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LIVRE TROISIÈME, La Sainte Vierge Marie, Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Gloire et louange, amour et reconnaissance soient à jamais rendus à Jésus au saint sacrement de lautel, au Père et au Saint-Esprit dans tous les siècles des siècles, Amen.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 1
Jaime le Sauveur Jésus de toute mon âme, de tout mon cur, de tout mon esprit, de toutes les forces qui sont en moi. Jaime Marie comme lui. Jaime le Sauveur Jésus, parce qu'il est Fils de Dieu et mon Rédempteur. Jaime Marie, parce qu'elle est la Mère du Fils de Dieu, mon Rédempteur, et ma mère. Jaime Jésus, parce qu'il sest sacrifié pour moi par amour. J'aime Marie, parce qu'elle a sacrifié Jésus pour les hommes et par amour pour moi. Jésus est Dieu, et par cela seul, au-dessus de toutes choses; et je ladore. Marie est mère de Jésus, et par cela seul, au-dessus de toutes les créatures. Je ne ladore point parce quelle n'est point Dieu, mais je lui rends tous les honneurs, tous les devoirs que peut recevoir une créature et qui ne sont point dus à Dieu seul. Jésus, Fils de Dieu, Marie, mère de Dieu! Je distingue lun de lautre, et je ne les distingue pas. Je les vois séparés et unis. Je vois un Dieu éternel et une créature mère de ce Dieu éternel fait homme, et, dans cette maternité, junis le Fils à la Mère, la créature au Créateur. Je vois Dieu créant Marie, et je distingue luvre de louvrier. Cependant, les relations sont si grandes entre ce Dieu fait homme et cette Vierge, mère de Dieu; lunité daction dans le monde des âmes est si frappante et si visible entre Jésus et Marie, que je ne sais ce qu'il faut le plus admirer de Jésus opérant dans cet univers surnaturel et invisible placé dans lunivers naturel et visible, ou de Marie sans laquelle Jésus nopère rien et ne veut rien opérer. Dieu fait homme! merveille admirable pour la terre et les cieux. Dieu fait homme, ou linfini devenu fini, sans cesser d'être infini; devenu mortel, sans cesser dêtre la justice par excellence et la sainteté sans tache. Marie, mère de Dieu! merveille aussi admirable pour la terre et les cieux. Marie, mère de Dieu, ou le fini engendrant linfini et demeurant fini malgré cette génération; Marie, mère de Dieu, femme mortelle engendrant lÉternel! O prodige au-dessus de tout! Je ne vous adore point, mais je vous donne ma vénération, et jadore en vous Celui que vous avez conçu, engendré, mis au monde, et livré pour le salut du monde en union avec le Dieu, Père éternel du Verbe fait homme en vous.
Mon âme surabonde de joie quand Jésus me parle de lui ou qu'il se montre à moi; et ma joie n'est pas moindre quand il me parle de sa Mère, quand elle apparaît à mes yeux ou qu'elle vient me parler elle-même. Lorsque Jésus me parle de Marie, il me parle de lui-même; quand je vois Marie, je vois Jésus; quand Marie, je vois Jésus; quand Marie mentretient et me fait entendre sa voix, il me semble que c'est Jésus qui parle. Je ne mets point de différence entre la voix de Jésus et celle de Marie. Si javais les yeux du corps ou de lâme fermés, et que jentendisse Jésus ou Marie, sans les voir, je ne saurais dire quelle est cette voix. Jai remarqué pourtant que la voix de Marie est toujours pleine de douceur, de bonté, de tendresse, et que la voix de Jésus est quelquefois sévère et prend un accent de justice ou de menace que je nai jamais reconnu en Marie. La voix de Marie est toujours la même, dune douceur inexprimable envers les justes comme envers les pécheurs. Pourquoi cela? Je ne sais; mais ce que je sais, c'est que Marie est mère du Fils de Dieu mort sur la croix, et qu'elle est notre mère. Marie, mère de Dieu et ma mère, c'est Marie et sa douceur, Marie et sa bonté, Marie et sa tendresse, Marie et sa commisération! O Marie! Mère de Jésus et ma mère, je vous aime, je vous bénis, je vous loue, je me donne à vous.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 2
Le Sauveur Jésus mavait souvent parlé de lui, et jamais encore il ne mavait parlé de Marie. « Ma fille, me dit-il un jour, désirez-vous voir ma mère? Seigneur, lui répondis-je, je nai aucun désir, ma volonté sera la vôtre. Je ne veux avoir dautre volonté que votre volonté. » Jésus leva les yeux au ciel et sécria : « Ma Mère, apparaissez à ma fille; je le désire, et, pour conformer son désir au mien, elle le désire aussi. Le désirez-vous, ma fille? Oui, Seigneur. » Aussitôt japerçus des yeux de lâme Marie devant l'autel. Je me trouvais dans léglise (c'était un dimanche matin avant la sainte messe). Je la considérai attentivement. Son visage était resplendissant comme le soleil; ses mains brillaient comme des rayons de soleil; sa robe était blanche et parsemée détoiles, un large manteau de couleur de feu enveloppait ses épaules, il était aussi parsemé détoiles; sa chevelure retombait en arrière, couverte d'un voile en dentelle magnifiquement travaillé; enfin une couronne de diamants, plus beaux et plus éclatants que tous les astres des cieux, ceignait son front. Cette lumière qui était en Marie n'est comparable à aucune autre lumière, celle du Sauveur Jésus exceptée. La lumière du soleil aurait pâli devant celle qui sortait de Marie; et cependant mes yeux ne peuvent regarder en face le soleil, et je regardais Marie dont l'éclat ne méblouissait pas à ce point de mempêcher de la regarder. Je regardais Marie et je ne pouvais ne la point regarder. Sa vue donnait à mon âme la félicité. Lorsque jeus longtemps considéré Marie, elle prix mes deux mains; je mélevais sans savoir où jallais; mais je ne craignais point, mes mains étaient dans les mains de Marie, mes yeux arrêtés sur ses yeux. Je me regardais comme un enfant entre les bras de sa mère, où nul danger ne peut l'atteindre. Nous arrivâmes dans un temple magnifique dont le pavé était en or, les colonnes extrêmement élevées, et lintérieur éclairé par des milliers de lampes allumées en lhonneur de la sainte Vierge. Une multitude innombrable y chantait ses louanges. Elle me conduisit devant un trône dor d'une grandeur immense, qui ressemblait à un autel. « C'est là, ma fille, me dit-elle, le trône de la divinité. C'est de là que partent tous les effets de la justice de Dieu. » Elle se plaça ensuite sur un trône magnifique préparé près du premier, et des vierges sans nombre, vêtues de blanc, vinrent se ranger autour delle. Elles étaient d'une beauté ravissante, de beaucoup néanmoins inférieure à celle de Marie. Combien je me sentis pauvre, dénuée, en comparaison de tout ce que je voyais! Ma misère pénétra jusquau plus intime de moi-même, et je me mis à pleurer. La sainte vierge me cacha alors dans son manteau; mes pleurs cessèrent, et je vis la lumière de Marie passer en moi comme la lumière du jour à travers un cristal. Je ne me possédais pas de joie. Les yeux de mon corps souvrirent alors; je vis le prêtre à lautel. Jentendis sa voix dire distinctement ces paroles : Sanctus, sanctus, sanctus, et je fus comme toute pénétrée par la sainteté de Dieu; mes yeux se fermèrent, mes oreilles nentendirent plus rien, je me trouvai encore sous le manteau de Marie. La sainte Vierge se leva, retira son manteau qui me couvrait, sapprocha du trône de la divinité, et me remit entre les mains de Dieu. Je navais point vu Dieu sur son trône, même avec les yeux de mon âme; mais, dès que Marie meût placée sur le trône où Dieu réside, je sentis mon âme tout embrasée damour sunir à Dieu en unité de la sainte Trinité. Dieu le Père me bénit, le Verbe de Dieu mit sa main sur mon cur, et le Saint-Esprit se reposa sur ma tête comme une rosée pleine de fraîcheur qui me faisait à la fois vivre et mourir. Je me rapprochai de plus en plus du Verbe de Dieu et par lui de Dieu son Père. Enfin, il me sembla que je finis par reposer dans le sein de Dieu le Père, que Dieu le Fils vint reposer sur mon cur, et que le Saint-Esprit présenta à Dieu le Père Dieu le Fils reposant en moi. O moment de félicité, de joie, de transports inexprimables! Était-ce le ciel et son bonheur que jéprouvais en ce moment? Pour une éternité, ce bonheur maurait suffi, et je leusse accepté de Dieu pour jamais, si telle avait été sa volonté. Marie vint me retirer de ce repos que je goûtais en Dieu; elle me prit entre ses bras et me dit : « Ma fille, vivez sur la terre en pensant au ciel; vivez sur la terre en pensant à Jésus; vivez sur la terre en pensant à moi. »
En ce moment Jésus descendit du ciel en terre; c'était le moment de la consécration. Je descendis du ciel avec lui.
Je me préparai à faire la sainte communion. Quand jeus en moi le Sauveur Jésus, je crus être encore sur le trône de Dieu, voir le Verbe reposer sur mon cur, et le Saint-Esprit nous présenter ainsi à Dieu le Père.
