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CHAPITRE IV

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CE QUE JÉSUS-CHRIST A PROPHÉTISÉ DE LA
VILLE DE JÉRUSALEM

 

I. Jésus a prophétisé deux choses : la destruction de Jérusalem, qu'accompliront les soldats romains de Titus et que racontera l'historien Josèphe ; - II. le sort de Jérusalem, à la suite de sa destruction : elle doit être « foulée aux pieds par les Gentils jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis. » - III. Ce qu'il faut entendre par cette dernière partie de la prophétie.

 

I

 

   La prophétie relative à la destruction de Jérusalem tomba des lèvres frémissantes de Jésus au jour des Rameaux, alors que du haut de la montagne des Oliviers son regard, comme nous l'avons dit, embrassait toute la ville :
   Si tu savais, du moins dans le jour qui t'est encore donné, ce qui pourrait t'apporter la paix ! Mais maintenant tout ceci est caché à tes yeux. Viendra le temps que tes ennemis t'environneront de tranchées, et t'enfermeront, et te serreront de toutes parts, et te détruiront toi et tes enfants écrasés sur le sol au milieu de toi, et ils ne laisseront en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu t'a visitée (1).
   Cette prophétie de destruction axant reçu un accomplissement connu de tous et qu'une plume juive, celle de l'historien Josèphe, a raconté dans tous ses détails (2), inutile de s'y arrêter. C'est sur le sort prédit à Jérusalem après cette destruction qu'il importe, par rapport à la question qui nous occupe, de fixer et d'attacher nos regards.

 

II

 

   Ce sort réservé à Jérusalem déicide, Jésus l'a annoncé deux jours après la fête des Rameaux, le mardi saint, du haut de la montagne des Oliviers, au cours de cet entretien à jamais mémorable dans lequel, rapprochant la fin de Jérusalem de la fin du monde, il découvrit à ses Apôtres les signes précurseurs des deux catastrophes (3). Puis Jésus ajouta :
   Et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis (4).
   À la suite de sa destruction par les Romains de Titus, le sort de Jérusalem sera donc, dans la suite des temps, d'être encore prise, saccagée, foulée aux pieds, dominée tour à tour par différents peuples Gentils prédiction qui s'est accomplie et continue à s'accomplir encore de nos jours.
   Jérusalem, en effet, a été prise et saccagée plus de vingt fois depuis Titus. Des millions d'hommes ont été égorgés dans son enceinte ; nulle autre ville n'a éprouvé un pareil sort.
   C'est par les légions d'Adrien qu'elle est, une première fois, foulée aux pieds, l'an 130 de Jésus-Christ. Elles achèvent de détruire ce que Titus avait laissé debout.
   Une seconde fois, elle est prise et foulée par Cosroès, roi des Perses, l'an 613.
   Une troisième fois, par Héraclius, qui bat Cosroès en 627 et rentre en vainqueur dans Jérusalem.
   Une quatrième fois, neuf ans après, en 636, par le calife Omar, troisième successeur de Mahomet, qui s'en empare, après l'avoir assiégée pendant quatre mois.
   Une cinquième et sixième fois, de l'an 643 à 868, quand la chute de la dynastie des Ommiades amène l'élévation de celle des Abbassides. Durant ces deux cents ans, la Judée et notamment Jérusalem sont remplies de troubles et de malheurs.
   Une septième fois, par Ahmed, Turc toulounide, qui, devenu souverain de l'Égypte, fait la conquête de Jérusalem en 868.
   Une huitième fois, par les califes de Bagdad qui, après avoir défait le fils d'Ahmed, rangent la cité sainte sous leur puissance, après l'avoir saccagée, l'an 905.
   Une neuvième lois, par un nouveau Turc nommé Mahomet-Ikhschid, qui, s'étant à son tour emparé de l'Égypte, porte ses armes au dehors et soumet Jérusalem, l'an 936.
   Une dixième fois, par les Fatimites, sortis des sables de Cyrène, en 968. Ils chassent les Ikhschidistes de l'Égypte, et leur succèdent à Jérusalem.
   Une onzième fois, par un autre Turc, du nom d'Ortok, favorisé par les Seldjoucides d'Alep. Il se rend maître de Jérusalem, en 984, et ses enfants y règnent après lui.
   Une douzième fois, par Mostali, calife d'Égypte, qui oblige les Ortokides à sortir de Jérusalem.
   Une treizième fois, par Meleschah, Turc seldjoucide, qui prend la cité sainte en 1076, et fait ravager tout le pays.
   Une quatorzième fois, par les Ortokides, qui parviennent à rentrer dans Jérusalem, d'où ils avaient été chassés par le calife Mostali. Ils s'y maintiennent contre Redouan, prince d'Alep.
   Une quinzième fois, par les Fatimites, qui en expulsent de nouveau les Ortokides en 1076.
   Une seizième fois, par les Croisés, qui mettent fin au règne des Fatimites. Jérusalem bientôt assiégée voit flotter l'étendard de la croix sur ses murs, le vendredi 15 juillet 1099, à trois heures de l'après-midi.
   Une dix-septième fois, par Saladin, qui arrache les Lieux Saints à leurs nouveaux maîtres. Jérusalem est prise et foulée aux pieds du vainqueur, l'an 1188.
   Une dix-huitième fois, par Nedjmeddin, soudan d'Egypte, qui envoie les Karismiens l'assiéger et la reprendre contre les princes latins redevenus un instant ses possesseurs. Les Karismiens la reprennent et en massacrent les habitants, en 1242. L'année suivante, ils la pillent encore une fois avant de la rendre au soudan Saley-Ayoub, successeur de Nedjmeddin.
   Une dix-neuvième fois, en 1382, par les Mamelucks circassiens, qui usurpent l'autorité en Égypte et donnent une nouvelle forme de gouvernement à la Palestine. C'est, en Orient, le règne des soudans circassiens.
   Une vingtième fois, par les Turcs, qui, avec Sélim 1er, en 1516, s'emparent d'abord de l'Égypte et viennent ensuite fouler sous les pieds de leurs chevaux le sol si souvent bouleversé de Jérusalem.
   C'est de cette Jérusalem des Turcs, de cette vingtième ombre de la Jérusalem primitive, qu'un Juif, l'un de ses habitants, a pu dire ces tristes paroles : « Ici tout est poussière. En tout autre lieu de la terre ce qui avait été détruit renaît de ses ruines ; mais ici rien ne verdit, rien ne fleurit, quoiqu'il y mûrisse un fruit au goût amer, le chagrin de voir que Jérusalem a. disparu. N'attends ici aucune joie, ni des hommes, ni des montagnes (5). » Détails caractéristiques, qui prouvent jusqu'à quel point s'est réalisée la première partie de la prophétie de Jésus : Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils.

