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QUATRIÈME PARTIE
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CHAPITRE PREMIER
CERTITUDE DE LA CONVERSION A VENIR
DU PEUPLE JUIF
I. Deux passages de saint Paul relatifs aux Juifs nullement contradictoires, l'un s'exprimant selon la vérité, l'autre selon la charité. - II. Certitude de la conversion à venir du peuple juif. Prophéties de l'Ancien Testament qui en font l'annonce. III. Saint Paul, dans le Nouveau Testament, le grand héraut de cette conversion. - IV. Commentaire du chapitre xi de son Épître aux Romains par Bossuct. - V. Cette conversion annoncée par Jésus-Christ lui-même.
I
Écrivant des Juifs, il y a dix-neuf siècles, un Apôtre en traçait ce portrait : Ils ont tué le Seigneur Jésus et les prophètes, ils nous ont persécutés, ils ne plaisent pas à Dieu et sont ennemis de tous les hommes, nous empêchant de parler aux nations pour qu'elles soient sauvées, de sorte qu'ils comblent toujours la mesure de leurs péchés : car la colère de Dieu est tombée sur eux jusqu'à la fin (1).
Ce terrible réquisitoire, résumé de toutes les hostilités juives contre le Christ et son Église à travers les siècles chrétiens, est de saint Paul, de l'Apôtre à l'âme si tendre, au cœur si pétri de charité, qu'il a pu écrire ces autres lignes inoubliables : Je dis la vérité dans le Christ, et ne mens pas ; ma conscience me rend témoignage par l'Esprit-Saint, qu'une grande tristesse est en moi, et une douleur continuelle dans mon cœur. Car je désirerais être moi-même, de la part du Christ, anathème pour mes frères, qui sont mes proches selon la chair, qui sont les Israélites, à qui appartient l'adoption des enfants, et la gloire, et l'alliance, et la Loi, et le culte, et les promesses, à qui appartiennent les patriarches, ci de qui est issu, selon la chair, le Christ qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni dans tous les siècles (2).
Il n'y a pas contradiction entre ces deux passages de saint Paul. Dans le premier, l'Apôtre a parlé selon la vérité ; dans le second, selon la charité.
Selon la vérité, les Juifs « ont persécuté leur Messie, et en sa personne et en celle des siens : ils ont remué tout l'univers contre ses disciples, et ne les ont laissés en repos dans aucune ville ; ils ont armé les Romains et les empereurs contre l'Église naissante (3) » et, autant qu'ils l'ont pu, arrêté tous ses développements, empêchant ainsi le salut des nations.
Selon la charité, saint Paul n'a cessé de prier pour eux, de se sacrifier pour eux, de leur rappeler leurs titres de gloire, leur laissant entrevoir un temps de miséricorde divine prévenante et leur conversion.
II
La conversion à venir du peuple juif est, en. effet, certaine. Il y a pour leur repentir et leur rentrée dans l'Église des promesses divines :
Prophétie d'Osée : Pendant des jours nombreux, les enfants d'Israël demeureront sans roi, sans prince, sans sacrifice et sans autel, sans éphod et sans théraphim. Et après cela les enfants d'Israël reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David leur roi ; et ils s'approcheront avec crainte du Seigneur et de ses biens, aux derniers jours (4).
C'est en vain que les Juifs ont voulu établir que cet heureux retour s'était déjà accompli avec la fin de la captivité de Babylone. Les termes mêmes de la prophétie, l'histoire, toute la tra-dition en fixent l'accomplissement vers la fin des temps. C'est alors seulement qu'ils reconnaîtront et retrouveront ce Messie, qui a été un nouveau David, et qui en porte le nom (5). C'est aussi alors que la surabondance des biens spirituels dont Dieu les comblera sera telle, qu'ils en seront comme épouvantés et submergés. C'est là ce qu'il faut voir dans cette célèbre prophétie, ainsi que saint Augustin l'a excellemment expliqué dans sa Cité de Dieu : « Ces Israélites charnels, dit-il, qui aujourd'hui refusent de croire en Jésus-Christ, ils y croiront un jour, c'est-à-dire leurs enfants, car Osée le prophétise en ces termes : Durant un grand nombre de jours les fils d'Israël resteront sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans culte. Qui ne retrouve dans cette peinture l'état présent du peuple juif ? Mais écoutons ce qu'ajoute le prophète : Puis après les fils d'Israël reviendront, ils chercheront le Seigneur leur Dieu et David leur roi ; ils seront dans la stupeur en retrouvant Dieu et ses bienfaits dans les derniers jours. Rien de clair comme cette prophétie. Sous cette appellation de David, c'est le Christ qu'il faut entendre, « le Christ, dit l'Apôtre, qui selon la chair est né du sang de David (6). »
À cette interprétation si nette, si lumineuse, de la prophétie d'Osée sur la conversion finale d'Israël, qu'il nous soit permis d'ajouter un autre témoignage non moins formel, quoique plus rapproché de nous, le témoignage du grand pape Pie IX.
