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Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de lautel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 1
Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, la vie de lhomme sur la terre est un labeur. La vie est un pèlerinage, le monde un lieu dexil, le corps une prison, chaque moment une lutte de l'homme contre lui-même. C'est pour cela que, selon ma parole, le royaume du ciel souffre violence. Vous navez jamais considéré attentivement la vie de l'homme : elle est sujette à des changements continuels. Il marche tantôt avec force et courage vers le terme, et tantôt avec faiblesse et lâcheté. Aujourd'hui, il est plein de feu; demain, sans mouvement. Quelquefois il sélève et semble pénétrer les cieux par la sublimité et la grandeur des aspirations de son âme; quelques instants après il rampe terre à terre. Voyez-le, sa figure rayonne de joie; voyez-le de nouveau, son front est obscurci par le trouble et le chagrin. Voilà ce que le prophète roi a dépeint dans ses psaumes, et ses paroles sont pleines de vérité.
« Ces divers états de l'âme ne dépendent pas toujours delle-même, Dieu léprouve en agissant ainsi. Dieu ne soutient pas toujours également les âmes; il semble se retirer quelquefois avec ses grâces, ses consolations, sa force, son soutien; il abandonne les âmes à elles-mêmes, pour qu'elles sentent mieux leur misère et leur néant, pour les faire lutter, pour les exercer au combat, pour leur prouver combien elles sont impuissantes sans lui et augmenter leurs mérites. Dieu agit ainsi pour faire comprendre aux âmes, même les plus parfaites et les plus saintes, que la perfection absolue n'est point sur la terre, qu'il n'y a rien de stable ici-bas et qu'il faut toujours combattre. Dieu agit ainsi pour montrer aux âmes que la vie sur la terre ressemble à la vie dun enfant, qui a toujours besoin de son père et de sa mère tant qu'il est enfant, et que la virilité véritable n'a lieu que dans le ciel. Dieu agit ainsi afin que lâme, appesantie sous le poids de son corps, se détache le plus possible de ce compagnon de voyage pour ne sattacher qu'à Dieu. Dieu agit ainsi afin que, dans les moments de sécheresse, daridité ou de froideur, l'âme se tourne vers lui, le suppliant de faire tomber sur elle une rosée pleine de fraîcheur et de fécondité, et de la réchauffer par les ardeurs de son amour.
« C'est pourquoi, ma fille, dans quelque état que vous vous trouviez, ayez toujours soin de penser à Dieu. Faites un doux effort pour aller vers lui. Jetez vers lui un cri dalarme, ou bien tenez-vous en sa présence, ramenez votre esprit vers lui. Oubliez tout le reste; peines, chagrins, afflictions, travaux, exercices de piété; si vous êtes unie à Dieu, tout ira bien. Votre vie pourra être laborieuse, cest-à-dire pénible, mais ce labeur vous portera vers Dieu et vous engendrera à la gloire. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 2
Le Sauveur Jésus vint un jour à moi et me dit : « Ma fille, je veux vous parler, selon la promesse que je vous ai déjà faite, des épreuves des âmes justes, de ces âmes qui marchent et sefforcent davancer de plus en plus dans la voie de la justice. Je vous indiquerai ensuite les motifs pour lesquels Dieu éprouve ainsi ces âmes.
« Il y a deux sortes dépreuves : les unes regardent le corps ou la vie matérielle, les autres regardent l'âme ou la vie surnaturelle. Les épreuves ne sont pas un mal, les âmes intérieures le comprennent bien, mais les mondaines ne le comprennent pas. Leur parler dépreuves, de souffrances, de tribulations, de pénitences, c'est leur tenir un langage barbare qu'elles ne veulent point écouter. Ce sont des aveugles qui ne voient point dans la vie intérieure; ce sont des sourds qui ferment leurs oreilles et qui nentendent point la parole de la vie intérieure; ce sont des muets dont la langue est liée et qui ne peuvent dire la grandeur de la vie intérieure; ce sont des paralytiques qui nont point lusage de leurs pieds pour marcher dans la vie intérieure, ni celui de leurs bras pour en embrasser les pratiques.
« Vous n'êtes point du monde, ma fille, vous ne lui appartenez point; vous êtes ma propriété, vous comprendrez que les épreuves sont pour votre bien et qu'elles sont pour vous encore une source très-grande de mérites.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont les infirmités, les souffrances, les maladies. Combien de saints, aujourd'hui dans le ciel, qui doivent leur salut à ces épreuves? La santé eût été pour eux loccasion dune ruine éternelle.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont encore la perte dun ami, dun père ou dune mère, dun frère ou dune sur. La mort, ma fille, ne frappe pas seulement le cur, elle frappe aussi lesprit. Elle fait faire des réflexions sérieuses, tourne lesprit vers Dieu, lattache à lui, et par ce moyen fait suivre la voie de la vérité.
« Les épreuves du corps ou de la vie matérielle sont encore la pauvreté, la misère, le dénuement de toutes choses, la perte de sa fortune et de ses richesses. Ces épreuves sont aussi fort utiles aux âmes. Le riche, je vous lai déjà dit, ma fille, entre bien difficilement dans le ciel, parce qu'il sattache à ses richesses et non à Dieu. Le pauvre, au contraire, apprend de bonne heure à nespérer qu'en Dieu, à ne recourir quà lui. Il est détaché de tout, mais il a Dieu pur lui et Dieu lui suffit. C'est une grande grâce que Dieu fait souvent au riche de lui enlever ses richesses. Il lui montre que rien n'est stable ici-bas, qu'il ne faut compter sur rien, mais quon doit plutôt sabandonner complètement à Dieu et naimer que lui.
« Les épreuves de l'âme ou de la vie surnaturelle sont les scrupules. Je ne parle point des scrupules qui arrivent aux âmes timides ou ignorantes, mais de ceux qui obsèdent les âmes les plus parfaites. Ces scrupules sont un bien, parce qu'ils attachent de plus en plus à Dieu.
« Les épreuves de l'âme ou de la vie surnaturelle sont la privation de la présence sensible de Dieu.
« Voyez cette personne dont la volonté est attachée à celle de Dieu. Le démon lui suggère une pensée coupable; aussitôt elle repousse cette mauvaise pensée. Cependant la tentation redouble, remplit tout son cur, occupe toutes les puissances de son âme; il ne reste plus à cette personne que sa volonté qui, pleine dhorreur pour le péché, se tient toujours attachée à Dieu. Dieu, voulant léprouver encore davantage, lui ôte sa présence sensible et elle demeure sans consolation de la part de Dieu. Son esprit se remplit dépaisses ténèbres; elle ne sait plus distinguer si elle a consenti ou non à la tentation qui la obsédée; elle se demande si elle jouit encore de lamitié de Dieu ou bien si elle est en état de péché mortel. Néanmoins elle ne se trouble pas, elle reste toujours fortement appuyée sur Dieu et inébranlable comme un rocher. Elle demande des lumières à son directeur sans chercher de consolations et demeure aveuglément soumise à la volonté de Dieu. Que de mérites cette personne ne gagne-t-elle pas! Comme Dieu la regarde avec complaisance! Ne sentez-vous pas qu'il faut une vertu bien solide pour une telle épreuve? Cet état dure plus ou moins longtemps selon la volonté de Dieu qui comble ensuite cette âme de consolations sur la terre, ou lui accorde immédiatement la plus brillante des couronnes du ciel quand lépreuve a duré jusquà la mort.
« Une âme, ma fille, est facilement joyeuse et fervente, quand elle ressent toutes les consolations attachées à la grâce de Dieu. Mais quune âme soit joyeuse et fervente quand Dieu semble sêtre retiré delle, quand elle sent sa faiblesse et sa misère, quand son esprit est travaillé par mille pensées, quand elle se voit distraite dans ses prières, quand elle se voit assoupie dans le service de Dieu, c'est là, ma fille, une chose rare, et pourtant, il devrait en être ainsi. Heureuses sont les âmes qui ne se laissent point abattre par ces épreuves, qui repoussent les distractions sans trop sen préoccuper, qui recourent à Dieu dans leurs peines et leurs afflictions, qui cherchent en lui leur force et leur soutien! Heureuses les âmes qui conservent inaltérable leur joie, et qui savent se soumettre entièrement et en toutes choses à la volonté et au bon plaisir de Dieu, persuadées qu'il dirige et dispose tout pour sa gloire et pour leur bien!
« Quand il plaît à Dieu déprouver ainsi les âmes, il le fait pour trois motifs : le premier motif n'est autre que celui de lépreuve elle-même; Dieu connaît ainsi quelles sont les âmes qui lui sont véritablement attachées, qui laiment sincèrement, et non dune manière intéressée. Il les abandonne quelque temps à elles-mêmes pour voir comment elles marchent et de quel côté elles tournent leurs pas, si elles demeurent fermes et pleines de courage. Voyez une mère dont lenfant commence à marcher; elle le laisse seul quelque temps et pour un petit espace à parcourir, afin quil marche sans le secours de son bras. La mère ne se tient pas éloignée pourtant, elle demeure tout près pour observer les mouvements de son enfant et lempêcher de tomber. Quelquefois la mère ne labandonne pas complètement à lui-même, elle ne le soutient pourtant pas avec ses deux mains, elle ne lui prête que le secours de son petit doigt et fait ainsi marcher son enfant. Ainsi, peut à peu lenfant se fortifie, marche seul et se tient debout. Dieu agit comme cette mère vis-à-vis des âmes. Ces âmes marchent, parce qu'il les tient, pour ainsi parler, avec ses deux mains; ces âmes laiment parce qu'il les comble de ses faveurs et de ses bénédictions. Ces âmes sont fidèles à leurs exercices de piété, parce quelles y trouvent un avant-goût du bonheur du ciel. Or, Dieu veut éprouver ces âmes, il veut connaître leur force, leur fermeté, leur amour pour lui; il séloigne un peu, il ne leur accorde pas autant de consolations. Alors, si ces âmes lui demeurent fidèles, si elles ne se refroidissent pas dans son service, si elles laiment toujours, Dieu leur accorde encore plus de consolations, plus de bonheur et des grâces plus nombreuses quau commencement.