Je remerciai le Sauveur Jésus de tant de grâces et de bontés à mon égard; je remerciai Marie aussi bien que je le sus faire, et je me retirai.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 3
Pendant toute la journée, il me semblait être au ciel et non sur la terre, je ne sentais pas mon corps; il me semblait navoir que mon âme, ne voir rien de ce monde, voir au contraire toutes les merveilles du ciel. Javais hâte de revenir près de Jésus. Je devançai l'heure de vêpres et vins au plus tôt adorer le Sauveur dans son tabernacle. Dès que je fus en adoration devant lui, il vint à moi et me dit : « Ma fille, c'est par ma mère que vous avez obtenu aujourd'hui la faveur la plus considérable dont la divinité puisse gratifier une âme qu'elle aime. Vous avez vu Marie, vous avez reposé sur son trône et sur son cur, elle vous a menée sur le trône de Dieu, les trois personnes divines vous ont reçue dans leur retraite impénétrable, vous avez pénétré dans le sein de Dieu, j'ai pénétré dans le vôtre, et par moi mon Père vous a accueillie. Ah! jai voulu vous laisser comprendre que les relations de Dieu avec les hommes nexistent que par ma mère et avec ma mère. Ma fille, je vous ai parlé de la rédemption du monde. De toute éternité, je savais que je mincarnerais, parce que je savais que l'homme pécherait, que l'homme ne pourrait se relever seul de son péché et que je ne voulais pas labandonner dans son malheur si grand. De toute éternité, javais choisi celle que je voulais pour ma mère; de toute éternité, en union avec mon Père et le Saint-Esprit, je travaillais à la sanctification, à la perfection de ma mère. Tous les trésors de la divinité avaient été mis éternellement en moi par mon Père, et ces trésors me permettaient de racheter l'homme en les rendant à mon Père. Or, je ne pouvais les lui rendre comme Dieu, étant entièrement semblable à lui; mais je pouvais les lui rendre en les faisant passer par Marie, en les enfermant en Marie, en menfermant moi-même en elle, et mon Père par Marie devait les accepter. Et ce que javais résolu dans léternité devait saccomplir dans le temps, non au commencement, mais au milieu des temps. Ce délai, pourtant, nenlevait rien de la force de cet acte réparateur, et la vertu de cette réparation devait sétendre sur le commencement des temps, comme elle devait après son exécution se continuer jusqu'à la fin. Or, si je nai voulu rien faire au milieu des temps sans Marie, si les trésors de ma divinité ont été déposés en elle au milieu des temps; lefficacité de ce dépôt agissant au commencement comme au milieu et à la fin des temps, cette efficacité vient de Marie comme de moi.
« Je suis comme la source immense de la réparation du monde, comme la source infinie des grâces données au monde. Mais cette source ne coule pas directement sur le monde, elle passe par Marie, et ma mère est cette créature que jai choisie en union avec Dieu le Père et Dieu le Saint-Esprit, pour répandre tous les biens du ciel sur la terre.
« Oui, ma fille, tout vient de moi pour le bonheur et la sanctification des hommes, mais tout passe par Marie; je naccorde rien que ce quaccorde Marie; et jusqu'à la fin des temps, je bénirai, je rachèterai, je sauverai les hommes parce que Marie les bénira, les rachètera, les sauvera par moi.
« Pour être Fils de l'homme, pour être Sauveur, il fallait ma volonté, il fallait aussi la volonté de Marie; pour rendre les hommes fils de Dieu, frères du Sauveur, il fallait aussi la volonté de Marie; elle a donné son consentement à Nazareth, elle la donné sur le Calvaire, et ce consentement dure encore dans le ciel.
« Voilà donc ce à quoi Marie était éternellement destinée par Dieu : à opérer, par moi et par elle, le salut du monde. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 4
Un jour de la fête de lImmaculée Conception, j'étais venue prier devant lautel de Marie longtemps avant la célébration de la sainte messe. Javais rendu mes hommages à Marie conçue sans péché, j'avais félicité Notre-Seigneur Jésus-Christ davoir une créature si privilégié pour mère. Je massociai de tout cur à la croyance de lÉglise et munis à tous les fidèles qui, en ce jour, rendaient honneur à Marie. Jeus le plaisir de communier. Quand Jésus fut dans mon cur, il me dit ainsi : « Ma fille, vos hommages ont été agréés par ma Mère, et aussi par moi. Je veux vous remercier de votre piété par une nouvelle qui vous fera plaisir. Le jour va venir où le ciel et la terre se concerteront ensemble pour donner à ma Mère ce qui lui est dû dans la plus grande de ses prérogatives. Le péché na jamais été en elle, et sa conception a été pure, et sans tache, et immaculée comme le reste de sa vie. Je veux que sur la terre cette vérité soit proclamée et reconnue par tous les chrétiens. Je me suis élu un Pape et jai soufflé dans son cur cette résolution. Il aura dans sa tête cette pensée toujours, pendant qu'il sera Pape. Il réunira les évêques du monde pour entendre leurs voix proclamer Marie immaculée dans sa Conception et toutes les voix se réuniront dans sa voix. Sa voix proclamera la croyance des autres voix, et retentira dans le monde entier. Alors, sur la terre, rien ne manquera à lhonneur de ma Mère. Les puissances infernales et leurs suppôts sélèveront contre cette gloire de Marie, mais Dieu la soutiendra de sa force, et les puissances infernales rentreront dans leur abîme avec leurs suppôts. Ma Mère apparaîtra au monde sur un piédestal solide et inébranlable; ses pieds seront de lor le plus pur, ses mains comme de la cire blanche fondue, son visage comme un soleil, son cur comme une fournaise ardente. Une épée sortira de sa bouche et renversera ses ennemis et les ennemis de ceux qui laiment et lont proclamée sans tache.
« Ceux de lorient lappelleront la rose mystique, et ceux du nouveau monde la femme forte. Elle portera sur son front écrit en caractères de feu : « Je suis la ville du Seigneur, la protectrice des opprimés, la consolatrice des affligés, le rempart contre les ennemis. » Or, laffliction viendra sur la terre, loppression régnera dans la cité que j'aime et où j'ai laissé mon cur. Elle sera dans la tristesse et la désolation, environnée dennemis de toutes parts, comme un oiseau pris dans les filets. Cette cité paraîtra succomber pendant (trois ans) et un peu de temps encore après ces trois ans. Mais ma Mère descendra dans la cité; elle prendra les mains du vieillard assis sur un trône, et lui dira : « Voici l'heure, lève-toi. Regarde tes ennemis, je les fais disparaître les uns après les autres, et ils disparaissent pour toujours. Tu mas rendu gloire au ciel et sur la terre, je veux te rendre gloire sur la terre et au ciel. Vois les hommes, ils sont en vénération devant ton nom, en vénération devant ton courage, en vénération devant ta puissance. Tu vivras et je vivrai avec toi. Vieillard, sèche tes larmes, je te bénis. »
« La paix reviendra dans le monde parce que Marie soufflera sur les tempêtes et les apaisera; son nom sera joué, béni, exalté à jamais. Les captifs reconnaîtront lui devoir leur liberté, et les exilés la patrie, et les malheureux la tranquillité et le bonheur. Il y aura entre elle et tous ses protégés un échange mutuel de prières et de grâces, et d'amour et daffection, et de lorient au midi, du nord au couchant, tout proclamera Marie, Marie conçue sans péché, Marie reine de la terre et des cieux. » Amen! ! !
LIVRE TROISIÈME, chapitre 5
« Ma fille, je veux vous parler aujourd'hui de ma Mère, me dit un jour le Sauveur Jésus. Sa conception a été immaculée. Il devait en être ainsi pour qu'elle fût digne de moi. Je suis la sainteté même, comment aurais-je pu mincarner dans un corps qui eût été souillé par le péché? Toute la substance de mon corps a été prise du corps de Marie; par conséquent, si Marie avait eu une chair même un seul instant, souillée par le péché, ma chair eût été une chair sur laquelle le péché aurait eu un instant empire, ce qui ne pouvait compatir avec ma divinité et ma sainteté. C'est pour cela que Marie, destinée à être ma mère, a été exempte du péché originel; c'est pour cela que, dès le premier instant de sa conception, Marie reçut de moi la sainteté en partage, et avec cette sainteté originelle toutes les prérogatives qui pouvaient y être attachées. Elle reçut une telle abondance de grâce en ce moment, que vous chercheriez en vain dans la création une semblable merveille. Elle resta neuf mois voilée et cachée pour la terre, comme moi-même je devais plus tard rester neuf mois voilé et caché en elle. En ce temps son âme douée dintelligence et de raison sunissait de plus en plus à Dieu, pendant qu'elle était encore inconnue au monde et qu'elle ne voyait pas le monde, afin quà lheure de sa naissance et durant toute sa vie, son regard ne fût fixé que sur Dieu, ne cherchât que Dieu, ne se plût quen Dieu. La naissance de ma mère fut ignorée de la terre, méconnue de la terre, mais non du ciel. Dieu, dès lors, put s'arrêter avec complaisance sur une créature pleine de justice et de sainteté, et, en sa faveur, accomplir luvre de miséricorde qu'il avait promise au monde. Dieu ne regardait que Marie, ne vivait quavec Marie, ne se plaisait quen Marie. Il ne regardait point les grands, les puissants, ni les rois de la terre; son il ne sarrêtait que sur lhumble Marie, sur Marie inconnue, sur Marie enfant, qu'il aime comme sa fille, comme son épouse, comme sa mère, comme son temple. Du sein de son éternité, il veille sur Marie, il la dirige, il la conduit, il la regarde comme celle qu'il veut faire participer aux plus étonnants mystères qu'il doit opérer dans le temps. Chaque jour il augmente les grâces dans son âme, chaque jour il la fait croître en âge, en vertus, en mérites à ses yeux.