Presque à la veille de mourir, l'auguste pontife nous fit l'honneur de nous écrire la lettre suivante :
« PIE IX. PAPE
Chers fils, salut et bénédiction apostolique.
La lettre respectueuse que vous Nous avez adressée dans les premiers jours de décembre, et l'offrande de votre livre intitulé : Valeur de l'assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, Nous ont fait connaître de plus en plus le zèle ardent qui vous fait travailler à convertir la nation juive à la vérité catholique. Ce seul motif suffisait pour que votre envoi Nous fût agréable : mais ce qui Nous a réjoui encore davantage c'est que le sujet même de l'ouvrage, et ce que Nous en avons lu, Nous a paru devoir être utile aussi aux lecteurs catholiques, puisqu'il a pour but d'illuminer d'un plus grand jour une partie de l'histoire évangélique. C'est pourquoi, en même temps que Nous adressons votre zèle une louange bien méritée, et que Nous vous remercions des hommages que vous Nous avez rendus, Nous supplions humblement le Seigneur que ceux auxquels vous vous efforcez plus principalement de porter secours retirent des fruits abondants de vos travaux Et parce que, selon l'oracle du prophète Osée, les fils d'Israël sont restés longtemps sans roi et sans chefs, et sans sacrifice et sans autel ; que commence bientôt à s'accomplir cette autre parole du même prophète : Et après ces choses, les fils d'Israël reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et David leur roi !
Nous appuyant donc sur cette espérance, comme témoignage de Notre paternelle tendresse et comme gage de la faveur divine, Nous vous accordons avec amour la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 14 février 1877, de Notre pontificat la trente-unième année (7).
PIE IX, PAPE. »
C'est donc bien la conversion finale d'Israël que le prophète Osée a annoncée.
D'autres passages de l'Ancien Testament font écho à cette annonce
Prophétie de Moïse dans le Deutéronome, IV, 30, 31.
Prophétie d'Isaïe, LIX.
Prophétie de Jérémie, XXXI, 1, 2.
Prophétie de Daniel, XII, 1.
Prophétie de Michée, II, 12, 13.
Prophétie de Malachie, IV, 5, 6.
Nous nous bornons à des indications, ayant hâte de citer celui qui, dans le Nouveau Testament, est le grand héraut de cette conversion finale.
III
Ce grand héraut est encore saint Paul.