« Le second motif, c'est que Dieu veut, par les épreuves, corriger les âmes et les punir de leurs péchés.
« Je veux me servir encore de la même comparaison. Quand une mère voit que son enfant se révolte contre elle et manque de respect envers elle, elle ne lui témoigne point la même affection, elle le prive de ses bonnes grâces, et lui fait sentir son autorité au lieu de lembrasser dans son amour. L'enfant, reconnaissant sa faute, en a du repentir, demande pardon à sa mère, promet de ne plus agir comme il a agi, et sa mère lui rend son affection, lui accorde ce qu'elle lui avait pris et le presse dans ses bras.
« Ainsi, quand les âmes tombent dans la négligence à sacquitter fidèlement de leurs devoirs envers Dieu, ou quand elles loffensent, Dieu leur retire sa présence sensible, leur envoie des tribulations et leur fait sentir son autorité. Lâme voyant alors sa détresse, se trouvant sans secours loin de Dieu, nayant dautre espérance quen lui, reconnaît ses négligences, ses fautes, ses péchés, en demande pardon, et promet de faire tous ses efforts pour se corriger.
« Dieu, content et satisfait de ce retour de l'âme vers lui, répand encore sur elle ses grâces, ses bénédictions et ses faveurs les plus signalées.
« Le troisième motif des épreuves se tire de la seule bonté de Dieu. Lâme est si faible qu'elle ne peut même pas supporter et soutenir les grâces de Dieu, si elles lui sont données avec abondance. C'est pourquoi il sait les proportionner à la force de l'âme à qui il les donne. Il se retire un instant, pour lui laisser mieux entrevoir la grandeur et limmensité des trésors divins. Il se retire un instant, pour se lattacher de plus en plus, en lui faisant comprendre que rien sur la terre ne peut la satisfaire, si ce nest lui. Ainsi, elle apprécie mieux les dons de Dieu; ainsi, elle fait de nouveaux efforts pour les conserver et les augmenter.
« Vous comprenez maintenant, ma fille, léconomie des actions de Dieu dans sa conduite envers les âmes. Quand il vous surviendra donc des épreuves dans votre vie, supportez-les patiemment et avec courage, pensant que Dieu ne vous les envoie que pour votre bien. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 3
Je lisais un jour ces paroles des saints Livres : Ils mont tendu un piège en secret dans le chemin que je suivais. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille, la vie de l'homme est traversée par mille embarras et pleine de tentations. Il faut nécessairement combattre ou mourir. Celui qui combat conserve sa vie, pourvu qu'il prenne tous les moyens pour vaincre ses ennemis dans le combat. Si vous aviez un ennemi acharné à votre perte et que vous neussiez dautre espoir de lui échapper que de le combattre, repousseriez-vous le combat? Ne vous armeriez-vous pas de toutes vos forces? Nappelleriez-vous pas des amis à votre aide pour marcher ensuite fièrement contre cet ennemi? Voilà la situation de l'homme en face du démon. Depuis qu'il a été précipité du ciel, le démon poursuit sa révolte contre Dieu. L'homme a été créé, c'est à l'homme qu'il sadresse, c'est l'homme qu'il veut entraîner avec lui. Que fait-il pour cela? Il sème partout des embûches et des pièges pour lentraîner au péché. Voilà pourquoi le prophète sécriait : Ils mont tendu un piège en secret dans le chemin que je suivais.
« Savez-vous quel est ce secret dont parle le prophète, et quel est ce chemin qu'il parcourait? Je répondis : Non, Seigneur. Ma fille, je veux vous le faire connaître. Par ce secret et ce chemin, le prophète entend lintérieur de son âme et sa vie. Là, tout est caché, tout est secret entre Dieu et l'homme. Lâme vit là de sa vie cachée et ignorée, et Dieu la conduit. Mais voici un autre guide, un autre directeur qui se présente et qui soppose à Dieu, c'est Satan. Dieu indique la voie, et suivre cette voie c'est marcher à la vie. Satan approche, montre une autre voie qui semble plus brillante que la voie de Dieu, mais qui en vérité conduit à la mort. Pour entraîner l'âme, il emploie toute sorte de ruses et de moyens; il agit intérieurement et extérieurement par les créatures ou par les facultés de l'âme qu'il obscurcit. Malheur à qui suit la voie qu'il indique, malheur à qui ne sen détourne pas! Voilà le commerce de la vie de lâme située entre Dieu et Satan. Les mondains n'y avisent point, ils ne connaissent point ces secrets de la vie intérieure qui est la seule vie. Je veux vous en entretenir.
« La vie intérieure ressemble à un chemin caché, inconnu, souterrain. C'est la retraite où lâme se renferme pendant son passage sur la terre. Dieu seul a le droit de pénétrer cette retraite de l'âme. Il y vient et gagne lamitié de l'âme par la douceur de sa présence et les consolations qu'il lui fait goûter. Mais afin déprouver la fermeté de lattachement et de lamour de l'âme, il se plaît à lui retirer le bonheur de sa présence et il permet au démon de la tenter. Le démon aussitôt représente à l'âme la vie qu'elle mène comme pleine dennuis et de dégoûts; il parle des rudes combats qu'il va lui livrer et des fortes tentations qui vont lassaillir de toutes parts; il lui dépeint la vie des personnes qui suivent le monde comme pleine de charmes, de bonheur et de félicité; il lengage à embrasser cette vie.
« Heureuse l'âme qui sait en ce moment shumilier devant Dieu, sattacher à lui et lui jurer fidélité à jamais!
« Alors le démon exécute ses menaces, il trouble cette âme, il la remplit de pensées déshonnêtes et indécentes, il attaque surtout sa chasteté, qu'il veut ruiner soit par des désirs du cur, soit par des représentations de limagination.
« Heureuse l'âme qui en ce moment compte sur Dieu, qui ne se trouble pas, qui repousse les pensées mauvaises par le souvenir de ma passion, les représentations indécentes par les représentations de ma mort sur le calvaire, qui sarme de ma croix et qui la présente au tentateur! Dieu revient à elle avec plus de consolations, et l'âme sattache encore plus à lui.
« Quand le démon agit ainsi, c'est qu'il veut du premier coup être maître de la place, et le plus sûr moyen est une chute contre la vertu de chasteté. Mais il ne procède pas toujours ainsi. Il attaque plus souvent en inspirant des sentiments de crainte, il effraie en montrant à l'âme sa faiblesse, et en lexagérant à lextrême. Une âme lâche, craintive, timide est bien vite abattue.
« Heureuse l'âme qui repousse ces suggestions du démon, qui nexécute point sa parole, qui oublie même sa faiblesse pour jeter les yeux sur moi et placer l'espérance de son cur dans mes plaies et ma victoire sur la mort et sur l'enfer!
« L'âme a résisté; elle a mis le démon en déroute. Tout nest pas fini pour elle, et le démon lui représente cette victoire comme une preuve de sa force; il souffle des pensées de vaine complaisance et dorgueil, et cherche à lentraîner ainsi et à la séparer de Dieu.
« Heureuse l'âme qui, en ce moment, se rappelle son néant et se souvient qu'elle ne peut rien par elle-même, que Dieu est toute sa force, qu'elle ne peut rien opérer que par lui!
« Le démon ne se décourage pas encore : il voit l'âme attachée au bien, amie de la vertu; il lengagera à des actes de vertu excessifs, qui seront pour elle une occasion de chute, par ce qu'elle naura pas agi avec discrétion et discernement.
« Heureuse l'âme qui, en ce moment, juge chaque chose à sa juste valeur, et qui nemploie pas inutilement ses forces! Heureuse l'âme qui consulte Dieu et qui a la clarté et la lumière des conseils den haut!
« Enfin, ma fille, le démon fait un assaut général contre toutes les forces de l'âme, il lattaque à la fois par la sensualité, par lorgueil, par la suffisance, par la défiance, par la crainte, par la lâcheté, par la paresse, par la présomption. La lutte dure longtemps, les pièges sont tendus partout. Le chemin de l'âme est recouvert par un filet satanique, où, comme un oiseleur, le démon cherche à saisir l'âme et à la réduire en esclavage.
« O ma fille! avisez toujours aux pièges que le démon vous tendra sur le chemin de votre vie; ouvrez vos yeux, considérez attentivement toutes choses. Observez moins votre vie extérieure que votre vie intérieure, moins vos ennemis du dehors que ceux du dedans. Rappelez-vous qu'un piège est tendu sur le chemin que vous parcourez. »
Après mavoir ainsi parlé des tentations du démon, le Sauveur Jésus me dit : « Les tentations viennent du démon; elles viennent aussi de la nature corrompue par le péché. Le cur de l'homme est devenu par le péché comme une terre stérile pour le bien, mais très-féconde pour le mal. C'est cette inclination au mal qui a été combattue par tous les saints et changée en eux et par eux avec ma grâce en une inclinaison vers le bien. Ce combat ne leur a pas été préjudiciable, loin de là, il a été la source de leur mérite et de leur sainteté. La tentation n'est donc pas un mal par elle-même, qu'elle vienne du démon ou de votre nature corrompue. Si vous résistez à la tentation et la combattez, cette résistance sera, au contraire, un sujet de mérite et augmentera votre récompense. La tentation ne sera péché quautant qu vous succomberez et que vous n'y résisterez point.