« Bientôt Marie fut tellement élevée en sainteté, que le monde ne fut plus digne de la posséder; et Dieu, malgré qu'elle fût bien jeune, lappela dans son temple, où elle se consacra à lui pour toujours : offrande spontanée, offrande sainte, offrande sans retour! Dieu l'accepta afin que Marie voulût accepter un jour aussi son offrande. Dieu lui donna son temple pour retraite, afin qu'elle lui donnât son sein virginal, où il voulait habiter corporellement. Temple de Dieu et solitude de Marie! Dieu et Marie! Ma fille, pensez souvent à ces grandes choses, à ces admirables relations de la divinité avec cette créature dont le nom est Marie. Votre âme s'y perdra comme dans un abîme sans fin, et dans cet abîme, qui ne lentraînera pas à sa perte, elle goûtera un bonheur inexprimable. Marie se retira près de Dieu, et Dieu vint près de Marie; Marie se plaça sous la garde de Dieu, et Dieu veilla sur Marie; il déploya toute sa puissance, toute sa force, toute sa vertu pour entourer Marie, pour environner son âme, éclairer son esprit, enflammer son coeur. Il fut tellement occupé de Marie, tellement agissant en Marie, que Marie sembla ne pas vivre, mais Dieu vivre en elle. Marie, c'était une créature manifestant laction de Dieu. Cette manifestation était toute secrète, cest-à-dire qu'elle nétait quentre Dieu et elle. La terre ne la connaissait point et ne pouvait la connaître, parce que la terre était séparée de Dieu, parce que la terre avait tellement perdu le souvenir de linfluence de Dieu et de son action, qu'elle ne laurait point aperçue, quand elle eût été extérieure en Marie. Marie, trésor du ciel, inconnue sur la terre, Dieu la voile dans sa simplicité, dans son humilité, dans son abaissement; mais il la tient sous ses yeux, il la tient dans sa main, il la tient dans son esprit, il la tient dans sa grâce, et quand viendra l'heure fixée éternellement, elle sera prête, elle sera disposée. Dieu aura Marie en Marie, cest-à-dire sa Mère dans la Vierge annoncée par les prophètes, attendue par les patriarches, et promise au premier homme après sa chute. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 6
Un jour de lAnnonciation, je lisais dans mon livre lévangile de la messe; je le lisais doucement, avec attention, pour y chercher le fruit du mystère que nous célébrions. Vainement je voulus marrêter sur les paroles enfermées dans ce passage de lévangéliste saint Luc; je demeurai sans pensées, sans réflexion, sans sentiment. Jappelai Jésus à mon aide; je me prosternai à genoux à ses pieds devant le tabernacle, et le suppliai de méclairer sur le mystère de lAnnonciation. Le Sauveur Jésus vint à moi et me dit : « Ma fille, vous aimez que je vous parle de ma Mère, moi aussi je laime. Pour vous éclairer sur le mystère de ce jour, je veux vous emmener avec moi. Venez, ma fille, suivez-moi. » Jésus me prit par la main. Dès qu'il meut touchée, je me sentis élevée en lair, la terre disparut à mes yeux, je ne vis plus rien, si ce n'est Jésus. Nous arrivâmes à une immense plaine. Ce nétait ni une plaine ni une campagne de la terre; c'était comme cela, mais ce nétait point cela, et je ne sais le dire autrement. Autour de cette plaine, je vis neuf degrés ou neuf enceintes superposées. Chacune de ces enceintes était immense et occupée par une multitude de jeunes gens vêtus de blanc. Leur robe descendait jusquaux genoux; leurs bras étaient nus, leurs cheveux longs, retroussés en arrière, séparés sur le milieu du front. Ils avaient tous deux ailes sur leurs épaules. Chacun de ces jeunes hommes était brillant comme le soleil; mais plus lenceinte était élevée et plus les jeunes hommes de cette enceinte étaient éclatants de lumière. Ceux de la dernière enceinte lemportaient sur tous les autres.
Au-dessus de ces enceintes je vis un trône magnifique, de lor le plus fin et le plus brillant. Ce trône nétait que lumière, et cette lumière descendait sur tous les jeunes hommes qui me semblaient réfléchir la lumière de ce trône. Autour du trône, je vis, prosternés à genoux, sept jeunes hommes, plus brillants que ceux de toutes les enceintes, parce quils approchaient de plus près le trône de la lumière.
Alors, du trône de la lumière, une voix se fit entendre. Tous ceux qui étaient dans les neuf enceintes et les sept qui se trouvaient devant le trône de la lumière prêtèrent loreille; puis le premier des sept monta sur le trône, se prosterna trois fois, quitta cette plaine et passa par les endroits que nous avions parcourus.
« Venez avec moi, ma fille, » me dit alors le Sauveur Jésus. Il me prit encore par la main, et nous arrivâmes, avec celui qui avait quitté la plaine den haut, dans une petite cellule. Là, une jeune fille, dune quinzaine dannées, les mains croisées sur la poitrine, priait, les yeux levés au ciel. Le jeune homme se prosterna devant elle et lui dit : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes. » À ces mots, la jeune fille me parut troublée dans la parole quelle venait dentendre. Elle se demandait quel pouvait être ce salut. Alors le jeune homme lui dit : « Ne craignez point, Marie; vous avez trouvé grâce devant Dieu. Voici que vous concevrez dans votre sein et vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand. Son nom sera le Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David, son Père, et il régnera éternellement, et son règne naura point de fin. » Alors la jeune fille répondit : « Comment cela sopèrera-t-il, car je ne connais point dhomme? » Il lui fut répondu : « Le Saint-Esprit descendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut. Voici que votre parente Élisabeth a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et c'est le sixième mois de la grossesse de celle qui est appelée stérile, parce qu'il n'y a point de promesse irréalisable pour Dieu. » La jeune fille, levant les yeux au ciel, sécria : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. »
Alors tout disparut, le jeune homme venu avec le Sauveur Jésus et moi de la plaine den haut, et la jeune fille que nous avions trouvée en prière. Je ne vis plus que le Sauveur Jésus; il était en face de l'autel. Je me mis à genoux devant lui; il me bénit, me releva et me dit : « Ma fille, jai voulu parler à vos yeux avant de parler à votre intelligence, parce que votre intelligence comprendra mieux maintenant ce que vos yeux auront aperçu, ce que vos oreilles auront entendu. Cette plaine que vous considériez, ma fille, c'est le ciel; les neuf enceintes et ceux qui les occupaient, les neuf churs des anges; le trône de lumière, le trône de Dieu; les sept jeunes hommes qui entouraient ce trône, les sept anges qui sont toujours devant mon Père; celui qui sest levé, qui est venu avec vous dans la cellule où nous sommes entrées, c'est lange Gabriel; celle à qui il a parlé, c'est Marie.
« Vous allez maintenant, ma fille, pénétrer plus facilement le mystère sur lequel vous vouliez méditer. Je vous parlerai avec la simplicité dune mère; écoutez-moi avec la docilité dun enfant.
« Mon incarnation était le chef-duvre des manifestations extérieures de Dieu au ciel et sur la terre. Toute léternité Dieu a préparé cette uvre. Quand lheure sonna, au milieu des temps, il envoya son ange, lun des sept qui se trouvent toujours en adoration en sa présence et à qui il confie lexécution de ses commandements, celui qui sappelle Gabriel, cest-à-dire force de Dieu ou bien Dieu et homme. Ce n'est pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce qu'il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il devait annoncer la grande merveille dun Dieu fait homme. Ce n'est pas sans dessein qu'il porte ce nom, force de Dieu, parce qu'il devait être le héros annonçant la grande manifestation de la force et de la puissance qui est en Dieu; Dieu et homme, parce qu'il devait annoncer la grande merveille dun Dieu fait homme.
« Il est ange et lun des plus puissants de la cour de mon Père, et il vient dans la cellule de Marie, que mon Père avait choisie pour me donner le jour sur la terre. C'est le ciel qui apprend cette grande nouvelle à la terre; c'est un ange qui lapprend à une vierge; c'est le plus beau des anges qui l'apprend à la plus sainte des créatures; c'est l'ange de Dieu qui lapprend à la mère de Dieu. La terre et le ciel, Dieu et sa justice et sa miséricorde étaient en même temps dans la cellule de Marie. Marie priait, demandait la délivrance du monde, soupirait après la venue du Messie, et Dieu vient à elle par son ange; Dieu vient lui dire que les temps sont accomplis, que le Messie va naître delle; lange la salue et se prosterne devant elle.
« Vous avez contemplé ce spectacle ravissant, admirable, l'ange venant au nom de Dieu, Marie nayant point ses yeux fixés sur lange, mais toujours sur Dieu, l'ange saluant Marie pleine de grâce, temple de Dieu, femme bénie parmi les femmes, Marie se disant la servante de Dieu. Ce langage n'était point un langage de la terre, c'était plus quun langage angélique, il était de Dieu, porté par un ange et reçu par Marie. Or, ma fille la parole de Dieu est lumière, et cette lumière n'est point une lumière créée, mais incréée, qui ne sort pas de Dieu, qui reste en Dieu, mais dont les rayons viennent et descendent jusquà la créature pour lui montrer les choses de Dieu et lélever jusqu'à lui.
« Marie écouta la parole de Dieu transmise par l'ange et demeura en silence. Son esprit, éclairé aussitôt par cette lumière de la parole, pénètre jusquau sein de la Divinité pour y contempler ses desseins éternels. Elle contemple, et cette contemplation est pour elle pleine dintelligence. Lange, pénétré de respect, vénérant le silence de Marie et sa contemplation, demeure en silence devant elle.
« Navez-vous point remarqué cela, ma fille? Oui, Seigneur. Quavez-vous vu en Marie? Seigneur, je ne saurais mexprimer, mais il me semble que c'était un ravissement céleste, et puis comme un trouble produit par la parole de lange et ce ravissement. Ne pensez-vous point que ce soit la présence de l'ange qui l'ait troublée? Non, Seigneur, car j'ai vu clairement et d'une manière sensible la vérité du récit évangélique qui dit que Marie fut troublée dans le discours de l'ange.
« Il en a été ainsi, ma fille. Marie était sainte et pleine de grâces, la pureté de son âme surpassait la pureté de tous les esprits célestes; la présence dun ange sous une forme humaine ne pouvait la troubler. Marie était si éclairée, son intelligence si ouverte et si pénétrante, qu'elle eût reconnu un artifice, si l'ange des ténèbres avait voulu se changer pour elle en ange de lumière. Marie n'était pas seulement gardée par un ange, mais par Dieu; car Dieu était avec elle, et, sous la garde de Dieu, elle ne pouvait ni craindre ni se troubler. Marie fut troublée dans la parole de l'ange. Il y eut combat entre son humilité et la parole du messager céleste. Le combat produisit le trouble de Marie, qui se demanda quelle pouvait être cette salutation et la signification de ces paroles. Ah! ma fille, lhumilité était si grande en Marie qu'elle ignorait les grandeurs qui étaient en elle. Dieu voulait élever Marie, et Marie ne pensait quà shumilier devant Dieu; et son humilité lui enlevait la parole, et elle se confondait dans son néant au moment même où Dieu allait l'exalter par sa divinité, qui devait sunir si intimement à elle. Son humilité devint sa force; lange ajouta : « Ne craignez point, Marie, vous avez trouvé grâce devant Dieu. »
« Savez-vous, ma fille, quelle est cette grâce que Marie a trouvée devant mon Père? Non, Seigneur. Écoutez lange, il va vous lapprendre : « Voici, lui dit-il, que vous concevrez dans votre sein et que vous enfanterez un Fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. »
« La grâce que Marie a trouvée devant mon Père, est moi. Je suis la grâce de Dieu le Père, je suis la splendeur de sa gloire, et Marie ma trouvé par sa sainteté, par sa vertu, par sa virginité. Elle ma trouvé et je viendrai en elle, et je me donnerai à elle, et elle se donnera à moi. Ma divinité descendra en son humanité, son humanité voilera ma divinité; ma divinité remplira son humanité; vierge, elle deviendra mère; vierge mère, elle sera mère de Dieu, elle sera ma mère.