Voici ce qu'il a écrit ou plutôt prophétisé dans son épître aux Romains :
Se sont-ils (les Juifs) heurtés de telle sorte qu'ils soient tombés pour toujours ? Non certes ; mais par leur péché le salut est venu aux Gentils, pour leur donner de l'émulation. Que si leur péché est la richesse du monde, et leur diminution la richesse des Gentils, combien plus leur plénitude ! Car je le dis à vous, Gentils Tant que je serai apôtre des Gentils, j'honorerai mon ministère, en provoquant de quelque manière l'émulation dans ceux de ma race et en sauvant quelques-uns d'entre eux. Car si leur perte est la réconciliation du monde, que sera leur rappel, sinon la vie sortant de la mort ? Que si les prémices sont saintes, la masse aussi ; et si la racine est sainte, les rameaux aussi. Que si quelques-uns des rameaux ont été rompus, et si toi, qui n'étais qu'un olivier sauvage, tu as été enté en eux et rendu participant de la racine et de la sève de l'olivier, ne te glorifie pas à l'égard des rameaux. Sache, si tu te glorifies, que tu ne portes pas la racine, mais que la racine te porte. Tu diras donc : Les rameaux ont été rompus pour que je fusse enté. Bien : ils ont été rompus à cause de l'incrédulité. Toi donc, tiens-toi ferme dans la foi ; ne cherche pas à t'élever, mais crains. Car si Dieu n'a pas épargné les rameaux naturels, il se peut qu'il ne t'épargne pas toi-même. Vois donc la bonté et la sévérité de Dieu : envers ceux qui sont tombés, la sévérité ; et envers toi, la bonté, si tu persévères dans la bonté ; autrement, toi aussi tu seras retranché. Mais eux-mêmes, s'ils ne persévèrent pas dans l'incrédulité, seront entés, car Dieu peut les enter de nouveau. Car si tu as été coupé de l'olivier sauvage., ta tige naturelle, et inséré malgré ta nature sur le bon olivier, combien plus, eux, seront-ils entés, selon leur nature, sur leur propre olivier ? Car je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce mystère (pour que vous ne soyez pas sages à vos propres yeux), que l'aveuglement a frappé en partie Israël, jusqu'à ce que la plénitude des Gentils soit entrée, et qu'ainsi tout Israël soit sauvé, comme il est écrit : Il viendra de Sion celui qui délivrera Jacob et bannira de lui l'impiété. Et ce sera mou alliance avec eux, lorsque j'effacerai leurs péchés. Selon l'Évangile, sans doute, ils sont ennemis à cause de vous ; mais, selon l'élection, ils sont très aimés à cause de leurs pères. Car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. De même, en effet, qu'autrefois vous aussi vous n'avez pas cru, et maintenant vous avez obtenu miséricorde à cause de leur incrédulité ; ainsi eux maintenant n'ont pas cru, pour qu'il vous fût fait miséricorde ; afin qu'eux aussi obtiennent miséricorde. Car Dieu a tout enfermé clans l'incrédulité pour faire miséricorde à tous. Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu ! que ses jugements soul incompréhensibles et ses voies impénétrables (8) !
IV
Le plus beau commentaire qui existe peut-être de ce magnifique et mystérieux passage de saint Paul est celui de Bossuet.
C'est donc l'aigle de Meaux qui va nous l'expliquer.
« Comme les Juifs doivent revenir un jour à ce Messie qu'ils ont méconnu, et que le Dieu d'Abraham n'a pas encore épuisé ses miséricordes sur la race quoique infidèle de ce patriarche, il a trouvé un moyen dont il n'y a dans le monde que ce seul exemple, de conserver les Juifs, hors de leur pays et dans leur ruine, plus longtemps même que les peuples qui les ont vaincus. On ne voit plus aucun reste ni des anciens Assyriens, ni des anciens Mèdes, ni des anciens Perses, ni des anciens Grecs, ni même des anciens Romains. La trace s'en est perdue, et ils se sont confondus avec d'autres peuples. Les Juifs, qui ont été la proie de ces anciennes nations si célèbres dans les histoires, leur ont survécu ; et Dieu en les conservant nous tient en attente de ce qu'il veut faire encore des malheureux restes d'un peuple autrefois si favorisé. Cependant leur endurcissement sert au salut des Gentils, et leur donne cet avantage de trouver en des mains non suspectes les Écritures qui ont prédit Jésus-Christ et ses mystères. Ainsi nous profitons de leur disgrâce : leur infidélité fait un des fondements de notre foi ; ils nous apprennent à craindre Dieu, et nous sont un spectacle éternel des jugements qu'il exerce sur ses enfants ingrats, afin que nous apprenions à ne point nous glorifier des grâces faites à nos pères. »