« C'est pourquoi, ma fille, ne vous découragez jamais. Quand vous serez attaquée par une tentation, venez, courez vers moi, pour lempêcher dentrer dans votre cur. Si elle est entrée en vous, ne vous troublez point pour cela, oubliez plutôt la tentation et tenez votre volonté fortement attachée à Dieu. Pour pécher, il faut le consentement de la volonté; si votre volonté est attachée à Dieu, elle ne le sera point à la tentation, et par conséquent vous naurez point péché. Quand la tentation aura été si violente qu'il vous sera difficile de reconnaître si vous avez péché ou non, demandez-vous si vous avez eu du déplaisir, de laversion pour elle. Sil en a été ainsi, tranquillisez-vous, c'est là une preuve que votre volonté na pas donné son consentement. Or, quand toutes les puissances de votre âme seraient absorbées par une tentation, quand votre esprit, votre imagination, votre mémoire seraient remplis par les représentations les plus mauvaises, si votre volonté ne prête point son consentement, soyez tranquille, vous navez point péché.
« Pour le péché, il faut matière suffisante, advertance de lesprit et consentement de la volonté; à ces trois choses, vous reconnaîtrez toujours votre culpabilité ou votre innocence.
« Tenez donc votre volonté ferme à l'heure de la tentation; ne vous découragez pas, ne laissez pas la crainte prendre entrée dans votre âme; le découragement de l'âme donne force à la tentation. Toujours confiance et abandon à Dieu, et vous triompherez des tentations les plus fortes, et vos triomphes seront pour vous une source de mérite pour le ciel.
« Si la tentation est légère, ne faites point defforts pour la repousser et léloigner. Cela vous fatiguerait, vous manqueriez de force plus tard pour repousser les tentations plus considérables; conservez votre vigueur pour celles-ci, afin de les repousser victorieusement et de rendre inutiles leurs attaques. Il doit vous suffire, pour les petites tentations, de demeurer unie à Dieu.
« Avisez surtout à ne juger personne pour ne point pécher contre la charité. Quand il vous survient une pensée peu flatteuse sur une personne, dites en vous-même : pourquoi la juger ou la condamner? Dieu seul connaît le fond de son cur, pour moi je ne le connais pas et je naurai point à en rendre compte. Quand vous remarquerez quelque chose de mal en votre prochain, ny faites point attention; si vous voyez au contraire le bien en lui, observez-le et faites-en votre profit. Quand quelqu'un par sa manière de parler vous donnera lieu de croire que ses sentiments ne sont pas ceux dun parfait chrétien, gardez-vous de le condamner; supposez plutôt qu'il y a dissimulation de sa part, et que ses sentiments intimes diffèrent de ceux qu'il fait paraître. Ne vous arrêtez pas non plus à laction dautrui, si elle ne vous paraît point convenable et si votre conscience ne lapprouve pas. Gardez-vous vous-même dagir contre votre conscience. Si vous voyez faire le mal, pensez que celui qui le fait n'est peut-être pas aussi coupable qu'il le paraît, et que linadvertance, lignorance ou tout autre motif connu de Dieu peut diminuer la grandeur de son péché. Quand une personne a de la peine pour une injure qu'elle a reçue et qu'il lui est nécessaire de soulager son cur en vous parlant de sa peine, vous pouvez lécouter sans pécher. Refuser de lentendre, serait augmenter sa peine. Écoutez-la, tachez de la calmer, et gardez-vous de laigrir contre celui qui l'a offensée.
« Faites tout cela, ma fille, sans préoccupation, avec calme, en rendant à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. À César, cest-à-dire à vous-même, le mépris, lhumiliation et la reconnaissance de votre néant; à Dieu ce qui est à Dieu, cest-à-dire tout le bien qui est en vous, parce qu'il en est le principe et que vous avez eu besoin de sa grâce pour lopérer.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 4
Après mavoir ainsi parlé, le Sauveur Jésus mentretint quelques jours après du scrupule. Voici à peu près comment il sexprima : « Ma fille, je suis la lumière des âmes; celle qui me possède, qui est bien unie à moi, qui ne vit que de moi, marche dans la vérité; ses actions sont pleines de vérité et demeurent fermes comme la vérité. Je suis pour l'âme comme une lumière claire, brillante et sans ombre; je suis pour l'âme comme un feu ardent qui la réchauffe et la vivifie. Or, quelquefois il sort de cette lumière et de ce feu une fumée plus ou moins épaisse qui empêche l'âme de voir clairement, qui létourdit et souvent la fait succomber. Cette fumée n'est point produite par la lumière ni par le feu que japporte dans lâme quand je suis avec elle; elle est produite par l'âme elle-même que pénètrent ce feu et cette lumière.
« Or, voilà l'image du scrupule. Le scrupuleux est celui qui juge faussement le jugement de sa conscience. Il juge faussement parce que son intelligence ne reçoit pas à plein jour lillumination de ma lumière. Il se fait comme une ombre dans son intelligence, et cette ombre il la prend pour les ténèbres, parce quelle lempêche de voir léclat de la lumière, cest-à-dire la vérité. Ainsi, après avoir posé un acte qui peut être bon et qui même lest en réalité, revenant sur cet acte et ne le voyant pas tel qu'il est réellement, lintelligence le juge mauvais et le regarde comme tel. Ma fille, les âmes qui sont ainsi sont malades, et leur maladie vient de ce qu'elles ne me sont pas unies en tout et pour tout. Je manque à ces âmes, parce qu'elles ne savent pas me trouver. Il y a en elles défaillance dans lamour qu'elles doivent avoir pour moi. Elles ne savent pas regarder en face la vérité, voilà pourquoi elles se trompent. Néanmoins, ma fille, ces âmes ne sont que malades, elles vivent; elles sont malades et elles désirent guérir, car leur maladie est un tourment très-pénible qui leur cause une souffrance extrême; elles me sont unies par lamour, mais leur amour est mal compris, mal entendu. Il n'y a pas en elles de simplicité, dabandon, de confiance, elles ne sont pas vis-à-vis de moi comme je le voudrais, comme des enfants vis-à-vis de leurs mères. Cet état peut être utile pour ces âmes, il peut leur être aussi très-funeste.
« Il est utile, quand elles savent laccepter comme une épreuve de Dieu; il est funeste, quand elles veulent secouer ce joug pour marcher, non plus à la lueur dune lumière voilée, mais dans les ténèbres complètes et dans lobscurité, ou quand elles tombent dans le désespoir. Les âmes scrupuleuses, quand elles perdent leurs scrupules et qu'elles entrevoient clairement la vérité, deviennent des âmes d'une haute sainteté; mais aussi, quand elles ferment complètement les yeux à cette vérité, elles tombent dans toute sorte de péchés et se séparent complètement de Dieu.
« Il y a deux cas dans lesquels le scrupule vient prendre possession d'une âme; quand une âme commence à se donner à Dieu, quand une âme marche déjà dans la pratique et lexercice de toutes les vertus.
« Le scrupule sempare d'une âme qui commence à se donner à Dieu : cette âme n'est pas bien éclairée; elle maime, mais elle ne laisse pas ma lumière entrer en elle à son aise; elle craint de trouver encore les ténèbres. Cette crainte ferme à demi les yeux de cette âme, l'ombre, comme je vous le disais tout à l'heure, se faire dans son intelligence, et cette intelligence, prenant lombre pour les ténèbres, trouve le mal là où il n'est pas. Cette répétition de jugements faux portés sur ses actes peut être funeste à cette âme qui commence à se donner à Dieu, la faire tomber dans le désespoir et abandonner complètement la voie qui mène au ciel, pour reprendre celle qui mène à léternelle damnation. Il faut à cette âme beaucoup de patience, une grande humilité, surtout une obéissance entière en celui qui la dirige. Elle doit écouter mon ministre, comme elle mécouterait moi-même, suivre ses conseils et ses avis, sen rapporter à son jugement et ne pas vouloir faire prédominer le sien. Le scrupule ne résiste pas à lhumilité, et lobéissance le chasse au loin et le détache de l'âme, comme un vent violent soulève et emporte la poussière des chemins.
« Le scrupule sempare aussi des âmes qui déjà marchent depuis longtemps dans la pratique des vertus. Elles feront une action indifférente, une action imparfaite, une action même qui pourra être véniellement coupable; aussitôt le trouble sempare delles, elles croient sêtre séparées de moi et ne plus marcher à la clarté de ma lumière. Ce premier trouble agit sur elles pour ce qu'elles accomplissent encore après, et l'état dans lequel elles se trouvent devient, de toutes les épreuves auxquelles elles peuvent être exposées, la plus rude et la plus terrible. Dieu permet cela bien souvent pour le plus grand bien de ces âmes, pour les exercer à une plus grande humilité, pour se les attacher davantage. Mais pour que cette épreuve tourne à leur profit, il faut qu'elles sexercent à lhumilité, à la douceur, à la simplicité, à l'amour familier envers Dieu, envers moi, envers ma Mère; il faut surtout qu'elles se défient delles-mêmes, de leur jugement, de leur manière de voir; elles doivent sen défier tellement que ce jugement faux produit leur scrupule; elles doivent non-seulement sen défier, mais y renoncer. Alors, se renonçant elles-mêmes, lhumilité grandira, et le scrupule, qui le plus souvent naît de lorgueil, de lamour-propre, de la complaisance et de lobstination pour sa manière de voir et de juger, le scrupule disparaîtra complètement.
« Le meilleur moyen pour guérir un scrupuleux, ma fille, c'est de lui montrer la vérité, de lui donner la lumière qui lui manque, puisque le scrupule est lerreur dans un jugement porté par lintelligence. Cette erreur provient quelquefois d'une éducation fausse et tronquée; il faut compléter ou redresser cette éducation en donnant la vérité et la lumière.