« Voilà la dignité que l'ange annonce à Marie, et cette dignité étonnante pour le ciel et pour la terre le fut aussi pour Marie. Elle sécria : « Comment cela pourra-t-il sopérer, je ne connais point dhomme? »
« Je désire, ma fille, que vous compreniez bien ces paroles; écoutez-moi avec plus dattention. Il ny a point un doute sur la parole de l'ange: Marie savait que je devais naître d'une vierge, et son âme était pleine de foi dans les promesses de Dieu. Mais elle ne savait point de quelle manière je devais naître delle. Être vierge et mère en même temps, c'est là un mystère que nul ne comprendra jamais, et Dieu navait point révélé la manière dont il devait opérer cette étonnante maternité. Aussi Marie sécrie : « Comment cela sopèrera-t-il, je ne connais point dhomme? » Loin dêtre une parole de doute, cette parole est pleine de croyance et de foi; une parole de croyance au pouvoir de Dieu, à sa maternité et aussi à la conservation de sa virginité. C'est une parole de vénération pour le pouvoir de Dieu, de remerciement pour la maternité promise, daction de grâces pour sa virginité conservée. Quel est ce mode nouveau que Dieu emploiera pour opérer son oeuvre? Quelle est cette nouvelle faveur que Dieu me réserve? Telle était la pensée de Marie.
« Vous devez remarquer aussi que cette parole n'est pas une parole uniquement de Marie, c'est une parole de Dieu, comme les paroles de l'ange étaient aussi paroles de Dieu. Dieu voulait par cette parole et sa conservation dans lÉvangile faire éclater la vérité de sa promesse, faire observer la réalisation des prophéties, tout en relevant la dignité, la pureté, la sainteté de la créature qu'il avait choisie pour être sa mère.
« Marie, par sa virginité, a attiré Dieu en elle. Il fallait que cette virginité apparût toute brillante aux yeux de tous les hommes; et que cette vertu, manifestée en elle d'une manière si éclatante, demeurât parmi les hommes comme lexpression de ce qui pouvait être le plus agréable à Dieu. Dieu ne voulait pas seulement que jhabitasse en Marie, il voulait aussi que je vinsse habiter dans les enfants des hommes; il voulait que parmi les enfants des hommes je choisisse un peuple, un peuple privilégié, dont la pensée sélevât au-dessus de la terre et des sens, méditât, dans une chair sujette à la corruption et captivée par les sens, le mystère de lunion incorruptible entre Dieu et l'homme, que ce peuple se demandât toujours : Comment, dans ma faiblesse, dans ma misère, dans mon indignité, arriverai-je à unir Dieu à ma chair? Et qu'il comptât comme Marie sur les paroles de l'ange : Le Saint-Esprit descendra en vous, la vertu du Très-haut vous couvrira, et ce qui naîtra de vous est saint et sera appelé le Fils du Très-Haut.
« Oui, ma fille, dans luvre de mon incarnation en Marie, il n'y a eu que luvre de Dieu. Les hommes n'y ont point eu de part. Tout a été divin dans cette nouvelle création. Le Saint-Esprit est venu lui-même opérer en Marie cette merveille, la vertu de mon Père a soutenu Marie dans la création de mon humanité en elle; mon humanité unie à la divinité a été sainte comme ma divinité, et j'ai été appelé parmi les hommes du nom que je portais dans le sein de mon Père, du nom qui désigne et exprime ce que je suis, le Fils de Dieu.
« Voilà le prodige merveilleux, dont lexplication est donnée à Marie, que les femmes stériles devenues mères dans lancienne loi avaient annoncé, quÉlizabeth sa cousine, devenue mère aussi malgré sa stérilité, annonçait également, non pas dans sa totalité, mais comme signe de lefficacité de la puissance de Dieu, dont pas une promesse n'est irréalisable.
« Heureuses les âmes qui, comme Marie, suivent, dès leur enfance l'attrait que Dieu met dans leur âme, qui se consacrent à lui et ne désirent dautre union que son union! En vérité, je vous le dis, ma fille, ces âmes deviendront ma mère comme Marie; je reposerai en elles, non-seulement neuf mois, mais toute leur vie, et pendant léternité elles reposeront en moi. Jaurai pour elles, comme jen ai eu pour Marie, des faveurs spéciales sur la terre et dans le ciel. Ma fille, je vous appelle à moi, dites avec Marie : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. » Prononcez souvent ces mots, prononcez-les comme Marie, les yeux levés au ciel, votre cur tout entier abandonné à Dieu, votre esprit et votre âme ne demandant, ne désirant, ne cherchant que la volonté de Dieu.
« Ma fille, quand lange eut fini de parler, il avait achevé sa mission et nattendait que la réponse de Marie. Jétais à même de mincarner en Marie, mais il fallait le consentement de Marie. Dieu allait renouveler son alliance avec les hommes, mais cette alliance devait être acceptée par Marie, et Dieu, et l'ange, et moi qui vous parle nous attendions la réponse de Marie. O puissance, ô grandeur communiqué à Marie! Jamais, Dieu ne sétait soumis à l'homme, et il se soumet à Marie; jamais Dieu navait consulté l'homme, et il consulte Marie; jamais Dieu navait fait dépendre son action de l'homme, et il fait dépendre la plus admirable de ses actions de Marie. O parole de Marie! Ma fille, nen avez-vous point distingué laccent? Nétait-ce point ma parole que vous avez distinguée dans la parole de Marie? Je suis la parole éternelle de Dieu, jallais mincarner dans Marie, et déjà ma parole était en elle comme un essai de ce que jallais produire par elle dans le monde : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. »
« Le résumé de mon incarnation est dans cette parole. Il n'y a que deux choses en elle : humilité et puissance : lune et lautre existent séparément, mais il semble que la seconde ne se manifeste que par la première. Ce na été que par mon humiliation jusquà la mort et jusquà la mort de la croix, que jai voulu manifester ma puissance sur la mort, sur lenfer, et sur l'homme pécheur à qui je rendais la grâce et la liberté.
« Marie, au moment où le messager du ciel proclame ses grandeurs, shumilie jusque dans le plus intime de son être : « Voici la servante du Seigneur. » Mais cette humilité acquît une force toute divine, qui mattire et mincarne en elle par la puissance d'un commandement auquel je ne résiste point : « Quil me soit fait selon votre parole »!
« Luvre de mon incarnation fut accomplie par cette parole. Jhabitai dès lors corporellement en Marie, et le ciel adora ce mystère de labaissement du Fils de Dieu, de sa miséricorde et de son amour pour les hommes, et de la dignité, de la grandeur, de la puissance de la Vierge que javais choisie pour être ma mère. »
Voilà ce que je me rappelle de mon entretien avec le Sauveur sur le mystère de lAnnonciation. Je nai point parlé comme le Sauveur, mais comme jai su et comme il me la permis. Ce que je ne puis et ne sais point dire, c'est le bonheur que lonction de sa parole mit dans mon âme. Je le remerciai de linstruction qu'il mavait donnée et le priai de me faire participer aux sentiments de Marie au jour de lAnnonciation.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 7
Quelques jours après, je pensais aux grâces si privilégiées que Dieu avait données à Marie; je félicitais Marie davoir été choisie pour mère de Dieu; je félicitais Jésus davoir Marie pour sa mère. Ce furent les seuls sentiments que je pus former dans ma méditation. Selon la recommandation de Jésus, je me tenais silencieuse en sa présence, mon cur et mon esprit attachés à lui. Il me semblait que mon âme sembrasait de plus en plus damour pour le Sauveur. Il vint à moi du fond du tabernacle et me dit : « Ma fille, je vous ai parlé sur le mystère de lAnnonciation de ma naissance à Marie et de Marie, aujourd'hui je veux vous parler de ma vie en Marie pendant les neuf mois que j'ai passés en elle, et des mystères opérés par ma présence en son sein virginal.
« Jétais Dieu, Fils de Dieu, Verbe de Dieu, lumière de Dieu, splendeur de la gloire de Dieu, vivant dans Marie, femme mortelle, femme vierge, sainte, immaculée dans sa conception, dans sa naissance et dans sa vie, femme mère de Dieu. Jétais en Marie comme homme, comme Fils dAdam, Fils de David, en tout semblable aux autres hommes, hormis la similitude du péché. Jétais en Marie, ayant ma vie comme Dieu, et ma vie comme homme; en elle il y avait ma divinité et mon humanité, et les deux natures divine et humaine se réunissaient dans ma personnalité de Sauveur. Jétais en Marie un Dieu soumis à Dieu le Père, un Dieu incarné, un Dieu fait homme pour offrir à mon Père le sacrifice qui seul pouvait lui être agréable.
« Jétais en Marie, Dieu et homme tout ensemble; Dieu-Homme simmolant et se donnant continuellement à Dieu, et lui répétant à chaque moment cette parole : Mon Père, vous navez point voulu les holocaustes ni les sacrifices des hommes, mais vous mavez donné un corps, et voici que je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté.
« Jétais Dieu, et je madressais à Dieu; je reconnaissais qu'il mavait donné le corps dont était revêtue ma divinité; je le proclamais lauteur de mon incarnation et je lui offrais tout ce qu'il mavait donné; je le lui offrais à létat de victime, comme un serviteur à son maître, afin de faire sa volonté qui était de sauver le monde.
« Nétait-ce pas, en effet, être victime, que de resserrer ma divinité dans le sein de Marie? Nétait-ce pas être soumis comme un serviteur, que de plier et de voiler ma divinité dans lhumanité? Nétait-ce pas être à la fois serviteur et victime, que de moffrir à Dieu en reconnaissant son domaine sur moi? Nétait-ce pas venir pour sauver le monde, puisque je prenais lhumanité en ma divinité et que je présentais cette humanité sanctifiée par moi à mon Père, afin quil lagréât, qu'il vît dans son Fils éternel ce même Fils fait homme, devenu frère des hommes, et qu'il acceptât tous les hommes comme mes frères en tant quHomme-Dieu?
« Ma vie dans le sein de Marie, c'était une parole continuelle à Dieu mon Père; c'était une parole de soumission, dobéissance, dhumilité; c'était une parole de prière et de supplication; c'était la parole éternelle, qui est dans le sein du Père, incarnée dans le sein de Marie, et qui, du sein de Marie, sélevait à Dieu mon Père; c'était la parole du nouvel Adam conversant avec son Créateur, nous plus dans lorgueil et la superbe du cur, mais dans la plus profonde humilité, et ce nouvel Adam nétait pas homme seulement, il était Dieu et homme. Aussi, par son humilité et sa divinité, il ne devait point perdre l'homme, mais le racheter et le sauver, car c'était la volonté de Dieu, et jétais en Marie pour accomplir cette volonté.
