Madame DUCARRE

     Après de cruelles et très longues souffrances, qu'elle supporta avec résignation, les considérant comme une purification, un être de lumière vient de nous quitter : Mme D. (Mme Ducarre) est décédée le 29 Octobre.

     Sage-femme et diplômée de médecine, s'étant faite elle-même par des études poursuivies, alors qu'elle était déjà mère de famille, elle exerça sa profession avec l'ardeur et le dévouement qui étaient le fond même de son caractère. Atteinte jeune encore d'une pénible surdité, elle se consacra dès lors à un cabinet de consultations où, jusqu'à ses dernières semaines, elle prodigua les soins et les conseils à des malades qui l'aimaient parce que, en plus des avis médicaux éclairés, elles puisaient le réconfort moral dans le rayonnement de son âme et de son intense charité. Que de fois, au cours des quasi-hebdomadaires visites que je lui ai faites pendant des années, elle s'est écriée : « Ah mon ami ! Que de souffrances physiques, que de détresses morales ! ». Un voile de tristesse passait alors sur son noble et doux visage tout irradié de bonté et l'on sentait que toutes ces douleurs, toutes ces angoisses, elle les éprouvait et les vivait comme si elles avaient été les siennes. Une telle disposition attirait en elle les intuitions providentielles, elle pansait les corps et les âmes, soulageant toujours, guérissant souvent.

     Vers 1900, son esprit insatisfait et curieux, l'amena à étudier ce que l'on a appelé de ce terme impropre et surtout équivoque : les sciences occultes. C'est alors qu'elle découvrit Éliphas Lévi, évocateur fougueux et poétique des Mystères, pour lequel elle garda toujours une reconnaissance spéciale, et dont elle relut les oeuvres les dernières années de sa vie, heureuse de revivre ses premières émotions devant la grande Énigme, soudain apparue dans le champ de sa conscience.

     Quelques années plus tard, elle rencontra le Dr Marc Haven (Dr E. Lalande). Ce fut pour elle, - comme pour tant d'autres -, l'heure décisive. Son âme s'éveilla définitivement à la Lumière, à la vraie, à celle de Jésus-Christ, à cette Voie royale dont le manuel est l'Écriture, les « entraînements » : le port de la croix, le prosélytisme : l'exemple et la charité, le palladium : la méditation et la prière.

     Le Dr Marc Haven ne cessa pas, jusqu'à sa mort survenue en 1926, d'être son guide et son confident. Elle lui voua une affection et une vénération sans bornes qui devinrent le pivot d'une vie partagée entre le soin des malades, l'étude et la famille, - car elle fut mère, grand-mère, et même arrière grand-mère, incomparable.

     Bien que, fidèle à l'enseignement de son maître elle donnât le premier rang à la réalisation et à l'action et qu'elle sût que le seul moyen certain de contribuer à la régénération de cette humanité, (dont de par son grand coeur, elle entendait retentir en elle les souffrances, et les aspirations, confuses), c'était de se régénérer, soi-même et de se donner sans relâche à ce grand-oeuvre, elle s'efforça aussi d'exprimer sa compréhension des choses de l'esprit et de recueillir le miel qu'elle avait amassé au cours de ses propres lectures, en écrivant dans cette Revue de nombreux articles. Elle les réunit en des plaquettes qui s'intitulèrent : « Le Remède universel » (1929), « Quelques bribes de l'éternelle science » (1929), « La Loi universelle » (1933), « La Genèse universelle » (1934) et enfin « Le Chemin du Retour », au début de cette année même.

     Le titre de cette dernière brochure était prophétique : le terme du voyage approchait et son âme allait bientôt se réintégrer dans cette Unité à laquelle elle aspirait de toutes ses forces.

     Saluons cette vie qui, déjà si remplie du point de vue simplement humain, fut encore transfigurée par l'esprit d'Amour. Elle restera pour ceux qui eurent le bonheur d'être les amis de Mme Ducarre, un exemple inoubliable et dont le souvenir sera en eux une lumière dans leurs épreuves quotidiennes. Puissent leurs coeurs devenir dignes d'être unis au sien, dans cette Communauté de la lumière que forment les êtres de désir qu'un jour blessa, pour jamais, l'Amour

31-10-1936 . PAULSERVANT.