«Un mystère si merveilleux et si utile à l'instruction du genre humain, mérite bien d'être considéré. Mais nous n'avons pas besoin des discours humains pour l'entendre : le Saint-Esprit a pris soin de nous l'expliquer par la bouche de saint Paul ; et je vous prie d'écouter ce que cet Apôtre en a écrit aux Romains (9). »
«Après avoir parlé du petit nombre de Juifs qui avait reçu l'ÉvangiIe, et de l'aveuglement des autres, il entre dans une profonde considération de ce que doit devenir un peuple honoré de tant de grâces, et nous découvre tout ensemble le profit que nous tirons de leur chute et les fruits que produira un jour leur conversion. »
«Les Juifs sont-ils donc tombés, dit-il, pour ne se relever jamais? À Dieu ne plaise. Mais leur chute a donné occasion au salut des Gentils, afin que le salut les Gentils leur causât une émulation (10) qui les fit rentrer en eux-mêmes. Que si leur chute a été la richesse des «Gentils » qui se sont convertis en si grand nombre, quelle grâce ne verrons-nous pas reluire quand ils retourneront avec plénitude ! Si leur réprobation a été la réconciliation du monde, leur rappel ne sera-t-il pas une résurrection de mort à vie ? Que si les prémices tirées de ce peuple sont saintes, les rameaux le sont aussi ; et si quelques-unes des branches ont été retranchées, et que toi, gentil, qui n'étais qu'un olivier sauvage, tu aies été enté parmi les branches qui sont demeurées sur l'olivier franc, en sorte que tu participes au suc découlé de sa racine, garde-toi de t'élever contre les branches naturelles. Que si tu t'élèves, songe que ce n'est pas toi qui portes la racine, mais que c'est la racine qui te porte. Tu diras peut-être : Les branches naturelles ont été coupées afin que je fusse enté en leur place. Il est vrai, l'incrédulité a cause ce retranchement, et c'est ta foi qui te soutient. Prends donc garde de ne t'enfler pas, mais demeure dans la crainte : car si Dieu n'a pas épargné les branches naturelles, tu dois craindre qu'il ne t'épargne encore moins. »
«Qui ne tremblerait en écoutant ces paroles de l'Apôtre ? Pouvons-nous ne pas être épouvantés de la vengeance qui éclate depuis tant de siècles si terriblement sur les Juifs, puisque saint Paul nous avertit de la part de Dieu que notre ingratitude nous peut attirer un semblable traitement ? Mais écoutons la suite de ce grand mystère. L'Apôtre continue à parler aux Gentils convertis : « Considérez, leur dit-il, la clémence et la sévérité de Dieu ; sa sévérité envers ceux qui sont déchus de sa grâce, et sa clémence envers vous, si toutefois vous demeurez fermes en l'état où sa bonté vous a mis ; autrement vous serez retranchés comme eux. Que s'ils cessent d'être incrédules, ils seront entés de nouveau, parce que Dieu (qui les a retranchés) est assez puissant pour les faire encore reprendre. Car si vous avez été détachés de l'olivier sauvage où la nature vous avait fait naître, pour être entés dans l'olivier franc contre l'ordre naturel, combien plus facilement les branches naturelles de l'olivier même seront-elles entées sur leur propre tronc (11) ? » Ici l'Apôtre s'élève au-dessus de tout ce qu'il vient de dire ; et entrant dans les profondeurs des conseils de Dieu, il poursuit ainsi son discours : « Je ne veux pas, mes frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous appreniez à ne présumer pas de vous-mêmes. C'est qu'une partie des Juifs est tombée dans l'aveuglement, afin que la multitude des Gentils entrât cependant dans l'Église, et qu'ainsi tout Israël fût sauvé, selon qu'il est écrit (12) : Il sortira de Sion un libérateur qui bannira l'impiété de Jacob, et voici l'alliance que je « ferai avec eux lorsque j'aurai effacé leurs péchés (13). »