« Ma vie en Marie était donc ma vie pour Dieu, c'était aussi ma vie pour ma mère. En vivant dans Marie, je rendais gloire à mon Père, je lui ramenais lhumanité coupable, je satisfaisais sa justice, et tout cela dans un entretien plein dhumilité et de soumission. En vivant en Marie, je rendais aussi gloire à Marie, et jamais nulle créature na eu de gloire pareille à cette gloire. Ce nétaient point les hommes que je lui soumettais, mais ma divinité; ce n'était point une uvre de justice, mais de miséricorde que jaccomplissais à son égard; et de même que javais préparé son âme par la parole de ma grâce, de même que je lui avais fait annoncer mon incarnation par la parole de mon ange, je voulais par ma propre parole achever luvre de sanctification et de grandeur qui devait sopérer en elle. Ma parole à Marie n'était qu'un écho de ma parole à mon Père; mais Marie recevait cette parole et la conservait en son cur; par ma parole à mon Père je complétais de plus en plus luvre de la rédemption du monde; par ma parole à Marie, je complétais luvre de son union avec moi. J'étais Dieu, en cette qualité je lui donnais la vie; j'étais Fils de l'homme, en cette qualité je recevais d'elle ma vie, et, par cet échange réciproque, je lunissais plus à moi et je munissais plus à elle en même temps. J'étais Dieu, et comme Dieu reposant en une créature, Marie était pour moi le seul lieu où je pusse me plaire. Marie étant sainte, toute donnée à Dieu, tout absorbée en moi, elle ne voyait que moi, elle ne soupirait quaprès moi, elle ne désirait que moi, j'étais sa vie, son mouvement, sa richesse, son Dieu; elle était ma mère et je lattirais à moi, je me faisais le centre de sa vie. Dieu, dans léternité, a été, est et sera toujours lobjet des contemplations de son Verbe. Dans le temps, le Verbe de Dieu fait homme était le continuel objet des contemplations de Marie, et Marie aussi, après mon Père, mais avec mon Père, le continuel objet de mon humanité unie à la divinité.
« Aimez à me contempler dans vos méditations, vivant en Marie; c'est là une dévotion qui mest très-agréable et qui est peu en usage. Attachez-vous-y, et plus vous vous y attacherez, plus elle aura pour vous dattraits. Vous ne la comprendrez jamais parfaitement. Sur la terre, ma vie en Marie demeurera comme un livre fermé; néanmoins je louvrirai pour vous si vous me le demandez. Je vous montrerai le Fils de l'homme occupé en Marie de Dieu et de lhumanité tout entière, et Marie dans toute lhumanité seule occupée de la divinité; je vous montrerai Celui qui est la vie, tirant la vie dune créature; je vous montrerai Celui qui est la lumière, enfermé dans les ténèbres et dans le sein dune créature; je vous montrerai Celui qui est Dieu, devenu homme; lÉternel, mortel; le Saint, fait comme pécheur, je vous montrerai une Vierge devenue mère, une Vierge mère portant un Dieu dans son sein, une créature vivifiant le Créateur, le Dieu du ciel et de la terre dépendant de luvre de ses mains; je vous montrerai la vie divine et la vie humaine ne faisant plus quune vie, la vie du Fils de Dieu fait homme. Contemplez-moi vivant en Marie, et vous pourrez recevoir dans votre esprit une idée de mon humiliation et de la grandeur de Marie, une idée de mon amour pour Marie, et de lamour de Marie pour moi, de mon union à Marie, et de lunion de Marie avec moi. Contemplez-moi vivant en Marie, et vous aurez une idée des relations ineffables que cette vie établit entre mon Père et Marie; Dieu mengendrant de toute éternité et seul dans son sein, Marie seule aussi mengendrant dans son sein par la vertu de Dieu, Dieu mappelant son Fils et Marie me donnant le même nom.
« Vous me verrez Fils de Dieu et fils de Marie, unissant Marie à Dieu et Dieu à Marie, reposant dans le sein de Dieu et dans le sein de Marie, regardant Dieu le Père pour laimer comme mon Père, regardant Marie pour laimer aussi comme ma mère, ne faisant qu'un avec mon Père, ne faisant qu'un non plus avec ma mère sur la terre, commençant à donner Dieu à lhumanité en Marie, commençant à donner lhumanité à Dieu en lui donnant Marie.
« Je vous laisse, ma fille, à ces pensées, je vous les abandonne; conservez-les dans votre cur comme un stimulant précieux qui vous fera désirer de plus en plus que je vienne habiter en vous, vivre avec vous et vous faire goûter les douceurs de ma présence et de mon amour. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 8
« Une nuit de Noël, je faisais avant la messe de minuit ma méditation sur la naissance de Jésus dans létable de Bethléem. Je n'étais point devant l'autel du tabernacle. Un attrait particulier mavait attirée près de l'autel de Marie. Je ne métais point adressée à Jésus, javais recouru à Marie. Javais oublié le Sauveur pour ne penser quà sa Mère. Cet oubli n'était pourtant pas un oubli, car, en madressant à Marie, je pensais aussi à Jésus; je veux dire seulement que mon premier regard dans cette nuit avait été pour Marie, et que par Marie je voulais arriver à Jésus. Lautel de Marie n'était point illuminé, mais cela mimportait peu. Je voyais Marie, sinon avec les yeux du corps, du moins avec les yeux de mon âme; j'étais avec elle et saint Joseph dans létable, et avec elle et saint Joseph jadorais Jésus enfant.
Bientôt la vue que j'avais de Marie fut plus claire, plus brillante; elle devint la lumière de son autel qui était sans lumière; elle mappela avec bonté. Lenfant Jésus, enveloppé de langes, était dans ses bras. Jaurais bien voulu le prendre entre les miens, le presser sur mon cur, le caresser, mais je nosais le demander à Marie; elle le comprit, car, sans minterroger, elle plaça son divin enfant entre mes mains, puis elle me rapprocha delle, comme pour me prendre avec Jésus sous sa protection. Lenfant Jésus était avec moi, mais il était sans parole. Je le regardais, puis je regardais Marie; jembrassais Jésus et je remerciais Marie. Je voulais interroger Jésus et je nosais interroger Marie. Néanmoins, je menhardis peu à peu et je dis à Marie : Vierge sainte, parlez-moi de la naissance du Sauveur Jésus. « Ma fille, me dit Marie, je veux satisfaire votre désir. Mon Fils Jésus étant enfant ne vous parle point, je vais vous entretenir en sa place.
« Ma fille, c'est à cette heure, en une nuit anniversaire de cette nuit, que je mis au monde mon Fils Jésus. Cette naissance est le mystère dune triple volonté au ciel et sur la terre : la volonté de Dieu le Père, qui chérissait les hommes à ce point qu'il leur donnait son Fils; la volonté du Verbe de Dieu, qui chérissait à ce point la volonté de son Père quil voulait l'accomplir au moment fixé par lui; la volonté du Saint-Esprit, qui avait tout disposé pour opérer cette naissance étonnante, et dont lopération devait manifester la sagesse et la puissance. Voilà la triple volonté du Ciel qui se manifeste en cette naissance. Cette volonté est une dans sa triplicité, elle na qu'un objet, la naissance de mon Fils; elle repose éternellement au sein de la divinité.
« La naissance de mon Fils Jésus renferme encore le mystère dune triple volonté sur la terre : la volonté de Dieu le Père, de Dieu le Fils et de Dieu le Saint-Esprit, qui sest formée dans le ciel et qui opère sur la terre; la volonté du Fils de Dieu fait homme, qui est mon Fils, et ma volonté. Ces trois volontés ne font qu'une volonté; elles étaient en moi, et opérèrent la naissance de mon Fils. Les trois personnes divines voulaient la naissance de Jésus, et Jésus est né; Jésus voulait naître, et Jésus est né; je voulais la naissance de Jésus, et Jésus est né.
« Cette naissance s'est opérée dans ces admirables relations entre les trois personnes divines et moi, mère de Jésus. Les trois personnes divines donnaient mon Fils au monde; je le donnais aux trois personnes divines. Les trois personnes divines me regardaient comme mère de Jésus; moi, je me regardais comme lhumble servante des trois personnes divines. Dès ce moment je me trouvai plus puissante et je sentis en moi la puissance même de Dieu; car Jésus fut mon Fils non-seulement en moi, mais hors de moi, et Celui qui commande au ciel et sur la terre me fut soumis. Je lui commandais; il faisait ma volonté comme la volonté de son Père, et ainsi quand la volonté des trois personnes divines était la règle et le mouvement de ma volonté, ma volonté était aussi la règle et le mouvement de la volonté divine de mon Fils.
« O ma fille! comprenez bien lexemple qui ressort pour vous de la naissance de Jésus. C'est un exemple de soumission, un exemple de volonté exécutée et suivie, un exemple de subordination, et cet exemple vient du Ciel, vient de Dieu. Dieu a voulu, et j'ai voulu avec Dieu. Dieu le Père a voulu, et Dieu le Fils sest soumis à volonté de son Père. Dieu le Père et Dieu le Fils ont voulu, et Dieu le Saint-Esprit a voulu avec eux, et il a disposé la réalisation et l'accomplissement de leur volonté. Ma volonté a toujours été conforme à la volonté de Dieu. Dieu a voulu que le Fils sincarnât en moi, naquit en ce jour, et en tout jai conformé ma volonté à la volonté de Dieu. Ne loubliez pas, ma fille, le péché de l'homme a été une opposition à la volonté de Dieu; pour réparer ce péché, il a fallu une soumission à la volonté divine. Voici le commencement de cette soumission, soumission dans la naissance de mon Fils. Portez vos regards plus loin, vous trouverez cette soumission dans sa mort. De Bethléem au Calvaire, tout en Jésus, tout en moi unie à Jésus est soumission à la volonté de Dieu.