« Le second remède, c'est l'amour de cette vérité connue. Là où se trouve lamour, là, ma fille, nexistent point la crainte ni le trouble. Or, le scrupule est encore souvent produit par la crainte. Limpression trop forte quéprouve limagination à la vue de certaines idées premières, aperçues sous un faux jour et dune manière exagérée, tient lâme dans la crainte, la crainte agit sur lintelligence et lintelligence juge comme elle ne doit pas juger; de là le scrupule. Or, la vérité, sous quelque aspect qu'elle se présente, ne produit jamais le mal; la vérité, c'est le bien; seule laltération de la vérité fait le mal. Aimez donc la vérité, attachez-vous à elle; si vous laimez, vous naurez pas de crainte, parce que lamour chasse la crainte.
« Voilà les deux remèdes principaux pour guérir le scrupule : voir la vérité, aimer la vérité.
« Ajoutez à cela la prière, la soumission complète à la volonté de Dieu, la plus grande humilité, et le scrupule sen ira bientôt.
« Ainsi donc, ma fille, quand il vous semblera que vous avez commis un péché mortel ou plusieurs, si vous nen êtes pas sûre, si vous ne pouvez vous rendre un témoignage certain de cette faute, ne vous troublez point, ne vous arrêtez point à cette faute; allez en avant, vous navez point péché mortellement. Quand on pèche mortellement, on le sait bien, on sen aperçoit, parce qu'il faut pour cela un plein consentement de la volonté. Or, vous pouvez toujours savoir si vous avez donné ce consentement. Si ce consentement donné n'est pas pour vous une chose certaine, ne vous arrêtez pas à examiner si vous lavez donné ou non. Le démon ne cherche que cela, afin de vous troubler, parce qu'il sait bien quaprès votre examen vous ne seriez guère plus avancée, tandis que vous auriez, au contraire, produit ou augmenté le trouble en votre âme. Dites-vous plutôt à vous-même : Je ne sais si jai péché; mais ma faiblesse est si grande, et si grand aussi mon entraînement au mal, que jai bien pu pécher. Mon Dieu, pitié pour moi; je me jette entre les bras de votre miséricorde et déteste ce péché de tout mon cur. Noubliez pas, ma fille, que, lorsque vous éprouvez de la peine ou de l'aversion pour un acte mauvais, et quaprès la tentation pour accomplir cet acte, vous ne savez si vous avez consenti ou non, il est certain que vous navez point péché. C'est pourquoi je vous engage, si vous vous trouvez jamais en une pareille circonstance, dabandonner tout cela dans le sein de la miséricorde de Dieu, de vous abriter dans les plaies de mes pieds et de mes mains, en disant à Dieu : Si jai péché, mon Dieu, pardonnez-moi; si je nai point péché, préservez-moi à lavenir de toute faute et conservez-moi la paix de lâme.
« Agissez ainsi, ma fille; marchez à la lumière du flambeau que je fais briller devant vos yeux; correspondez à l'amour que jai pour vous; donnez-moi votre cur et je lui donnerai le calme, la paix, la tranquillité, parce que je lui donnerai la vérité.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 5
Quelques jours après cet entretien, je me trouvais dans un état dabattement tel que je nen avais jamais éprouvé. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Quavez-vous, ma fille? Seigneur, lui répondis-je, je me sens faible, languissante, exténuée; mais j'espère en vous. Prenez courage, ma fille, je vous lai dit, la vie est parsemée de peines et de contradictions; ne vous laissez pas aller au découragement; entretenez, au contraire, toujours en vous ces pensées despérance et de confiance en moi. Vous avez vu souvent une croix, une couronne dépines, une lance qui vous étaient destinées, vous les trouverez dans les souffrances que vous aurez à endurer. Vous nêtes encore quau commencement de vos tribulations; ce que vous éprouvez à cette heure est peu de chose en comparaison de ce que vous éprouverez. Que serait-ce, en effet, ma fille, si toutes les créatures se tournaient contre vous; s'il vous fallait supporter les rigueurs du froid et les ardeurs du soleil; si la maladie vous retenait clouée sur votre lit; si les hommes sunissaient entre eux pour vous contrarier, vous faire souffrir, vous calomnier, vous accabler dinjures et de mauvais traitements; si le démon vous suggérait mille tentations; si Dieu ne vous donnait pas l'abondance de ses grâces; si je ne venais point vous consoler, vous encourager et vous fortifier? Accoutumez-vous à supporter patiemment ces petits riens. Cette patience vous donnera de la force; combattez toujours, les combats rendent puissant et vigoureux. Quand vous vous verrez sans force ou près de succomber, criez vers Dieu, abandonnez-vous à sa miséricorde; attachez-vous à moi; regardez-moi portant la croix sur le chemin du Calvaire; regardez-moi attaché à cette croix, les mains et les pieds percés, mon côté ouvert. Ma vue sera pour vous comme un bâton sur lequel vous vous appuierez. Pensez ensuite que vous n'êtes point seule soumise à ces rudes épreuves. Dites-vous qu'elles sont communes à tous les enfants de Dieu, qui les leur ménage pour accroître leurs mérites. Voyez comme le prophète parle de ses tribulations dans ses saints cantiques. Il marche toujours, dit-il, avec un visage triste et abattu; il est sec et aride comme une terre sans eau, mais il espère en Dieu. Pour se consoler et reprendre courage, il dit que ses jours passent comme lombre qui sévanouit le soir; il ajoute, afin de sexciter à les mieux employer, qu'il les voit se flétrir et se sécher comme lherbe des champs.
« Puisque tous les enfants de Dieu sont soumis à des épreuves cruelles, à des peines et à des tribulations de toute sorte, puisque jai dû les endurer moi-même, eh bien! ma fille, ne les repoussez pas; acceptez-les avec reconnaissance, et désirez souffrir toujours davantage pour accroître de plus en plus vos mérites, et devenir une image frappante de votre Rédempteur.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 6
Il me parla encore une autre fois sur le même sujet, et me dit : « Ma fille, les années sécoulent; les siècles saccumulent et les hommes se succèdent. Jai jeté un regard sur la terre, et jai vu tous les hommes passer leurs jours dans la peine et la douleur, arroser la terre de leau de leur sueur et de leurs larmes. Lenfant, à peine sorti du sein de sa mère, fait entendre ses cris en entrant dans le lieu de son exil; il commence sa vie par les larmes, il la finit par la douleur. Pendant les premières années de sa vie, nayant pas assez de connaissance pour qu'il éprouve de grandes souffrances, son jeune cur ne laisse pas dêtre affligé par des déplaisirs enfantins parce qu'il est enfant, et les larmes qu'il répand pour ces déplaisirs ne sont qu'un apprentissage de celles qu'il versera avec plus damertume dans un âge plus avancé. De lenfance, passez à toutes les conditions de la vie; interrogez les riches et les pauvres, les puissants et les faibles, les ignorants et les savants, les princes et les sujets; demandez-leur sils sont soumis à la peine, à la souffrance, à la tribulation, et tous vous répondront par un profond soupir. Oui, ma fille, il y a des peines pour tous, pour les justes comme pour les pécheurs, pour les parfaits comme pour les imparfaits. L'homme a été condamné à la souffrance à cause de sa révolte contre Dieu, et la souffrance sest répandue sur le monde comme une malédiction portée contre le péché. Mais quelle n'est pas la bonté et la miséricorde de Dieu! La souffrance, qui était malédiction, il l'a rendue bénédiction pour l'homme. Il la rendue bénédiction, en lui permettant de mériter. Acceptez donc la souffrance, ma fille; elle expiera tous vos péchés et la peine due à vos péchés; acceptez la souffrance; elle vous méritera un poids éternel de gloire dans le ciel. Ah! ce n'est pas trop cher acheter la félicité éternelle par quelques peines passagères, par des épines dun moment. Acceptez la souffrance; elle vous unira à Dieu sur la terre, elle vous unira à lui à jamais dans la patrie qui naura jamais de fin. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 7
Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Je vous ai dit que l'homme est condamné à la souffrance. Cette condamnation sexécute chaque jour, car chaque jour tous les hommes ont à souffrir quelque peine, quelque contradiction, quelque malheur qui leur sont envoyés par Dieu. Lhomme est sur la terre comme plongé dans une mer de misère, de peine, damertume. Il a péché, il pèche chaque jour, il faut que chaque jour aussi il porte la croix qui doit le sauver, sil la porte comme je lui ai appris à la porter. Dieu lui ménage chaque jour quelque douleur pour qu'il la lui offre en expiation de ses péchés et pour lui faire gagner le ciel, et chaque jour il peut aussi expier, chaque jour ainsi mériter le ciel. Voilà pourquoi à chaque jour suffit son mal. Mais ce mal n'est pas un mal; c'est un bien pour celui qui laccepte de bon coeur, pour celui qui reçoit ce mal en retire le mérite qui y est enfermé, et que la patience et la soumission donnent et procurent à tous. Heureux celui qui ne murmure pas, qui élève ses yeux au-dessus de la terre, au-dessus des sens pour monter jusquà Dieu et comprendre en lui le mystère de la souffrance! Heureux celui qui ne murmure pas et me prend pour modèle de sa conduite dans la tribulation, qui ouvre ses mains, ses pieds et son côté à la douleur! il sera élevé par sa croix au-dessus de la terre, il sera rapproché de Dieu, et sa mort sera une naissance à la vie de la gloire.
« Ma fille, soyez de ce nombre; mettez-vous au-dessus de la faiblesse, de la timidité et de la crainte, si ordinaires aux personnes de votre sexe; surpassez, par votre courage, ces hommes pusillanimes, ces hommes lâches qui craignent les incommodités de la vie, les sacrifices, les peines et les pleurs, et ne cherchent en tout que leurs satisfactions et leurs aises. Les satisfactions de la vie et les aises qu'ils se procureront auront une fin; nayant rien acquis pendant leur pèlerinage ici-bas, ils se présenteront à Dieu couverts de confusion à la vue de leur pauvreté.