« Ce passage d'Isaïe, que saint Paul cite selon les Septante, à cause que leur version était connue dans toute la terre, est encore plus fort dans l'original. Car le Prophète y prédit avant toutes choses la conversion des Gentils par ces paroles : « Ceux d'Occident craindront le nom du Seigneur, et ceux d'Orient verront sa gloire. » Ensuite sous la figure d'un fleuve rapide poussé par un vent impétueux, Isaïe voit de loin les persécutions qui feront croître l'Église. Enfin le Saint-Esprit lui apprend ce que deviendront les Juifs, et lui déclare « que le Sauveur viendra à Sion, et s'approchera de ceux de Jacob, qui alors se convertiront de leurs péchés, et voici dit le Seigneur, l'alliance que je ferai avec eux Mon esprit qui est en toi, ô prophète, et les paroles que j'ai mises en ta bouche demeureront éternellement non seulement dans ta bouche, mais encore dans la bouche de tes enfants, et des enfants de tes enfants, maintenant et à jamais, dit le Seigneur. (14) »
«Il nous fait donc voir clairement qu 'après la conversion des Gentils, le Sauveur que Sion avait méconnu, et que les enfants de Jacob avaient rejeté, se tournera vers eux, effacera leurs péchés et leur rendra l'intelligence des prophéties qu'ils auront perdue durant un long temps, pour passer successivement et de main en main dans toute la postérité, et n'être plus oubliée jusques à la fin du monde, et autant de temps qu'il plaira à Dieu le faire durer après ce merveilleux événement. »
«Ainsi les Juifs reviendront un jour, et ils reviendront pour ne s'égarer jamais ; mais ils ne reviendront qu'après que l'Orient et l'Occident, c'est-à-dire tout l'univers, auront été remplis de la crainte et de la connaissance de Dieu. »
«Le Saint-Esprit fait voir à saint Paul que ce retour des Juifs sera l'effet de l'amour que Dieu a eu pour leurs pères. C'est pourquoi il achève ainsi son raisonnement : « Quant à l'Évangile, dit-il, que nous vous prêchons maintenant, les Juifs sont ennemis pour l'amour de vous : si Dieu les a réprouvés, ç'a été, ô Gentils, pour vous appeler ; mais quant à l'élection par laquelle ils étaient choisis dès le temps de l'alliance jurée avec Abraham, ils lui demeurent toujours chers, à cause de leurs pères : car les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance. Et comme vous ne croyiez point autrefois, et que vous avez maintenant obtenu miséricorde cause de l'incrédulité des, Juifs. » Dieu avant voulu vous choisir pour les remplacer : ainsi les Juifs n'ont point cru que Dieu vous ait voulu faire miséricorde, afin qu'un jour ils la reçoivent car Dieu a tout renfermé dans l'incrédulité, pour faire miséricorde à tous, » et afin que tous connussent le besoin qu'ils ont de sa grâce. « Ô profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! que ses jugements sont incompréhensibles, et que ses voies sont impénétrables ! Car qui a connu les desseins de Dieu, ou qui est entré dans ses conseils ? Qui lui a donné le premier pour en tirer récompense puisque c'est de lui, et par lui, et en lui, que sont toutes choses ? La gloire lui en soit rendue dans tous les siècles (15). »
« Voilà ce que dit saint Paul sur l'élection des Juifs, sur leur chute, sur leur retour, et enfin sur la conversion des Gentils, qui sont appelés pour tenir leur place, et pour les ramener la fin des siècles à la bénédiction promise à leurs pères, c'est-à-dire au Christ qu'ils ont renié. Ce grand Apôtre nous fait voir la grâce qui passe de peuple en peuple, pour tenir tous les peuples dans la crainte de la perdre ; et nous en montre la force invincible, en ce qu'après avoir converti les idolâtres, elle se réserve pour dernier ouvrage de convaincre l'endurcissement et la perfidie judaïque (16).»
De quelle manière cet endurcissement sera-t-il enfin vaincu ? C'est encore saint Paul qui le fait connaître dans sa 11e Épître aux Corinthiens. Rappelant le voile que Moïse, descendu du Sinai, plaçait sur son visage pour que les enfants d'Israël ne fussent pas éblouis par les rayons qui illuminaient sa face, saint Paul ajoute : Leurs esprits sont devenus obtus. Car jusqu'à ce jour, dans la lecture de l'Ancien Testament, le même voile demeure sans être levé (parce qu'il n'est ôté que par le Christ) ; et jusqu'à ce jour, lorsqu'ils lisent. Moïse, un voile est pesé sur leur cœur. Mais lorsqu'il se tournera vers le Seigneur, le voile sera ôté (17). Un jour viendra donc où, par la grâce de Jésus-Christ, le voile, qui a passé du front de Moïse sur le cœur du peuple juif, sera ôté. Ils reconnaîtront alors que la loi de Moïse, son culte, ses prescriptions, devaient aboutir au Messie Jésus et qu'ils ont reçu en lui leur accomplissement, leur perfectionnement. Ce jour de l'enlèvement du voile sera celui de leur conversion.
