CHAPITRE IV
 
 

L'Incarnation du Verbe et la Rédemption de l'Homme


 



      L'homme est tombé et il est tombé si bas qu'il est descendu jusqu'à la limite des mondes et voisine désormais avec les Ténèbres, enfermé dans un corps de chair et de mort. Dieu va-t-il abandonner à sa misère et aux embûches incessantes du Démon celui qui fut cependant sa création et qu'il avait destiné à la Gloire ?

     L'incarnation du Verbe a été décrétée par Dieu dans l'éternité : elle s'accomplira. Mais la chute de l'Homme la revêtira d'un caractère qu'elle n'aurait pas eu sans la faute. L'Incarnation aura maintenant pour fin la Rédemption de l'humanité coupable, de façon qu'à l'involution puisse succéder l'évolution, à la descente le retour, à la désintégration dans les mondes physiques la réintégration dans la Sphère de Dieu. Mais le Christ, qui devait être un Messie glorieux et triomphant, sera un Messie douloureux et crucifié.

     Par suite l'Incarnation du Verbe sera subordonnée à la réalisation de certaines conditions. Le moment, dans la suite des temps, devra en être choisi de manière que l'Homme ait pu se préparer à recevoir avec fruit la Révélation qui lui sera offerte. A cette fin des guides, des prophètes lui seront envoyés pour lui apprendre à relever la tête et à se tenir debout devant les chemins qui montent vers Dieu : malgré sa déchéance, l'Homme est demeuré un Fils du Ciel et il doit reconquérir la conscience de son rôle prédestiné.

     D'autre part, l'Incarnation ne pourra s'effectuer que sous le signe de l'Esprit, puisque les mondes dans lesquels le Verbe prendra une Figure d'Homme ne sont pas autre chose, sous les revêtements de matière qui les habillent, que les mondes de l'Esprit. Non seulement c'est l'Esprit qui préparera au Verbe par l'Immaculée Conception d'un corps virginal et d'une âme sans péché un tabernacle où il puisse prendre corps et vie ; ce qui sera engendré dans cette Vierge choisie dès l'origine des temps sera aussi l'oeuvre de l'Esprit (1) ; et c'est sous la conduite et les influences de l'Esprit que le Christ accomplira sur cette terre toutes ses opérations. L'Esprit le poussera dans le désert pour le soumettre aux tentations du Démon et tremper son âme aux épreuves de l'ascèse (2) ; et quand il aura jeté sur la croix le grand cri dont l'écho retentit encore à travers les siècles dans tous les coeurs chrétiens, il rendra l'Esprit pour le remettre entre les mains du Père (3). Aussi, tant que le Christ sera présent en ce monde, l'Esprit ne pourra être donné à aucun des apôtres ou des disciples : « Il vous est utile que je m'en aille, dit Jésus, car, si je ne m'en vais pas, le paraclet ne viendra pas à vous » (4). Mais dès qu'il fut ressuscité, avant d'entrer dans sa Gloire, il souffla sur ses apôtres et ses disciples et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint » (5); cet Esprit de Vérité qui doit leur enseigner toutes choses et leur apporter notamment la révélation des Mystères dont ils n'avaient pas encore saisi la signification (6). Mais était-il nécessaire que le Christ souffrît la Passion et mourût sur la Croix pour opérer la Rédemption de l'humanité ? Les Juifs attendaient un Messie triomphant.
 

     On peut en effet se demander pourquoi la Régénération de l'Homme ne se fût pas aussi bien accomplie par une oeuvre où la Toute-puissance de Dieu se fût manifestée d'une façon irrésistible, à la fois dans sa Miséricorde et dans sa Justice.

     Parler ainsi, ce serait méconnaître les nécessités auxquelles se trouve liée la Rédemption en conséquence de la faute originelle. Le Corps de Vie, dont l'Homme avait été doué à sa création, était apte naturellement et immédiatement à recevoir en lui par son union avec le Verbe la Vie divine et à s'élever ainsi de lui-même vers la gloire : toutes les portes du Royaume de Dieu lui étaient ouvertes. Ce Corps de Vie est devenu un Corps de Mort, soumis aux passions qui dégradent, voué à la corruption qui détruit. Le Christ aura donc une double opération à réaliser. Il lui faudra, tout d'abord, rendre au corps de l'Homme, par une purification de toute sa substance, la Vie spirituelle qui l'animait aux premiers jours du Monde et, par une nouvelle naissance, régénérer le Corps de Mort en un Corps de Vie. Puis, à ce Corps de Vie, ainsi rétabli par la grâce dans ses prérogatives, il devra rouvrir les accès du Royaume de Dieu et l'entraîner avec lui dans la Gloire.

     La première tâche, il l'accomplira par ses Enseignements et ses Actes ; la seconde par sa Mort et sa Résurrection.
 

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III - TABLEAU SCHÉMATIQUE DES MONDES

Le Non Manifesté
DIEU
dans la transcendance de sa Substance ineffable et incompréhensible
(En Soph ou l'Un au dessus de l'Être). 

La Manifestation supraformelle
Dieu dans l'immanence de sa Trinité et la révélation de sa Gloire.

La Manifestation informelle
(Mondes de l'émanation)

1 - À la limite supérieure : Les Sept devant le Trône (Kether ou le plérôme divin).

2 - La première hiérarchie angélique (Les quatre Animaux ou Séraphins).

3. - Les huit hiérarchies suivantes (Les vingt-quatre Vieillards), dont la dernière (les Anges) constitue le Royaume (Malkuth ou 7e Ciel)

La Manifestation formelle
(Mondes de la création, de la formation et de la faction)
1 - À la limite supérieure : L'Homme et les Esprits Vierges (Paradis et Jardins de vie ou 6e Ciel).

2 - Les mondes de l'Esprit divin (plans zodiacaux ou 5e Ciel).

3 - Les mondes de l'Esprit vital (plans solaires ou 4e Ciel).

4 - Les mondes de l'Esprit humain (plans planétaires) constituant le courant des formes et comprenant :
a) Les mondes de la pensée {abstraite (3e Ciel).   {concrète (2e Ciel).
b).Les mondes émotionnels (1er Ciel et Purgatoires). 

c) Les mondes physiques (terres d'épreuves et lieux de réincarnation).
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(1) Saint Mathieu, I, 20.
(2) Saint Mathieu, IV 1.
(3) Saint Mathieu, XXVII, 50 et saint Jean, XIX, 30.
(4) Saint Jean, VII, 39 et XVI, 7.
(5) Saint Jean, XX, 22.
(6) Saint Jean, XIV, 26 et XII, 12-13.