« Vos peines, vos tribulations, vos pleurs auront un terme aussi; mais vous aurez gagné par ces tribulations un trésor immense de mérites, et quand vous vous présenterez à Dieu, vous vous réjouirez, parce que vous aurez bien accompli sa loi et ses desseins sur vous, et il vous introduira dans ses tabernacles éternels. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 8
Le Sauveur Jésus me dit un jour : « Ma fille, je vous ai parlé de la souffrance ou des mortifications que Dieu envoie. Ce sont là des pénitences très-bonnes, très-utiles, très-méritoires, puisquelles perfectionnent les hommes en les retirant du péché et leur faisant pratiquer la vertu.
« Je veux vous parler aujourd'hui des pénitences que l'homme peut et doit simposer à lui-même pour se perfectionner encore davantage.
« Jen distingue trois qui les renferment toutes : la mortification, la prière et laumône. Toutes les pénitences, toutes les peines que l'homme peut sinfliger à lui-même sont dans ces trois choses, et ces trois choses nen forment quune, parce que les deux dernières sont renfermées dans la première. »
Ce discours me parut étrange. Je ne comprenais pas bien comment la prière est une mortification. Je ne compris même pas dabord comment laumône lest aussi; mais un peu de réflexion instantanée me le laissa entrevoir, et les paroles que Jésus madressa méclairèrent complètement là-dessus.
Le Sauveur ayant aperçu mon trouble, me dit : « Écoutez-moi avec attention, ma fille, vous comprendrez aisément ce que jai à vous dire.
« Savez-vous ce que c'est, ma fille, que la souffrance que Dieu envoie à l'homme? ce n'est rien autre chose quune séparation dune partie de l'homme que Dieu sest choisie, qu'il veut pour lui, mais qu'il ne veut quautant que l'homme la lui offrira.
« Savez-vous ce que c'est que la mortification que l'homme simpose à lui-même? Ce n'est rien autre chose qu'une séparation dune partie de ce qui lui appartient, dont l'homme se défait pour loffrir à Dieu. Voilà la souffrance, la mortification, telle que le chrétien devrait lenvisager.
« Savez-vous ce quopère la mortification ou la souffrance? Elle prend ainsi peu à peu et partie par partie ce qui est de l'homme, ce qui appartient à l'homme; elle le donne à Dieu, et quand elle lui a donné tout l'homme, l'homme par la souffrance se trouve entièrement uni à Dieu.
« Voilà, ma fille, la véritable physionomie de la souffrance et de la mortification.
« Or, la première mortification ou plutôt toutes les mortifications consistent dans le jeûne. Quest-ce que jeûner, ma fille? Jeûner, est-ce seulement se priver de certains aliments dans sa nourriture? Est-ce seulement diminuer la quantité et la qualité des mets avec lesquels on entretient la vie du corps? Jeûner est-ce seulement se priver de toutes les commodités de la vie du corps? Non, ma fille, ce jeûne est uniquement matériel, corporel, naffecte que les sens; le jeûne véritable est celui qui saisit lâme, qui saisit les facultés et les enchaîne contre le mal pour leur donner lessor et lélan vers le bien. Voilà le jeûne véritable, le jeûne le plus méritoire, le jeûne dont tout le monde est capable, le jeûne qui me plaît le plus et qui est le plus agréable à mon Père.
« Aussi ai-je peu de chose à vous dire des mortifications extérieures ou du jeûne purement corporel. Je ne veux, en vous parlant de ces mortifications ou de ce jeûne, quéclairer votre esprit et vous montrer ce dont il vous est permis duser.
« Il vous est permis duser des choses qui ne sont point nécessaires pour votre vie, mais de pur agrément; car si Dieu les a faites, c'est pour votre usage. Mais vous ne pouvez point sans péché vous attacher immodérément au plaisir que vous trouveriez en cet usage, et votre péché deviendrait plus ou moins grand, selon que votre attache serait plus ou moins déréglée.
« User de ce que le bon Dieu vous a donné, en user avec plaisir, sans le lui offrir, c'est chose imparfaite. En user avec plaisir, mais en Dieu, selon Dieu et pour Dieu, c'est chose bonne. Sen priver par mortification et pour l'amour de Dieu, c'est jeûner, et ce jeûne est chose parfaite.
« Ce que je vous dis de lusage des biens et des plaisirs de la terre, je puis le dire et je le dis aussi de lusage de votre volonté intérieure. Vous pouvez vouloir ce qui n'est point défendu et qui est de pur agrément et sans pécher, mais vous ne pouvez en cela être tellement attachée à votre volonté que vous ne soyez en rien disposée à céder cette satisfaction de votre volonté, et votre péché serait plus ou moins grave selon lattache que vous auriez à la satisfaction de votre volonté.
« Satisfaire votre volonté en ce qui n'est ni défendu ni nécessaire sans loffrir à Dieu, c'est chose imparfaite. Satisfaire votre volonté en offrant à Dieu cette satisfaction, c'est chose bonne. Priver votre volonté de cette satisfaction par mortification et par amour pour Dieu, c'est jeûner, et ce jeûne est chose parfaite. Dieu aime dun amour tout particulier ce jeûne. C'est lui offrir un sacrifice dagréable odeur que de jeûner de cette manière.
« Mortifiez votre volonté, faites jeûner votre volonté, luttez contre vos goûts, vos inclinations, vos désirs, luttez contre vos passions. Réformez votre intérieure; rapetissez-le, en le dépouillant de lui-même pour y introduire tout ce qui est de Dieu, et vous lagrandirez en réalité. Dépouillez-le, et vous lenrichirez; ensevelissez-le dans la mortification comme dans un linceul; vous le croirez mort, mais il sera plein de vie; vous le croirez sans mouvement, mais il reposera en Dieu. C'est là le jeûne véritable, celui qui acquiert aux âmes des trésors que la rouille ni les voleurs ne peuvent endommager.
« Vous ne comprenez pas, ma fille, comment la prière est une pénitence, un jeûne, une mortification; comment la prière ne fait qu'une seule chose avec la souffrance et la douleur.
« Il en est pourtant ainsi. Je dirai plus, il faut nécessairement que la prière soit jointe à la douleur, à la souffrance, aux mortifications et aux jeûnes, sans quoi il n'y a point de mérite, il n'y a point de vie, il n'y a point de mouvement dans toutes ces privations du corps et de l'âme. Vous allez me comprendre, ma fille, comme je vous lai promis.
« Et dabord, ma fille, la prière est une mortification; elle est même la plus grande des mortifications. Je vous ai dit que la mortification est la séparation d'une partie de soi-même pour loffrir et la présenter à Dieu; que la séparation dune partie de son corps pour loffrir à Dieu est chose parfaite, que la séparation d'une partie de son âme est chose encore plus parfaite. Or, ma fille, quest-ce que la prière? Prier, n'est-ce pas prendre tout son corps et toute son âme pour loffrir en holocauste à Dieu? Prier, n'est-ce pas shumilier, n'est-ce pas renoncer à soi pour aller à Dieu, embrasser Dieu, recourir à Dieu? Or, tout renoncement est une peine, tout sacrifice un labeur. Pour prier, il faut se faire violence, à cause de linclination que le péché a mise dans l'homme et qui tend à le séparer de Dieu, à léloigner de Dieu, à lui faire oublier Dieu. Quand on prie, au contraire, on se rappelle Dieu, puisque c'est lui qu'on prie; on se le rappelle avec tout ce qu'il y a en lui de bonté, de miséricorde et d'amour; quand on prie, on se rapproche de Dieu par lesprit, par le coeur, par tout son être; quand on prie, on se met à genoux devant lui pour lui demander ses bienfaits et ses grâces; quand on prie, on sunit à Dieu, parce que la prière est dictée par la confiance et par lamour, et que l'amour et la confiance sont les liens merveilleux qui unissent Dieu et l'âme. Agir ainsi, cest-à-dire prier, c'est donc lutter contre son inclination; c'est lutter non-seulement avec les forces du corps, mais encore avec celles de l'âme. c'est se sacrifier, c'est se mortifier, c'est faire pénitence, et de toutes les pénitences, c'est la plus agréable à Dieu.
« Savez-vous pourquoi, ma fille? Parce que si la prière ne fait qu'un avec la mortification et la souffrance, attendu qu'elle est elle-même souffrance et mortification, la mortification et la souffrance nont de vie et de mouvement que par la prière. En effet, ma fille, faites pénitence, mortifiez-vous, mais ne présentez point à Dieu par lélan de votre cur ou de votre âme vos pénitences et vos mortifications, elles ne vous serviront de rien. Vous aurez là des victimes, il est vrai, mais non des victimes pour Dieu, parce que le feu du ciel, cest-à-dire la prière, ne sera point venu les consumer.
« Je vous ai dit, ma fille, que le troisième moyen de faire pénitence c'est de donner laumône.
« Donner laumône, c'est chose facile à comprendre, est encore faire pénitence, parce que laumône est une mortification ou la privation d'une partie de ce qui est à soi pour loffrir à Dieu en la personne des pauvres.
« Laumône ne fait donc qu'un avec la mortification; mais si la prière est la vie et le mouvement de la mortification, laumône en est la base et le fondement.
« Quels sont ceux, ma fille, qui ne font point laumône? Les avares, les personnes trop attachées aux biens de ce monde, les personnes qui cherchent trop à se satisfaire et qui ne veulent rien perdre pour ne rien diminuer de leurs plaisirs et de leurs satisfactions. Un avare, une personne attachée aux biens de ce monde, n'est point une personne mortifiée.
« Faire laumône, c'est être détachée des richesses; faire laumône, c'est se fier à Dieu et entrer dans les desseins de Dieu; faire laumône, c'est souvent simposer des sacrifices; faire laumône, c'est vouloir diminuer les souffrances dautrui et les soulager quelquefois par des privations personnelles.
