Réflexion de Lamennais - Livre 3, chapitre 10
Le monde est tellement fasciné par les passions, qu'il ne peut rien comprendre à la félicité des enfants de Dieu.
Quelquefois il les plaint, comme le monde sait plaindre, en jetant sur eux un regard de mépris; quelquefois il les contemple avec une sorte d'étonnement stupide. Il n'a nulle idée de ce qui se passe dans l'âme unie à son Créateur, nulle idée des consolations et du calme délicieux dont elle jouit. Saint Paul s'écriant: Je surabonde de joie au milieu de mes tribulations, lui est un mystère inexplicable; jamais il ne concevra cette joie pure, qui est justice et paix devant le Saint-Esprit. Quel est donc le partage du serviteur du monde ? Un immense ennui parsemé de quelques rares plaisirs, et, quand Dieu ne l'abandonne pas entièrement, le remords. Creusez dans son cur, vous n'y trouverez que cela. Le remords est sa justice, et l'ennui sa paix.
Ames chrétiennes, âmes détachées, qui avez renoncé au monde et à tout ce qui est du monde, plaignez à votre tour les infortunés chargés encore de ses pesantes chaînes; mais plaignez-les en vous humiliant aux pieds de Celui qui vous a délivrées, et dont la grâce, qui ne vous était pas due, vous met en possession des seuls biens véritables. Gardez avec soin ce bon trésor que vous a confié le Père des lumières, de qui découle tout don parfait, et demandez-lui avec amour qu'après avoir commencé votre joie sur la terre, il la consomme un jour dans les cieux.