ! Tu ne châties point comme les hommes, par haine ou par caprice; tes châtiments ne tombent que sur les hommes qui déshonorent le beau titre de chrétien. Ils sont livrés à leurs penchants déréglés, à la brutalité de leurs passions, et à tous leurs sens reprouvés.
Ce ne sont plus tes enfants; ils ont levé contre toi l'étendard de la révolte, et souvent ta bonté prolonge la durée de leur vie, afin de leur donner le temps d'ouvrir les yeux et de revenir à toi, qui es tout amour, et qui ne peux aimer que ce qui est réellement aimable et juste. Quelle joie inonde mon âme lorsque je songe à tes miséricordes; lorsque je songe que tes châtiments mêmes. sont des avis salutaires que tu donnes à ceux qui te méconnaissent!

Quelle satisfaction pour moi, si l'avais pu presser contre mon sein tous mes semblables courbés sous le poids de la douleur, et répéter à chacun d'eux : Ne tremble point, ne crains point le père des hommes ; retourne à lui, retourne dans ses bras; il pardonne , car il ne cesse jamais d'être amour!
 

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CONNAISSANCE DE SA DESTINEE.

J'ai souvent agi d'une manière opposée aux desseins de l'amour divin ; il me faut donc chercher à connaître ma destinée.
Aime Dieu, aime ton prochain comme toi-même; voilà ta destinée, voilà ta vocation. Aimer ton prochain comme toi-même est ton devoir, et même aimer tes ennemis. Ce dernier précepte est le comble de la perfection évangélique; jamais la morale purement philosophique n'a pu s'élever à cette sublime, à cette héroïque abnégation de soi-même. Oui, tu es obligé, non seulement de pardonner à tes ennemis, mais de les aimer, de les secourir quand tu le peux. Les doux sentiments que la Divinité a mis dans ton coeur pour ta conservation et pour ton bonheur, étends-les aussi, par ton activité, aux créatures qui te ressemblent : traite-les à l'égal de toi-même; c'est-à-dire, ce qui te fait plaisir, accorde-le aussi à ton prochain; ce qui t'afflige, épargne-le à ton prochain. Voila la loi que Dieu a écrite dans ton coeur. Je porte donc partout avec moi le livre de la loi ; je sens tous les jours ce qui est juste et ce qui ne l'est pas.

Ainsi je n'ai besoin ni de science ni de bibliothèque pour être un homme bon, un homme bienfaisant; ainsi toute ma vocation est de devenir bon et vertueux. Oui, que ce soit mon premier soin, mon premier et mon dernier but, de devenir le meilleur homme possible.

Mais comment y parvenir? qui me mettra sur la voie de la bonté, et de la bonté A son dernier période ? L'amour. L'homme bon est celui qui aime les hommes; le meilleur homme est celui qui les aime le plus. Celui qui s'assimile davantage à la Divinité se rapproche aussi d'elle dans un degré plus, éminent : ma résolution est donc d'aimer les hommes.
Les hommes , c'est-à-dire tous les hommes, sans distinction, sans égard au climat et à la nation , sans égard à la religion ni à aucun autre rapport; de prier pour les idolâtres , les infidèles et les hérétiques. Ce noble sentiment d'amour universel m'oblige à former des voeux sincères pour leur conversion et pour leur bonheur.

Tous les hommes! Observe bien, mon coeur , tu dois aimer tous les hommes, par conséquent aussi tes ennemis. Songe bien à ce dernier commandement; je le l'ai déjà dit, c'est le plus sublime des préceptes évangéliques, mais le plus difficile dans la pratique. Nous devons à Jésus-Christ le sacrifice de toutes nos passions: celui de la haine n'en est point exclu; il faut aimer ses ennemis eux-mêmes.

Comment agit l'amour? L'amour veille au bien-être de l'objet aimé, il est doux, compatissant, miséricordieux; il pardonne , il n'est point intéressé, il agit sans égoïsme, et dans la seule vue de son amour.

Qui pourrait donc maintenant borner mon amour du prochain ? L'amour de moi-même. L'étendue du pur amour est en proportion de la faiblesse de mon amour propre : Moins l'acte de mon amour tient à l'amour de moi-même , plus mon amour est pur, plus le degré que j'atteins en aimant est élevé.

Ainsi mon amour propre doit tenir la seconde place dans les actions qui concernent le prochain.

Ainsi je dois aimer Dieu par rapport à Dieu.

Le prochain pour lui-même, et moi seulement autant qu'il est nécessaire afin d'atteindre le but prescrit par la Divinité en me créant , et afin de me conserver pour le bien-être de mes semblables.

Voilà la mesure du véritable amour. Est-il donc si pénible de mener une vie qui nous conduise au ciel? Moins pénible que je ne l'ai pensé. Pratiquer ces vertus est un devoir indispensable. Renoncer à toutes les richesses, se mortifier , coucher sur la cendre , jeûner , sont des sacrifices inutiles, si l'on n'y joint pas celui de pardonner à ses plus grands ennemis.

Si je considère la vie humaine , je la vois sous un double aspect : la vie spirituelle ou morale , et la vie civile. La vie spirituelle ou morale doit vouloir le bien, la vie civile l'exécuter.

La volonté de mon Dieu est que je veuille le bien et que je l'accomplisse : ainsi l'action doit être réunie à la volonté. Connaître le bien et ne pas le mettre en pratique, ce n'est point accomplir les devoirs de l'homme.

Celui-là seul vit suivant les lois de l'amour, qui connaît et qui met à exécution ce qu'il connaît. Voilà la vérité, mon Dieu; c'est pourquoi tu nous as dit, dans tes saintes Écritures : La foi est morte, sans les oeuvres.