« Or, il y a deux sortes daumônes : laumône corporelle et laumône spirituelle. Laumône corporelle regarde les corps et leurs nécessités; laumône spirituelle regarde les âmes et leurs besoins.
« Faire l'aumône corporelle, c'est donner à manger et à boire aux indigents qui ont faim, c'est vêtir et abriter les indigents qui sont nus et sans asile. Or, pour cela, il faut non-seulement donner de son superflu, mais encore, quand la circonstance le demande, de ce qui n'est point superflu. Ah! que de riches auront un jour à se reprocher leur conduite sur la terre. Ils nont point compris laumône, cette mortification, comment auraient-ils prié, puisque la prière est elle-même une mortification? Et sans aumône, sans prière, sans mortification, quauront-ils à espérer? Ils nont rien donné à Dieu, ils nauront rien non plus à en recevoir.
« Faire laumône spirituelle, c'est instruire les ignorants, reprendre les pécheurs, consoler les affligés. Or, agir ainsi, ma fille, c'est se disposer à la mortification, c'est se mortifier réellement. La science enfle le cur de l'homme instruit; mais quand il la verse dans lesprit d'un ignorant, il shumilie et sabaisse; la vertu est quelquefois sujette à tomber et à défaillir complètement, mais reprendre les pécheurs, c'est se fortifier soi-même. Le bonheur de la vie est un écueil considérable; mais celui qui pleure avec les malheureux renonce pour ainsi dire à son bonheur pour participer à linfortune et aux douleurs dautrui. Or, agir ainsi, c'est bien se disposer à la mortification, c'est la désirer, c'est même être mortifié.
« Voilà, ma fille, comment toutes choses se lient et senchaînent, comment vous devez voir et envisager les choses, les comprendre et les aimer. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 9
Le Sauveur Jésus, pour mieux graver dans mon intelligence et dans mon coeur ses paroles et ses enseignements, me les redisait quelquefois de plusieurs manières différentes. Ainsi, après mavoir parlé des mortifications que Dieu impose à l'homme et de celles que l'homme simpose à lui-même, il me dit en une autre circonstance : « Ma fille, il y a deux sortes de sacrifices : les sacrifices forcés et les sacrifices volontaires. Les sacrifices forcés sont ceux que Dieu envoie à l'homme, les sacrifices volontaires sont ceux que l'homme simpose à lui-même.
« Les sacrifices volontaires sont très-agréables à Dieu; les sacrifices quon doit supporter par force ou par nécessité peuvent lui être et lui sont réellement agréables, selon les sentiments de ceux qui les supportent.
« Les sacrifices qu'un homme doit supporter nécessairement, comme la maladie, la perte de ses biens et de ses enfants ou quelque autre épreuve que ce soit, sont pour lui une occasion de mérite s'il se soumet entièrement à la volonté de Dieu. Car en agissant ainsi, il rend ces sacrifices volontaires, parce qu'il a une même volonté avec Dieu et qu'il ne récuse pas ce que Dieu demande de lui. Si, au contraire, cet homme murmure contre Dieu, et, loin dêtre soumis à sa volonté, sélève contre lui par le chagrin de son cur et lirritation de son âme, les sacrifices qu'il doit supporter bon gré mal gré seront pour lui une occasion de punition nouvelle dans le temps ou dans léternité.
« Les sacrifices qu'un homme simpose volontairement sont ceux qui plaisent le plus à Dieu.
« Un homme peut simposer des sacrifices pour des motifs purement humains, pour des motifs surnaturels de foi, pour des motifs surnaturels despérance, pour des motifs surnaturels damour.
« Celui qui simpose des sacrifices pour des motifs purement humains, qui trouve dans ces motifs la raison unique et le seul stimulant de ses sacrifices, celui-là, ma fille, a déjà reçu sa récompense dans la vaine gloire, dans lapprobation et les applaudissements des hommes qu'il recherche et qu'il obtient.
« Ceux, au contraire, qui simposent des sacrifices non pour gagner une couronne corruptible, mais une couronne incorruptible; ceux qui simposent des sacrifices pour éviter les peines de lenfer ou du purgatoire et pour gagner le ciel, et par la considération que les souffrances de cette vie nont aucune proportion avec la gloire future qui se manifestera en elles, puisque des afflictions courtes et légères leur donneront une gloire inénarrable et dune éternelle durée, ceux-là obtiendront leur but et ne seront pas déçus dans leurs espérances.
« Ceux qui simposent des sacrifices, qui volent au-devant de la souffrance, de la mortification et de la douleur pour marcher sur mes traces, pour imiter l'exemple que je leur ai donné, sans aviser à la récompense, mais pourtant sans la rejeter, ceux-là, ma fille, sont présentés par moi à mon Père dans le ciel, et mon Père les bénit sur la terre et les bénira à jamais dans le ciel.
« Ceux qui simposent des sacrifices, qui recherchent les tribulations, et qui se détachent de plus en plus deux-mêmes, uniquement par amour pour Dieu, par reconnaissance pour ses bienfaits, sans même désirer le ciel, si telle était sa volonté, ceux-là sont les plus agréables à Dieu. Il vient en eux, il les transforme en lui par leffusion de toutes ses grâces, et leur accorde le plus haut degré de gloire dans le ciel. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 10
Un jour, le Sauveur Jésus me parla ainsi : « Ma fille, il y a trois sortes dafflictions parmi les hommes; mais sils les examinaient, bien souvent, au lieu de saffliger, ils se réjouiraient et réaliseraient cette parole : Bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui souffrent persécution!
« Pourquoi l'homme safflige-t-il? Parce qu'il a perdu sa fortune, sa position, une partie de ses biens, parce quil est délaissé? Est-ce donc là un motif daffliction ou de réjouissance? Ah! s'il comprenait que Dieu, en agissant ainsi, veut le détacher des biens passagers de la terre pour lunir à lui et être son souverain bien, loin de saffliger, il se réjouirait.
« Pourquoi l'homme safflige-t-il? Parce qu'il a perdu un ami, un frère, un père, une mère? Mais la mort est-elle donc une séparation éternelle? Ne reverrez-vous pas cet ami, ce frère, ce père, cette mère? Pourquoi donc pleurer? Ne devriez-vous pas plutôt vous réjouir de ce qu'ils ont quitté le lieu de lexil pour aller se reposer en Dieu? Non, il ne faut point pleurer un mort s'il est en état de grâce; s'il est en état de péché mortel, alors pleurez, pleurez encore, vos larmes sont justes; mais ne pleurez pas seulement sur lui, pleurez aussi sur vous qui êtes pécheur, et craignez d'avoir un jour un sort pareil au sien, si vous continuez à vivre dans le péché.
« Pourquoi l'homme safflige-t-il? Parce quil est dans la souffrance, parce que son corps éprouve des douleurs immenses, parce que son âme est torturée par les tentations, le dégoût et l'ennui.
« Et cependant, ma fille, ne vous ai-je pas dit que tous ces maux, toutes ces afflictions sont un bien? Heureux qui sait distinguer le bien du mal, qui a la véritable science du bien et du mal, pour ne pas les confondre lun avec lautre!
« Or, ma fille, je vous le dit en vérité, il n'y a qu'un seul mal sur la terre, c'est le péché. Tout le reste et bien ou source de bien, tout le reste est utile et méritoire, tout le reste porte à Dieu et unit à lui. Heureux qui le sait et ne loublie pas, qui le comprend et cherche à le comprendre plus encore! »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 11
« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, il y a deux sortes de tristesse, lune expressément défendue, et lautre fortement recommandée.
« La tristesse défendue est celle qui produit de mauvais effets. Cette tristesse abat lâme, lui inspire le dégoût de toutes choses, lui enlève sa force, sa ferveur, la rend craintive, pusillanime et incapable dopérer le bien. Le démon inspire cette tristesse, et, quand il la assise dans une âme, il lui suggère de mauvaises pensées, la retire de Dieu, en amortissant lamour qu'elle a pour lui. Que de ravages cette tristesse produit dans une âme! Tous peuvent y être soumis, mais tous doivent la rejeter, la repousser; elle ne vaut rien, elle est mauvaise, car ses fruits sont mauvais, et, comme un arbre qui ne produit pas de bons fruits, il faut la déraciner et la jeter au feu, cest-à-dire la renvoyer ou labandonner à Satan qui la inspirée.
« Il y a une autre sorte de tristesse qui est bonne et qui produit de bons fruits. Cette tristesse nabat point lâme, elle la relève; elle ne la sépare point de Dieu, elle lunit à lui; elle nexcite point le dégoût, mas lamour pour Dieu. Cette tristesse donne une sainte confusion de létat malheureux dans lequel on a été ou dans lequel on se trouve, état de péché et de séparation de Dieu. Elle fait verser des larmes de douleur et de componction; elle remplit de force, de courage et de confiance. O sainte tristesse! Heureuses les âmes qui ont cette tristesse et qui sont tristes jusqu'à la mort, cest-à-dire jusqu'à la séparation de toutes choses! Cette tristesse convient aux âmes pécheresses afin qu'elles quittent leur état de péché; elle convient aux âmes justes afin qu'elles gémissent sur leur exil et soupirent après la patrie. Cette tristesse est bonne; je vous la recommande, ma fille; elle vous préservera des joies de la terre et vous fera obtenir celles du ciel. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 12
Ainsi me parlait le Sauveur Jésus; mais, voyant combien jétais éloignée de ce qu'il demandait de moi, je me sentis un jour plus accablée quà lordinaire et même tout à fait dégoûtée de la vie. Le Seigneur vint encore à moi avec sa bonté habituelle, et me dit : « Il y a deux sortes de dégoûts de la vie, comme il y a deux sortes de tristesses. Leurs effets sont différents : les uns sont bons et les autres mauvais. Vous devez repousser le dégoût de la vie qui produit de mauvais effets, mais vous devez accepter l'autre et chercher à l'exciter en vous.