V
Cette conversion est donc certaine. L'Ancien et le Nouveau Testaments viennent de nous l'apprendre. Mais au point de jonction des deux Testaments, à leur commun sommet, ou plutôt à leur trait d'union, il y a le Christ, sa personne adorable.
Jésus n'a-t-il rien dit lui-même de la conversion finale du peuple juif ? S'est-il borné à la faire connaître par les Prophètes et par son Apôtre ?
Ah ! elle ne pouvait rester muette sur ce grand jour de la miséricorde divine la bouche qui avait prononcé ce sanglot sur Jérusalem : Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l'as pas voulu (18) !
Aussi a-t-elle ajouté :
Je vous le dis, vous ne me verrez plus jusqu'à ce que vous disiez Béni soit celui qui vient a nom du Seigneur (19).
Voilà la conversion finale du peuple juif annoncée par Jésus-Christ lui-même.
Viendra donc un jour où les descendants de ceux qui vendirent et descendirent dans la fosse Celui qui est plus grand que Joseph, se prosterneront à ses pieds et le reconnaîtront. Ce sera aux cris mille fois répétés de : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, que s'opérera cette reconnaissance. Joyeuse acclamation de foi et d'amour, après avoir accueilli autrefois le Fils de Dieu à son entree à Jérusalem au jour des Rameaux, elle retentira de nouveau, reprise, cette fois, par la nation juive convertie en masse. C'est là l'horizon consolant, la perspective de bonheur que Jésus a laissé entrevoir. « Il veut dire, écrit Bossuet, qu'il s'en allait jusqu'au dernier jugement, qui n'arriverait pas que les Juifs ne fussent retournés à lui et ne le reconnussent pour le Christ (20). »
Appuyée de la sorte sur les prophéties de l'Ancien Testament, sur les prédictions de saint Paul, sur la parole même de Jésus-Christ, la persuasion des fidèles a été de tout temps que les Juifs reviendront un jour au Seigneur. Et elle est vraie à notre époque, comme au temps de saint Augustin, cette affirmation du grand évêque d'Hippone : « C'est une croyance célèbre dans la tradition et le cœur des fidèles qu'aux derniers jours, avant le jugement, les Juifs croiront au Christ véritable, à notre Christ (21). »
(1) 1re Épît. aux Thessal., II, 15,16.
(2) Epît. aux Rom., IX, 1-5.
(3) Bossuet, Discours sur l'Hist. universelle, part. II, ch. XXI.
(4) Osée, III, 4, 5.
(5) Même annonce chez Jérémie et Ézéchiel : Ils serviront Jéhova leur Dieu, et David leur roi, que je leur susciterai.. (Jérém., XXX, 9.) - Moi, Jéhova, je serai leur Dieu, et mon serviteur David sera le prince au milieu d'eux. (Ezéch., XXXIV, 24.)
(6) S. August., De Civitate Dei, lib. XVIII, cap. XXVIII.
(7) Bref adressé à MM. les abbés Joseph et Augustin Lémann, prêtres de Lyon.
(8) S. Paul, Épit. aux Rom., XI, 11-33.
(9) Rom., XI, 1, 2, etc.
(10) Ibid., 11, etc.
(11) Rom., XI, 23 et seq.
(12) Ibid., 25 et seq.
(13) Isaïe, LIX, 20.
(14) Isaïe, LIX, 20, 21.
(15) Rom., XI, 28-36.
(16) Bossuet, Disc, sur l'Hist. univ., part. II, chap. XX.
(17) II ad Corinth., III, 14-16.
(18) Matth., XXXIII, 39 ; Luc, XIII. 34.
(19) Matth., XXXII, 39 ; Luc, XXXV.
(20) Bossuet, Médit, sur l'Évang. : La dernière semaine du Sauveur, LXIIIe journée. - Cf. Corn, a Lap., in Matth. XXIII, 39. - Migne, Curs. Scrip. Sœ in h. l. - Lucas Burgensis, in Luc. XIII, 31.
(21) « Ultimo tempore ante judicium, Judæos in Christum verum, id est, in Christum nostrum esse credituros, celeberrimum est in sermonibus cordibusque fidelium » (S. August., De Civitate Dei, lib. XX, XXIX.)