« Eh bien, ma fille, soyez soumise aussi à la volonté de Dieu, que votre volonté soit toujours liée à la sienne et ne fasse quune avec elle; rappelez-vous la naissance de mon Fils, sa soumission et ma soumission; et, quelque pénible que soit ce qui pourra vous être demandé, pensez que la soumission augmentera votre justice et vous unira plus à Jésus et à sa mère.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 9
Un jour de lÉpiphanie, j'avais eu le bonheur de faire la sainte communion. Après avoir reçu Jésus dans mon cur, je le lui offris avec tout ce que j'avais et tout ce que jétais pour le reconnaître comme mon Roi, mon Dieu et mon Sauveur. Alors je vis, non des yeux du corps mais de mon âme, un jeune homme qui me paru être un ange; il se mit en adoration devant le tabernacle, puis il vient à moi et me dit : « Marie, suivez-moi. » Je me levai et je le suivis. Nous passâmes derrière lautel. Là, une immense campagne s'offrit à mes regards, et au loin apparaissait une colline sur laquelle était assise une petite ville. Nous marchâmes très-vite et nous atteignîmes en quelques minutes la cité. Nous dirigeâmes vers le bas de la colline qui portait la ville du côté de lorient. Nous arrivâmes près dune grotte taillée dans le roc : « Arrêtez-vous, Marie; c'est ici la maison du Seigneur et le lieu où il a pris naissance pour sauver les hommes. » Cette grotte, qui avait servi détable, était vaste, spacieuse, et couverte de chaume. Elle avait été disposée en habitation, là habitaient réellement Jésus, Marie et Joseph.
L'ange, sadressant à Jésus enfant, lui dit : « Seigneur, vous mavez ordonné de conduire près de vous votre servante Marie, la voici. » Jésus, en me voyant, me sourit avec bonté et puis regarda sa mère qui le tenait par la main. Je me prosternai devant Jésus, que je reconnus avoir tenu entre mes bras la nuit de Noël. Je ladorai de nouveau comme mon Roi, mon Dieu et mon Sauveur. Il quitta la main de Marie et vint à moi. Je le reçu quelques instants dans mes bras et puis je le rendis à Marie, et je massis près d'elle sur un escabeau que me présenta saint Joseph.
« Ma fille, me dit alors la mère de Jésus, ne perdez jamais de vue la grâce qui vous est faite en ce jour. Dieu vous a donné un ange, et cet ange est l'ange de votre salut. Vous avez cherché avec lui mon Fils Jésus, vous avez été amenée en ce lieu où il habite, et je vous ai permis de la recevoir dans vos bras. Ainsi, ma fille, chaque fois que vous chercherez mon Fils avec un grand désir, soyez sûre de le trouver. Vous ne le trouverez pas seul, vous me trouverez toujours avec lui; il ne se donnera pas lui-même à vous, ce sera moi qui vous le donnerai, qui vous le livrerai, qui lui ordonnerai daller à vous. Il ne vous parlera point si je ne lui dis de vous parler; mais sil ne vous parle pas, je vous parlerai à sa place. Dieu a donné à mon Fils tout pouvoir sur la terre et dans le ciel; mais, parce que je suis sa mère, il veut ne le point exercer sans mon ordre. Unissez donc toujours mon nom au nom de mon Fils; cherchez-moi toujours, en cherchant Jésus; ne nous séparez jamais et vous nous trouverez toujours unis, et nous vous donnerons place dans notre famille, dans nos épreuves, dans nos souffrances sur la terre, pour vous attirer à nous un jour auprès de Dieu. »
La parole de Marie était pleine de douceur et de bonté. Jaurais voulu lentendre encore, mais elle sarrêta.
L'ange qui mavait conduite, et qui se tenait à lentrée de la grotte vint se prosterner devant Jésus en disant : « Seigneur, les mages dOrient ont vu votre étoile, ils viennent vous adorer. » Lenfant Jésus ne répondit rien; mais il regarda Marie, et les mages entrèrent.
Le premier avait une robe qui descendait jusquà ses pieds, une couronne sur la tête, et, dans les mains, de lor, de lencens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusquà terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le second était vêtu et couronné comme le premier, et, comme lui aussi, portait dans ses mains de lor, de lencens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Le troisième était vêtu et couronné comme les deux premiers, et, comme eux aussi, il portait dans ses mains de lor, de lencens et de la myrrhe.
Il se prosterna jusqu'à terre et déposa sa couronne aux pieds de Jésus en disant : « Je vous adore, Fils de Dieu; je vous adore, Fils de Dieu fait homme; je vous adore, roi des Juifs. »
Quand ils furent tous trois à genoux devant Jésus, ils lui offrirent chacun leurs présents.
Jésus leva sa main sur eux comme pour les bénir.
Marie sentretint longtemps avec les mages sur le péché originel, sur la promesse du Rédempteur, sur la sainte Trinité, sur le changement qui allait sopérer dans le monde par lIncarnation.
Je vis les mages écouter la parole de Marie avec le plus profond respect, et porter tour à tour leurs regards de Marie sur Jésus et de Jésus sur Marie, sans pour cela paraître distraits aux paroles de Marie.
Quand Marie eut fini de parler, elle mit lenfant Jésus entre les bras de chacun des mages. Ils furent heureux au-dessus de toute expression de cette faveur signalée.
Les mages se retirèrent; je remerciai Marie, je lui demandai dembrasser encore le Sauveur enfant; et l'ange, qui mavait conduite dans la grotte, me ramena derrière l'autel. Je revins à ma place et je me retirai.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 10
Trois jours après, je me sentis attirée près du Saint-Sacrement, je suivis cet attrait et jarrivai près de Jésus. Je navais point la permission de le recevoir sacramentellement, mais je munis à lui par un grand désir de communier. Je voulus entrer dans mon cur pensant y trouver Jésus sur son trône, comme je ly trouve souvent. Jésus ny était point. Je craignis de l'avoir offensé. Je revins dans mon cur pour y chercher encore Jésus. Jésus était absent; mais j'y trouvai mon ange gardien : « Marie, me dit-il, ne vous attristez point, je vais vous conduire à Jésus. » Alors mon ange me mena par le chemin que javais suivi trois jours auparavant. Je reconnus Bethléem, mon âme fut tranquille, et je me dis à moi-même : Nous allons à la grotte du Sauveur Jésus.
Mon ange était silencieux. Je lui demandai : Allons-nous à la grotte du Sauveur? Il me répondit : « Le Sauveur n'est plus dans lhabitation où vous lavez vu naguère. »
Aussitôt jentendis des voix de femmes désolées qui pleuraient, et poussaient des gémissements à me fendre le cur. Ces voix venaient de Bethléem. L'ange me dit alors : « Les voix que vous entendez sont les voix de pauvres mères à qui on arrache leurs enfants pour les livrer à la mort par ordre du roi Hérode qui, craignant la naissance du nouveau roi des Juifs, fait tuer à Bethléem et dans les environs tous les enfants de deux ans et au-dessous. Hâtons nos pas, Marie; Jésus a fui en Égypte avec sa mère; pressons-nous, nous le trouverons dans le désert. »
Les campagnes de la Judée disparurent rapidement et nous aperçûmes au loin Jésus, Marie et Joseph. Cette vue me donna de la force; jen avais grand besoin, la chaleur du désert mavait exténuée de fatigue. L'ange mencourageait aussi, et je marchais toujours.
Nous atteignîmes enfin la sainte famille; elle reposait sous un arbre couvert de fruits et au pied duquel coulait une source deau fraîche. Marie tenait lenfant Jésus dans ses bras. Je mapprochai de Jésus et lui dis : Seigneur, voici bien longtemps que je vous cherchais et je ne vous trouvais point. Il me tendit les bras et je le pressai sur mon cur.
Marie sadressa à moi et me dit : « Ma fille, si vous voulez établir le royaume de Dieu dans votre cur, vous trouverez des obstacles immenses; mais ne vous découragez point. Fuyez le monde, fuyez le Démon, fuyez loin de vous-même. Vous vous trouverez alors peut-être dans un désert, mais ce désert ne sera pas sans avoir des charmes pour vous. Dans ce désert, vous trouverez Dieu et ses consolations, qui vous sont figurées par cet arbre qui vous abrite des rayons du soleil et porte des fruits pour vous nourrir, et par cette source deau où vous pourrez vous désaltérer. Vous y trouverez Jésus et vous my trouverez avec lui. Alors ce désert ne sera plus pour vous un désert, mais une douce oasis, où vous vous reposerez après le combat, après une longue course, après de rudes épreuves. Ma fille, allez en paix. »
Je revins à travers le désert et la campagne que javais parcourue, en me félicitant davoir trouvé Jésus.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 11
Un jeudi soir de la semaine sainte, je me transportai par la pensée sur le haut du Calvaire. Là, je vis le Sauveur Jésus en croix et Marie debout au pied de la croix.
Je nai jamais vu de spectacle qui mait émue de compassion comme celui que jeus alors sous les yeux. Jaurais voulu être en croix à la place de Jésus qui souffrait pour moi; jaurais voulu consoler Marie qui venait de sacrifier son Fils pour moi.
Je mapprochai de Marie, et je vis ses yeux s'arrêter sur mes yeux. Son regard marracha des pleurs. Elle vint à moi, essuya mes larmes et me dit : « Ma fille, jai voulu vous montrer l'état dans lequel mavait mise la passion de mon Fils et vous faire comprendre tout ce qua souffert mon cur de mère.
« En ce moment sest réalisée la parole du saint vieillard Siméon, mannonçant quun glaive de douleur percerait mon âme. Javais vu mon Fils livré par un de ses disciples, conduit par une soldatesque barbare, flagellé, couronné dépines, dépouillé de ses vêtements; je le voyais à cette heure cloué sur la croix élevée entre le ciel et la terre. Ah! vous ne comprendrez jamais lexcès de mes souffrances en ce moment de la passion de mon Fils; je souffrais tout ce qu'il souffrait de la part des soldats, de ses juges, de ses bourreaux; j'étais crucifiée avec lui. Oui, mon âme et ma bouche disaient bien haut à Dieu : « Mon Dieu, que ce calice, s'il est possible, passe loin de moi! » Mais, sachant que par la mort de mon Fils le monde devait être sauvé, jajoutai : « Que votre volonté soit faite et non la mienne. »
« Combien douloureux a été pour moi le glaive de la justice de Dieu perçant le cur de mon Fils, et perçant aussi mon cur! Sera-t-il jamais douleur pareille à cette douleur? Combien les âmes rachetées au prix du sang de mon Fils mont coûté cher, ma fille; combien ce rachat ma fait souffrir! Il ne ma point coûté la vie, mais il a coûté la vie de mon Fils, et, en ce moment, la vie métait plus douloureuse que ne leût été la mort.
« Telle n'était point la volonté de Dieu; il voulait la mort de mon Fils et non ma mort, et j'ai vu mourir mon Fils, j'ai supporté, j'ai conservé ma vie avec soumission à sa sainte volonté.