« Quand le dégoût de la vie produit en vous laccablement, le découragement, laffaiblissement dans le service de Dieu, il faut le rejeter et le combattre, parce quil vient dun mauvais principe.
« Quand le dégoût de la vie vous rend plus fervente, plus fidèle, plus attachée à Dieu, il faut l'entretenir et l'alimenter en votre âme, parce qu'il vient dun bon principe.
« Ne soyez jamais dégoûtée de la vie, ma fille, à cause de ses misères, de ses souffrances ou des tentations que vous devrez supporter; ce dégoût accablerait votre âme et finirait par labattre. Si, au contraire, le dégoût que vous éprouvez vient du désir de voir Dieu et de laimer plus parfaitement, de la crainte de lui déplaire et de loffenser, sil vous rend plus vigilante pour éviter le mal, plus attentive et plus avisée pour opérer le bien, acceptez-le, recevez-le, et ne supportez la vie que pour éprouver la souffrance de ce dégoût. »
Cest ainsi que me parlait le Sauveur Jésus aux heures de peine, de souffrance et daccablement. Sa parole était un baume consolateur pour mon âme, et une huile fortifiante qui me redonnait courage et mouvement vers Dieu.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 13
« Ma fille, me dit un jour le Sauveur Jésus, l'homme sur la terre est tantôt dans la joie et tantôt dans la peine; car rien nest stable sur la terre, et rien ne lest moins que les sentiments divers de l'homme. La joie est dans l'homme; elle disparaît promptement et la peine remplace la joie dans son cur, jusqu'à ce que la consolation vienne enlever peu à peu la peine elle-même, et redonner la joie à celui qui lavait perdue.
« Il y a plusieurs sortes de consolations : les consolations divines et les consolations humaines. Les consolations divines sont celles qui viennent de Dieu, qui sont données par lui ou puisées en lui. Les consolations humaines sont celles qui viennent des hommes ou sont puisées parmi eux ou dans la nature humaine. Les consolations divines sont toujours bonnes, parce que Dieu est le bien, et que tout ce qui vient de lui est bien. Les consolations humaines peuvent être bonnes; elles peuvent être mauvaises aussi, parce quen l'homme il y a bien et mal. On ne peut recevoir les consolations des hommes, quand ces consolations viennent dun principe qui est mauvais. Au contraire, on peut les recevoir quand elles partent dun principe qui est bon. Mais pour bonnes que soient les consolations des hommes, on peut toujours les repousser pour ne vouloir uniquement que les consolations de Dieu. Il y eu des saints qui ont refusé constamment toute consolation humaine; qui nont voulu avoir dautre consolation, dautre appui, dautre soutien que Dieu. Il faut pour cela être parvenu à un haut degré de sainteté, être dans la plus grande familiarité avec Dieu. Alors on ne pense quà Dieu, on ne veut que Dieu, tout le reste semble fade et insipide. Dieu seul est quelque chose pour ces âmes; Dieu seul est tout pour elles. Ma fille, ne désirez pas les consolations des hommes, mais si elles se présentent, acceptez-les et renvoyez-les à Dieu. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 14
Un jour, après la sainte communion, jouvris la porte de mon cur et jattendis Jésus avec mon ange gardien. Mon cur mapparut tel qu'il nest pas ordinairement, mais je ny fis point attention, ne pensant quau Sauveur Jésus. Il ne tarda pas à venir. Je fus au devant de lui et lui offris lentrée de mon coeur. Quand il fut dans mon cur, mon cur mapparut comme une fosse large, ronde, et dune grande profondeur. Lintérieur de cette fosse me semblait garni par une boiserie sculptée, bien ornée et dun très-joli aspect. Le Sauveur voulut que je descendisse dans cette fosse, je nosait point : « Ne craignez point, me dit-il, cela ne vous sera point nuisible. » Je descendis. Il ny avait ni escalier ni échelle pour descendre. Je devais pour cela me tenir contre les sculptures, ce qui ne me permettait pas de descendre promptement. Quand je me trouvai à peu près au milieu, Jésus qui était toujours en haut, sur le bord de la fosse, me regardant, me fit parvenir le bout dune chaîne dor quil tenait lui-même. Je la saisis pour faciliter ma descente jusqu'au bas de la fosse. Le bas était recouvert de sable. Je me plaçai au milieu, tenant toujours dune main la chaîne que mavait jetée le Sauveur Jésus. Mon ange gardien vint me tenir compagnie et converser avec moi : « Vous êtes heureuse, me dit-il, des grâces nombreuses que Dieu vous accorde. Oui, mon ange, Dieu est plein de bonté pour moi. Ne mettez jamais dobstacles à ses grâces. Et comment faut-il faire pour cela? Suivre toujours lattrait qui vous sera donné et demeurer sans cesse dans la plus profonde humilité. Vous allez soutenir ici un grand combat. Comment pourrai-je combattre, je nai rien pour me défendre? Je vous ai apporté une croix; tenez-vous fortement à la chaîne que vous avez en main; on voudra vous en détacher, mais avec la croix vous éloignerez tous ceux qui approcheront de vous. » Je saisis la croix que me présenta mon ange.
Aussitôt le sable se souleva et une bête immense, comme je nen avais jamais vu, sortit de dessous terre et vint se coucher devant moi, à deux ou trois pas, parce que l'espace était très-étroit. Son corps était développé comme celui dun buf, mais les jambes étaient plus courtes; sa tête ressemblait aussi à la tête dun buf. Elle avait plusieurs cornes grandes et petites; ses yeux ressemblaient à ceux du buf; sa gueule était très-fendue; il en sortait une langue dune longueur démesurée qui se terminait par deux pointes très-affilées. Elle portait sur le dos une ville, où je ne vis que des maisons de danse et de théâtre. Elle lançait vers moi des traits, des lances, des balles que je repoussais avec ma croix et qui rebondissaient sur elle et la blessaient. Bientôt survint une multitude considérable dagresseurs qui ressemblaient à des hommes. Ils étaient très-petits et me paraissent très-légers. Ils couraient et tournaient autour de moi; quand ils sapprochaient, je leur présentais ma croix, ils se retiraient. Ils disparurent et furent remplacés par dautres hommes plus grands que les premiers. Ceux-ci voulurent arracher de ma main la chaîne dor, mais je les repoussai victorieusement en leur présentant ma croix. Ils firent un suprême effort et voulurent me renverser à terre; ma croix les mit en fuite. En combattant ces adversaires, je ne perdais point de vue la bête qui était devant moi. Je la vis approcher doucement sa tête pour me percer avec ses cornes ou sa langue; je la frappai avec ma croix, et les hommes et la bête me laissèrent en repos. Les hommes disparurent, mais un nombre immense de corbeaux sabattit sur moi, cherchant à me crever les yeux. Ne pouvant me défendre seule, je tirai la chaîne et jetai un cri vers le Sauveur Jésus. Immédiatement une grêle de plomb tomba den haut sur eux et les étendit morts à mes pieds.
La bête jeta une nouvelle lance vers moi, je la repoussai avec ma croix; je la frappai trois fois, elle mourut.
Après le combat, je ne vis plus mon ange gardien; mais deux jeunes hommes vêtus de blanc, c'étaient deux anges sans doute, sapprochèrent de moi, me pressèrent avec leurs mains sur la poitrine et je rendis mon âme. Il me sembla en effet que je laissai là mon corps et que mon âme tout heureuse sélevait vers Jésus : « Venez, ma fille, me dit-il, venez jouir de la récompense que vous méritez pour vos combats. » Je montai avec lui dans un char de lumière qui séleva vers le ciel et nous conduisit devant un autel magnifique autour duquel je vis diverses places en forme de trônes, qui se rapprochaient plus ou moins de lautel qui les dominait tous.
« Voyez ces trônes, ma fille, me dit le Sauveur Jésus. Les uns sont plus élevés que les autres; plus vous vous élèverez en sainteté, plus aussi le trône qui vous sera donné pour récompense sera élevé et se rapprochera du trône de la Divinité. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 15
Jétais un jour près de Jésus; je récitais ma prière; jentendis une voix qui me disait : Regarde! regarde! Je ne voulu point regarder dans la crainte dêtre trompée.
Cependant, entendant de nouveau cette voix, je me recommandai à Dieu, je levai les yeux et japerçus devant moi un singulier personnage. Il me paraissait dun tempérament fort et robuste et dun caractère capable de résister à tout. Il portait une robe qui descendait jusquaux genoux; ses bras et ses pieds étaient nus. Je ne saurais dire de quelle matière était cette robe. Elle nétait ni en or, ni en argent, ni en fer, mais forte comme le fer, largent et l'or. Le diadème qu'il portait sur le front était de la même matière que sa robe. La chair de ses membres nétait pas comme celle du reste des hommes; elle paraissait être dune dureté extrême.
Il se plaça dans le sanctuaire en face du tabernacle; il se tint droit sur ses deux pieds et resta inébranlable. Je vis une multitude de personnes vêtues de blanc se ranger autour de lui, et il prononça un discours ou un sermon; je veux dire que ce discours était conforme aux enseignements de lÉglise. Je ne me rappelle point les paroles qu'il prononça, mais il exhorta à peu près comme lApôtre à vivre selon lesprit et non selon la chair. Parmi les vices que nous devons fuir, il fit mention de celui que lApôtre défend de nommer. Il termina en engageant à éviter le mal et à pratiquer le bien. Après qu'il eut parlé, un homme tout noir se dirigea vers lui, mais il lui donna sur la tête un coup si vigoureux, que l'homme noir tomba mort à ses pieds. Aussitôt survint une multitude innombrable de corbeaux qui enlevèrent le cadavre hors de léglise. Bientôt ils retournèrent près de celui qu se tenait toujours dans le sanctuaire. Mais celui-ci se défendit sans sémouvoir, en saisit un avec ses mains, le coupa par le milieu du corps et le jeta loin de lui; tous les autres senfuirent immédiatement. Quelques instants après, japerçus un nombre considérable dautres oiseaux voler autour et limportuner extrêmement. On lui apporta un filet avec lequel il les prit presque tous. Il jeta ce filet dans les airs avec une force extraordinaire, et les oiseaux qu'il navait point pris dans le filet senfuirent.