 

III

 

   Mais Jésus a ajouté : Jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis.
   Que signifient ces paroles ? Que faut-il entendre par cet accomplissement des temps des nations qui semble devoir amener un changement dans l'état d'oppression de Jérusalem ?
   Il existe deux interprétations principales :
   Selon une première opinion, Jérusalem serait foulée aux pieds jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de nations, par conséquent jusqu'à la fin du monde. Telle est l'opinion de saint Jean Chrysostome (6), d'Euthimius (7), de Nic. Zegerus, Sà, Luc de Bruges (8) et autres. En ce cas, Jérusalem ne redeviendrait jamais capitale d'un État juif, les nations devant jusqu'à la fin du monde la fouler aux pieds.
   Selon une seconde opinion, Jérusalem serait foulée aux pieds jusqu'à ce que les temps des nations soient accomplis, c'est-à-dire jusqu'à ce que la plénitude des nations soit entrée dans l'Église et qu'Israël se convertisse. Un passage de saint Paul aux Romains semble favoriser singulièrement cette opinion : Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce mystère (pour que vous ne soyez pas sages à vos propres yeux), à savoir que l'aveuglement a frappé en partie Israël, jusqu'à ce que la plénitude des Gentils soit entrée, et qu'ainsi tout Israël soit sauvé (9).
   Par ces paroles, l'Apôtre annoncerait, ce que nous voyons depuis dix-neuf siècles, que tous les peuples entreront successivement dans l'Église : le salut des Gentils consommé, les restes d'Israël seront sauvés à leur tour.
   Mais alors Jérusalem cessant d'être foulée aux pieds, redeviendrait-elle la possession des restes d'Israël convertis ? L'État juif se reconstituerait-il ?
   Non : la preuve en sera bientôt donnée.


(1) Luc, XIX, 41-44.
(2) Josèphe, la Guerre des Juifs.
(3) Luc., XXI, 7-23 ; Matth., XXIV, 4-35 ; Marc, XIII, 5-31.
(4) Luc, XXI, 24.
(5) D Frankl, Nach Jérusalem, t. II, p. 14.
(6) Chrysost., IIa Oral. contr. Jud.
(7) Euthim., in Matth. c. XXIV.
(8) Luc. Brug., in Luc. c. XXI, 24.
(9) Rom., xi, 25, 26.