« Ma fille, vous aurez beaucoup à souffrir dans votre vie; vous aurez beaucoup de tribulations à supporter : quand vous naurez plus ni force ni courage, venez dans mon cur, il vous relèvera et vous soutiendra. Venez dans mon cur, il vous donnera patience et soumission; venez dans mon cur, il vous consolera; venez dans mon cur, il guérira toutes vos blessures et vous fera croître par la patience en mérite devant mon Fils. La souffrance est le chemin du salut, le sentier qui mène à la patrie, le combat qui assure la couronne; c'est le signe de ralliement avec mon Fils, c'est le drapeau des soldats qui marchent sous ses ordres. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 12
Un jour du mois de mai, Marie me dit : « C'est avec raison, ma fille, qu'on mappelle la consolation des affligés, le refuge des pécheurs, le salut des infirmes.
« Je suis la consolation des affligés. Il est des afflictions qui souvent abattent le cur de l'homme et lui enlèvent toute sa force. Heureux ceux qui tournent leurs regards vers moi, parce qu'ils sont consolés! Pour consoler un affligé, il faut avoir été soi-même dans laffliction, parce qualors on compatit à sa douleur, et que la compassion est la clef de la consolation; il faut encore trouver en soi un objet ou une parole qui soit capable non-seulement de faire diversion avec le motif de laffliction, mais qui enlève complètement laffliction elle-même.
« Or, ma fille, toutes les afflictions ont été en moi, hormis celle du péché; et bien que celle-ci nait point été en moi personnellement, le péché des autres a été une affliction pour moi, parce qu'il offense Dieu et qu'il a fait mourir mon Fils. J'ai été exilée de ma patrie; j'ai perdu le peu que javais; j'ai vu mon Fils mourir sur la croix, et dans ce moment j'ai reçu en moi toutes les afflictions quun coeur puisse éprouver ou supporter. Je saurai donc compatir à la douleur des amis que la mort sépare, de ceux que la persécution poursuit, de ceux qui conservent secrètement leur affliction dans leur cur sans la manifester, je saurai compatir à toutes les douleurs.
« Je saurai faire disparaître l'affliction en donnant la soumission à la volonté de Dieu, en éclairant lesprit et montrant que toutes choses passent et disparaissent; que les épreuves, loin dêtre un sujet daffliction, sont au contraire un sujet de gloire et de bonheur. Puis, ma parole sera tellement douce, maternelle, affectueuse, qu'il ny aura rien de comparable à elle, et quelle calmera toute peine et toute douleur. Elle sera, comme un baume salutaire, d'une efficacité instantanée qui non-seulement guérira la plaie, mais fortifiera celui qui souffre.
« Je lui donnerai ma parole, je lui donnerai aussi mon Fils, source de toute joie et principe de tout bonheur sur la terre et dans le ciel.
« Je suis le salut des infirmes. Il y a deux sortes dinfirmités : les infirmités du corps et celles de lâme. Je guéris également les unes et les autres. Ces deux infirmités ont eu pour principe le péché de l'homme. Le péché a été la cause de toutes les infirmités corporelles ou morales. Le péché a assujetti l'homme à la mort et aux diverses maladies qui torturent son corps dans le cours de la vie; il a tristement incliné l'âme vers le mal, et ce penchant de l'âme pour le mal est ce qui sappelle linfirmité de l'âme.
« Je n'ai jamais commis le péché; jamais le péché n'a eu daccès dans mon coeur. J'ai donné, au contraire, naissance à Celui qui sappelle Saint; il est venu en moi; il sest fait chair en mon sein, et cette habitation ma accordé dimmenses prérogatives, celle, par exemple, de guérir ce que lopposé de la sainteté avait apporté dans lhomme. Jai donné au monde son Sauveur, Celui qui la racheté du péché, et jai gardé le pouvoir de guérir des suites du péché.
« Je guéris les corps infirmes. Voyez dans le monde, depuis dix-huit siècles, combien dinfirmes, désespérant du salut de leur vie, ont recouvré la santé en recourant à moi. Il n'est pas de jour où ma bonté pour les hommes nopère ainsi parmi eux des prodiges sur leur corps; mais jaime surtout à faire éclater ma puissance sur l'âme. Combien de jeunes gens et de jeunes filles, combien dhommes mûrs et avancés en âge sentent en eux linfirmité de leur âme, et linclination qui les porte au mal. Ils implorent mon secours, mon assistance, ma protection, mon appui, et, brisant cette inclination perverse, je les incline au contraire vers le bien. Au lieu de regarder la terre, ils regardent le ciel; au lieu découter Satan, ils écoutent Jésus; au lieu de prêter loreille au monde, ils la prêtent à ma voix, ils marchent dans le bien.
« Je suis le refuge des pécheurs. Les hommes avaient établi autrefois des villes où les criminels pouvaient se retirer, et lentrée de ces villes les rendait inviolables. Je suis aussi une cité de refuge. Tous les pécheurs, même les plus grands pécheurs, peuvent venir à moi. Je nen rejette aucun; je permets à tous dhabiter dans cette cité qui est moi-même.
« Là, ma fille, ils sont aussi abrités, non pas contre les hommes, mais contre Dieu; là, ils peuvent se dépouiller et ils se dépouillent complètement de leurs vices, de leurs crimes, de tout ce qu'il y a de souillé en eux. Aussi Dieu, qui ne veut pas la mort des pécheurs, mais leur vie, les respecte parce qu'ils sont sous ma protection. Sa justice ne les frappe pas; au contraire, il abaisse sur eux des regards de miséricorde, et voyant qu'ils reviennent à lui dans la sincérité de leur âme, il les aime de nouveau comme ses enfants, et les comble de bénédictions.
« Oh! venez tous à moi, vous qui êtes affligés, je vous consolerai; venez à moi, vous tous qui êtes infirmes, je vous guérirai; venez à moi, vous tous qui êtes pécheurs, je vous sanctifierai. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 13
Un autre jour du mois de mai, Marie me dit : « Ma fille, je suis la mère de tous les hommes et la porte du ciel.
« Je suis la mère de tous les hommes. La première femme qui sortit des mains de Dieu a été appelée la mère de tous les hommes; mais elle a été leur mère en les engendrant dans la mort. La première femme de la seconde création a produit un effet tout contraire : cette femme, c'est moi. Jengendre tous les hommes à la vie; ceux qui sont venus avant moi comme ceux qui sont venus après. Ma force génératrice a une étendue telle, que je puis dire en vérité que pas un na eu de vie qu'il ne lait reçue de moi. Si la première femme a recouvré la vie, après lavoir perdue, c'est à moi quelle la due. Ainsi, j'ai été la mère de la première femme elle-même. Je puis jeter les yeux sur toutes les générations passées, présentes et à venir, et dire à toutes : je vous ai donné la vie. Je ne parle pas seulement de la vie spirituelle, de la vie de l'âme, mais encore de la vie du corps. Vous allez me comprendre. Ma reconnaissez-vous la qualité de mère? Je répondis : ;Oui, Marie. De qui suis-je la mère? De Jésus-Christ. Quest-ce que Jésus-Christ? Le Fils de Dieu. Suis-je la mère du Fils de Dieu? Oui Marie. Quest-ce que le Fils de Dieu? Lorigine et la cause de toutes choses. A-t-il créé les hommes? Oui, Marie. Suis-je la mère du Fils de Dieu, créateur des hommes? Oui, Marie. Ne suis-je donc pas la mère des hommes, puisque je suis la mère de Celui qui les a créés? Oui, Marie.
« Vous comprenez donc, ma fille, comment je puis dire avec vérité que je suis la mère de tous les hommes.
« C'est moi qui ai engendré, qui ai produit le Sauveur Jésus, source, origine, et principe de la génération du monde. Je suis donc moi-même la source, lorigine, le principe de cette seconde naissance du monde. Je suis après Dieu, sous Dieu et avec Dieu, la cause efficiente de cette régénération, puisque jai produit le régénérateur. Je suis mère de Jésus, et Jésus, Fils de Dieu le Père, qui le produit de toute éternité dans son sein, est aussi mon Fils, car je lai produit dans le temps en mon sein. C'est le même Jésus, qui est Fils de Dieu et mon Fils et qui, en qualité de Fils de Dieu et de mon Fils, a régénéré le monde. Ce n'est pas seulement en tant que Fils de Dieu qu'il a régénéré, mais aussi en tant que mon Fils. Comme Fils de Dieu, il ne pouvait produire la régénération par la souffrance; mais je lui ai donné un corps, qui, uni à la divinité, a eu la puissance régénératrice qu'il a exercée sur les hommes. Or, vous le savez, ma fille, les hommes régénérés sont les fils de Dieu le Père, parce qu'ils sont frères de Jésus, et que Jésus est son Fils. Ne suis-je donc pas aussi la mère des frères de Jésus, puisque Jésus me reconnaît pour sa mère?
« Oui, je suis mère de tous les hommes; j'ai donné à tous la vie, en leur donnant lauteur de la vie qui les a retirés de la mort. Toutes les nations me proclameront bienheureuse, parce que j'ai été mère de Jésus. Moi, je me reconnais bienheureuse aussi, parce que jai été mère de tous les hommes. Je suis leur mère, et tous doivent me ressembler, et je leur ai donné lexemple pour qu'ils mimitent dans leurs pensées, dans leurs paroles, dans leurs actions; dans leurs pensées, afin que, redonnées à Dieu par la régénération, ils ne pensent plus quà lui et ne se reposent quen lui; dans leurs paroles, afin que leurs paroles ne soient que des hommages à Dieu; dans leurs actions, afin que leurs actions ne soient que lexpression de leur soumission à la volonté de Dieu.
« Je suis la mère de tous les hommes. Je leur donne à tous dans la régénération ressemblance avec moi, et je reconnaîtrai pour mes enfants ceux qui conserveront cette ressemblance; tous les autres, mon Fils les repoussera au loin, et ils ne verront jamais la figure de leur mère.
« Ma fille, je suis la porte du ciel. Ce titre ne peut et ne doit pas être séparé de celui de mère de tous les hommes.
« Quel est le but d'une porte dans une cité ou dans une habitation? Nest-ce pas dy laisser introduire, ou den laisser sortir ce qui peut tourner à l'avantage de cette habitation ou de cette cité?