Une voix se fit entendre dans le ciel, qui disait : « Celui-là est vraiment un homme fort, il a vaincu ses ennemis. »
Après cela, je vis un énorme dragon ouvrant une gueule épouvantable, bondissant orgueilleusement autour de lui comme pour le dévorer mais celui qui se tenait au milieu du sanctuaire ne me parut ni ému ni effrayé.
En même temps apparut un autre personnage dont les mains, les pieds et le visage étaient plus blancs que la neige. Ses cheveux étaient dor; il était ceint dune écharpe dargent et tenait une trompette à la main.
À sa vue, le dragon trembla, et dès qu'il entendit le son de la trompette, il cessa ses mouvements et demeura tranquille. Alors ce personnage remit la trompette à celui qui était debout et se prosterna ensuite aux pieds de Jésus, posant à terre son écharpe en signe de soumission.
Quand le dragon vit que celui dont il sétait approché dabord avait la trompette, il devint furieux et sélança sur lui. Mais le personnage sonna de la trompette et le dragon recula; il sonna une seconde fois, et le dragon, terrassé, tomba comme mort; il sonna une troisième fois, et le dragon se releva, se traîna jusquaux portes de léglise en poussant daffreux hurlements. Le sanctuaire se remplit aussitôt de personnes vêtues de blanc, avec des guirlandes de roses sur leurs robes. Une de ces personnes séleva dans les airs, louant le Seigneur à peu près de cette manière : « Il a vaincu, il a vaincu. Gloire et louange au Seigneur, au Dieu trois fois saint. Que tout ce qui est sur la terre bénisse son saint nom. Il est également fort et puissant, et sa bonne volonté égale son pouvoir, etc., etc. »
Puis on plaça un chandelier allumé sur la tête du vainqueur; on lenleva quelque temps après pour léteindre et il en sortit une grande fumée.
Je vis ensuite une personne travailler à une chaise, qu'elle orna de perles très-brillantes. Elle mit sur le dossier trois bouquets avec trois rubans bien beaux : le premier était blanc, le troisième vert, celui du milieu surpassait tous les autres en beauté. Je ne pouvais y fixer mes yeux, encore moins en estimer la valeur et le prix. Quand la chaise fut achevée, la personne qui lavait faite, et qui me semblait être un ange, dit au vainqueur : « Tu as assez combattu, assez travaillé, il est temps de te reposer. » Aussitôt, le vainqueur fut frappé dun coup invisible et renversé, les anges le soutinrent dans leurs bras. Une dame magnifiquement vêtue sapprocha de lui et lui dit : « Apprenez que je vais à lheure de la mort au secours de ceux qui mont invoquée pendant leur vie. Vous mavez invoquée, mon fils, pendant votre vie; je viens vous secourir. »
Je vis cette dame éloigner les mouches qui fatiguaient celui qui reposait sur les bras des anges; enfin, je lentendis prononcer cette parole : « Il est temps, frappez-le à mort. » Une lance fut enfoncée dans son cur, il mourut.
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 16
Le Sauveur Jésus me montra un jour une couronne ornée de perles superbes et magnifiques et surmontée de petites pointes qui jetaient beaucoup déclat. En la considérant attentivement, je maperçus bien vite que beaucoup de perles manquaient à cette couronne : « Vous voyez votre couronne, ma fille; ce sera par lhumilité et la patience que vous placerez en elle les perles qui manquent encore. » Je vis aussi tout près une paire de ciseaux : « Gardez-vous bien de les toucher, ils représentent lorgueil, et lorgueil arrache les perles de la couronne des enfants de Dieu. »
Il me sembla l'entendre un autre jour sadresser aux justes qui sont dans lépreuve; il les encouragea à vivre et à souffrir patiemment et leur dit : « Le Seigneur viendra vers sa bien-aimée et lui criera de loin : Ma bien-aimée, voici que je viens. Venez au devant de moi, sortez de votre tristesse, cessez vos larmes, quittez vos habits de deuil. Réjouissez-vous, prenez vos habits de fête, lavez-vous, peignez vos cheveux, parfumez votre tête; et la bien-aimée du Sauveur se lèvera, prendra ses habits de fête, peignera ses cheveux, parfumera sa tête, lavera ses mains et son visage, et, transportée de joie, parée comme une épouse, elle viendra au devant de son bien-aimé. Elle lui dira : mon bien-aimé, vous voilà, que je suis heureuse de vous voir! Bien longue a été votre absence et mon ennui bien grand, si éloignée de vous! Ah! je le sais, Seigneur, je ne suis pas digne dentrer dans votre maison, mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie de ses infirmités. Le Seigneur ne pourra pas résister à une telle humilité, et il introduira sa bien-aimée dans ses tabernacles éternels. Vous voyez, Marie, comme vous êtes encore petite. Priez le Seigneur qu'il vous fasse grandir; surtout ne regardez point dun il jaloux ceux qui sont plus élevés que vous. Estimez-vous bien heureuse quon vous laisse dans le palais du Roi pour voir ce qui sy passe. »
LIVRE SEPTIÈME, chapitre 17
Je lisais un jour ces paroles du psalmiste : « Justes, réjouissez-vous dans le Seigneur et tressaillez dallégresse; glorifiez-vous en lui, vous tous qui avez le cur droit. »
Le Seigneur Jésus vint à moi et me dit : Je veux vous expliquer ces paroles, afin de vous apprendre à bien pénétrer le sens de toutes les paroles des saints Livres.
« Le prophète invite le juste à se réjouir dans le Seigneur. Quest-ce qu'un homme juste, ma fille? Un homme juste est celui qui est exempt de tout péché mortel. Celui-là est non-seulement enfant de Dieu, car tous les chrétiens le sont, mais encore l'ami de Dieu. Il a en lui la vie de Dieu, par conséquent il a part à tous mes mérites, il a part aussi à toutes les prières, à toutes les bonnes uvres qui se font dans mon Église, dont il est un membre vivant. Le Saint-Esprit habite en lui, il trouve en lui une demeure, un temple, et il y fait sa résidence. Comprenez-vous la grandeur de cet état de justice, ma fille? Être juste, c'est vivre de Dieu, c'est être participant de mes mérites et des mérites de mon Église; c'est être le temple du Saint-Esprit. Oh! c'est avec raison que le psalmiste invite le juste à se réjouir. Justes, réjouissez-vous donc. La tristesse ne vous convient pas, elle ne doit même pas approcher de vous.
« Voilà en général ce qu'on entend par homme juste. Mais si lon examine sous tous les aspects létat de justice dans un homme, on y trouve trois degrés bien distincts. Le premier degré est celui d'une âme qui na pas de péché mortel sur la conscience, ni dattache pour ce pécheur. Elle peut avoir, elle a même non-seulement des péchés véniels, mais encore de lattache pour ces péchés. Le péché véniel ne lui fait pas perdre l'état de justice et ne la sépare pas de Dieu. Elle peut en obtenir le pardon de plusieurs manières : par la douleur et la contrition du coeur, par les prières, par les mortifications.
« Le second degré est celui d'une âme qui na point dattache même pour le péché véniel et qui désire avancer de plus en plus dans perfection, faisant pour cela tout ce qui dépend delle. Combien elle est agréable à Dieu! Combien elle lui plaît! Combien Dieu aussi veille avec complaisance sur elle, comme il met sous sa main tous les moyens de savancer dans la vertu et la perfection!
« Le troisième degré est celui dune âme parvenue au sommet de la perfection. Elle sest mise au-dessus de tous ses ennemis : le démon, le monde, les passions; elle a tout foulé aux pieds, rien ne la retient plus captive, elle sélève de plus en plus vers Dieu, portée, par ses vertus et par sa charité, comme sur un char rapide qui va au gré de ses désirs. O heureuse cette âme! qu'elle marche toujours inébranlable, qu'elle ne regarde que Dieu et qu'elle ne sappuie que sur les sentiments de la plus profonde humilité. A ces conditions, cette âme sera toujours debout.
« Oui, ma fille, tous ces justes doivent se réjouir et se réjouir dans le Seigneur, qui est la joie de tout ce qui lui ressemble et veut lui ressembler.
« Le prophète ajoute : Glorifiez-vous en lui, vous tous qui avez le cur droit.
« Dans ces paroles : Vous tous qui avez le cour droit, le prophète comprend non-seulement les justes dont je viens de vous parler, mais encore les pécheurs qui, comprenant la fausseté de la vie qu'ils mènent, veulent y renoncer, ont la douleur dans leur âme et sont prêts à faire tout ce que Dieu demande pour marcher dans la voie de la vérité. Car ceux-là ont véritablement le cur droit.
« Que dit le prophète à ceux qui ont le cur droit? Glorifiez-vous dans le Seigneur. Oui, qu'ils se glorifient non pas en eux-mêmes, mais en Dieu. Car c'est lui qui leur a donné la rectitude du coeur. Quils se glorifient dans le Seigneur, cest-à-dire qu'ils rendent gloire au Seigneur pour ses bienfaits, pour létendue de sa miséricorde et de sa bonté.
« Gardez précieusement dans votre esprit ces paroles que vous venez de lire : justes, réjouissez-vous dans le Seigneur, etc. »
Reconnaissance à jamais à Jésus au saint sacrement de lautel! Amen