Mais il ne me suffit pas de connaître mes devoirs et de les remplir , c'est dans des vues pures que je dois les remplir. ce n'est ni pour le monde, ni par amour propre, ni pour les avantages qui pourraient me revenir de leur accomplissement; il serait ignoble de vouloir m'attirer la louange des hommes ou la réputation de bonté, pour accomplir mes devoirs : non , ce n'est que pour toi, mon Dieu, pour toi qui es l'amour même , et qui veux que nous te ressemblions par l'amour. ,Je continuerai donc d'être bon, quand même le monde me regarderait comme méchant; je continuerai d'aimer, dussé-je ne pas rencontrer un seul coeur qui répondît à mon amour.

Je porterai secours au misérable suivant toute l'étendue de mes forces , dussé-je être payé d'ingratitude. Mon amour pour l'humanité sera un vrai sentiment , et non une affectation de sentiment.

Je ne donnerai point au pauvre pour qu'il devienne mon panégyriste ; je n'aiderai point le misérable afin de l'éloigner de mes yeux et de n'être pas importuné par la vue de sa misère. Non , je ne serai pas bienfaisant parce que mon coeur ne peut supporter sans douleur les larmes du malheureux ; mais je ferai toutes ces oeuvres, ô bonté infinie ! par amour pour toi , qui m'as donné tous les hommes pour frères. J'en prends ici la résolution solennelle, Dieu d'amour ! fais, par ta bonté, que cette résolution parvienne à la maturité nécessaire pour son exécution.

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CONFIANCE EN DIEU DANS L'ADVERSITE

Mon Seigneur et mon Dieu, tu es tout amour. je viens à toi, et j'implore ton secours; je suis dans l'oppression.Tu peux m'aider et tu m'aideras; car tu es mon Dieu , et qui met sa confiance en toi ne sera point confondu. Daigne te rappeler ta promesse: Frappe, et on t'ouvrira.Je frappe maintenant, Seigneur; tu es mon père, et tu ne rejetteras point ton enfant.

Il est vrai que j'ai souvent violé tes saints commandements; mais je reconnais mon injustice, et voila ce que tu veux, ce que tu exiges de nous. Je viens à toi , tu tends les bras à quiconque retourne à toi dans la simplicité de son coeur et du repentir ; tends-moi donc les bras, mon père, je suis ton enfant. Non, tu ne me refuseras point ton secours, toi qui as si puissamment imprimé l'amour et la compassion dans le coeur de l'homme. Tu sais que j'ai fait du bien à mes frères, que j'ai tendu les bras à ceux qui souffraient et qui avaient besoin. je ne dis point cela , Seigneur parce que je me crois meilleur que les autres hommes, mais parce que j'ai la conscience de n'avoir point aidé mon prochain par orgueil ou par faiblesse , mais parce qu'il était mon semblable, mon frère et ton enfant : et maintenant que je suis opprimé, je ne trouverais point de secours en toi ! ce que tu auras fait au moindre d'entre vous, c'est comme si tu me l'avais fait; voilà ce que nous enseigne ton Écriture. Je te rappelle donc tes promesses, Seigneur ; daigne accomplir ta parole en ma faveur.

Tu connais mon coeur et ma volonté; je suis prêt à partager mes biens avec les pauvres, à consoler celui qui souffre, à considérer chaque pauvre comme un des membre de Jésus-Christ. ce que je donnerai aux malheureux sur la terre, tu me le rendras avec usure dans le ciel. La charité est de toutes les vertus celle qui prouve le plus ton amour. Quand un pauvre a soif , quand un pauvre a faim , au nom de Jésus-Christ lui-même , nous devons le secourir. J'irai donc consoler les affligés , visiter ceux qui souffrent, et soutenir , si je puis , leur vie chancelante. Voilà les sentiments de mon coeur , Seigneur; tu les connais , toi qui pénètres les plis et les replis de nos coeurs. c'est avec ces sentiments que j'ai recours à toi , et que j'implore ton aide dans le danger imminent où je suis. Je ne demande rien d'injuste , je ne prescris point les remèdes à mon mal; mais je me repose absolument sur ta bonté, bien assuré que tu me secourras s'il est utile à mon salut et à mon bonheur; sinon, ô mon père , accorde-moi la force de supporter le malheur. Toutefois , si tu daignes m'exaucer et m'accorder en même temps la grâce de connaître la vérité et la sagesse , je fais voeu de n'être jamais ingrat envers toi. Je ne t'ai jamais volontairement abandonné , Seigneur ; ce n'est que par erreur et dans l'ivresse des passions, que j'ai quelquefois abandonné tes saintes voies; mais mon coeur est toujours revenu à toi , il sentait le besoin d'être avec toi. Je n'ai jamais compté sur l'assistance des hommes, mais sur la tienne , toi qui diriges les coeurs des hommes. Je ne me suis jamais enorgueilli de mes oeuvres , reconnaissant que tout le bien que je faisais était ton ouvrage, et le mal seulement l'ouvrage de ta créature.

Ta volonté est que toute créature soit heureuse : achève ton ouvrage, Seigneur , et fais que mon malheur me serve d'une utile expérience. Tu ne veux pas la mort du pécheur ; tu es toujours disposé, ô le meilleur des pères ! à lui faire grâce, s'il revient à toi avec un coeur contrit et humilié. Ne m'ôte pas les moyens d'assister mes frères et d'être utile au monde. C'est ta créature , ô mon Dieu , qui crie vers toi ; c'est ton enfant qui se jette dans tes bras ; pourrais-tu le rejeter ? Non , ma foi en tes paroles est sans exception , mon espérance sans fin et mon amour sans bornes.