« Sil en est ainsi, je suis en vérité la porte du ciel; car toutes les grâces qui sont descendues du ciel sur la terre sont passées par moi, et pas une n'a été donnée sans qu'elle soit venue de moi.
« Je suis la porte du ciel, car tous ceux qui sont entrées au ciel n'ont pu y entrer que par moi.
« Je suis la porte du ciel, car jen ferme lentrée à tout ce qui est impur et souillé.
« Je suis la porte du ciel, c'est par moi que la sagesse incréée en est sortie revêtue dune chair que je lui ai donnée pour apparaître dans le monde.
« Je suis la porte du ciel; c'est par moi que cette même sagesse, conservant la chair qu'elle avait prise en moi, est rentrée dans le ciel.
« Ma fille, c'est par moi que vous recevez toutes ces grâces que mon Fils Jésus vous accorde. Demeurez toujours unie à moi, et par moi vous viendrez au ciel remercier Jésus des grâces qu'il vous aura accordées sur la terre. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 14
Le dernier jour du mois de mai, Marie me parla ainsi : « Ma fille, je suis la sainte Vierge des vierges. Le croyez-vous? Je répondis : Oui, Marie. Comprenez-vous comment je suis sainte Vierge des vierges? Non, Marie. Savez-vous ce que cela signifie? Non, Marie. Voulez-vous que je vous lexplique? Oui, Marie, je vous écouterai avec reconnaissance.
« Supposez, ma fille, que votre roi, Père de plusieurs enfants, leur donne à tous un royaume, et qu'il conserve pourtant avec son royaume son autorité sur les rois ses enfants : quel titre pourrez-vous lui donner? Je ne sais, Marie. Ne pouvez-vous pas lappeler roi des rois qu'il a établis? Oui, Marie.
« Supposez encore qu'il soit puissant à ce point qu'il commande à tous les rois de lEurope, dont il a conquis les royaumes, et qu'il leur a laissés pourtant, pourvu qu'ils se reconnussent ses tributaires : pouvez-vous lappeler roi des rois? Oui, Marie.
« De même je suis sainte Vierge des vierges, parce que jai donné naissance à toutes les vierges et que je les surpasse toutes en mérite et en grandeur.
« Je suis la mère de toutes les vierges, car c'est moi qui, la première, ai pratiqué la virginité et me suis consacrée à Dieu comme vierge, sans avoir à ce sujet ni commandement, ni conseil, ni exemple. La virginité avant moi était un opprobre; jai enlevé cet opprobre et jai, par mon exemple, engagé depuis une multitude innombrable de vierges à la pratiquer. C'est donc mon exemple qui les a engendrées à cette vie. Je puis donc me regarder comme leur mère et me dire Vierge des vierges.
« Jai surpassé toutes les vierges en mérites et en grandeurs. Je les ai surpassées toutes par ma pureté. Jamais il n'y a eu en moi de tache originelle, jamais dans le cours de ma vie je n'ai commis le moindre péché, jamais je ne me suis rendue coupable de la moindre imperfection. Je les ai surpassées par la fécondité de ma virginité, car seule parmi les vierges j'ai été fécondée, et ma fécondité n'a point troublé ma virginité. J'ai enfanté en demeurant vierge, et le fruit de mes entrailles n'a point été un homme mais un Homme-Dieu.
« Voilà pourquoi, ma fille, je suis appelée la sainte Vierge des vierges. Suivez mon exemple, ma fille, demeurez toujours vierge dans votre esprit, je vous donnerai rang parmi les âmes les plus chères à mon Fils Jésus et à mon cur. Me promettez-vous de toujours garder la virginité? Je lui répondis : avec la grâce de Dieu et votre secours, ô Marie, je le promets. »
Le mois consacré à Marie allait finir. Elle me donna sa bénédiction, me recommanda à Jésus et je la remerciai.
LIVRE TROISIÈME, chapitre 15
Le mois de mai était terminé; les fidèles ne se réunissaient plus autour de lautel de Marie chaque soir à la fin de la journée. Cet autel était néanmoins plein dattraits pour moi, et jamais je nai quitté léglise sans avoir fait une prière devant limage de Marie. Je demeurais longtemps si mes occupations me le permettaient; je me contentais dun Ave Maria quand j'étais pressée. Marie ne venait pas toujours à moi dune manière sensible, mais toujours elle faisait éprouver à mon âme certaine impression de bonheur, de paix et de tranquillité que je sens, mais que je ne puis exprimer.
Elle me dit un jour : « Ma fille, vous savez combien grande est ma dignité, puisquau titre de Vierge je joins celui de Mère de Dieu. Ces faveurs si grandes, je ne les ai point méritées. Je les ai reçues par la pure bonté de Dieu. Aussi, alors même que je me sentais accablée par les grandeurs que Dieu déposait en moi, je conservais toujours le souvenir et la pensée de mon néant. Cette pensée me donnait de la force pour accomplir tout ce que Dieu demandait de moi, et cette force se soutenait par lamour qui était dans mon âme.
« Ma fille, si vous voulez m'être agréable, imitez mon humilité, mon courage et ma charité.
« Imitez mon humilité. Dieu mavait donné des privilèges bien précieux, entre tous celui de conserver ma virginité par un miracle de sa grâce en devenant mère de Dieu. Je ne me laissai point éblouir par ce merveilleux privilège ni aller à la vaine complaisance envers moi-même. Je me rappelai, au contraire, que je tenais tout de Dieu, et que plus il mavait donné, plus je lui devais de reconnaissance et de soumission. Vous êtes honorée, vous aussi, ma fille, de grâces toutes spéciales. Bien loin de vous en enorgueillir, reconnaissez que vous tenez tout de la bonté de Dieu, que vous devez tout lui rapporter, qu'il pourrait vous enlever tout ce qu'il a mis en vous, et que vous nauriez point le droit de vous plaindre ni de laccuser dinjustice. Linjustice serait de vous attribuer ce qu'il vous a donné.
« Imitez mon courage. Ma fille, mes épreuves ont égalé la grandeur des grâces que Dieu a mises en moi. Il mavait rendue mère de Dieu, son Fils; il mavait donné pour lui une tendresse de mère : mon Fils, c'était ma grandeur; mon Fils, c'était ma richesse; mon Fils, c'était mon tout. Or, depuis le commencement de la vie de Jésus, je savais que je devais le perdre un jour, je savais qu'il devait être livré aux mains de ses ennemis et crucifié comme un criminel, je savais qu'il devait mourir au milieu des plus affreux tourments. La pensée de la passion de mon Fils était toujours présente à mon esprit. Quand je caressais son front, je pensais qu'un jour il serait couronné dépines; quand je regardais ses mains et ses pieds, je pensais quun jour ils seraient percés de clous; quand je sentais battre son cur, je pensais à la lance du soldat romain. Je le voyais en croix, en proie aux plus vives douleurs, abreuvé de fiel et de vinaigre, insulté et tourné en dérision par le peuple, et, dans cet état, remettre son esprit entre les mains de Dieu son Père. Mon cur de mère était toujours percé par un glaive de douleur à la pensée de ces souffrances de mon Fils. Néanmoins, je ne me laissai pas abattre. Je savais que telle était la volonté de Dieu, que telle était la volonté de mon Fils; junissais ma volonté à leur volonté, et je demeurais ferme et pleine de courage dans ce martyre quotidien de mon amour maternel.
« Quel que soit le sacrifice que Dieu demandera de vous, quelque pénible qu'il puisse être pour votre corps, pour votre cur ou pour votre esprit, faites-le avec courage, en pensant qu'il pourrait vous demander plus encore et que vous ne sauriez jamais lui donner assez.
« Imitez ma charité. Mon amour pour Dieu saccroissait chaque jour pendant que j'étais sur la terre, et chaque jour je faisais de nouveaux efforts pour laugmenter davantage.
« Mon amour pour les hommes a été si grand, que jai sacrifié pour eux ce que j'avais de plus cher, mon Fils Jésus.
« Aimez Dieu toujours de plus en plus, aimez votre prochain comme vous-même, et faites tout ce qui dépendra de vous pour être agréable à votre Dieu et à votre prochain.
« Si vous mimitez ainsi, je vous donnerai ma protection et mon amour. »
LIVRE TROISIÈME, chapitre 16
Je me présentai un jour, selon ma coutume, à Jésus pour recevoir ses instructions. Il demeura sans parole. Jattendis avec patience et soumission à sa volonté, mais inutilement. Je me sentis alors attirée vers lautel de Marie. Elle me dit : « Ma fille, vous nentendrez pas aujourdhui la voix de Jésus, mais vous entendrez celle de sa Mère. Jai, ma fille, deux recommandations à vous faire.
« La première, c'est dêtre toujours fidèlement soumise à la volonté de mon Fils. Faites tout ce qu'il vous dira, et soyez persuadée que l'accomplissement de sa volonté tournera à votre avantage et à la gloire de Dieu. Écoutez sa parole avec attention, conservez-la fidèlement dans voter cur comme je le faisais quand jétais sur la terre. Voyez quelle disproportion il existe entre vous et lui pour la perfection de vos pensées, de vos sentiments et de vos actes. Cherchez à vous rapprocher de lui le plus possible, à limiter, à le copier, à vous transformer en lui. Vous natteindrez jamais sa perfection, parce qu'il est Dieu et que vous êtes créature; mais vous devez tâcher de vous élever aussi haut qu'il voudra vous le permettre.
« La seconde recommandation que j'ai à vous faire, ma fille, c'est de vous rappeler toujours que je suis votre mère, que jai pour vous un amour véritablement maternel. Soyez à mon égard pleine de confiance. Venez à moi dans vos besoins, dans vos nécessités, dans vos peines, dans vos afflictions, dans toutes vos épreuves; venez à moi et jaccourrai vers vous. Vous savez, ma fille, que je ne me fais pas longtemps attendre, que je ne demande pas de longues prières, qu'un seul mot parti du coeur me suffit. Venez à moi, comme un enfant, avec simplicité, candeur, confiance; traitez-moi comme votre mère, je vous traiterai comme ma fille; aimez-moi comme votre mère, je vous aimerai comme mon enfant. Ne mappelez désormais que votre mère, je ne vous appellerai que ma fille; donnez-moi tout ce qui vous appartient, je vous donnerai tous mes trésors du ciel.
« Soyez soumise à mon Fils, ayez confiance en moi et vous marcherez sûrement dans la perfection. Ma fille, je vous aime et vous bénis, allez en paix. »
Gloire à Jésus pour toujours au saint sacrement de lautel. Amen.